chapitre 15



Installé dans son fauteuil en cuir, il le fit tourner sur son axe, laissant échapper un grincement aigre. Il jeta un regard furtif autour de lui. Personne. Un soupir profond s'échappa de ses lèvres, et il avala sa salive avec difficulté, comme si elle avait pris la consistance de la terre.

Il sortit le morceau de papier, encore collé de ce sang visqueux qui le faisait frissonner de dégoût. Lentement, il le déplia. À mesure que les plis cédaient, une image jaillissait dans son esprit : le visage triste de la boulangère.

Elle lui avait demandé, presque supplié, d'enquêter sur la disparition d'Hamlet. Et lui, rongé par son indolence et son penchant pour l'étrange, avait traîné. Et si... Si seulement il s'était bougé plus tôt ? Peut-être aurait-il pu éviter toute cette tragédie. Peut-être.

Le shérif baissa la tête, mordant ses lèvres au point de les faire saigner. Une larme solitaire glissa le long de son cou, gonflant les veines qui pulsaient sous sa peau. Puis, il reprit ses esprits et se concentra sur le papier. Enfin ouvert, il lut avec une lenteur presque cérémoniale les mots transcrits d'une main tremblante au stylo violet :

"Pauvre personne qui découvrira ces mots. Sachez qu'ils ne sont pas chaleureux à lire...

Depuis qu'Hamlet a quitté ce monde, mes oreilles ont entendu l'écho du vide, mes yeux ont vu l'absence, et mon esprit a libéré un second être. Un être noir. Un monstre noir. Une âme brisée qui a réclamé sa liberté.

Sans Hamlet, je n'étais plus rien. Je ne mangeais plus. Je ne vivais plus. Mon univers, déjà gris, s'est effondré dans une obscurité totale, sans même l'ombre d'un espoir. Hamlet m'avait recueillie à mes 16 ans, et aujourd'hui, à mes 21 ans éternels, je lui rends ce qu'il m'a offert : une jeunesse sans fin.

Merci, Hamlet, pour tout. J'espère cette fois te plaire, même en enfer, avec mes traits adoucis par la mort.

Je suis née chez toi. Je me libère près de toi."

Les mots glissèrent dans l'esprit du shérif comme des lames aiguisées. Il resta un moment immobile, le papier tremblant dans ses mains. Puis, soudain, son corps céda sous le poids de la révélation.

Il tomba de sa chaise, s'effondrant au sol dans une position fœtale. Ses bras se replièrent sur lui-même, et il se balança légèrement, comme pour contenir l'explosion de terreur et de culpabilité qui montait en lui.

L'image de Marianne, de son visage meurtri, de ses lèvres cousues, s'incrustait dans son esprit. Et maintenant, ces mots. Ces terribles mots.

Un meurtre, peut-être. Un suicide, sûrement. Mais plus que cela, une tragédie dont il était à la fois le témoin et, d'une certaine manière, le complice par son inaction.

Le shérif ferma les yeux, mais les ténèbres qui l'entouraient n'étaient rien comparées à celles qui l'envahissaient de l'intérieur.

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