Chapitre 1 : Myst-air (3)
— Je me fous de ta particule de je ne sais quelle lettre, et je me fous pas mal de mes ancêtres aussi, surtout s'ils sont côté paternel, alors là, oublie-moi tout de suite. Ah ! Et vu que t'as pu monter sur ce toit en un clin d'œil, par je ne sais quel miracle puisque t'es pas décidé à t'expliquer, tu vas en redescendre aussi tout seul comme un grand ! Bonne nuit !
Je glisse dans ma chambre et m'apprête à claper le battant, quand quelque chose s'y oppose, on dirait qu'un truc bloque au niveau de l'encadrement. J'arrive enfin à fermer la fenêtre, mais une voix retentit derrière moi.
— Attends, tu peux pas me dire ça et te tailler comme une voleuse.
Je pivote dans un nouveau cri d'effroi qui meurt sous sa paume. C'est à son tour de m'empêcher de l'ouvrir.
— Ah non, ça suffit, ces cris, chuchote-t-il. Si ta mère n'en sait pas plus que toi, ça ne m'aidera pas que tu la réveilles. J'ai une mission et elle te concerne, alors s'il te plait, laisse-moi au moins clarifier les choses avec toi.
Mais je suis submergée par l'émotion jusqu'à la noyade, un mélange de peur et de colère m'envahit en le voyant ainsi dans ma pièce intime sans autorisation. J'en ai du mal à prononcer mes mots !
— Franchement, chevroté-je, tu trouves que c'est le lieu approprié pour ça ? Tu t'es... introduit... de force... dans ma chambre... ESPÈCE DE PERVERS !
Je voudrais le refrapper, mais il s'évanouit avant. Et quand je dis « s'évanouir », je ne parle pas de syncope, il s'est vraiment volatilisé. J'ai cru voir comme une partie de son corps s'entourer d'une poudre fine et, en l'espace d'une seconde, il n'était plus visible. Je me mets à trembler, les poings serrés prêts à partir pour me défendre, mais contre quoi ? Où est-il ? Comment puis-je vaincre un homme qu'on ne voit pas tout le temps ? S'il est seulement un homme.
— Désolé, Léo, j'ai pas trop le choix de faire ça, tu es vraiment trop impulsive.
La voix semble venir de tous les côtés à la fois autour de moi et je ne sais pas où regarder. Elle grésille comme dans un micro un peu saturé. Mon souffle devient erratique, l'angoisse monte et je tourne le cou dans tous les sens sans le trouver. Mes tremblements vont finir par provoquer des larmes inutiles dans mes yeux, tant c'est un cauchemar.
— Pourquoi tu t'acharnes comme ça contre moi, je t'ai rien fait, putain ! Laisse-moi vivre ma vie tranquille !
— Ta vie ? Tu parles de tes heures à soupirer sur ton banc d'école, de tes harceleurs sur roues réglés comme une horloge sur ton retour des classes, de tes temps de midi passés dans un coin de la cafét' à tirer la gueule, c'est ça que t'appelles vivre ?
— Tu... tu m'espionnes, pas vrai ? chevroté-je malgré ma tête haute. Com-combien de temps ?
— Moi, quelques jours. Mais ça fait longtemps que nos décideurs t'observent.
Décideurs ? Est-ce une organisation ? Ces histoires d'ancêtres, c'est quoi, une mafia galactique ?
— Pour ton info, je ne viens pas de l'espace. Certains en ont fait la théorie, mais c'est scientifiquement irrecevable, nous avons la même base de développement que les humains classiques, on a juste... suivi un autre courant à un moment donné. À vrai dire, on peut vivre parmi eux sans aucun problème. Comme ton père l'a fait.
— Je ne veux rien savoir de mon géniteur, grogné-je.
Des éclairs me couvrent les tripes, rien que d'y songer, toute la colère de mes années solitaires rejaillit du fond d'entre elles. La voix de Kaï se fait moins présente. Elle est soufflée avec une certaine tristesse, j'ai l'impression que c'est l'air lui-même qui parle, tant rien ne s'en élève.
— Ça, je l'ai compris. Et je ne vois pas pourquoi. A vrai dire, je suis vraiment surpris que tu ne saches rien de lui à ce point.
— Ce n'est pas ce que j'ai dit !
— Mais c'est le cas. Sinon, tu ne réagirais pas comme ça. Ou alors, j'aurais vraiment un monstre sous les yeux tout le long de ma mission. Et j'ai du mal à le croire.
Sa réponse me désarçonne. J'ai envie de lui demander ce qu'il veut dire par là, mais ça signifierait mettre à nu mes sentiments d'injustice et mon dépit insatiable envers cet homme qui nous a abandonnées, ma mère et moi. Je ne crois pas que je sois prête à creuser la question. Un mystère à la fois.
— Ta mission consiste en quoi ?
— Ma mission, c'est toi. Je veux bien t'expliquer le programme en m'asseyant sagement, si tu me promets de ne pas être violente avec moi.
Je vais bien devoir m'y plier pour obtenir des éclaircissements, alors je grommelle mon accord et il réapparait sur mon lit. J'essaye d'analyser comment il revient, ce n'est pas clair, on dirait qu'il se dessine petit à petit sous un nuage de... je ne sais pas, d'un truc un peu grouillant. C'est une poussière qui se déplace sans souffle. Tout va trop vite, il se reforme rapidement, trop pour que je perçoive le détail de sa transformation. Je constate le retour de son visage. Il se risque de nouveau à me sourire, même si la prudence tend ses traits et je m'en réjouis. Magique ou pas, terrien ou pas, je le tiens en respect, assez pour qu'il ne fasse pas de geste inapproprié sur mon lit sans s'imaginer le revers qu'il se ramasserait. Alors, j'accepte de m'assoir doucement à côté de lui, à une distance raisonnable. J'essaye de gommer un peu ses bizarreries pour me détendre et plonge dans son joli regard.
— Crache le morceau. Qu'est-ce que tu me veux ?
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