Chapitre 43


L'endroit était bruyant, à deux tables de là des jeunes de dix-sept ans s'asseyaient devant leurs milk-shakes. Plus loin, un couple silencieux observait la table en bois, vivant visiblement leur dernier moment de complicité. Stiles, lui, faisait rouler son mug de chocolat chaud entre ses mains. Ses yeux ne quittaient pas la porte d'entrée, il attendait patiemment son ex-coéquipier. Ils avaient rendez-vous à quinze heures après la garde de Flynn mais Stiles était arrivé avec quelques minutes d'avance, pour repérer les lieux.

À travers les vitres du café, le jeune homme aperçut une voiture bleue foncée se garer sur le trottoir d'en face. Il sourit en coin, son père et Jordan avaient tenté de le dissuader sous le regard approbateur de Derek. Au bout d'une longue discussion, ils avaient abdiqué mais se tenaient prêts à intervenir. Scott avait été le seul à le suivre directement après l'explication de son plan, il lui portait une confiance aveugle, au désespoir de Derek qui comptait sur lui pour freiner les ardeurs de son fiancé. Ce soutien sans faille, dont jouissait Stiles, lui permettait de relativiser quant à son stress latent. Aussi, lorsque la sonnette retentit et que le visage de Flynn apparut devant lui, un calme incompréhensible l’envahit. Flynn commanda un café noir auprès de la serveuse avant de reporter son attention sur le jeune homme.

– Bonjour Stiles, sourit poliment son ex-coéquipier.

Un relent de dégoût remonta dans la gorge de Stiles. Il savait pertinemment que chaque parole aimable pouvait cacher une tentative habile de manipulation. Il soupira et un rictus crispé au visage, il le salua à son tour avec sa tête.

– Tu as plutôt bonne mine Stiles, remarqua Flynn. Mais tu as maigri.

– Merci. Toi aussi, ça a l'air d'aller.

– Je suis content que tu aies accepté qu'on se rencontre, même si j'aurais préféré quelque chose de plus intimiste.

– Tu comprendras que je garde une certaine méfiance à ton égard.

– Je sais… Je ne voulais pas que ça finisse comme ça.

– Tu m'as menti pendant des mois juste pour atteindre les gens qui me sont chers. Tu pensais que ça allait se terminer comment ? Une tape dans le dos et on oublie tout ?

– Stiles… C'est vrai qu'au début je jouais un rôle mais après, tu m'as fait changer ! Tu es mon coéquipier, je tiens à toi.

– Ah ? Vraiment ? Et qui me dit que tu ne te moques pas de moi maintenant aussi ?

– Réfléchis. Je ne serais pas venu dans cet endroit seul alors que le shérif et que deux alphas ne sont pas très loin.

Ils furent interrompus par la femme qui déposa délicatement la tasse devant Flynn, il la gratifia d'un demi-sourire. Stiles l'observait attentivement, il ne manquait aucune mimique, aucun mouvement corporel, il décortiquait toutes ses réactions à la loupe. Il pouvait alors analyser chacune de ses émotions. Flynn ne le trompait pas lorsqu'il montrait son affection, cela lui serait sans aucun doute utile.

– Aucun de nous ne te fait confiance.

– Et pourtant, toi, tu es là.

– Je… J'ai déjà vu des gens changer.

– Tu crois en moi.

L'arrogance de Flynn réapparut un millième de seconde, un rictus rapidement remplacé par un soulagement manifeste. Stiles resta muet, il tourna machinalement sa cuillère dans sa tasse. La traînée foncée qu'elle laissait derrière elle était hypnotisante. Il aimait dessiner des formes abstraites avec, cela lui permettait de se recentrer. Enfin, il releva ses iris noisette qui brillaient d'une détermination sans faille.

– P't'être bien, murmura-t-il.

– Pour te prouver ma bonne foi, j'ai deux informations pour toi. Déjà, ceux qu'on a récupérés vivants cette nuit-là le sont toujours… Et ne se font pas torturer. J'y tiens personnellement.

– Hm. Et l'autre ?

– Je savais que tu ne résisterais pas à la curiosité.

Un sourire victorieux sur le visage, Flynn se pencha en avant, plaça sa main sur le coin de ses lèvres comme s'il s'apprêtait à dévoiler un secret particulièrement important. Il inspira avant de reprendre tout bas :

– Je sais qui a vandalisé le garage de Derek Hale.

Le jeune homme écarquilla les yeux en manquant de s'étouffer, il jura intérieurement. Un des mystères qu'il n'avait pas réussi à résoudre, l'enquête s'était tarie avec le temps et cet incident avait disparu des mémoires. Mais voilà que son équipier, ex-équipier, se trouvait prêt à lui apporter la réponse sur un plateau d'argent. S'il s'était préparé mentalement à affronter plusieurs scénarios, lui n'en faisait clairement pas partie et changeait la donne. Son égo passait après la justice.

– Comment tu peux le savoir ? se méfia-t-il.

– Ça t'intéresse ou pas ?

– Oui, avoua Stiles en baissant la tête.

– Je suis ravi de pouvoir t'aider.

– Tu veux quoi en échange ?

– Haha, rien. En souvenir du bon vieux temps.

– Parle pour toi.

– Ta répartie m'a manqué Stiliscoincé… Tu es bien assis ? Bien… La personne qui est responsable de ça, c'est Dono.

– Dono… Donovan ?

– Ouais.

– Impossible. Il n'est pas assez intelligent. Nous n'avons relevé aucun indice, rien à se mettre sous la dent. Lui aurait laissé son odeur, ses empreintes. Il se serait vanté de sa connerie comme un coq qui fanfaronne devant sa basse-cour. Non non, ça ne tient pas debout… À moins que… Tu n'as pas répondu à ma question Flynn, comment l'as-tu su ?

– Toujours aussi perspicace hein.

L'ex-coéquipier de Stiles se gratta la nuque, les sourcils relevés en susurrant un « pardon » à peine audible. Une colère indescriptible s'empara du jeune homme, cette histoire l'avait dévasté moralement, mettant en danger son couple. Il avait ressassé cet événement des mois durant alors que la solution était sous son nez. Il fulminait en regardant sa cuillère bouger frénétiquement dans son chocolat, ses mouvements ne l'apaisaient plus. Il mourrait d'envie d’étaler son poing sur le visage prétentieux de son collègue.

– Pourquoi, grinça-t-il des dents. Pourquoi tu as fait ça à Derek ? Pourquoi tu m'as fait ça ?

– Je… C'était le moment où je devais, tu sais… Avoir ta confiance et t'éloigner de tes proches… Tu étais celui qui représentait le plus de menace parce que tu es le plus malin de la bande. Je… Je n'ai fait qu'assurer ses arrières. Je… N'ai aucune excuse mais je devais te le dire, pour aplanir les choses entre nous.

– Effectivement. Aucune excuse. Tu es un être abjecte. Et le soir où tu m'as retrouvé errant dans les rues de Beacon Hills, ça faisait aussi partie de ton plan de taré ? Tu me dégoûtes.

– Non… Ça c'était… Sincère, je n'ai pas aimé te voir dans cet état. C'est à ce moment que j'ai réalisé que tu comptais pour moi. Je veux dire, vraiment.

Stiles rigola nerveusement, il croisa les bras sur son torse et regarda avec mépris l'homme devant lui. Lui, baissait la tête, le poids de la culpabilité se lisait sur ses traits.

– Écoute bien ce que je vais te dire, articula Stiles. Je. Te. Déteste. Si. Fort.

– Stiles…

– Non, c'est toi qui va m'écouter maintenant. TU es le seul responsable de cette situation. TU m'as fait du mal. TU as voulu tuer tous ceux en qui je tiens pour ta petite carrière de chasseur pathétique. Je vais te dire une chose, le seul chasseur en qui j'avais confiance s'appelait Chris Argent. Aujourd'hui, il est mort et je suis celui qui va le remplacer, avec l'aide de mes amis loup-garous. On va veiller sur cette ville, avant que toi et ta bande de psychopathes vous vous en mêliez, on y arrivait très bien.

– Stiles…

– Quoi ? Tu voudrais que je te pardonne ? Que je dise  « c'était avant mais après tu es devenu un super ami alors tout va bien.  » ? Ça n'arrivera pas.

– Je… Je ne savais pas. J'ai été conditionné à être un tueur sans remords depuis tout petit. Je reproduisais ce qu'on m'a appris. Je ne savais pas qu'il y avait une autre voie. Stiles, tu es mon ami le plus proche… Mon seul véritable ami.

– Non. Les amis ne font pas ça. Les amis ne se manipulent pas. Les amis ne se réjouissent pas de se voir souffrir.

– Oui…

– Je ne suis qu'un pion sur ton échiquier de taré.

– Avant oui. Maintenant, c'est différent.

– Va te faire voir.

– Je veux changer. Laisse moi une chance.

– Tu en as eu beaucoup. Je ne peux pas te faire devenir bon.

– S'il te plaît.

– Tu sais quoi ? Dénonce-toi auprès de mon père et n'oublie pas Donovan. Explique-lui tout. Dégagez de cette ville, toi et ta putain de famille. Et là, seulement là, je réfléchirais à la question. Impossible hein ? Oui parce que ta démarche n'a rien de sincère. Tu…

– OK. Ce soir, je raconte tout et dans dix jours, on s'efface de cette ville.

– Quoi ?

– Je te l'ai dit. Je veux changer.

– Je ne te crois pas une seconde. En fait, tu sais ton plan ? Tu peux te le mettre dans le cul, Derek et moi, on va se marier.

Stiles se leva sans rien ajouter de plus, ça ne s'était pas déroulé comme prévu mais le résultat était là, ils étaient débarrassés d'eux. Malheureusement, son énervement l'empêchait de profiter de sa victoire. Il tremblait de rage, pestant contre ses futurs anciens collègues. Sa respiration haletante le pressait de partir d'ici. Il passa la porte vitrée du café et le soleil l'aveugla momentanément. Il papillota des yeux en inspirant profondément l'air frais qui s'offrait à lui. C'était terminé, ils ne vivraient plus sous la menace d'une famille de chasseurs sans merci. Comprenant que rien ne ferait changer Stiles d'avis pour l'instant, Flynn le laissa partir en sirotant sa boisson chaude.

Libéré d'un poids, le jeune homme eut à peine le temps d'avancer de quelques pas avant que deux silhouettes ne lui tombent dessus. Derek, le visage impassible et les mains fourrées dans les poches, fixait dangereusement l'intérieur du bâtiment. Scott, plus démonstratif, l'enlaça d'un air désolé.

– Tu as été extraordinaire Stiles, remarqua-t-il tout bas.

– Mmh on va voir s'il tient parole.

– Il n'aura pas le choix, grogna Derek.

Stiles chercha à capter le regard gris tant désiré mais, ce dernier semblait le fuir. Peu étonnant au vu de ce qu'ils venaient d'apprendre. Même lui, se détestait presqu'autant que Flynn. Scott se recula pour leur laisser un peu d'intimité, il fut vite rejoint par Noah et Jordan et leur expliqua l'entrevue.

Derek, perdu dans ses pensées, ne réagit pas quand son fiancé se rapprocha pour lui faire face. Stiles pouvait maintenant sentir toute l'animosité qu'il ressentait. L'aura du lycan paraissait s'agrandir au fil des secondes devenant de plus en plus menaçante. Persuadé d’en être l'origine, Stiles hésitait à prendre la parole. Il se pinça la lèvre inférieure, il s'était promis de ne plus jamais reculer devant ses émotions alors il rassembla tout son courage et se lança :

– C'est ma faute si…

Enfin, les iris clairs se posèrent sur lui. Sévères, ils engloutirent les dernières onces de bravoure qui lui restaient. Il déglutit en attendant sa sentence. Ils se dévisagèrent pendant un instant semblable à une éternité, durant laquelle ils se murèrent dans un silence destructeur. Stiles n'osa pas le briser, craignant de déclencher la colère de son compagnon. Mais, contre toute attente, les bras protecteurs de Derek entourèrent le corps frêle de Stiles pour le serrer contre lui. L'étreinte, si tendre soit-elle, coupa le souffle de Stiles de par sa force. Le nez du lycan se blottit contre son cou pour renifler son odeur.

– J’imagine que tu as tout entendu, murmura Stiles.

– Je me contrôle comme je peux. Mais, si je le croise, je risque de ne pas pouvoir me retenir.

– Désolé pour ton garage.

– Rien à faire. Ce qui compte c'est toi.

Malgré lui, un sourire naquit sur le visage de Stiles, il soupira de soulagement et sa culpabilité s'apaisa instantanément. Il poussa sur ses bras pour se décoller du torse de son amant et connecter leurs yeux. Ceux de Derek transmettait toute sa tendresse, sa rage s'était dissoute dès qu'il avait retrouvé les bras de Stiles. Hélas, ce calme ne dura qu'un court laps de temps, à quelques mètres d'eux, Flynn sortait du café. Derek se figea, ses muscles se contractèrent et sa mâchoire se serra. N'importe qui pouvait capter sa férocité qu'il peinait à dissimuler. Le sang de Stiles se glaça, il se tenait immobile sentant qu'un drame se profilait à l'horizon.

– Fallait que tu sortes maintenant, remarqua le jeune homme.

– Oh… Comment voulais-tu que je sache que vous étiez dehors ?

– Tu l'as vu, maintenant dégage, gronda Derek.

– Je parlais à Stiles.

– Prononce encore une fois son nom et…

Perdant contenance, le lycan s'avança redoutablement du chasseur pour lui faire face. Ils se toisèrent mutuellement du regard, à celui qui craquera en premier.

– Et quoi ? rétorqua Flynn sèchement.

– Je te montrerai la puissance d'un alpha.

– C'est pour ça que vous êtes dangereux, incapable de gérer votre agressivité.

– Dis-le à toutes les vies innocentes que tu as prises pour compléter ton tableau de chasse.

– Tu ne me connais pas.

– Ce que j'ai vu me suffit.

– Tu ne fais qu'aboyer comme un chien enragé. Tu sais le sort qu'on…

Scott, Noah et Jordan se précipitèrent auprès d’eux, prêts à intervenir en cas de débordement. Flynn se détourna une seconde des yeux assassins de Derek, il croisa ceux angoissés de Stiles. Il déglutit, baissa la tête et se la gratta.

– Désolé, souffla-t-il ensuite. Je n'ai pas été correct avec vous, loin de là. Je vais essayer de… Non, je vais devenir quelqu’un de meilleur. Je l’ai promis à Stiles… Autant commencer maintenant, Shérif, il faut que je vous parle.

Noah acquiesça et, avec son adjoint, ils l’escortèrent au poste de police. Stiles les regarda s’éloigner, une pointe d’appréhension au cœur. Il espérait que Flynn ne le décevrait plus, pas qu’il souhaitait redorer leur relation mais, avec lui dans leur camp, ils échapperaient au courroux de la famille Akon. Avantage non négligeable pour rester en vie. Derek croisa les bras sur son torse, le visage tourné vers la rue d’en face. Visiblement, il n’était pas en accord avec la décision prise. Auparavant, il serait parti sans ajouter un mot et aurait disparu plusieurs jours. Heureusement, rien de tout cela n’était d’actualité aujourd’hui.

– Alors, tu as pris la décision de prendre le flambeau de Chris ? demanda Scott en rompant le silence.

– J’ai parlé sans réfléchir, ricana Stiles. Comme d’habitude… C’est ce qu’il voulait, il me l’a dit dans son enregistrement. Je ne sais pas si je serais à sa hauteur mais, je me dis que si la rumeur se répand qu’il y a déjà un chasseur à Beacon Hills, on nous laissera tranquille.

– Tu seras parfait, je suis fier de collaborer avec toi.

Scott se planta devant lui, son sourire bienveillant aux lèvres et la main tendue devant lui. Stiles rit nerveusement, lança un « t’es con » mais serra la paume de son frère en tremblant.

– Je suis désolé de te demander ça maintenant, seulement, c’est important, marmonna l'apha. La gamine attend toujours après toi et son état m’inquiète. Elle mange à peine.

– Je vais y aller.

– Je t’accompagne, intervint enfin Derek.

– Tu es sûr ? s’enquit Stiles.

– Je ne te quitte pas de la semaine et puis, ça m’intrigue aussi.

Ils rejoignirent leurs véhicules respectifs, Scott sur sa moto et les deux fiancés dans la voiture familiale de Derek. La conduite de ce dernier était plutôt nerveuse, il flirtait avec la limitation de vitesse s'en approchant dangereusement. Stiles demeurait muet, il se perdait dans le décor coloré qu’offrait Beacon Hills. Malgré la mauvaise humeur de son amant, il se sentait plus léger. Il allait enfin finaliser cette histoire et se remettre entièrement. Il s’autorisa même à sourire en repensant à la mine boudeuse de Derek. Le lycan avait, sans aucun doute, un sale caractère mais il restait profondément bon. Voilà qu’il tombait encore éperdument amoureux de cette mine renfrognée. Il ne put s’empêcher de rigoler.

– Qu’est ce qui te fait rire ?

– Rien… Je t’aime c’est tout.

Les traits du lycan se détendirent, une douce couleur rosée habilla ses joues. Il freina devant un embouteillage avant de répondre :

– Moi aussi.

– Je suis fier de toi, tu ne l’as pas égorgé.

– Il le mériterait pourtant.

– Tu n’as pas tort.

– Pour une fois, grimaça Derek.

Après un énorme silence, ils partagèrent un fou rire. Par le passé, le lycan n’avait pas été des plus perspicaces sur les intentions des personnes qui l’entouraient. Le jeune homme s’était montré plus chanceux. Après avoir repris contenance, ils discutèrent du mariage, du moins, Stiles parlait et Derek écoutait. Il divaguait sur le nombre d'invités, sur la façon dont se déroulerait la cérémonie et sur le lieu. Ainsi, le temps leur sembla court jusqu’à ce que la moto de Scott se gare près d’un bâtiment en pierre. Le lycan l’imita et les deux amants quittèrent leur véhicule.

– Tu es prêt Stiles ? s’inquiéta son frère.

– Si je te dis oui, tu me crois ?

– Non.

– Bonne réponse.

Un regard complice échangé, un « désolé » susurré et ils s'engouffrèrent ensemble au sein de la maison. À l'intérieur, des jeunes déambulaient en discutant de différents sujets qui, pour la plupart, échappaient aux trois pères. Une femme dans la vingtaine se présenta à eux, blonde aux yeux noirs.

– Scott, tu es venu aujourd'hui aussi.

– Oui et j'amène l'ami dont je t'avais parlé.

– Oh oui, bien sûr ! sourit elle avant de leur faire signe d'avancer. Merci de vous être déplacés… Jess passe une période très sombre, enfin je veux dire tous nos pensionnaires ont une vie compliquée mais elle… C'est terrible. Il y a deux ans, ses deux parents ont été tués dans la soirée alors qu'ils revenaient avec le repas. Accident, un conducteur ayant perdu le contrôle de son véhicule. Horrible hein ? Attendez la suite, c'est arrivé le jour de son anniversaire. C'était une tradition chez eux, pizza et cheesecake, les plats préférés de Jess. Sa culpabilité l'emprisonne et je ne sais pas comment l'aider... Scott m'a dit que vous l'avez rencontré la nuit où il l'a retrouvé dans les bois et qu'elle vous avait tout de suite fait confiance. Alors peut-être que vous, elle vous écoutera…

Jess, c'était la première fois que Stiles entendait son prénom. Personne ne le lui en avait fait part, et il ne l'avait pas non plus demandé. La femme s'arrêta devant une porte blanche, elle lorgnait le jeune homme, inquiète. Elle expliqua ensuite qu'au vu de l'état de la jeune fille, elle préférait limiter les visites. Cela valait pour Derek qui, compréhensif, décocha un sourire renversant, hocha la tête en ébouriffant les cheveux de son compagnon et s'éloigna pour s'appuyer contre une fenêtre. Stiles, rassuré par le geste tendre qu'il venait de recevoir, suivit son frère à l'intérieur de la pièce.

La première chose qui sauta aux yeux de Stiles était la décoration. Il s'attendait à une pièce froide, dénuée de couleur avec un matelas de bonne fortune. Cependant, une teinte bleue pâle entourait une vitre donnant accès sur le jardin. Un bureau en acacia, des photos exposées aux murs et une guirlande de Led rendait le lieu plus chaleureux. À gauche, un cadre de lit s'harmonisant avec les meubles trônait contre la cloison. Au milieu de ce beau tableau, une silhouette recroquevillée sous sa couette attendait. Ce qu'elle attendait, Stiles n'en avait aucune idée mais, il pouvait ressentir son aura de désespoir.

– Salut Jess, devine qui j'apporte, dit Scott avec une douceur infinie.

La forme humaine bougea légèrement, signe qu'elle écoutait attentivement le nouveau venu.

– Tu sais, Stiles vient de sortir de l'hôpital et n'a pas hésité à te rencontrer, continua l'alpha.

Aussitôt avait-il prononcé cette phrase que le drap vola et l'adolescente apparut devant eux. Elle avait le visage creusé certainement à cause d'une mauvaise alimentation et d'une fatigue importante. Ses longs cheveux roux étaient emmêlés et de grands yeux verts dévisageaient Stiles. Alors la voilà, celle qu'il avait croisée il y a plusieurs mois, celle qui lui avait donné sa confiance. Il aurait pu se sentir stressé de se retrouver face à elle toutefois, sans qu'il n'en connaisse la raison, il demeurait serein.

– Salut, Jess, sourit-il. On se rencontre enfin dans cette forme.

La concernée resta un moment interdite, ne sachant pas comment réagir. Scène qui ressemblait étrangement à leur première entrevue. Il s'approcha lentement, la main en avant. Lorsqu'il s'arrêta à un mètre d'elle, Jess parut se réveiller. Des larmes envahirent ses pupilles, un semblant de sourire habillait ses lèvres.

– C'est toi, chuchota-t-elle d'une voix fluette.

– Oui ! Désolé pour le retard, j'avais des choses à régler avant… Notamment rester en vie.

Les lèvres de la jeune fille s'étirèrent pour de bon, elle prit la paume devant elle. Stiles grimaça, son contact était glacé. Il s'agenouilla et écarta la mèche rebelle qui coupait le visage juvénile de Jess.

– Tu voulais me parler ? demanda-t-il tout bas.

– Oui…

Elle baissa les yeux, sa mâchoire se serra et ses traits se tirèrent de nouveau. Elle regagna sa mine trop sombre pour une fille de son âge.

– Pardon, murmura-t-elle. C'est à cause de moi si on t'a blessé. Je comprenais pas trop ce qu'il se passait… J'avais peur et vous, vous étiez si gentils et sincères que je me suis accrochée à vous. Scott s'est blessé pour me sauver et toi… Tout est de ma faute, encore.

Compulsivement, elle se rongea l'ongle du pouce droit découvrant ainsi le début de ses avant-bras. Stiles remarqua alors l'étendue des dégâts, au bout de ses doigts fins, sa peau était abîmée. Parfois même à vif. Il poussa un peu plus son observation pour arriver à ses poignets, des lignes verticales les sillonnaient. Vestige d'un chemin bien plus obscur qu'il ne l'aurait imaginé. Jess, gênée, remonta ses manches hâtivement.

– Ça va, chuchota-t-elle.

– Jess, écoute-moi attentivement. Que ce soit moi ou Scott, on est les seuls responsables de nos choix. Tu avais besoin d'aide et ON a choisi  de te tendre la main. Ce n'est pas de ta faute s'il existe des gens malintentionnés sur terre, leurs actes aussi mauvais soient-ils n'est le résultat que de leur méchanceté.

– Mais si je n'existais pas…

– Eux vivraient, et nous, on aurait fait exactement la même chose. Et le résultat aurait été similaire, voire pire. Sauf qu'on n'aurait pas eu la joie de te rencontrer.

Elle fit la moue mais cessa son geste obsessionnel. Elle leva ses pupilles vers Scott qui acquiesça les dires de son frère. Une teinte rouge colora ses iris tandis que ceux de Jess scintillèrent en retour. L'ambiance s'apaisa et la discussion vira sur des sujets plus légers. Elle leur confia qu'elle se sentait bien ici, que les éducateurs étaient d'une patience infinie mais que rien ne pouvait remplacer la douceur d'un foyer. Elle leur promit de se battre pour se sortir de cette spirale infernale qui l’engloutissait tous les jours. Eux, émus par son parcours décidèrent d'un commun accord de ne pas la lâcher. Le destin les avait mis sur sa route, ils ne lui tournerait pas le dos.

Ils s'en allèrent, heureux qu'elle accepte leur aide et confiant quant à la suite des événements. Le plus dur était derrière eux.

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