Chapitre 40


Le froid réveilla Stiles, il était sur un sol humide et mou. Un son aigu scindait son crâne en deux, il fronça les sourcils et ouvrit péniblement ses paupières. Sa vision floue l'empêchait de distinguer l'endroit où il se trouvait. Un liquide chaud dévalait les sinuosités de son visage. Machinalement, il le toucha et porta sa main devant ses pupilles. Des taches écarlates souillaient la pulpe de ses doigts, il frissonna.

- Stiles Stilinski nous fait l'honneur de sa présence.

Son sang se glaça lorsque cette voix perfide atteignit ses oreilles. Il frotta ses yeux, se concentrant pour retrouver un semblant de netteté. Il releva difficilement la tête en gémissant devant l'horreur de la scène. Des cadavres jonchaient le sol, il les parcourut du regard le cœur battant, cédant petit à petit à la panique. L'un d'eux attira son attention, tremblant il amena sa paume à sa bouche, tentative dérisoire pour étouffer un cri de désespoir. Scott gisait sur la terre, ses yeux vitreux observait le ciel étoilé comme si, dans son dernier souffle de vie, il avait cherché à les rejoindre. Sa bouche ouverte ressemblait à une porte que son âme avait franchie bien trop tôt.

- Non, murmura Stiles. Ce n'est pas réel.

Une main glaciale saisit sa mâchoire l'obligeant à abandonner sa contemplation du corps sans vie de son frère. Des cheveux orange flamboyants, un sourire immense vide de toute joie et des iris scintillants. Stiles déglutit quand le visage cruel de Preston se dessinait devant lui.

- Cher ami, ricana l'alpha démoniaque. Qu'est-ce qui est réel et qu'est ce qu'il ne l'est pas ?

- Toi, tu es mort... Peter...

- M'a tué. Enfin c'est ce que tu chuchotes depuis que tu es évanoui. Mais franchement, de toi à moi, tu crois vraiment que cette raclure de bas étage aurait pû me faire le moindre mal ? Ça m'attriste que tu en sois aussi certain... Je pensais que nous avions dépassé ce stade toi et moi.

- Tu n'existes pas, fulmina Stiles. Tu es dans ma tête.

Le sourire du lycan s'évanouit aussitôt, laissant la place à une grimace emplie de sadisme.

- Je n'existe pas ? Très bien, alors ça, tu ne devrais pas le ressentir n'est ce pas ?

Un coup violent s'abattit sur ses côtes lui coupant le souffle. La douleur lui entoura la cage thoracique, irradiant jusqu'à son cœur. L'ampleur de sa souffrance le fit douter, et s'il se trompait, et s'il n'était jamais sorti des bois. Il voulut toucher son cou à la recherche du triskel, hélas, ses bras ne pouvaient échapper à la prise qu'on maintenait sur lui. Plus il se débattait, plus l'étau se resserrait. Il jeta un œil derrière lui, une ombre sans visage le retenait. Il tressaillit.

- Dommage, ton pendentif ne te sera d'aucune aide ici.

Le jeune homme répéta cette phrase plusieurs fois, un détail le dérangeait sans qu'il n'arrive à mettre le doigt dessus. Sa peur paralysait ses capacités cognitives, dès qu'il se rapprochait de la vérité, les images de son meilleur ami inerte le hantait.

- Tu me crois maintenant ? Sinon je peux te montrer Derek, enfin ce qu'il en reste. Tu préfères le haut ou le bas ? Non parce qu'on a eu un petit souci technique et...

- Je sais ! s'exclama joyeusement Stiles. Comment pouvais tu savoir ce que je cherchais ? Tu ne m'auras pas cette fois-ci, je suis en plein cauchemar. Ceci dit, je peux féliciter mon imagination parce que l'odeur putride de ton haleine est la même que dans mes souvenirs. Et ça, ce n'est pas rien !

Un silence morbide s'installa entre eux, Preston jugeait l'assurance de son adversaire qui ne laissait paraître aucune faille.

- Bien, tu as gagné soupira l'alpha en secouant la main. Je ne suis qu'une partie de toi... Ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle.

- Je peux très bien reprendre le contrôle de mon rêve.

- Fais, je t'en prie.

Hélas, Stiles était pétrifié, ce n'était pas seulement ses gestes qui se retrouvaient entravés, son esprit aussi paraissait restreint dans cette situation chaotique. Il grimaça, comprenant qu'il était impuissant, relayé au simple rang de spectateur. Ainsi, il abandonna, pour l'heure, toute tentative de rébellion sous l'hilarité sournoise de son adversaire qui se nourrissait de sa détresse.

- Je te l'ai dit, ce n'est pas une bonne nouvelle que je fasse partie de toi. Je peux te faire revivre encore et encore tes peurs les plus profondes.

Le pied du loup s'abattit sur son bras, lui arrachant un cri de souffrance. Tragique effet de la psyché sur le corps, il devait être tranquillement allongé dans son lit pendant qu'il ressentait avec précision son os se fracturer. La seule pensée réconfortante qui lui venait alors à l'esprit était, qu'au moins, les sévices physiques ne se tournaient que vers lui. Aucun de ses proches n'en subissait les conséquences. Les iris rouges infernaux de Preston s'abaissèrent à son niveau.

- Je serais là dès que tu seras seul, dès que tu fermeras les yeux. Je te suivrai comme une ombre.

Aucune réplique à rétorquer, Stiles baissa la tête, abdiquant face à la violence dont il était victime. Capacité de résilience, épuisement ou lâcheté, il n'en savait rien. Il ne possédait plus l'énergie de s'insurger. Subir en espérant que ses nuits se raccourcissent. Il ne lui restait plus que cela.

Dans la noirceur de son âme, il s'estima chanceux quand il s'éloigna de l'inquiétude de cette forêt pour retrouver la douceur de son lit. Ses oreilles ne captaient plus que le vacarme tambourinant de son cœur, accentuant le cisaillement qui lui déchirait le crâne. Il se palpa les côtes, le front par réflexe, heureux de constater que ses blessures n'étaient pas revenues. Derek, les yeux clos, dormait profondément à ses côtés. Le visage paisible, il paraissait s'être envolé dans des contrées plus belles. Délicatement et dans le plus grand des silences possibles, Stiles se glissa hors des draps. Ses gestes n'étaient pas encore bien maîtrisés, alors, il prenait son temps en calculant chaque mouvement.

Les escaliers qui se dressaient en face de lui le narguaient. Comme s'ils prenaient vie sous son regard penaud, se moquant de son manque de dextérité. Seulement, la détermination des Stilinski ne rompt presque jamais, il s'y engagea donc prudemment. Au bout de deux marches, il fut forcé de constater que la tâche se présentait trop ardue, il se laissa tomber lentement sur les fesses. La situation ridicule aurait sûrement déclenché plus d'un rire, même lui, cachait difficilement son hilarité. Il força sur ses bras et s'élança. Une, puis deux, trois, quatre, sa technique fonctionnait. Il retint de justesse le cri de bonheur qui voulait franchir ses lèvres. Au lieu de cela, il agitait les épaules d'avant en arrière mimant une danse robotique. Ses efforts portèrent leurs fruits quand ses pieds contactèrent enfin le sol froid d'en bas. Il se redressa péniblement et s'avança jusqu'au canapé devant la grande vitre du salon. Il s'installa, une main sur son genou et l'autre tenant son téléphone qu'il observait sans réellement le voir.

- Je fais quoi maintenant... soupira-t-il.

Son corps le brûlait, mélange entre souvenirs envahissants et descente désastreuse. Il tapota frénétiquement sa cuisse. Amèrement, il s'avoua vaincu, elle avait raison. Rentrer chez lui était une étape complexe. Il déverrouilla son écran dont la lumière l'aveugla momentanément. En haut à gauche, en chiffre blanc s'affichait : une heure vingt-huit. Il ne pouvait décemment pas l'appeler, qui dérangeait sa psychiatre au milieu de la nuit ? Et pourtant, il ressentait ce poids persistant alourdir son estomac. Son sang bouillonnait. Dans un espoir vain, il planta ses ongles dans sa jambe, seule façon de se raccrocher au monde réel, il ne repartirait pas là-bas.

- Fait chier, jura-t-il.

Il caressa la barre latérale du pouce avant d'appuyer sur « appeler ». La première tentative se solda par un échec, habituellement, il se serait arrêté là. Toutefois, à ce moment, il n'en possédait pas la force, il n'y arriverait pas seul. Une seconde fois, chaque tonalité le plongeait un peu plus dans une angoisse terrible.

- Allô, murmura une voix endormie.

Pris de court, il n'eut pas le courage de répondre. Il pensait tomber sur la boîte vocale.

- Allô, répéta la psychothérapeute. Qui est-ce ?

- Euh... C'est Stiles... Hum... Je... Testais seulement le numéro pour savoir si vous répondiez.

- Ça m'arrive une fois sur dix, vous avez de la chance. Ceci vérifié, je peux raccrocher ?

- ... Vous aviez raison. C'est pas le top.

- C'est-à-dire ?

- Cauchemars... Ça allait jusqu'à maintenant parce que Derek arrivait à me maintenir dans un cocon réconfortant mais...

- Stiles, vous n'avez pas à vous justifier. Vous retrouvez vos habitudes, vos marques, c'est normal que vous soyez déboussolé. Vous avez parfaitement le droit de perdre pied, personne ne vous jugera pour ça.

- Merci...

- Vous voulez passer me voir tout à l'heure pour me parler de votre rêve ?

- Je ne sais pas si j'aurais le temps...

- Je bloque un créneau à dix-sept heures trente, si jamais vous ne pouvez pas venir ce n'est pas grave mais au moins, vous savez que c'est possible, d'accord ?

- Oui...

- Bien, ça ira pour vous si je vous laisse ?

- Oui, oui ! Ne vous inquiétez pas.

- Peut-être à cet après-midi alors ! Je reste joignable à tout moment.

Stiles sourit en la remerciant avant de raccrocher. Malgré ses réticences lors de leur rencontre, elle lui correspondait parfaitement. Elle savait déjouer chaque mécanisme de défense qu'il avait réussi à mettre en place jusque là. Et, elle était pratiquement aussi têtue que lui. Il expira avec force avant de balancer sa tête en arrière. Son envie de se recoucher s'approchait du néant, cela signifiait remonter les marches aussi rapidement qu'une tortue asthmatique, se plonger dans le lit sans que son compagnon n'ouvre les yeux et fixer le plafond en attendant que Morphée veuille bien l'accueillir à ses côtés. Il haussa les épaules, résigné.

Alors, il passerait la fin de la nuit là, le regard perdu dans le vague, face à l'obscurité et à lui-même. Il sursauta, il venait à peine de remarquer l'absence de source lumineuse. Cela lui allait, il nourrissait la sensation d'être coincé entre deux mondes, un endroit figé dans le temps où il n'était plus le Stiles brisé, où il n'avait plus à se combattre.

Malheureusement pour lui, ce moment de flottement se ternit quelques minutes après. Il pesta à haute voix, son cerveau tournait à plein régime. Évidemment. C'était une habitude, l'hyperactivité sans doute. Il devait choisir une activité pour s'occuper sous peine de mourir d'ennuis. Remarque qui lui déclencha un rire nerveux :

- Ça finirait le travail, murmura-t-il avant de se pincer. Non, on garde le cap' ! Je n'ai pas fait tout ça pour baisser les bras maintenant.

Il se pencha et tendit le coude afin d'attraper ses écouteurs qu'il ajusta à ses oreilles. Il frôla l'icône d'un « N » rouge sur fond noir et se lança au coeur d'une série riche en rebondissements. Elle faisait suite à des films sur les arts martiaux, d'abord sceptique, il s'était laissé piégé. Il ne lui manquait plus qu'une couette pour se sentir aussi à l'aise que possible. Il grelottait légèrement mais, après deux épisodes, ses paupières se fermèrent toutes seules. Il sentit ses muscles se relâcher et son esprit divaguer, il ne stoppa pas sa vidéo, pensant naïvement qu'elle lui permettrait de s'échapper de son cauchemar.

Son plan ne se déroulera pas comme prévu, néanmoins, le noir l'entourait, le préservant des images choquantes qui le tourmantait. Il tremblait toujours de froid, jusqu'à ce que, miraculeusement, une source de chaleur le rassura. Sûrement s'était-il habitué à la fraîcheur ambiante. Il n'y réfléchit pas plus, estimant que pour cette fois, il s'autorisait à simplement se réjouir de cette douce sensation.

Il émergea de son sommeil, le corps engourdi. Les yeux encore clos, il sentit une main tendre lui caresser les cheveux. Involontairement, ses lèvres s'étirèrent lorsqu'il comprit enfin ce qui l'avait réchauffé.

- Tiens qui voilà ? railla-t-il.

- Fallait bien que je fasse quelque chose, tu tremblais.

- Quelle grandeur d'âme !

- Comment tu te sens ? interrogea le lycan visiblement inquiet de son escapade nocturne.

- J'ai rêvé de... Enfin tu sais.

Derek serra son fiancé contre lui comme une réponse silencieuse face à ses tourments. Lui qui, derrière son air détaché, cachait une sensibilité profonde devait se sentir impuissant.

- C'est un combat que je dois mener seul, susurra Stiles pour le rassurer. Mais, j'aurais toujours besoin de mon chauffage portatif.

Le sourire radieux de Derek illumina la pièce, les mots de Stiles avaient trouvé leur chemin dans son cœur. Un baiser se déposa sur la bouche de Stiles avant que le loup ne se glisse hors du canapé, laissant un vide glacial. Le jeune homme râla tandis que son compagnon s'affairait en cuisine, une mine amusée sur le visage.

Ils prirent leur repas ensemble dans le plus grand des calmes, tous deux perdus dans leurs pensées. Étonnement, ce fut la voix du lycan qui le brisa. Le regard planté dans son assiette, il expliqua nonchalamment que Scott leur rendrait visite dans la journée.

- Oh, soupira Stiles.

- Je l'ai retenue autant que j'ai pu mais, il est têtu, grommela Derek.

- Ça a l'air de te réjouir.

- C'est juste qu'il risque de parler de Preston et je ne sais pas si tu te sens prêt. Si jamais ce n'est pas le cas, tu me le dis et je le vire de chez nous.

- Ça ira, ricana le jeune homme. J'ai juste des zones d'ombre... Il me manque des informations.

- Je... peux peut-être t'aider ?

Des questions, Stiles en avait des dizaines mais devant les iris gris soucieux qui le dévisageaient, tout disparut instantanément. Il fronça les sourcils et, pétrifié, un son incompréhensible franchit ses lèvres.

- Stiles ?

- Hum... Je ne sais plus...

- Fais-moi confiance, je t'en prie... Je veux être là pour toi.

La voix douce, profonde et grave de son partenaire le rassura. Il prit dix secondes pour rassembler ses idées avant de se lancer :

- Stan... bredouilla-t-il.

- Il va bien, il est venu te voir très souvent. Il a encore du mal à se faire au monde du surnaturel mais, voir un autre allié au FBI était un coup de génie.

- Et... Flynn ?

- Lui... gronda le loup. Il est revenu au bureau du shérif, comme si de rien n'était. On n'a absolument rien pour le faire tomber légalement. Noah et Jordan le surveillent de très près... Pour l'instant il est assigné au bureau.

- ... Je vois.

- Scott a voulu discuter avec lui, pour tenter de faire un espèce de traité de paix...

- Et ?

- ... Ça peut attendre, tu sais.

- Derek.

- Mmh. Flynn est d'accord pour trouver un terrain d'entente mais, il veut te parler, à toi.

- Ah.

Stiles se doutait qu'il allait devoir se confronter à son ancien coéquipier, mais pas aussi tôt, pas tant qu'il ne s'était pas sorti de l'enfer qu'il traversait. Une pointe au cœur le titillait, la déception d'une trahison qu'il fuyait. Il appréciait Flynn, il avait même tissé une relation de confiance avec lui. Du moins, il le croyait. La fois où il avait couru dans les rues après sa dispute avec Derek, les moments où Flynn le défendait face aux brimades de ses collègues, rien de tout ça n'était réel. Tout ne faisait parti que d'un plan monté de toute pièce pour se rapprocher de lui, pour le surveiller. Son « ami » n'en était finalement pas un. Il en souffrait plus que prévu. Ça, il ne l'avait pas vu venir. Il se moqua de sa propre naïveté.

- Tu n'es pas obligé Stiles, reprit gravement Derek. Ils sont ignobles, on peut se débarrasser d'eux autrement.

- Je vais lui parler et si jamais ça ne fonctionne pas, on le fera à ta manière. Je ne les laisserai pas continuer impunément leurs petites affaires, je te le garantis.

- Hm.

- Bien, leurs prisonniers ? Ils en font quoi ?

- Aucune idée et je m'en fous.

- En tout cas, on a retrouvé notre Scott au grand cœur, rigola Stiles désireux de changer de sujet.

- Il faut croire. Tu as d'autres questions ?

- Non, je ne crois pas...

Derek se leva et se rapprocha doucement de son amant. Il s'appuya contre la table, les bras croisés sur le torse, le sourcil avec la cicatrice relevé et les yeux fixés sur Stiles.

- Tu es étrangement calme pour un hyperactif, commenta-t-il suspicieusement.

- Je réfléchis.

- À quoi ? Tu peux tout me dire.

- Comment je vais annoncer ça à Scott ! plaisanta Stiles en agitant son annulaire devant lui.

- Pff, soupira le lycan en passant sa main dans ses cheveux en bataille. Tu me fatigues.

- Blabla, j'entends rien.

Porté par l'ambiance légère qui régnait désormais entre eux, le jeune homme tenta de se redresser d'un bon. Hélas, son corps ne le supporta pas et il tomba lourdement sur sa chaise en baragouinant un flot de grossiertés. Le lycan se moqua tendrement de lui avant de recevoir un coup de poing mérité dans l'épaule.

L'arrivée de Scott était prévue tôt dans l'après-midi. En attendant, Stiles conversa avec son père par téléphone. Noah, bien qu'inquiet, ne laissa rien paraître. Ils conclurent d'une rencontre le lendemain, tous deux préférant espacer les visites. Quand il raccrocha, il soumit l'idée d'un film sous la couette accompagné d'un chocolat chaud. Piégé par les grands iris noisette de Stiles, Derek abdiqua. Il ne suivit pas les images qui défilaient devant ses pupilles, trop occupé à observer la bouche de l'homme de sa vie se muer sous les commentaires incessants que lui inspirait la vidéo.

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