Chapitre 27

Stiles se réveilla doucement. Aussitôt qu'il ouvrit les yeux, la pièce autour de lui tourna. Il referma rapidement ses paupières pour éviter de rendre ce qu'il avait dans l'estomac. Mais, c'était ce bourdonnement incessant dans ses oreilles qui le dérangeait le plus. Il avait la douloureuse impression que son cerveau était attaqué par une multitude d'aiguilles. Il râla dans l'oreiller. Il était atteint d'un mal communément nommé « gueule de bois ». Difficilement, il se força à retracer la soirée de la veille. Ses neurones s'agitèrent et ses souvenirs refirent surface. Il était allé boire un verre avec Stan et Flynn. Enfin, « un » était un euphémisme, il en avait enchaîné plusieurs. Peut-être trois ou quatre. Son projet de noyer son chagrin dans l'alcool avait fonctionné. Il avait passé un bon moment, trouvant Flynn particulièrement drôle. Stan les avait chaperonné avec une main de fer.

Durant la soirée, au visage déconfit de son ami d’université, Stiles comprit que Flynn ne faisait pas partie de ses meilleurs amis. D'ailleurs, son coéquipier les avait laissé plusieurs minutes pour fumer : « Seulement dans les bars pour avoir plus de chance de conclure » avait-il expliqué. Stan en avait profité pour parler avec Stiles de sujets qui fâchent. Comme moyen de défense, le jeune homme portait une pinte de bière à ses lèvres et faisait mine de ne pas écouter son ami. L'agent du FBI n'avait pas dit son dernier mot, il se posta à ses côtés et le fixa.

- Tu sais que Derek ne serait sûrement pas content de te voir comme ça, Stiles.

- Bien fait pour lui.

- Je sais qu'il a oublié votre anniversaire mais…

- Je ne veux pas en parler, s'il te plaît. Ça me fait mal.

- P'tit génie, tu sais que je suis de ton côté hein ? Mais tu déconnes là. C'est ton homme, il y a des choses qu'il est en droit de savoir…

Heureusement, Flynn ne mit pas longtemps avant de revenir sous le regard désabusé de Stan. Stiles riait aux éclats devant leurs échanges verbaux, c'était un spectacle particulièrement intéressant. Plusieurs fois, il croisa les beaux bleus de Stan. Ils étaient remplis de tendresse face à lui, mais d'une froideur implacable lorsqu'ils lorgnaient Flynn. Bien qu'une certaine rivalité s'était installée entre eux, vers la fin, Flynn paraissait fortement apprécier l'agent du FBI. Il s'était rapproché de lui et le taquinait avec amusement. Stan arborait un sourire commercial, cependant Stiles remarqua que sa main restait crispée sur son verre. La nuit bien entamée, les amis décidèrent qu’il était temps de se séparer. Stan négocia longtemps pour être le chauffeur de Stiles, finalement, il eut gain de cause. N'ayant que très peu consommé d'alcool, il s'autorisa à prendre son véhicule. Il avait déposé Stiles sur le siège passager et lui s'était installé derrière le volant. Durant le trajet, le jeune homme répétait « Derek », « Sourwolf » et « Stupide loup » un nombre incalculable de fois. À chaque fois, Stan lui avait répondu qu'ils allaient bientôt être réunis.

La voiture s'arrêta, Stiles se retrouva coller à son ami pour pouvoir pénétrer dans le loft. Il avait du mal à tenir sur ses jambes et la situation lui parut extrêmement comique. Ils passèrent un couloir, puis une porte et deux voix s'étaient ensuite élevées, dont une qu'il aimait particulièrement. Profonde et grave, elle était enveloppante. Ce doux son se rapprocha de lui et un bras puissant le soutint. Même dans son état si pitoyable, Stiles le reconnaissait, il s'agissait de son compagnon. Alors, se sachant en sécurité, il se laissa totalement faire. Plusieurs minutes après, il avait été allongé dans le lit et avait lancé au hasard un « Derek » et un « fatigué », c'était les deux seules choses qu'il avait réussi à articuler. Un contact chaud sur ses cheveux et la porte se refermait. Il était plongé dans le noir, écoutant la mélodie des deux hommes qui parlaient en bas.

Cependant, sa curiosité le rattrapa bien rapidement et, après des efforts surhumains, il se leva. La pièce se mit à tourner, le faisant trébucher. Mué d'une obstination sans faille, il ne baissa pas les bras et atteignit les marches pour s’y écraser. Il n'avait vu que sur le dos musclé de son petit-ami et sur le visage sérieux de Stan. Pendant une seconde, ce dernier tourna les yeux vers lui et le rouge s'invita sur ses joues. La raison était simple, Stiles lui avait expressément défendu de parler de ses doutes et Stan bravait cet interdit. Malheureusement, le jeune homme se sentait trop faible pour l'arrêter, il ne pouvait qu'observer la scène, la peur au ventre. Celle de devenir un poids trop lourd à porter pour son homme.

Stan s'avança ensuite vers Derek pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille que Stiles ne put entendre. Néanmoins, le loup s'énerva et l'agent du FBI partit peu de temps après, un sourire narquois au visage. Le lycan, seul, resta de longues secondes immobiles. Il releva légèrement la tête et se retourna. Leurs yeux se croisèrent et ceux de Derek étaient d'une animosité glaciale. Stiles comprit instantanément que quelque chose de terrible se préparait. Alors quand le loup passa près de lui sans même le regarder, il avait doucement prononcé « Mon petit Derek ». Comme une caresse pour adoucir les mœurs. Malheureusement, ça ne fonctionna pas.

Oui, les scènes passées défilaient devant Stiles et il ne pouvait plus les arrêter. Et ce même lorsque de l'eau coulait à flot sur ses joues. Il ne voulait plus se rappeler, se complaisant dans le déni le plus total. Cet instant où il venait de se réveiller, où sa mémoire lui faisait défaut et que rien de tout ceci ne s’était encore produit.

- Non, gemissa-t-il, laissez-moi tranquille. Je ne veux pas…

Malgré ses supplications, les valves de son esprits étaient ouvertes et rien ne pouvait les stopper, ses propres souvenirs le prenaient en chasse. Il n'eut d'autres choix que de replonger dans le triste film de sa vie.

L’ambiance était devenue pesante. Derek croisa les bras, il prononça les phrases tant redoutées par Stiles. Chaque mot lui faisait plus de mal que les coups de Stan.

« C’est terminé… Trouver un autre logement. »

« Je ne veux plus de cette relation, de nous. »

Le sol s'ouvrit sous ses pieds, son monde se brisa en une fraction de secondes. Il tenta de faire ressurgir les sentiments de son compagnon, mais ce dernier s’était déjà enfermé dans la deuxième chambre. Stiles n’allait pas capituler aussi facilement. Il se redressa comme il le put et, s'appuyant contre le mur, il tituba jusqu'à la porte close qui les séparait. Il la frappa encore et encore, s'acharnant à retenir l'homme de sa vie. Hélas, il n'obtint aucune réponse. À bout de force, il se laissa tomber contre la cloison et ses larmes s’arrêtèrent comme si toute l'eau de son corps s'était préalablement échappée. Il eut un dernier murmure, un souffle d'abandon.

- Derek, c'est moi, Stiles, ton hyperactif.

Il ne s'attendait à rien, il avait juste voulu se rattacher à ce surnom affectueux, c’était tout ce qui lui restait. Il se relâcha, prêt à s'évanouir quand, derrière lui, il entendit un bruit sourd et un grincement strident. L'adrénaline le submergea, Derek n'allait pas bien. Il mit de côté son épuisement et sa tristesse, la santé de son ex petit-ami était ce qui comptait le plus à ses yeux.

- Derek, ça va ? Demanda-t-il inquiet.

- Vas t'en Stiles.

- Mais…

- Tu me fais chier ! Fulmina Derek.

Ce n'était qu'un autre rejet, encore plus effroyable que les précédents, il devait l’affronter. Il admit alors que le lien qui les unissait s'était déchiré et qu'il lui était impossible de le réparer. Il profita des dernières onces d'énergie que lui procurait son état d'anxiété pour se traîner jusqu'à leur ancienne chambre. Il s’enfonça dans le lit et s'endormit rapidement à cause des effets de l'alcool occultant consciemment cette soirée.

Toutefois, l'heure était venue pour lui, de se confronter à la réalité des choses. Son couple n'existait plus et lui, il n'était plus qu'un déchet se répandant sur ce qui restait d'eux. Son mal de crâne et ses hauts le cœur n'étaient rien comparé à l'hémorragie de souffrance que son cœur endurait. Il n'en voulait même pas à Derek de l'avoir quitté dans ses conditions. Il avait enchaîné les erreurs. Il se repassait l'entièreté de leur histoire, pointant du doigt chaque mauvais choix. Et, tout le long de son introspection, il se répétait :

- Tu ne l'as jamais mérité. Tu n'es rien, tu aurais mieux fait de ne pas revenir, au moins, tu lui aurais évité une grosse perte de temps.

Il se sentait plus bas que terre, Derek était ce qu'il avait de plus précieux. Ses yeux clairs, son sourire ravageur, ses mains puissantes mais tellement douces. Son caractère d'ours mal léché qui cachait un cœur tendre et protecteur. Il aimait chaque grognement, chaque demi-sourire, chaque regard amoureux, chaque effleurement. Ces petites choses de la vie quotidienne, il les chérissait tellement et pourtant, maintenant, c'était terminé. Il ne représenterait plus rien de spécial pour le lycan. Plus jamais. Si à la rigueur, une réminiscence d'un souvenir passé qu'on aurait préféré enterrer. Voilà, il ne serait plus que ça. Et c'était de sa faute. Il aurait dû faire plus, en parler à Derek, se confier, assumer leur relation, le soutenir encore plus avec Nathan, se battre pour eux, pour leur famille.

« Famille », il pouvait rayer ce terme de son futur. Il était désormais seul. Seul, pitoyable et épuisé. Il n'avait même plus la force de bouger. Affronter le regard de ses collègues était hors de question. Aujourd'hui, il n'irait pas travailler, ce n'était qu'un jour. Il manquerait à qui maintenant ? Flynn ? Lui serait bien heureux de retrouver ses collègues homophobes. Stan ? Il positivait toujours, il finirait bien par se faire de bien meilleurs amis que lui. Scott ? En ce moment Stiles devait être la dernière personne qu'il voulait voir. Le shérif ? À la rigueur, mais sans son fils, il n'aurait pas à gérer la future vague de haine. Finalement c'était ça, la vérité lui explosa au visage. Il avait fermé les yeux bien trop longtemps. De toute évidence, il n'apportait rien de bon et était facilement remplaçable.

Le Sourwolf ne mettrait sûrement pas longtemps avant de trouver une ou un successeur. C'était normal, logique même. Alors, pourquoi cette vision lui retournait l'estomac. Braeden, Derek et Nathan Hale. Sa gorge se serra, il allait vomir. Il se leva rapidement et, ignorant ses vertiges, il courut dans les toilettes. Il y rendit le contenu de son ventre. Une, deux, trois fois. Il essuya sa bouche avec le papier toilette, passa sa main dans ses cheveux et sentit ses muscles trembler.

- Merde, râla-t-il.

Il s'aida du mur et se redressa.

- En fait Stiles, joyeux anniversaire de mise en couple ! Ironisa-t-il. Alors heureux ? Super, ma vie est merveilleuse.

Il ricana sans joie, vacilla jusqu'à son antre pour se jeter sur le matelas. D'un œil, il écrivit un message à son père.

« Salut p'pa ! Malade, sûrement une gastro, je ne serais pas là aujourd'hui. » - Envoyé.

Il n'attendit de réponse. Mieux, il coupa son téléphone pour fuir le monde. Il resta toute la journée à se morfondre dans le noir. Il ne mangea pas, trop occupé à s'enfoncer dans les ténèbres. Il pleura encore, pour une remontée de souvenirs tendres, pour son avenir imaginé qui ne se réaliserait donc pas. Il s'endormit doucement en serrant l'oreiller de Derek, se persuadant qu'il s'agissait de son torse musclé.

Un toquement à la porte le réveilla, il ne prononça aucun mot, attendant que ce désagrément se termine.

- Stiles ? Demanda la voix du lycan. J'ai vu que tu n'avais rien avalé ce soir. Je… Je t'ai déposé un petit quelque chose…

Il n'eut pas le courage de répliquer quoi que ce soit. Cette attention était une torture. Il refusait cette gentillesse qui le faisait espérer en vain. Il la détestait même. Si Derek ne voulait plus de lui dans sa vie, il n'avait pas à être aussi bienveillant. Ses nausées réapparurent et son crâne était affreusement douloureux. Il ferma ses paupières, sombra de nouveau dans un sommeil désastreux. Ses rêves étaient sombres, tristes, et son malaise devenait de plus en plus fort. La même ombre, la même silhouette qu'il voyait bouger du coin de l'œil.

Enfin, il réussit à se sortir de ses cauchemars. Il ne savait pas quelle heure il était, il n'en avait plus rien à faire. Son corps ne répondait presque plus mais, il huma un doux parfum. Il se frotta difficilement les yeux et releva la tête. Sur sa table de chevet, une assiette de pâte à la carbonara fumait encore. Son estomac criait famine. Emporté par un instinct de survie, il s'en approcha et avala quelques bouchées. Le goût était exquis, comme la première fois. Comme le jour où il s'était innocemment rendu dans ce loft et où les deux hommes n'avaient pas encore franchi la limite. Il aurait tout donné pour revenir à ce déjeuner là. Quatre, c'était le nombre de fois qu'il put amener la fourchette à ses lèvres avant que son corps ne rejette la nourriture. Il abandonna l'idée de se nourrir.

Le temps défila sans que Stiles ne s'en rende compte. Il ne s'éloignait pratiquement jamais de sa chambre, sauf pour combler ses besoins naturels. Il s'était lavé à cinq ou six reprises, espérant que sa souffrance puisse le quitter avec l'eau savonneuse. Sans succès. Il s’était alors complètement déconnecté de la réalité. Il ne voyait que la douleur et le gouffre dans lequel il s'enfonçait. Il avait reçu de la visite. Derek, Noah, Stan, Lydia. Ils avaient tenté d'établir un dialogue avec lui. Malheureusement, il ne les écouta pas, répondant vaguement, toujours à côté. Ses oreilles étaient déjà obnubilées par ses propres démons.

« Tu ferais mieux de mourir. »

« Ta vie n'a aucun sens. »

« Tu es insignifiant. »

C'était ce qu'il entendait tout le temps, toutes les secondes. Dans ses songes les plus terribles, il s’était vu mourir, les veines tailladées. Il avait même assisté à son enterrement, un petit discours et certains visages blafards. Lui, attendait à côté de son cercueil pour observer les gens qui se présentaient à lui.

- Stiles, je ne t’ai pas vu sombrer, désolé… Tu vas me manquer, prononça son premier amour entre deux sanglots avant de se retirer.

- Tu as été un bon ami, dit simplement Scott le visage fermé. Dommage.

Le véritable alpha fit demi-tour et Stan le remplaça.

- P’tit génie… J’aurais dû… Merci pour tout.

L’agent du FBI versa une larme, toucha la main du cadavre et repartit. Arriva Derek avec son éternel visage interdit. Stiles déglutit, c’était lui qui comptait le plus, chez lui qu’il espérait voir le plus de peine.

- Adieu l’hyperactif, c’était sympa.

C’était tout. Rien de plus. Le lycan avait sourit tristement et s’était éloigné, rejoindre une femme à la silhouette floue. Le cœur du jeune homme se brisa encore un peu plus. Il n’avait jamais souhaité que ses proches soient tristes lorsqu'il passerait de l'autre côté. Toutefois, là, égoïstement, il aurait bien aimé que Derek soit effondré. Tel qu'il l’était actuellement. C'était idiot de sa part, comme si le misérable être humain qu'il était pouvait espérer plus. Des gens comme lui, il y en avait des centaines. Une dernière personne s’avança, c’était Noah Stilinski.

- Fiston… Pourquoi… ? Pourquoi tu m’a fait ça, à moi ? N’ai-je pas été un bon père ?… Si c’est pour vivre avec cette douleur, j’aurais préféré ne jamais t’avoir.

Le décor se noircit et il bascula en avant pour se retrouver sur leur lit, son lit. C’était peut-être ça la solution après tout, abandonner et se laisser dépérir. Il n'avait rien à offrir de plus. Il n'était plus que l'ombre de lui-même. Qui aimerait traîner un tel boulet ? Même lui ne se supportait plus. Mélangé à tous ses doutes, un sentiment de culpabilité naquit au fin fond de son esprit. Se mettre dans des états pareils juste pour une rupture amoureuse, c'était affligeant.

« Stiles Stilinski est inutile au possible. »

Cette remarque détruisit ses dernières barrières. Il était prêt. Il voulait mourir, ici et maintenant. Il s'apprêtait à se faire happer par la grande faucheuse mais, ce fut une main douce et légère qui lui caressa le visage. Il était trop faible pour en déterminer l'origine.

- Stiles, ne l'écoute pas, supplia une voix féminine. Elle est en train de gagner. Bats-toi. Stiles… C'est toi qu'elle vise parce que tu es l'un des piliers de cette meute, ne l'oublie pas. Je vais t'aider un peu en te donnant de ma force. Courage. Je crois en toi.

Des lèvres se déposèrent sur son front. Stiles ne savait pas si cette rencontre était une vision de son esprit ou si elle était bien réelle. Il ne put y réfléchir bien longtemps, une énorme fatigue le submergea de nouveau. Il ne la combattit pas.

Il fut transporté dans l'un de ses rêves récurrent. L'hôpital. Sa mère. Ses paroles de rejet. Il rit ironiquement, si c'était pour l'achever, c'était plutôt réussi. Il le connaissait par cœur, ce rêve. Tout se déroula comme prévu, sauf la fin. Elle se modifia légèrement. Au moment où les médecins essayaient d'éloigner le petit Stiles de sa mère. Elle lui avait accroché le poignet.

- Aie, tiqua le grand Stiles. Je ne me souviens plus de ce moment, c'est étrange…

Elle fixait le garçon, les larmes aux yeux et un sourire tendre sur le visage.

- Ça va aller mon bébé. Tout ira bien, maman restera avec toi pour toujours, dans ton cœur.

Puis, l'étreinte se relâcha. Elle était partie. On laissa l'enfant s'effondrer sur le corps sans vie de sa mère. Stiles adulte aussi était en pleurs. Il s'en souvenait enfin, il avait été témoin des dernières secondes de lucidité de la femme qui l'avait mis au monde. Avant de disparaître, elle lui avait fait le plus beau des cadeaux, il avait pu retrouver la douceur de sa mère. Stiles enfouit son visage dans ses paumes. Pourquoi cet instant avait-il été effacé de sa mémoire ? C'était tragique et réconfortant. Elle n'avait jamais cessé de l'aimer, jusqu'à son dernier souffle. Soudainement, une main lui toucha l'épaule. Il se retourna et vit Chris Argent lui sourire chaleureusement.

- La perte d'un enfant est la pire des choses possible, lui dit-il doucement. N'abandonne pas, Stiles.

Cette fois, à son réveil, son cerveau fonctionna à plein régime. Et, au lieu de s'apitoyer sur son sort, il se concentra profondément. Une énergie nouvelle s'était emparée de lui, comme s'il se sortait d'une longue léthargie. Il se remémora les derniers mois et écarquilla les yeux. Il avait enfin compris, tout s'était emboîté. Il rigola fortement, ils n'avaient été que des pièces sur un échiquier, chacun d'entre eux. Il descendit de son matelas, flageola quelques secondes et s'élança hors de la pièce.

Il entendit des gens parler à l'étage inférieur. Il emprunta l'escalier et arriva dans le salon du loft. Tous les regards se tournèrent vers lui. Derek, Lydia, Jordan, Noah, Kira, Isaac, Liam et Malia étaient dans l'incompréhension la plus totale.

- Salut tout le monde, s'exclama joyeusement le policier.

- Euh Stiles… Tu vas bien ? S'inquiéta Derek.

- Ouep, bien mieux que les derniers jours !

- Tu verrais ta tête, on hésite entre un fantôme et un squelette, railla la coyote.

- J'ai une faim de loup ! Vous parliez de quoi ?

Il marcha jusqu'au bar, prit une pomme et la dévora.

- De toi, conclut Noah. On est très inquiet. Cela fait cinq jours que tu n'es pas sorti de ta chambre Stiles.

- Mmh ? Tant que ça ? Et ben elle est forte. Allez-y, continuez. Faites comme si j'étais pas là.

- Ça y est, il a vrillé, remarqua Liam. Il est devenu fou.

Distraitement, le revenant s'empara du pain et commença à le découper en petits bouts. Une fois son œuvre achevée, il les lança sur son ancien compagnon qui le fuyait toujours du regard.

- Stiles, grogna le lycan. Qu'est ce que tu fous ?

- Ce n'est pas bien compliqué, fais un effort. Je te vise. Ça m'amuse.

- Arrête ça.

- Si je dis non, tu vas faire quoi ?

- Stiles ! Gronda Derek. Ça suffit.

- Ça t'énerve hein ? C'est con, je vais continuer encore longtemps.

Les iris de Derek prirent une teinte bleue, à bout de patience, il s'approcha rapidement de Stiles, le prit par le col et le plaqua au mur. Exactement la réponse attendue par le jeune homme. Dans cette position, le loup était obligé de plonger son regard dans le sien. Derrière la rage superficielle, Stiles y vit de la douceur. Bien, il avait raison. Il restait un mince espoir.

- Stiles, je t'ai prévenu !

- Mon petit Derek, tu as vu ce qu'il faut que je fasse pour que tu me regardes ?

- Je ne veux plus entendre ce surnom. Toi et moi c'est fini.

- Pourquoi ? Ça te fait mal de l'entendre ?

- Non, ce n'est pas approprié, c'est tout.

- Tu ne sais pas mentir, ou alors je te connais trop bien.

- Ferme-là.

- Tu as mal au crâne en ce moment ? Tu es fatigué ? Tu fais des cauchemars étranges ?

- Comment tu…

- Comment je sais ? Bonne question. J'ai exactement les mêmes symptômes…

- Ce que tu dis n'a aucun sens. Tu me fatigues, j'en ai marre de toi.

- Étrange… Alors pourquoi tu t'es occupé de moi depuis notre rupture ? Inutile de nier, les petit plats chauds, je sais que c'est toi.

- ... J'allais pas te laisser mourir de faim.

- Tu aurais pu me jeter dehors et je sais que tu en es capable. Sauf si…

- Non, tais-toi.

- Tu m'aimes encore.

Derek resta silencieux, toutefois, le bleu de ses yeux fut remplacé par un gris-vert éblouissant. Son regard était larmoyant, presque suppliant.

- Stiles, murmura le loup en baissant le visage. Je ne peux pas…

- Je sais. Ce n'est pas de ta faute. Ce n'est pas toi, enfin pas exactement toi. Ta migraine est revenue ?

Son ex-compagnon hocha la tête. Le jeune homme passa sa main sur sa joue et la prise se desserra.

- Je t'aime Derek et je suis désolé mais je n'accepte pas cette séparation. Supporte le encore un peu, s'il te plaît.

- C'est bien mignon tout ça, mais ce ne nous explique pas ce qu'il se passe, constata Malia.

- J'y viens, j'y viens. Kira, où est Scott ?

- Aucune idée. On s'est disputé et comme d'habitude, il est parti.

Stiles, pris d'un vertige soudain, se rattrapa à une chaise. Derek se précipita pour l'aider à s'y asseoir. Puis, le jeune homme inspira profondément. Il était plus faible qu'il ne le croyait.

- Amalia, articula-t-il difficilement.

- Et ? Interrogea Liam impatient.

- Faut vraiment tout vous expliquer. Bon, vous savez qu'elle a détruit l'équilibre de Scott ? Et bien elle a fait un peu pareil avec chacun d'entre nous…

- Mais on lui a retiré ses pouvoirs.

- Mmh… Non. On est parti du principe que le sorbier serait assez puissant pour la restreindre. Grave erreur. Ça fait un moment que je me sens épié, je pensais que je délirais… Je ne saurais pas exactement dire depuis quand… Peut-être depuis cette nuit-là… Je savais bien que quelque chose n'allait pas. Je dois être plus sensible à ce genre de choses. Probablement à cause du Nogitsune. Rah… Si j'avais été plus rapide, j'aurais pu éviter tellement de choses…

- Stiles, intervint le Shérif. Je ne comprends pas.

- Bon, en gros, chaque sentiment négatif que vous ressentez, elle les a accentués, multipliés. Du moindre doute à votre plus grande angoisse. Avec moi, elle a joué sur mon insécurité constante et ma peur de devenir un poids. Ce qui a plombé ma relation avec Derek, mon travail et même mon amitié avec Scott. Les crises d'angoisse quand on a appris pour moi et Derek, mon incapacité à tout assumer, mes excès de colère envers Scotty… Tout est clair maintenant. Entendez-moi bien, ce que vous ressentez est réel mais tout prend des proportions bien trop importantes.

Un long silence accompagna ses révélations. Ils semblaient tous perdu dans leurs réflexions. Le Sourwolf s'était éloigné et s'appuyait contre l’un des piliers du loft. Ses traits étaient tirés, il semblait avoir vieilli d'un coup. Il touchait machinalement sa cicatrice, ce qui fit sourire Stiles. Même épuisé, il restait sublime. Il aurait pu rester encore longtemps à détailler la beauté de son ex-compagnon mais, il y avait plus urgent.

- Pourquoi fait-elle tout ça ? Séparer un couple c'est un peu nul, surtout pour une sirène de son rang. C'est ce que vous vous posez comme questions, non ? Je la soupçonne fortement d'être en relation avec notre cher ami Preston. Il veut Scott. Quoi de mieux que de diviser une meute pour plonger l'alpha dans ses retranchements ? Voyez ça comme une pyramide où l'on détruit la base pour atteindre le sommet. Comment se sont-ils rassemblés ? Je ne sais pas encore.

- Mais Preston a tué la majorité de ses amis, marmonna Derek.

- Amis ? Pions. Je ne pense pas qu'Amalia puisse encore ressentir de l'amitié pour qui que ce soit. Nous, on a retardé ses plans, sa favorite l'a trahi à cause de mon père… D'ailleurs, où est Lana ?

- Après qu'elle t'ait rendu visite hier, elle est tombée malade et se repose chez elle, expliqua Noah.

- C'était elle… Je n'aime pas ça. Papa, tu peux aller vérifier avec Jordan ? Elle m'a certainement sauvé la vie…

Les deux policiers acquiescèrent, le shérif serra puissamment son fils dans les bras.

- Tu m’as manqué fiston. Tu peux me parler, je t’aime.

- Moi aussi p’pa.

Parrish et Stilinski père quittèrent l’appartement.

- Je… J'ai besoin de me reposer un peu je crois… J'ai la tête qui tourne… Faut retrouver Scott… Vite avant que Preston s'en charge. Kira, Liam, Malia, Isaac, par pitié… N'écoutez pas votre colère, elle ne vous appartient pas.

- J'ai compris, affirma la renarde. Vas te reposer, on vous laisse.

Elle lui embrassa la joue et les quatre amis partirent à leur tour, laissant seuls les deux amoureux. Aucun d’eux ne brisa le silence environnant. Stiles ne savait pas trop où ils en étaient. Mais, il ne se laisserait plus faire, il allait se battre. La perspective de le perdre avait été trop difficile à accepter. Pour la première fois depuis longtemps, il eut l’impression de reprendre le contrôle de sa vie. Curieuse sensation. Il voulut le rejoindre mais ses jambes le lâchèrent et il s'écrasa au sol. Le lycan accourut, passa un bras sous ses genoux et l'autre derrière son dos. Il le porta délicatement, craignant sûrement de casser en deux le corps fragile de Stiles. Il monta les marches lentement.

- C’est si bon d'être contre toi, susurra le jeune homme.

- Je dois réfléchir à tout ça. On va devoir parler, beaucoup.

- Je sais. Mais s'il te plaît reste avec moi. Rien qu'un peu. Je me suis vu mourir… J'ai peur d’être seul.

- Je suis là, je ne partirai pas.

Stiles entendit le cœur du lycan battre un peu plus fort. Il ne pensait pas que se débarrasser de l'emprise d'une sirène était aussi usant. Ou alors était-ce le mauvais traitement qu’il s’était infligé durant sa descente aux enfers ? Sans doute un mixte des deux. Au moins, cette fois, il s'endormit en sécurité entouré par la chaleur de son loup.

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