Chapitre 11

Le réveil sonna, sortant les deux hommes de leurs rêves. Ils s'étaient endormis tard et avaient programmé la sonnerie à dix heures pour finaliser quelques petites choses avant leur départ. Comme prévu, Stiles était survolté. Même la perspective de se prélasser au lit, dans les bras de son homme, ne le freinait pas. Il fallait encore faire un brin de ménage afin que, mardi, tout soit parfait pour leur retour. Derek soufflait, un mélange d'agacement et d'amusement animait son visage. Après quelques remarques sarcastiques sur l'incapacité qu'avait le loup à se décider à choisir une émotion, il s'agita dans tout l'appartement pendant que son conjoint préparait les denrées alimentaires.
Ils passèrent le repas sous un flot incalculable de paroles émit par le plus jeune qui avait bien conscience que son interlocuteur ne l'écoutait déjà plus.

- Désolé, reprit timidement le plus bavard. Je parle trop.

- Ça me va, s'exprima simplement le silencieux.

- Je vais faire un effort.

- Non, c'est mignon… Dans un sens.

- Tu n'as plus envie de me faire taire, se moqua-t-il malicieusement.

- Si, si, mais on ne te changera pas, Stilinski.

Ils échangèrent un rire complice et l'heure du départ sonna. Le lycan était à l'étage en train de vérifier que tout était éteint tandis que le jeune homme avait déjà la main sur sa valise et l'attendait devant la porte. C'était enfin le moment de partir, ils allaient se retrouver tous les deux, perdus dans la montagne. Profiter d'une bulle de calme et fuir le quotidien. Il l'avait tellement attendu ce week-end. Tout était parfaitement prévu. Ils partaient tôt dans l'après-midi pour pouvoir récupérer les clés au propriétaire du chalet. Puis, ils se dirigeraient vers celui-ci pour passer leur première soirée romantique. La petite maison disposant d'une terrasse, ils pourraient regarder les étoiles ensemble. Lui confortablement installé dans les bras chauds de son compagnon. Les jours suivants, ils se perdraient dans les décors sublimes de la nature, Stiles s'était, d'ailleurs, préalablement renseigné sur la faune et la flore environnante afin d'impressionner son amant. Enfin, ils rentreraient fatigués et se détendraient l'un contre l'autre. Il sentirait leurs cœurs battre à l'unisson, ils oublieraient toute la frustration accumulée. Pas de réveil, pas de contraintes d'horaires. Juste eux, le ciel, la montagne et le lac. Que rêver de mieux ? Le jeune homme en était sûr, ils toucheraient les portes du paradis.

Ce fut alors que la sonnette retentit dans le loft. Curieux, le policier entrebâilla la porte avec un large sourire qui se décomposa rapidement. Derrière lui, Derek arrivait en courant le suppliant de ne pas l'ouvrir, mais il était déjà trop tard, elle se tenait devant eux. Elle avait légèrement changé, prit un peu de poids mais le temps ne semblait pas l'avoir touché. Elle était toujours aussi belle, même un peu plus qu'avant avec ses cheveux noirs qui se perdaient sur ses formes généreuses. Elle conservait ses cicatrices sur son cou et sa mâchoire.

- Bonjour Braeden, murmura Stiles.

- Stiles ! Bonjour, ça fait longtemps. Je suis contente de te voir, tu as mûri, surtout du visage ! Mais je ne m’attendais pas à te rencontrer ici…

- Je suis le… coloc de Derek, répondit-il en baissant la tête.

- Un coloc… ? Tu acceptes ça, toi ? Demanda la chasseuse de prime en regardant enfin Derek.

- Braeden. Qu'est ce que tu fous là ? Grogna le loup.

- Je…

Avant qu'elle ne finisse sa phrase, une petite main se glissa sur le bord extérieur de sa jambe. Et une petite tête timide se faufila pour observer les deux hommes avec des grands yeux ronds. Le jeune policier reconnut tout de suite ce regard intense vert-gris et ce nez en triangle.

- Maman… eux les amis ? Marmonna le petit garçon.

- Oui mon chéri. Je… Je suis désolée…

Les deux amants échangèrent un regard rapide puis laissèrent le passage à la mère et à son enfant. Dans sa surprise, le jeune homme comprit avec dépit que leur arrivée signait l'annulation de ses projets de couple. Exaspéré, il lâcha sa valise et proposa mollement des boissons à leurs invités. Il avait envie de lui dire de partir, qu'elle n'avait rien à faire ici, qu'elle avait laissé passer sa chance, que Derek avait tourné la page, que maintenant il était heureux, qu'ils étaient heureux. Mais il ravala difficilement ses ressentiments et serra les dents. Elle répondit vouloir un verre d'eau et demanda avec une douceur infinie si elle pouvait coucher son petit ange pour la sieste.

- Y a une chambre d'amis à l'étage, expliqua machinalement le jeune homme. Deuxième porte à gauche.

- Merci… Je reviens.

Avec son fils dans les bras, elle monta les marches et disparut sur le palier supérieur. Profitant de leur court répit, le plus jeune se retourna vers son conjoint et s'exprima d'une voix cassée :

- Derek…

- Je sais, j'ai remarqué, le coupa sèchement le loup.

Celui-ci lui décocha un regard noir. Pendant un infime instant, quelques secondes tout au plus, Stiles eut le sentiment de reprendre sa place du lycée. Celle dont il avait enfin réussi à se séparer, il était momentanément redevenu le jeune garçon en manque de confiance en lui et en constante recherche d’approbation. Son petit-ami reprenait sa froideur caractéristique et lui, se sentait de trop. En gardant le silence, il s'assit, le regard dans le vide.

- Excuse-moi… Je… Je suis un peu dépassé par les événements, bégaya le plus vieux.

- Je comprends, je suis avec toi, prononça-t-il distraitement.

Ils avaient besoin d'explications. Trop de questions tournaient dans la tête de l'hyperactif. Était-ce vraiment le fils de son compagnon ? Quel âge avait-il ? Pourquoi attendre si longtemps pour montrer signe de vie ? Quelles étaient les intentions de la brune ? Et enfin, est-ce que leur couple y survivrait ? Pour cette dernière, personne n'en avait encore la réponse mais c'était celle qui le terrorisait le plus.
Comme pour se faire pardonner, Derek lui tendit une tasse remplie de chocolat chaud, le tirant ainsi de ses réflexions. Les mains de son homme tremblaient, il leva les yeux et rencontra un regard débordant de craintes et d'incompréhension. Il engloba ses doigts flageolants et chuchota :

- Ça ira, tu vas y arriver. Je serai là autant de fois que tu auras besoin de moi.

- Merci, mon amour. Désolé mais je crois qu'on va devoir…

- Je sais. J'annule tout.

- On se rattrapera, hein.

- Oui, on verra.

Le loup voulut ajouter quelque chose mais les bruits de pas provenant des escaliers le stoppèrent. Elle descendait les marches avec une démarche féline pour venir s'installer à côté du propriétaire des lieux.

- C'est bien ce que tu as fait de cet endroit, dit-elle. À l'époque, c'était plus impersonnel.

- C'est Stiles.

- Hum, tu as beaucoup changé. Tu ne voulais même pas entendre qu'on puisse s'installer ensemble, toi et moi. Et voilà que tu vis en colocation avec lui, l’un des ados les plus éloquents que j’ai pu rencontrer.

- Mmh.

- Tu l'apprécie beaucoup, n’est-ce pas ?…Tiens, tu l'as toujours, cette cicatrice. Je pensais qu'elle disparaîtrait avec le temps.

Elle posa délicatement sa main sur la pommette de son ancien petit-ami et lui caressa, avec son pouce, la marque divisant son sourcil en deux. Ce n'était plus une impression d'être retourné six ans auparavant qui étouffait le plus jeune, c'était une certitude. Il aurait voulu que le loup aigri montre son caractère asocial et qu'il rejette cette main, qu'il grogne ou qu'il lui jette un regard assassin, n'importe quoi du moment qu'il réagisse mal à ce contact. Mais non, le sourwolf resta stoïque, le regard planté dans celui de cette femme.

- Ça ne te regarde pas. Qu'est-ce que tu cherches en revenant après autant de temps, lança-t-il froidement.

- C'est que… balbutia-t-elle gênée en jetant un coup d'œil à Stiles.

- Je vais vous laisser, siffla tristement le jeune homme.

- Non. Tu restes. Tu es chez toi et je n'ai rien à te cacher, reprit Derek.

Le châtain but une gorgée du doux liquide sucré. C'était d'un soutien émotionnel sans faille. Il eut l’impression d’être un spectateur d'une comédie romantique se déroulant avec des personnages de sa propre vie. S'il devait regarder cette scène d'un point de vue extérieur, il était sûr que ces deux-là allaient se remettre ensemble. La façon dont elle rougissait devant l'air assuré de l'homme qui lui faisait face, la manière dont celui-ci la fixait, aussi durement que tendrement ; tout ça était équivoque. Ces pensées lui arrachèrent le cœur. Un nœud dans son estomac commençait à se former lui provoquant des vagues de nausées plus ou moins importantes. Il retint les quelques larmes qui voulaient s'inviter en pensant, avec le plus grand des sérieux, à s'arracher le cerveau pour limiter la froideur des sentiments qui se déversait en lui.

- Parle, maintenant, aboya le brun ténébreux.

- Après notre rupture, j'ai enchaîné les missions pendant deux mois, raconta Braeden. Je n'ai pas arrêté, j'ai touché pas mal d'argent. Mais j'étais épuisée si bien qu'au bout de ce laps de temps j'ai stoppé toute activité professionnelle. J'ai dormi pendant deux jours entiers. Après ça, j'ai commencé à ressentir des douleurs discontinues au ventre. Comme si on me déchirait de l'intérieur. Une minute à me plier en deux puis plus rien pendant les cinq suivantes. Je me suis traînée à l'hôpital, je pensais sincèrement que j'allais mourir. En arrivant là bas, ils m'ont pris en urgence et… Je dois avouer que je peine à me souvenir de ce qu'il s'est passé par la suite… Tout ce dont je me rappelle c'est d'un homme habillé en blanc qui me répètait quatre mots "dénis de grossesse" et "accouchement". Je n'arrivais pas à comprendre l'importance de ses phrases, ce que cela signifiait réellement. On m'a amené très rapidement dans une pièce et on m'a branchée à de multiples appareils qui faisaient un bruit infernal. Ce même homme me demandait de pousser. J'ai passé de longs moments à souffrir. J'étais ailleurs. Jusqu'à ce que ça cesse. Enfin. J'ai entendu des petits cris s'élever au loin. On m'a félicité pour quelque chose que je ne voulais pas. On m'a conduite dans une chambre austère et on me l'a déposé dans les bras. Sans que je ne puisse intégrer que j'étais devenue mère, je tenais contre moi, un petit être qui gesticulait. On m'a expliqué ce que je devais faire. Je me suis occupée de lui dans un état second, je ne l'ai même pas regardé lors de ses premiers jours de vie… Tu te rends compte ? J'ai honte. On m'a laissé rentrer chez moi, avec lui. Je me suis assise dans un fauteuil et, pour la première fois, j'ai croisé son regard. J'ai fondu en larmes. Cette petite chose sans défense était mon enfant, notre enfant. Je n'y connaissais rien, j'ai trouvé de l'aide à droite et à gauche. J'ai appris à l'aimer et à devenir maman…

- Pourquoi maintenant ?

- Je suis venue ici au début. Mais tu n'y étais pas. Je retente aujourd'hui…

- Comment il s'appelle ?

- Nathan.

- Mmh.

- Derek, je t'en pris, dis moi quelque chose, supplia-t-elle en lui prenant la main.

Le jeune policier remarqua douloureusement que son compagnon ne brisa pas le contact physique. Les nausées devinrent de plus en plus fortes. Le tout nouveau père resta silencieux, la tête baissée et les sourcils froncés. Il finit par ouvrir la bouche :

- Nathan… Répéta-t-il à haute voix, Nathan… Nathan… Il se réveille.

Sans attendre, l'ancienne chasseuse de prime se précipita à l'étage. Son absence fut courte, elle revint rapidement avec le petit garçon dans les bras. Il semblait encore un peu fatigué et se frottait les yeux, il leur montra, tout de même, un sourire rayonnant qui fit chavirer le cœur de Stiles. Des cheveux noirs, légèrement frisés, tombaient au-dessus de ses sourcils, sa peau mate était plus claire que celle de sa mère et faisait ressortir, avec un contraste prononcé, ses beaux yeux gris.

- Bonchour ! Articula l'enfant comme il le pouvait.

- Bonjour Nathan, sourit le loup.

- Hey ! Salut petit bonhomme ! Lança le jeune homme plein d'entrain.

Braeden essaya de le maintenir contre elle mais le garçon avait d'autres projets. Il se tortillait pour pouvoir atteindre le sol et courir partout, ce qui n'arrangeait pas les parents qui avaient visiblement encore des choses à se dire. Sentant la gêne ambiante, le plus jeune prit la décision de s'occuper du petit monstre. Il se déplaça et le regarda affectueusement tout en lui proposant de jouer ensemble, ce que, Nathan accepta avec une joie non dissimulée. Sans résistance, il se laissa tomber dans les bras du jeune et ils partirent explorer le loft. Sous les éclats de rire mélodieux, le temps défila rapidement. Ils s'amusèrent à déranger tout l'appartement, à s'engager dans des combats à coup de cuillères en bois, dont Stiles était souvent le perdant, à se chatouiller mutuellement et à chanter des chansons que l'adulte avait apprises dès la naissance de June, en prévention.

- Il est doué avec les enfants, rigola la mère.

- Normal. Il a la même énergie qu'eux et puis, il dégage quelque chose qui met tout de suite en confiance, s'émerveilla le père laissant échapper un petit sourire.

- Je crois que je ne t'ai jamais vu aussi enthousiaste envers quelqu'un.

- Mmh. Qu'est ce que tu attends de moi, viens-en au fait.

- Derek. Je te demande rien. Cet enfant, je l'ai eu sans le vouloir, sans qu’aucun de nous le veuille. Tu as le droit de ne pas nous accepter dans ta vie. Nath' ne sait pas qui tu es… Je ne lui ai encore rien expliqué. Mais je me dis que peut-être, on pourrait être une famille.

- Je… Je dois réfléchir.

Famille. C'était le mot que le baby-sitter du jour avait réussi à capter. Son abdomen se contracta, l'envie de vomir était plus intense. Bien qu'il était charmé par le petit, il n'avait pas du tout confiance en la maman. Il n'était pas aveugle, il voyait bien qu'elle espérait plus qu'une garde alternée. Elle voulait que son ex reprenne sa place d'avant. Et ça, il ne le permettrait pas. Il ne se laisserait pas faire. Il en avait assez bavé pour en arriver là où il était. Il allait se battre pour garder son bonheur actuel. Il était déterminé. Mais au plus profond de lui, il essayait vainement de faire taire cette petite voix si déplaisante qui lui rappelait que ces trois êtres formaient une famille parfaite et qu'elle avait pu offrir au loup ce que, lui, ne pouvait pas, même avec la meilleure volonté au monde. Il secoua la tête, non, il fallait qu'il garde espoir.

- Ça va pas ? Demanda une petite voix, le tirant de ses pensées.

- Je me demandais… Tu sais ce que l'on n'a pas encore fait ?

- Non.

- Le cheval. Tu veux faire du cheval ?

- Twop bien ! S'écria Nathan.

- Allez monte !

Le futur destrier se mit à genoux et le cavalier monta sur son dos. L'imitation du cheval était presque parfaite, si bien que des rires remplissaient le loft. Même le nouveau papa partit dans un fou rire incontrôlable, sous le regard choqué de la belle brune. La fatigue commençait à se faire sentir et le cheval humain fit descendre le petit jockey qui ne semblait pas d'accord avec cette décision. Il se mit à pleurer et à crier. La colère s'était emparée du petit garçon, pendant quelques secondes, ses yeux brillèrent d'un jaune intense. Stiles resta doux mais ferme et la frustration finit par s'apaiser. Nathan serra dans ses bras son nouvel ami. Les deux hommes échangèrent un regard à demi-surpris puis fixèrent la femme d'un air interrogateur. Elle rougit et leur expliqua que son fils semblait, lui aussi, avoir des dons surnaturels depuis sa naissance. Une fierté passagère illumina le visage de Derek avant qu'il ne retrouve sa mine fermée. Le petit loup étant épuisé de sa journée de jeu, se blottit dans les bras de sa mère en demandant de revenir ici plus souvent. Braeden paraissait vouloir repousser un maximum le départ, comme si elle attendait quelque chose qui n’arriva pas. Finalement, ils partirent, non sans que l'enfant ne distribue des bisous baveux aux deux hommes, même le grand brun eut le droit à un contact physique auquel il ne s'attendait pas.
Une fois tous les deux, l'hyperactif avait encore tellement d'interrogations mais il se ravisa. Il ne voulait pas brusquer son homme qui n'était visiblement pas disposé à entamer une longue discussion.

- Je vais courir, grogna-t-il sans même lancer un coup d'œil à son compagnon.

- D'accord.

- Tu n'en parles à personne, Stiles. Ajouta-t-il en passant le pas de la porte.

L'humain tentait de battre ce sentiment de solitude qui essayait de l'écraser. Une heure passa durant laquelle il imaginait des scénarios plus terribles les uns que les autres. Dans l'un d'eux, Derek le quittait, sans vraiment sourciller, et se réjouissait de pouvoir profiter de sa nouvelle famille. Dans l'autre, il lui expliquait, qu'en fait, il avait fait une erreur, qu'il n'avait jamais réellement oublié la belle brune, que lui n'était qu'un simple remplaçant mais que, maintenant, il devait partir de son appartement. Et un dernier où Braeden le traitait de tous les noms, en lui disant que c'était de sa faute si son ex petit ami avait viré de bord et que, s'il l'aimait vraiment, il le quitterait de lui-même. Chose que, dans ses songes, il faisait les larmes aux yeux. Son cœur et son estomac étaient douloureux. Il en avait marre d'avoir l'impression d'être emprisonné dans ce grand loft vide. Il fallait qu'il sorte, qu'il se dépense. C'était vital. Il se rendit à l'extérieur, la nuit commençait à tomber et il se mit à trottiner. Il était perdu entre peur, tendresse et colère. Il enrageait que son compagnon puisse penser un seul instant qu'il puisse aller raconter sa journée à qui que ce soit, que la chasseuse de prime débarque aujourd'hui, pile quand ils allaient partir en amoureux. Il se détestait d'avoir pu dire qu'ils n'étaient que des colocataires. Il était angoissé de ce qui les attendait. Et enfin, il adorait le petit Nathan, il ressemblait beaucoup à son père quand il prenait son air renfrogné. Il revoyait sans cesse les gestes tendres de Braeden et le peu de réaction de son petit-ami. Sans s'en rendre compte, son rythme de course avait largement augmenté. Il courait jusqu'à en perdre haleine. Il ne savait pas s'il essayait de fuir sa vie ou s'il tentait de ne plus ressentir ces nausées qui le hantaient. Ses jambes bougeaient toute seule, si vite, qu'il sentit son souffle se couper et la pluie fine qui se déversait sur son visage se mélangeant à ses larmes. Puis, au bout d'un certain temps, il n'en put plus, il se stoppa net et mit ses mains sur ses genoux. Tout en haletant, il regardait autour de lui. Il faisait sombre mais il était en ville dans une rue où le peu de gens qui s'y baladait regardait à terre, pressé de trouver un abri. La petite bruine s'était transformée en grosses gouttes dignes des plus belles moussons. Mais il n'en avait que faire. Cela ne faisait qu'exprimer son état émotionnel. Alors qu'il retrouvait son souffle, il eut un premier relan. Il allait vomir, il fallait qu'il trouve un endroit calme. Il marcha quelques secondes avant de trouver une petite ruelle dans laquelle il prit appuis contre le mur. Ne pouvant plus se retenir, il laissa sa bile envahir sa bouche et se déverser sur le sol. Le liquide lui brûlait la gorge et, il tremblait d'épuisement. "Quelle journée de merde." grinça-t-il des dents une fois son mal-être expulsé. Il pensa à rentrer chez lui mais il était perdu et avait oublié son téléphone chez lui. Il rigola nerveusement en se demandant ce qu'il pouvait bien leur arriver de pire, une meute de cinglés se rapprochait, un Scott dont le loup mourrait, le FBI qui débarquait bientôt et maintenant le fils caché de son amant. C'était comme si quelqu'un s'amusait à les voir souffrir. Il passa sa main dans ses cheveux, il devait se concentrer pour retrouver sa route. Vidé de son énergie, il titubait pour revenir dans la rue d'à côté. Une fois atteinte, une main chaude se déposa sur sa chemise trempée.

- Stiles ?

- Mmh, qui c'est ? Marmonna-t-il en tournant la tête.

- Oh la vache, tu fais flipper…

- Flynn… Manquait plus que toi, ricana le jeune homme.

- Qu'est ce que tu fous là ?

- J'adore me balader sous la pluie, le soir. Comme ça, je risque de choper soit une pneumonie, soit une grippe carabinée. Ça donne un petit challenge à ma vie. Bien qu'en ce moment, je n’en ai pas forcément besoin.

- Stilinski, arrête tes conneries. Viens avec moi, je te ramène chez toi.

- Non t'inquiète, ça…

- Ferme-là et suis-moi. Tu verrais ton état… Franchement, on a dû mal à savoir si tu es vivant ou mort.

Le policier baissa la tête et accompagna son collègue qui était décidé à s'occuper de lui. Ils se déplacèrent un moment pour s'arrêter devant une voiture que Mayer ouvrit. Il invita son coéquipier à y monter. Ce dernier s'exécuta sans broncher. Une fois à l'intérieur, il se rendit compte que ses vêtements étaient glaciales, il se mit à grelotter.

- Je mets le chauffage, dit le plus grand.

- Merci… Pourquoi étais-tu là ? Demanda Stiles.

- J'avais une soirée. Rien d'important. Je ne te demanderai pas ce qu'il s'est passé pour que tu ressembles à… ça. Mais un homme doit toujours garder la tête haute.

- Ne commence pas avec tes délirs de virilité à la con.

- ... Je ne sais pas ce qu'il se passe. Mais je suis inquiet pour toi.

- T'en fais pas…

- Si.

- Pourquoi ?

- Hein ?

- Pourquoi tu t'inquiètes comme ça ?

- Ah.. Euh ben parce que tu es mon coéquipier… et je t'apprécie… Enfin un peu quoi. Bon, c'est pas que je m'ennuie mais j'ai de la nana à satisfaire ce soir. Ton adresse ?

L'homme trempé pouffa de rire et lui communiqua le nom de sa rue. L'autre sourit fièrement et démarra sa voiture. Le trajet se fit dans le plus grand des silences. La chaleur se répandit dans l'habitacle et câlina le châtain. Ça lui faisait du bien, en plus, la présence de QI d'huître lui semblait étrangement rassurante. Ils arrivèrent et le passager descendit.

- Euh… Ben merci… et désolé pour ton siège, il est mouillé.

- Rentre chez toi, Stilinski… Si jamais ça recommence, sois fort, enfin je veux dire… Je peux t'aider, encore… N'hésite pas à m'appeler…

- Tu deviens trop sentimental, c'est flippant, se moqua-t-il amicalement.

- Je ne sais pas faire, c'est des trucs de femmelettes ça. Bouge de là, je dois faire en sorte de rentrer avec quelqu'un, moi.

Les équipiers rigolèrent et Stiles prit le chemin du loft. Son corps était douloureux, chaque pas était un calvaire. Heureusement que Flynn passait par là, sinon il aurait errer longtemps. C'était bizarre dans son esprit d'associer "heureusement" et "Flynn" mais comme quoi, tout pouvait arriver. Il lui devait une fière chandelle. Il était d'ailleurs assez surpris d'autant compter à ses yeux. Peut-être qu'il était gentil, finalement. Il se stoppa, il était devant la grande porte de l'appartement. Il expira, un peu stressé de retrouver son homme. Puis, rassemblant son courage, il entra. Mais le lieu semblait vide, il était plongé dans le noir et dans un silence assourdissant. Derek n'était donc pas encore rentré. Il s'appuya contre le mur pour enlever ses chaussures quand il sentit un corps chaud s'écraser contre lui, des mains se posèrent d'un côté et de l'autre de son visage. Dans l'obscurité deux yeux bleus glaciaux brillèrent.

- Pourquoi tu rentres aussi tard en empestant l'odeur d'un autre ? Gronda la voix colérique du propriétaire des lieux.

- Super Stiles ! Tu es rentré, je m'inquiétais pour toi ! Comment tu vas ? Ben écoute bien et toi ?

- Je ne rigole pas, Stiles ! Je ne me répéterai pas. Pourquoi son odeur est partout sur toi ?

- Et tu vas faire quoi si je refuse de…

Le coupant au milieu de sa phrase, les lèvres de son compagnon se calèrent contre les siennes. À la place de recevoir un doux baiser langoureux, c'était un mélange de frustration, de colère et de douleur. Le jeune homme se dégagea comme il put, il n'acceptait pas ce genre de prise de force.

- Mais ça va pas ?! Rugit t-il. Tu te prends pour qui exactement ?! Tu veux savoir ce qu'il s'est passé Derek ? Et ben tu vas être déçu. Après que TON ex ai décidé de s'inviter chez nous avec ton fils caché, qui au passage est adorable, qu'elle t'ai tripoté sans que tu ne bronches et que tu te sois barré en me laissant seul avec juste une remarque à la con, tu sais ce que j'ai fait ? Abruti comme je suis, je t'ai quand même attendu, une heure. Puis j'en ai eu ras-le-cul de me sentir comme une merde. Parce que, pendant que toi, tu expulsais tes ressentiments, moi je les ravalais. Ben ouais ! Donc devine quoi ?! Je suis sorti pour éviter d'étouffer. J'ai couru vite et loin. Tellement que je me suis perdu et il s'est mis à pleuvoir comme jamais. Tu ne l'avais pas remarqué que j'étais trempé ? Hein ?! Non, Monsieur Hale préfère me coller contre les murs et se servir de moi comme punching-ball. Bref, Flynn m'a sauvé pour le coup, il m'a raccompagné. Et tu sais quoi ? Je lui en suis reconnaissant parce que j'étais épuisé et que je suis à bout. Tout ça pour quoi ? Parce que je suis inquiet pour toi. T'es vraiment con !

Tout ce qu'il essayait de contenir avait explosé devant la jalousie dévorante de son homme qui s'était reculé sous la violence de son monologue. Le loup resta quelques secondes interloqué pendant que l'humain reprenait son souffle. Puis, il s'effondra, assis, constatant de sa propre stupidité, il enfouit son visage entre ses mains. Stiles s'attendait à se confronter à une tempête de rage, il fut donc incroyablement surpris. Avec beaucoup de douceur, il s'avança, s'agenouilla et posa ses doigts dans le dos de l'homme à terre. Ce dernier releva la tête, et pour la première fois depuis leur emménagement, l'hyperactif vit des larmes perler dans le coin de ses beaux yeux gris. Sans pouvoir résister, il le plaqua contre son torse et attendit que les sanglots se calment.

- Tu veux en parler ? Demanda-t-il amoureusement.

- Je suis désolé… Je ne voulais pas… Je suis perdu. Stiles… Je suis papa… Tu te rends compte ? D'un gosse que je ne connais même pas… Je ne sais pas quoi faire…

- Ça va aller. Je crois que le mieux pour toi c'est d'apprendre à le connaître, ce petit gars. Sinon, tu vas le regretter.

- Mais… Et si je me trompe… Et si je suis aussi mauvais père que j'ai été un mauvais alpha… Et si… Il ne m'aime pas… ?

- Il t'aimera. Parce que tu peux être d'une douceur incroyable avec les gens que tu aimes, parce que tu es capable de tout pour eux. Je dois te rappeler que tu as abandonné ton pouvoir d'alpha pour sauver ta sœur ? Tu crois que beaucoup de loups le feraient ? Derek Hale, tu es un homme merveilleux, un peu colérique parfois, mais avec un cœur immense. Et puis, je serais avec toi, je t'aiderai dans l'ombre.

- Il t'adore déjà.

- C'est parce que j'ai un charisme de dingue.

- Pff… Merci… Mais, tu sais… Ça veut dire que je vais devoir la revoir, encore.

- Oui, je le sais. D'ailleurs… J'aimerai bien qu'on lui dise que toi et moi…

- Tu ne veux plus te faire passer pour mon coloc finalement ?

- Pas devant elle.

- Mmh. Viens, il te faut une bonne douche et te débarrasser de ces vêtements. En plus tu pues toujours l'odeur de l'autre.

Les cœurs des deux hommes s'apaisèrent enfin et le plus vieux porta le plus jeune jusqu'à la salle de bain pour lui faire couler de l'eau chaude sur le corps. C'était soulageant. Son corps arrêta de trembler et il s'aperçut qu'il avait faim. Il sortit de la douche sous l'œil inquiet de son amant. Il se moqua gentiment de lui puis se regarda dans la glace.

- Woh, sursauta-t-il.

Il était excessivement blanc, les joues creusées, son regard était perdu dans le vague et sa flamme qui l'habitait était éteinte.

- Je comprends mieux pourquoi Flynn m'a dit que je faisais peur.

- Ouais. Va dans la chambre, j'arrive.

Trop faible pour montrer la moindre résistance, le squelette humain se dirigea vers le lit et s'effondra dessus. Il y avait un mélange de leurs deux odeurs, c'était rassurant, il se détendit et se perdit dans les bras de Morphée.

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