CHAPITRE XVI : Severus
Cela faisait plusieurs heures que Laura dormait profondément. Les potions qu'il avait préparées en urgence pour lutter contre le venin de cette araignée suffiraient, il le savait. Mais il craignait qu'elle n'ouvre plus jamais les yeux.
Assis près de son lit, Severus attendait. La nuit était tombée depuis plusieurs heures, et il avait reçu pour consigne de Mme Pomfresh de rester ici. Même si elle lui avait réparé son os cassé, il obéissait.
Elle lui avait sauvé la vie, il le savait aussi.
Et il donnerait tout pour qu'elle se réveille enfin, pour qu'il puisse la remercier de vive voix. Mais cette fâcheuse tendance à foncer dans le danger sans réfléchir les avait aussi mis en danger, tous les deux. Elle allait devoir mûrir, et vite.
Mme Pomfresh revint pour examiner sa jambe et conclut que tout était rentré dans l'ordre. Puis, elle posa sa main sur le front de Laura, qui dormait toujours à poings fermés.
— J'espère que vous avez augmenté la dose d'antidote dans vos potions, car je n'ai pas l'impression qu'elle aille mieux depuis tout à l'heure.
— Oui, je l'ai fait, répondit Rogue, agacé qu'on ose douter de ses capacités en potions. Pourquoi ?
— Sa fièvre ne baisse pas.
Elle prit un linge humide qu'elle apposa sur le front chaud de la jeune sorcière inconsciente.
— Il me reste encore un peu d'antidote, mais je ne pensais pas devoir en refaire avant demain matin, une fois qu'elle serait réveillée.
— Donnez-moi tout ce que vous avez. Nous ne devons pas perdre de temps : le venin des araignées peut être mortel.
Severus fouilla dans ses poches et donna une petite fiole à l'infirmière, qui la dilua dans une autre boisson avant d'aller redresser la tête de Laura pour la forcer à avaler cette substance.
Puis, elle resta à son chevet une dizaine de minutes avant de pivoter vers le maître des potions :
— Vous pouvez partir, votre blessure est guérie.
— Non, je veux rester.
— Comme vous voulez. Prévenez-moi si son état se dégrade.
Il hocha la tête et la remercia mentalement de ne pas poser de questions sur pourquoi il insistait pour demeurer auprès d'une Gryffondor.
Le silence de la nuit s'abattit sur l'infirmerie. Seul le souffle rauque et irrégulier de Laura le troublait. Sa respiration presque douloureuse inquiéta Severus, qui ne savait pas s'il devait appeler Mme Pomfresh ou attendre encore. Pourquoi sa potion ne faisait-elle pas effet ? Il connaissait les anti-venins par cœur ! Il ne se trompait jamais ! La seule hypothèse tangible à ses yeux était que Laura fût allergique au poison de l'araignée, ce qui ralentirait ou annulerait les effets de l'antidote. Si cette théorie s'avérait vraie, alors la jeune femme risquait d'y passer.
A cette pensée, l'estomac de Severus se noua de peur.
Et d'autre chose.
Pourtant, il savait qu'il ne devait pas préoccuper autant d'elle. Cela ne lui ressemblait pas. Il resongea à la réaction de Black s'il apprenait que des sentiments naissant l'habitaient pour Laura. Et à Lily. Même si elle était tolérante, il ne pouvait nier qu'elle serait inquiète, voire contrariée.
Avec un pincement au cœur, le maître des potions se releva et se détourna.
Mais il n'avait pas fait trois pas qu'il entendit la respiration de Laura devenir plus silencieuse. Curieux, il se retourna et s'approcha d'elle. Elle dormait enfin paisiblement, sans souffrir de problème respiratoire.
Soulagé, Severus se pencha et, dans un geste impulsif, plaça sa main au-dessus du lit pour venir déposer un baiser sur le front chaud de la sorcière.
— Merci..., lui murmura-t-il.
Elle ne l'entendait pas, bien sûr, mais il avait besoin de le dire.
Sur ce, il se détourna pour de bon et quitta l'infirmerie.
Le lendemain, alors qu'il venait de commencer son habituel cours de potions avec les élèves de dernière année après avoir passé une mauvaise nuit, il fut interrompu par l'entrée d'une Gryffondor dans sa salle.
Laura Potter traversa tranquillement la pièce et alla se placer à côté d'une fille de Serdaigle et d'un garçon de Poufsouffle.
Devant le silence gênant qui s'ensuivit, pendant lequel Laura fouilla dans son sac pour sortir son manuel de potions, nul ne sut comment réagir. Les élèves se mirent à murmurer entre eux. Bien sûr, la rumeur d'une attaque de plusieurs araignées géantes s'était déjà propagée dans Poudlard.
— Que faites-vous là, Potter ? demanda froidement Severus.
— Ne vous arrêtez pas pour moi, professeur, je reprendrai en cours de route.
— Vous devriez être à l'infirmerie.
— Je suis guérie.
— C'est Mme Pomfresh qui vous a autorisé à sortir ? Si oui, je veux voir son mot, signé.
Voyant que Laura soutenait son regard, Severus, agacé, ordonna aux autres de se placer devant un chaudron pour commencer la potion du jour. Puis, il prit Laura à part, dans le couloir.
— Ne me dites pas que Mme Pomfresh n'est pas au courant de votre départ, Potter ? grinça-t-il.
— Je me sens bien, professeur. Vraiment. Je voulais venir, au lieu de me morfondre à l'infirmerie. Et je...
Severus s'approcha de Laura et se saisit de sa robe de sorcière juste sous le cou. Il la plaqua contre le mur et se baissa, menaçant :
— Quand vous serez morte et enterrée, vous ne pourrez plus faire ce que vous voulez, Potter ! Alors pour une fois, par la barbe de Merlin, obéissez-moi !
— Mais, je...
— Vous étiez mourante, hier soir : le venin a affecté votre système respiratoire et la fièvre ne baissait pas. Vous ne devriez pas être là.
— C'était... si grave que cela ? s'étonna Laura.
Severus la relâcha et désigna le couloir.
— Oui. Alors maintenant, retournez à l'infirmerie. Tout de suite.
— Une minute, comment savez-vous que j'étais aussi mal en point ? Je pensais que vous étiez parti depuis longtemps, quand j'ai été amenée à l'infirmerie... Ne me dites pas que... vous êtes resté toute la nuit près de moi ?
Severus abaissa le bras et dévisagea Laura sans savoir quelle expression choisir. Il devait absolument éviter de se montrer troublé par tant d'audace de sa part. Et il ne pouvait rien lui avouer. Il se sentait bloqué, comme s'il était acculé contre un mur.
Heureusement, Minerva McGonagall arriva à ce moment et le tira de ce bien mauvais pas.
— Potter, vous êtes là ! Retournez à l'infirmerie, Mme Pomfresh se fait un sang d'encre pour vous ! Vous devez prendre vos antidotes !
Elle posa une main sur son épaule et l'obligea à la suivre.
— Navrée, professeur Rogue, dit Minerva à son collègue. Je vais raccompagner cette chipie et veiller à ce qu'elle ne vous embête plus.
Effectivement, elle ne l'embêta plus de la journée.
Ce ne fut que le soir venu, alors qu'il se rendait à l'infirmerie avec de nouvelles doses d'antidotes pour Laura, qu'il la revit.
Severus constata, non sans éprouver un intense soulagement, que la jeune sorcière allait beaucoup mieux : elle était assise dans son lit et étudiait une leçon sur son manuel de métamorphoses, tout en griffonnant des notes sur un parchemin.
Depuis cette année, Laura semblait bien plus studieuse qu'avant. Certes, elle n'avait jamais été mauvaise, mais Severus ne se souvenait pas d'une élève aussi plongée dans les livres. Elle préférait l'action aux mots sur un bouquin.
Il se racla la gorge pour signaler sa présence.
Laura leva les yeux vers lui et cessa d'écrire. Elle déposa sa plume dans son encrier sur sa table de chevet et referma son livre.
— Bonsoir, professeur.
Severus ne lui répondit pas et se contenta de déposer les fioles d'antidotes sur sa table de nuit.
— Encore une dose ce soir et demain matin, lui recommanda-t-il. Et avec un peu de chance, vous pourrez reprendre les cours.
Laura se leva et avala le contenu de la première fiole.
— Enfin. Cette journée est passée trop lentement à mon goût.
— Ce n'était pas une raison pour revenir à mon cours.
Laura déposa la fiole vide et murmura :
— Si je suis venue ce matin, c'était... pour vous remercier.
Elle pivota la tête et plongea ses yeux verts dans les siens. Severus frémit à ce contact visuel qu'il avait toujours aimé.
— Me... remercier ? répéta Severus, sans parvenir à y croire.
— Vous m'avez sauvée la vie, avec vos potions.
Laura s'approcha de lui avec un sourire avenant.
— Vous m'avez sûrement sauvé aussi, hier soir, Potter.
— Nous sommes quittes, alors.
— Oui.
— Mais je tenais quand même à vous le dire.
Severus se figea en la voyant se mettre sur la pointe des pieds afin de venir déposer un rapide baiser sur sa joue.
Son cœur s'emballa soudainement, aussi dut-il faire preuve d'un effort surhumain pour demeurer stoïque.
Severus se réveille avec le cœur battant la chamade.
Il se redresse et observe la pièce dans laquelle il se trouve. Il met quelques instants avant de reconnaître sa chambre, à Poudlard, tant le souvenir qu'il vient de revivre dans ses songes le trouble.
A un moment où la situation entre lui et Laura s'arrangeait, il avait réussi, quelques semaines plus tard, à tout remettre en question. Et il ignore encore pour quelle raison aujourd'hui même si, avec le recul, il est parvenu à identifier la peur.
Une peur vicieuse qui lui noue les entrailles et l'empêche de s'exprimer clairement en sa présence. Il joue la carte de l'ironie, de la froideur et du sarcasme, mais il sent que cela ne plait pas à Laura. Seulement, il ne connait aucun autre moyen de communication face à une personne qui risque de le repousser à tout instant voire de se moquer de lui. Comme son père.
Pourtant, il pressent au fond de lui-même que, malgré les récentes déclarations de Laura vis-à-vis de lui, elle ne le déteste pas comme elle l'affirme. Il en vient même à penser, peut-être de façon puérile et vaine, qu'elle l'aime bien.
Voire qu'elle l'aime tout court, ce qu'il espère sincèrement.
Mais comme elle est envoyée à l'autre bout du monde, il ignore comment il pourra lui parler et lui avouer tout cela. Il n'avait jamais osé franchir le pas avec Lily et l'avait finalement perdue. Il ne devait pas refaire la même erreur.
Et il ne compte pas la refaire.
Voyant le jour percer par les crans des volets, Severus se lève et se prépare en enfilant ses habits. Puis, il prend sa baguette, la range sous sa cape et quitter ses quartiers pour gagner la Grande Salle.
En chemin, il croise le professeur McGonagall, en grande conversation avec le trio infernal de Poudlard : Granger, Weasley et bien sûr, Potter. A quinze ans, ce dernier ressemble plus que jamais à son père, la pire année de sa scolarité à Poudlard. Severus le sait déjà : cette année sera particulièrement éprouvante pour lui. Plus encore que celle où Laura avait elle aussi quinze ans.
— Qu'on fait ces jeunes gens de bon matin ? demande sournoisement Severus.
— Rien du tout, répond McGonagall avant que Harry ne proteste. Vous pouvez disposer, Severus. Je ne suis pas en train de les punir.
Le maître des potions lance un coup d'œil suspicieux à Harry avant de partir. Il se permet de se retourner au bout du couloir et voit Minerva donner une lettre au jeune Potter, tout en murmurant :
— Votre sœur vous a écrit, Potter.
— Oh ! Et elle va bien ?
— Lisez, et vous saurez.
— Pourquoi son courrier ne vient-il pas par hiboux ? s'étonne Granger.
Severus s'immobilise au bout du couloir. La jeune Gryffondor a raison : pourquoi cette lettre n'arrive-t-elle pas avec la chouette blanche de Potter ?
— Parce que Laura avait peur que son courrier soit intercepté.
— Par qui ? demande Harry. Ma sœur a-t-elle des ennemis ?
— Le professeur Dumbledore pense que le Ministère de la magie la surveille de près, oui. Et vous aussi, Potter. Ombrage n'est pas ici pour rien. Faites attention à ce que vous dites et à ce que vous faites, Potter.
Elle lui tapote l'épaule dans un geste presque maternel qui donne des nausées à Severus puis marche dans sa direction. Le maître des potions a le temps de voir disparaître Harry dans un couloir, flanqué de ses deux inséparables amis.
— Comment va Laura ? ne peut s'empêcher de demander Severus à Minerva.
— Elle a obtenu le poste de Soins aux Créatures Magiques à Ilvermorny et va commencer ses premiers cours cette semaine. Le directeur m'affirme qu'il va tout faire pour l'intégrer, car il compte la garder pour qu'elle devienne tutrice d'une élève de Troisième Année.
— Cela ne me dit pas comment elle va...
— Je n'ai pas lu la lettre destinée à Harry, Severus. Si vous tenez vraiment à le savoir, demandez-lui.
— Il ne me répondra pas.
— Essayez quand même, si cela vous tient à cœur.
Minerva bifurque vers la droite, laissant Severus seul. Un rictus étire ses lèvres. Il sait très bien qu'il n'osera pas demander à Harry ce que sa sœur lui avait écrit.
Frustré de ne pas avoir de nouvelles de la jeune femme qui hante son esprit, Severus se dirige vers son bureau dans les cachots. Il n'est pas d'humeur à aller manger avec ses collègues.
Tout en descendant les escaliers, il se plait à imaginer la façon dont Laura pouvait faire classe. Allait-elle résister face aux élèves aussi arrogants et irrespectueux qu'elle ? Cette pensée amuse beaucoup Severus même si, secrètement, il espère que tout ira bien pour elle.
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