CHAPITRE VIII : Severus


— Vous vouliez me voir, professeur Dumbledore ?

— Oui, Severus, entrez.

Il referme la porte du bureau du directeur derrière lui et s'avance lentement vers le centre de la pièce. Albus est assis derrière son bureau et écrit plusieurs lettres.

— A quand remonte votre dernière leçon d'Occlumancie avec Laura ?

— La seule et unique leçon, vous voulez dire, corrige Severus.

— A quand ? insiste Dumbledore.

— Dix jours.

— Dix jours, répète Dumbledore.

Rogue fronce les sourcils, légèrement inquiet : où diable veut-il en venir ? Il trouve cela trop espacé ? La petite Potter s'est plainte de quelque chose ?

— Severus, je sais que vous avez du mal, avec elle... mais il est nécessaire que Laura apprenne cette magie, dit calmement Dumbledore. Pour notre salut à tous.

— C'est-à-dire ? demande Severus, intrigué.

— J'ai fait quelques recherches sur ce spectre qui est apparu. J'ai d'ailleurs conseillé à Laura de venir à Poudlard pour lire les ouvrages que je lui ai trouvés. Elle sera là demain et je veux qu'elle bénéficie d'une deuxième leçon d'Occlumancie.

— Oui, grogne Rogue, je lui en donnerai une... Mais pourquoi est-ce à ce point vital qu'elle apprenne l'Occlumancie ? Qui est ce spectre ?

Dumbledore se lève et fait les cents pas avant de lui répondre :

— Ce n'est pas un fantôme ordinaire, croyez-moi, Severus. Il s'agit... d'un ancien mage noir. Un mage noir jadis défait par un puissant sorcier mais qui, sous l'emprise d'une malédiction, revient hanter certaines personnes dès que le Mal se manifeste dans le monde de la magie. Il apparaît en période de grands troubles et provoque des perturbations dans l'essence même de la magie. L'équilibre de la magie s'en retrouve bouleversé.

— Bouleversé..., répète Rogue.

— Oui. Et les conséquences sont funestes. Elles agissent à la fois sur du court terme et sur du long terme.

— Quelles sont les conséquences de ces perturbations ?

— Sur du court terme, nous assistons à moins de naissances de sorciers et de sorcières. J'ai consulté les registres d'inscriptions de Poudlard depuis sa création, et cela n'est pas qu'une théorie, Severus : c'est la réalité. Une dizaine d'années après la fin de chaque période sombre, où un mage noir venait semer le chaos, les effectifs de Poudlard étaient diminués. J'ai également demandé aux directeurs des autres écoles à travers le monde de me donner le nombre de leurs élèves aux dates que j'ai repérées. Pour le moment, mon idée se tient : Beauxbatons et Mahoutokoro confirment mes soupçons.

Rogue hoche la tête, peu serein.

— Et sur le long terme ?

— Sur le long terme, répond Dumbledore, cela aura pour conséquence l'affaiblissement pur et simple de la magie.

— C'est-à-dire ? demande Severus, inquiet.

— Pour cela, ce n'est qu'une théorie. Je n'ai pas d'arguments concrets, seulement quelques hypothèses.

— Et quel est le lien avec le fait que vous vouliez que Potter maîtrise l'Occlumancie ?

— Laura fait partie des sorciers sensibles à l'Appel de ce mage noir.

— Et ?

— Je ne connais aucun sorcier qui a résisté à cet Appel, Severus.

Le sang de Severus se glace : Laura est-elle condamnée à suivre ce mage noir surgit d'outre-tombe ? Si oui, en quoi l'Occlumancie la protégera-t-elle ?

— Apprenez-lui l'Occlumancie, Severus. Et veillez sur elle...

— Vous m'en demandez trop, je...

— Ne cherchez pas à cacher ce que vous éprouvez vraiment pour elle, Severus. Je sais bien que votre froideur à son égard dissimule vos véritables sentiments. Je sais que vous l'appréciez.

— Elle ressemble trop à son père..., grogne Severus.

— Je pense qu'elle cache quelque chose derrière ce caractère si... impulsif.

— J'aurais dit arrogant.

Dumbledore sourit :

— Appelez cela comme vous voulez, Severus. Mais j'estime qu'il est temps de briser ce mur de mensonges qui s'est créer entre vous deux. Vous vous estimez et vous appréciez l'un l'autre... plus que vous ne le croyez.

Dumbledore observe Rogue et ce dernier a la dérangeante sensation d'être passé au rayon X. Bien que maître en Occlumancie, Severus n'aime pas se sentir ainsi jugé.

Le maître des potions salue Dumbledore et quitte son bureau. Il retourne d'un pas rapide jusqu'à ses propres quartiers, situés non loin de la Salle Commune de Serpentard. Il aimerait bien retourner chez lui, mais comme Laura devait arriver le lendemain, il n'a pas le choix de rester ici.

Il grogne, à la fois frustré et ravi d'être bouclé ici. Sa vieille demeure familiale, héritée de son père, dans un quartier moldu, ne lui manque pas tant que cela. Il s'y rend uniquement quand il désire se couper du monde magique. Et en général, il apprécie ces moments après une année scolaire entière à supporter les jérémiades et les gémissements des élèves.

Une fois dans ses quartiers, Severus ôte sa cape et s'installe dans un fauteuil, songeur. Il repense aux paroles de Dumbledore. Ainsi, il a compris qu'il joue un double rôle en présence de Laura. Lui qui fait tout pour que rien ne se remarque, il a échoué. Et si...

Une horrible pensée s'insinue en lui, lui nouant l'estomac.

Et si Laura s'était également rendue compte de cela ?

« Tant mieux... Je n'aurais plus besoin de jouer ce rôle... »

Qu'elle le perce à jour, cela lui rendrait service, en fin de compte.

Une douce musique résonne alors dans la pièce. En entrant, Severus n'a pas remarqué que le poste de radio était resté allumé. Il grogne, se relève et s'apprête à l'étendre quand il reconnait le morceau diffusé.

Son estomac se noue.

C'est celui sur lequel il a dansé avec Laura, lors du bal de Noël l'an dernier.

Severus arpentait les diligences de Beauxbatons, garées dans la cour enneigée de Poudlard, en quête d'éventuels élèves qui se cacheraient dedans pour faire des choses peu recommandées par le règlement de l'école. Il venait de déloger un Serdaigle de 7ème Année avec une Poufsouffle de 6ème Année quand il entendit des bruits de pas derrière lui.

Karkaroff.

Que diable lui voulait-il, encore ?

— Severus ! lança-t-il. Je la sens de plus en plus chaque jour ! Elle me brûle ! Et je sais que toi aussi !

— De quoi parles-tu ?

— Tu sais très bien de quoi je parle, répliqua le directeur de Durmstrang, énervé. Mais tu refuses de l'admettre car tu as peur, Severus ! Montre-moi donc ton bras !

Severus releva son bras gauche, le mettant hors de portée du sorcier.

Puis, il tourna la tête vers la droite, vers l'allée de colonnes. Il venait de voir une silhouette remonter l'allée. Il planta là l'ancien Mangemort et courut à la poursuite de cet élève trop curieux.

— Stop, arrêtez-vous ! ordonna-t-il.

La silhouette encapuchonnée se retourna et ôta sa capuche. Le cœur de Rogue frémit : Laura Potter.

— Que faites-vous ici, Potter ? demanda-t-il de son habituelle voix froide.

— Je pourrai vous retourner la même question, professeur. Pourquoi ne profitez-vous pas de la fête ?

Severus s'approcha d'elle, contrarié, et rangea sa baguette. Parvenu non loin d'elle, il constata que ses yeux verts brillaient, comme si elle venait de pleurer. Cela immobilisa le maître des potions, qui la dévisagea sans rien dire.

— Il faut bien que je veille au respect du règlement, rétorqua-t-il.

— Ils ne font rien de mal. Laissez-les profiter de cette soirée.

Laura se retourna, lui tournant le dos.

— Pourquoi n'y êtes-vous plus ?

— Cela ne vous regarde pas, professeur.

— Peut-être que si....

Laura serra les poings et fit volte-face.

— Vous ne pouvez pas simplement me laisser tranquille, pour une fois ? J'ai l'impression que vous me surveillez ! Vous êtes toujours sur mon dos ! C'est agaçant !

— Je vous interdit de me parler sur ce ton, Potter !

— Sinon quoi ? Vous allez faire quoi ? Retirer des points à ma maison ? Je me fiche éperdument de la Coupe ! Je n'ai plus onze ans ! Ce stupide tournoi fonctionne bien avec les enfants, je n'en suis plus un !

— Non, en effet... Vous avez bien changé... Mais cela n'excuse pas votre insolence envers moi, Potter.

L'expression de son visage se radoucit. Elle ferma les yeux et expira pour se calmer.

— Pardonnez-moi... Je suis un peu... à cran. Le Tournoi... Ma dernière année... et ce bal stupide.

Elle se détendit et s'approcha de lui à pas lents. Severus l'observa sans savoir que faire : devait-il demeurer fidèle à sa réputation d'enseignant antipathique qui favorisait uniquement les Serpentard ? Ou devait-il écouter ce que lui criait son cœur ?

Il avait envie de passer du temps avec elle... Mais comment allait-elle réagir ?

— Pourquoi vous ne dites rien ? s'étonna Laura, suspicieuse. Ce n'est pas dans vos habitudes...

Rogue esquissa un maigre sourire et fit un pas vers elle.

Une musique douce montait depuis la Grande Salle, suffisamment forte pour parvenir aux oreilles des deux sorciers.

Laura plongea son regard dans celui du maître des potions. Severus fut étonné de n'y lire aucune agressivité, aucune arrogance. C'était bien la première fois qu'il la voyait aussi... calme. Comme si une autre Laura Potter se présentait devant lui.

Comme si... elle masquait ses véritables sentiments derrière le sale caractère de son père. Au fond, il en était certain, elle ressemblait plus à sa mère.

Ils restèrent là à s'observer en silence.

Severus essayait de brider ses émotions, mais son corps n'allait pas tarder à le trahir : ses mains, cachées sous sa cape, tremblotaient légèrement. Il avait envie de s'enfuir, mais avait aussi envie de rester.

— Pourquoi vous me regardez comme ça ? finit par demander Laura. Vous avez l'intention de me punir ?

— Non...

— Parfait.

Severus s'attendait à ce qu'elle lui tourne le dos et s'en aille.

Au lieu de cela, elle fit un pas vers lui et lui présenta sa main. Severus se recula, ahuri. Que faisait-elle ? A quoi jouait-elle ?

— J'apprécie particulièrement cette chanson..., ajouta-t-elle dans un murmure.

Elle voulait... danser avec lui ? Lui ? Non, impossible. Le sorcier ne crut pas ce qu'il venait d'entendre. Son cerveau lui disait de refuser – ils ne devaient pas être vus ensemble, encore moins en plein cœur de l'école – mais son cœur qui tambourinait fort l'intimait à accepter. Cela ne pouvait pas être un piège. Laura n'était pas si rusée ni si fourbe que cela.

Hésitant, le maître des potions approcha sa main de celle de la jeune femme et s'en saisit en tremblant. Laura sourit et fit un autre pas vers lui. Elle posa son autre main sur son épaule et cala sa tête contre sa poitrine. Severus demeura figé un instant, n'osant croire ce qu'il se passait. Il devait rêver...

Oui, rêver.

Où était passée l'insolente et l'indomptable lionne de Gryffondor, qui n'avait pas peur de se dresser contre ses camarades et contre le personnel de l'école ? Où était passée la jeune fille arrogante qui ne se laissait pas marcher sur les pieds ?

— Vous êtes certaine que tout va bien ? osa-t-il demander.

— Oui...

Si elle semblait parfaitement détendue, ce ne fut pas son cas. Il garda son bras droit le long de son corps et scruta partout, pour être sûr que personne ne les surprendrait. Aucun élève ni aucun enseignant ne devait les voir. Il se laissa aller au rythme lent de leur « danse », mais sans cesser d'être vigilant.

Au moindre bruit suspect, il était prêt à se dégager.

Malgré tout, Severus savoura ce moment unique. La sentir près de lui, visiblement en totale confiance, le remplissait de joie. Elle cachait vraiment bien son jeu depuis sa première année, la petite chipie.

Tout avait changé, Severus le sentait, depuis la fin de l'année dernière, où elle s'était entreposée entre Lupin – sous sa forme de loup-garou – et lui, pour le protéger alors qu'il protégeait Ron, Harry et Hermione. Elle s'était alors changée en tigre blanc pour affronter le loup-garou, avec l'aide de Black.

Quand la musique mourut, Laura redressa la tête et s'écarta. Severus lâcha sa main avec regret et la regarda s'éloigner jusqu'à ce qu'elle disparût derrière une porte.

Severus revient à lui, un sourire aux lèvres.

Ce moment est sous nul doute le plus agréable qu'il ait vécu depuis de nombreuses années.

Il décide ensuite d'aller se coucher, avec ce souvenir en tête.

Le lendemain, il reçoit un message de Dumbledore qui l'informe que Laura est arrivée et s'est déjà rendue à la bibliothèque pour lire les ouvrages sur le fameux mage noir aperçu le soir de pleine lune.

Après avoir pris une rapide collation, Severus se rend à la bibliothèque pour y retrouver la jeune femme. Quand il arrive, elle est plongée dans un ouvrage à la reliure noire et Mme Pince, la bibliothécaire, grogne dans son coin. Quand elle voit Severus, elle lui adresse un faible sourire avant de disparaître entre les rayonnages.

Le maître des potions se plante devant Laura et l'observe.

Les mots de Dumbledore lui reviennent en tête : « Nul ne peut résister à l'Appel... Laura y cédera tôt ou tard. »

Le cœur de Rogue se serre, inquiet : a-t-il devant lui la future grande menace du monde magique ? Il ne l'espère pas. Si elle cède, il la sauvera. Lui-même avait bien réussi à renoncer à la magie noire, alors pourquoi pas elle ?

Severus se racle la gorge pour signaler sa présence. La sorcière cesse de lire et lève les yeux vers lui.

— Bonjour, dit-elle simplement.

— Bonjour, Potter. J'ai une leçon d'Occlumancie à vous donner, alors ne perdons pas de temps.

— Attendez, je termine ma page. Dumbledore m'a recommandé la lecture de ces ouvrages... Et celui-ci parle de la magie au Moyen-Âge, avant la fondation de Poudlard.

— Vous aurez le temps de les lire plus tard. L'Occlumancie est plus importante que de vieux...

— Connaître mon ennemi est tout aussi important, réplique Laura en fronçant les sourcils. Seul un idiot le nierait. Et vous n'êtes pas un idiot, Severus.

L'intéressé cille : elle ose l'appeler par son prénom. Peu de sorciers le font : seuls Dumbledore, McGonagall, deux ou trois Mangemorts et le Seigneur des Ténèbres ont ce privilège. Severus se retient de grogner : il ne sait pas si cela lui plait ou l'agace.

— Dumbledore vous en a parlé, lui aussi, continue Laura.

— Oui.

— Je veux savoir ce qu'il vous a dit.

— Pas grand-chose.

— Menteur.

Severus n'ose pas lui dire que Dumbledore pressent qu'elle basculera dans les ténèbres. Il a du mal à l'admettre lui aussi. Il ne voit pas Laura pervertie par la magie noire. Il la voit belle et pure, comme Lily. Une lumière et un espoir pour le monde magique, pas l'inverse.

— Dites-moi ce que vous savez de plus que moi, insiste Laura.

— Vous n'êtes pas prête à l'entendre.

Laura se lève et s'approche de Rogue.

— Il le faut. Je dois savoir.

— Je vous le dirai après notre cours. Si je le fais maintenant, j'ai bien peur que vous n'arriviez pas à fermer votre esprit.

— C'est... si grave que cela... ?

Cette fois, Severus n'a ni le courage, ni le cœur pour répondre. Il lui fait signe de la suivre et lui tourne le dos, afin de masquer la détresse qui peint son visage. Il entend les pas de Laura derrière lui. Il est tenté de ralentir pour qu'elle puisse marcher à ses côtés, mais il préfère ne pas la regarder pour le moment.

Le cours promet d'être houleux : comment réagira-t-elle, quand elle apprendra ce que pense Dumbledore ? L'idée d'arriver à ce moment terrifie Severus : il ne veut pas qu'elle s'éloigne de lui. Mais il sait que cette révélation la mettra en colère... Est-il prêt à affronter cela ?

Non.

Clairement, non.

Pas depuis que ses sentiments pour elle grandissent de jour en jour. 


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