CHAPITRE V : Laura


— Vous êtes sûr de vouloir faire ça ? demande Laura à Rogue.

— Quoi donc ?

— Me donner ces cours d'occlumancie. J'ai l'impression que vous avez accepté uniquement parce que c'est Dumbledore qui vous l'a demandé.

Rogue se détourne et dépose un sac sur une table.

— Je sais que vous ne m'appréciez guère et croyez-moi, c'est réciproque. Vous n'avez jamais montré la moindre amabilité à mon égard. Je suppose que vous vivez cet ordre comme une punition.

— Cessez donc de vous mêler de ce qui ne vous regarde pas. Je suis membre de l'Ordre du Phénix. J'obéis à Dumbledore. Un point c'est tout.

— Justement, ça me regarde, dit Laura en se levant.

Elle s'approche de lui. Il pivote et lui fait face.

Laura scrute ses yeux noirs dans l'espoir de dénicher un indice sur ce qu'il éprouve en ce moment. Mais comme à son habitude, il demeure impassible. Son âme est insondable. Cela provoque en elle, depuis quelques mois, des sentiments aussi étranges que contradictoires : fascination, respect, peur, jalousie, malaise et dégoût. Elle ne comprend pas cet homme, qui a toujours pris un malin plaisir – pour ne pas dire malsain plaisir – à la tourmenter pendant qu'elle était élève.

Pourtant, elle a senti du changement, lors de sa dernière année. Il se montrait toujours aussi froid, mais il la rabaissait moins qu'avant et semblait plus patient. Certes, ces changements demeuraient minimes, comme s'il jouait un double jeu pour ne pas se faire remarquer par les autres étudiants, ou alors Laura se faisait des idées.

— Je n'ai jamais réussi à vous comprendre, murmure-t-elle, saisie d'une impulsion. Vous êtes tellement... mystérieux. Vous m'avez toujours traitée comme une sorcière qui ne méritait pas votre respect ni votre intérêt mais... je suis persuadée du contraire. Vous m'estimez, j'en suis sûre.

Rogue se crispe : Laura le voit à sa mâchoire. Puis, il déclare, de son habituel ton traînant et froid :

— Vous êtes tellement arrogante et sûre de vous-même que vous vous imaginez de sacrés choses, Potter.

Laura meurt d'envie de répliquer qu'elle ne s'imagine rien et qu'il joue un rôle de peur que quelqu'un ne découvre ses vrais sentiments. De peur qu'elle ne découvre ses vrais sentiments. Car ce qu'il ignore, c'est tout ce que Sirius lui a appris, au cours de cette année. Laura doit garder ses atouts et les lancer au bon moment, comme dans une bataille. Elle veut découvrir quel homme se cache derrière cet impassible visage.

Et elle sait qu'elle ne s'imagine rien : en sept ans d'étude, elle a pu glaner une maigre poignée de preuves implacables.

Le dernier en date remonte au Bal de Noël à Poudlard, donné à l'occasion de la venue de deux autres écoles de sorcellerie pour le Tournoi des Trois Sorciers. Laura, en qualité de Championne officielle de Poudlard, avait dû ouvrir le bal avec son cavalier, un fier garçon de Durmstrang. Mais ce jeune homme était finalement trop fier au goût de la sorcière, et il l'avait planté au beau milieu du bal, la laissant triste et seule. C'est à ce moment que Laura était tombée nez à nez sur Severus, lui aussi dépourvu de cavalière. Il s'est alors passé un événement qui semblait n'avoir été prévu ni par elle, ni par lui : profitant d'être seuls dans un couloir, ils ont alors dansé ensemble, dans les bras l'un de l'autre. Sans dire un mot, ils se sont laissé porter par la musique pendant trois minutes avant de se séparer sans se dire au revoir.

Laura se souvient très bien du sentiment d'apaisement qui l'avait envahi en partageant cette valse inattendue avec le maître des potions. Elle n'avait jamais été aussi calme. Cela lui avait fait du bien. Et elle est prête à parier que lui aussi.

Mais jamais il ne le lui avouera. Ni elle, d'ailleurs.

— Bon, on commence quand ? demande-t-elle.

Rogue tire sa baguette.

Laura a un mouvement de recul en le voyant s'approcher d'elle. Elle pose sa main sur la poche qui contient sa propre baguette, mais elle n'a pas le temps de la sortir car Rogue lance :

Legilimens !

Un éclair jaillit de sa baguette.

Laura inspire profondément, comme si elle se jette dans l'eau. Elle ferme les yeux et sent que quelque chose s'insinue dans ses pensées, comme un serpent qui se tortille en elle.

Elle voit des moments de sa vie passer par flash rapides, avant qu'ils ne deviennent de plus en plus lents pour finalement s'arrêter sur un souvenir en particulier, lors de sa Cinquième Année.

Laura marchait d'un pas rapide dans les couloirs du château. La colère bouillonnait dans ses veines. Elle remontait des cachots, où elle avait écopé d'une retenue avec le professeur Rogue pour s'être battue avec un élève de Serpentard qui affirmait qu'Harry était l'héritier de Salazard. Et elle aussi, par extension.

Laura n'avait qu'une hâte : se glisser sous ses draps pour aller se coucher.

Mais des ricanements et des gémissements attirèrent son attention sur sa droite. Elle décida d'aller jeter un œil. Au coin du couloir, elle découvrit deux élèves de Gryffondor et un de Serdaigle qui s'amusaient avec un petit Serpentard de Première Année. L'un d'eux l'avait plaqué contre le mur et un autre le menaçait avec sa baguette.

Le Serpentard aux cheveux longs et noirs avait les larmes aux yeux.

— Lai... Laissez-moi..., suppliait-il. Je... je ne vous ai rien fait !

— Exact ! Mais ta sœur a battu mon cousin, alors tu vas payer !

— Laissez-le, ordonna Laura.

Les trois élèves tournèrent la tête.

— Ah, c'est toi, dit l'un des deux Gryffondor.

— Allez-vous en, exigea encore Laura, plus sèchement. Et ne vous avisez plus de lui faire du mal, est-ce clair ?

— C'est un Serpentard ! protesta l'autre Gryffondor.

— Et alors ? Cela vous donne le droit de le frapper ? Non.

Le Serdaigle – un grand gaillard de Sixième Année – pointa sa baguette sur la jeune sorcière. Celle-ci tendit la main et le désarma sans avoir besoin de sa propre baguette.

— Qu'est-ce que... ? bredouilla le Serdaigle.

— Je ne me répéterai pas, chuchota froidement Laura.

Le Serdaigle cracha à ses pieds, alla ramasser sa baguette et ordonna à ses deux compères de se replier. Ils disparurent au coin du couloir et remontèrent les escaliers.

Le petit Serpentard s'approcha de Laura, un sourire reconnaissant aux lèvres.

— Merci de m'avoir aidée. Même si je ne pensais pas que...

— Tu ne pensais pas qu'une Gryffondor serait capable d'aider un Serpentard ? termina Laura en lui rendant son sourire.

La jeune femme se pencha pour arriver à sa hauteur :

— Tu sais, ces histoires de rivalité entre nos maisons, je m'en fiche. Je ne supporte pas qu'un élève soit importuné par d'autres élèves.

— Tu es sympas, déclara le garçon. Comment tu t'appelles ?

— Laura. Laura Potter.

— Ouah, c'est toi, la sœur de Harry Potter ? s'exclama le Serpentard.

— Oui. Et toi, c'est quoi ton nom ?

— Evan. Evan Harrow.

— Enchantée, Evan.

Le garçon sourit et tourna la tête. Là, il perdit son sourire. Laura n'eut pas le temps de pivoter qu'elle entendit la voix froide et lente du professeur Rogue :

— Que faites-vous encore ici, Potter ? Laissez donc les élèves de ma maison tranquille !

Laura se redressa et fit face au maître des potions. Il allait en rajouter mais le petit Evan rassembla son courage et avoua :

— Laura ne faisait que me défendre contre trois autres élèves, monsieur.

— Et depuis quand un Gryffondor défend-il un Serpentard ? nota Rogue en haussant un sourcil, sceptique.

— Je me fiche de sa maison, ou de la mienne, répliqua Laura. Je ne veux pas qu'il se fasse embêter. C'est tout.

Rogue fronça les sourcils et dévisagea Laura avec incrédulité.

— Oui, approuva Evan. Si Laura n'était pas intervenue, j'allais passer un mauvais quart d'heure. Ils étaient trois contre moi.

— Bien. Vous me raconterez cela en détails et j'en parlerai avec les Directeurs des Maisons concernées. En attendant, je vous raccompagne à la Salle Commune de Serpentard. Quant à vous, Potter, dépêchez-vous de retourner chez les Gryffondor avant que l'envie ne me prenne de retirer des points à votre maison.

— Ce ne serait pas juste, elle...

Mais Rogue fit taire Evan d'un œil noir. Le petit sorcier suivit le maître des potions dans le couloir. Il se retourna pour adresser un dernier regard à Laura et un dernier sourire. Elle dressa la main et le lui rendit. Au même moment, Rogue pivota pour planter un regard dur sur elle.

Laura soupira et quitta les lieux.

Laura sent la présence de Rogue quitter son âme. Elle reprend son souffle et rouvre les yeux. Elle transpire légèrement et ses mains tremblent.

— Il s'est passé quoi... ? demande-t-elle à mi-voix.

— Vous ne savez pas vous contrôler, murmure Rogue, visiblement contrarié. Vous ne savez pas me résister.

— Mais qu'avez-vous fait ? Je n'ai pas compris !

— Vous n'avez pas compris ? répète Rogue en affichant son sourire narquois.

Laura essuie la fine pellicule de sueur qui couvre son front et réfléchit. Il lui a lancé un sort et aussitôt, il a pu... lire dans son esprit. Laura frémit en comprenant.

— Vous entrez dans mon esprit... Vous avez accès à mes souvenirs...

— Plus que vos souvenirs, en vérité, explique Rogue, satisfait de l'effet produit sur la jeune femme. La légilimancie est une branche de la magie qui permet de s'introduire dans la tête d'une personne pour tout connaître d'elle : ses souvenirs, comme vous l'avez remarqué, mais aussi ses pensées, ses sentiments, ses goûts. Bref, tout ce qui définit une personne.

— C'est dangereux...

— Plus que vous ne l'imaginez. Un sorcier qui maîtrise cette magie peut falsifier la mémoire de sa victime, la contrôler ou la détruire. Un sorcier qui maîtrise cette forme de magie est appelé Légilimens.

— Je ne vois pas le lien avec l'Occlumancie...

— L'Occlumancie permet de se protéger de la légilimancie. Le Seigneur des Ténèbres est un grand Légilimens. Mais pour votre mission, votre but sera de fermer votre esprit aux Aurors du Ministère, si l'envie prend le Ministre de les envoyer contre vous.

— Fermer mon esprit, répète Laura, c'est... simplement cela ?

— Ce n'est pas aussi simple. La preuve, vous avez été incapable de me résister.

— Je n'étais pas prête, nuance Laura pour sa défense. Vous m'avez attaquée par surprise, je...

Rogue s'avance brusquement vers elle jusqu'à la bloquer entre ses bras. Ahurie, la jeune femme s'efforce de soutenir son regard sombre.

— Personne ne vous préviendra avant de vous attaquer, Potter. Pourquoi ferai-je preuve d'une telle clémence ?

— Parce que vous êtes sensé m'apprendre...

— Dans ce cas, autant vous mettre en situation tout de suite.

Laura se contente de sourire férocement. Rogue se redresse, sans la quitter des yeux, et ajoute, d'un ton plus calme :

— J'ignorais que vous étiez une Télékinésiste.

— Vous verrez que je suis pleine de surprises, susurre Laura d'un ton volontairement provocateur.

Sur ce, elle se détourne de lui et fait quelques pas pour s'éloigner. Elle lève les yeux vers le miroir qui lui fait face et observe Rogue, qui semble songeur.

— Vous défendiez les élèves qui se faisaient harceler, murmure-t-il.

— Oui.

— Pourquoi tant de compassion ? demanda Rogue. Vous vous prenez pour un chevalier au grand cœur ?

— Avant d'entrer à Poudlard, j'étais dans une école moldue. Là-bas, j'ai connu le harcèlement. Je sais ce que cela fait. Alors je ne peux pas le laisser passer quand je le vois. C'est tout. Et tant pis pour le côté chevaleresque.

Un long silence suit sa réplique. Seules les aiguilles d'une horloge osent le rompre. Laura sent que Rogue est troublé, mais elle ne lui pose aucune question.

Finalement, c'est lui qui brise le silence :

— Reprenons.

— Oui.

Legilimens !

Laura s'y attend, cette fois.

Vive comme l'éclair, elle se retourne et dresse la main gauche.

Aussitôt, le sort de Rogue s'arrête, immobilisé en plein vol.

Le professeur, éberlué, abaissa lentement sa baguette, la bouche entrouverte.

— Que... Comment ? bredouille-t-il.

Laura sourit.

— Je vous avais dit que j'étais pleine de surprises. 

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