CHAPITRE IV : Severus


Severus ferme les yeux et visualise une nouvelle fois le spectre sur le toit.

Un frisson parcourt son corps tout entier.

Jamais il n'a entendu parler d'une chose pareille, qui provoque le même effroi qu'un Détraqueur. Jamais. Pas même quand il côtoyait le Seigneur des Ténèbres.

Même s'il avait vu cette chose, il n'avait pas été affecté par celle-ci. Pas comme Laura, qui semble avoir entendu une voix, d'après ce qu'elle avait dit à Dumbledore. Aurait-elle été appelée par le spectre ? Si oui, pourquoi ? Quoi qu'il en soit, elle est en danger, c'est sûr.

Rogue lève les yeux.

Laura, assise à l'autre bout de la longue table en bois, fixe la flamme d'une bougie, impassible, sa baguette dans sa main gauche. Elle ne la quitte plus depuis sa vision d'hier soir. Elle a dû être profondément choquée par ce qu'elle a vu. Et Rogue est persuadé qu'elle n'a pas tout dévoilé à Dumbledore. Il peut savoir, en utilisant la légilimancie contre elle. Mais pas sûr qu'elle apprécierait la manœuvre. Il doit gagner sa confiance pour la faire parler.

Et comment parvenir à ses fins, avec Black qui le surveille d'une façon on ne peut plus agaçante ?

L'évadé d'Azkaban le toise du coin de l'œil, méfiant. Son attitude ne lui plait pas du tout et lui rappelle leurs années à Poudlard. Il espère protéger Laura en agissant ainsi, mais il se trompe. Premièrement, Severus ne lui veut aucun mal et deuxièmement, la jeune femme est assez grande et assez puissante pour se protéger elle-même. Elle n'a pas besoin d'un parrain trop présent.

Mais est-il vraiment son parrain ?

Un homme ne peut avoir qu'un seul filleul. Or, Sirius a déjà Harry. Qui est donc la marraine – ou le parrain – de Laura ?

J'espère que ce n'est pas Queudver, grimace mentalement Rogue.

Dumbledore et McGonagall entrent dans la pièce, en compagnie d'Aurors et de sorciers qui ont accepté de rejoindre l'Ordre. Une vingtaine de personnes s'installent autour de la table et Sirius Black referme la porte dès que la dernière sorcière est entrée.

Le directeur de Poudlard demeure debout, le visage grave. Minerva s'assoit non loin de lui, l'air tout aussi sombre.

— Sorcières et sorciers, je vous ai convoqué aujourd'hui pour reformer l'Ordre du Phénix. Comme la première fois, nous lutterons contre lord Voldemort. Et nous trouverons un moyen de le détruire pour de bon.

— Est-ce que ce sera la bonne, cette fois ? demande un Auror.

— Nous disposons d'éléments que nous n'avions pas la dernière fois, répond le vieux sorcier.

— Harry Potter, murmure un autre homme.

— Monsieur Potter jouera un rôle clé quand le temps sera venu. Mais pour le moment, il doit continuer ses études et devenir assez puissant pour nous épauler. En attendant, nous pouvons compter sur le soutien de sa sœur, Laura.

L'intéressée tourne lentement la tête pour observer les personnes présentes et décide de se lever.

— Je suis prête à affronter les épreuves, dit-elle d'un ton monocorde.

Severus n'en croit pas un mot : elle semble nerveuse. Une veine bat à sa tempe et ses mains tremblent légèrement, mais il doit être le seul à le remarquer car nul ne lui fait de réflexion.

Laura balaye l'assemblée d'un regard qui se veut déterminé, mais quand ses iris verts se posent sur ceux de Rogue, le maître des potions sent une flamme de doute et de peur au fond d'elle. Où est passé la redoutable lionne de Gryffondor ? Celle qui a, pendant sept ans, fait preuve d'un caractère bien trempé voire parfois insolent face à l'ensemble du corps enseignant ?

Il l'a connue bien plus audacieuse.

Comme lors de son premier cours de potions, il y a sept ans.

Severus entra dans la salle enténébrée en coup de vent. La porte claqua derrière lui mais il n'en tint pas compte. Il traversa la classe d'un pas rapide pour se rendre à son bureau et pivota pour faire face à cette nouvelle fournée de Premières Années, qui le scrutaient avec peur ou respect. Ils étaient une vingtaine, regroupés en deux maisons : Gryffondor et Serdaigle. Pour cette année, les élèves de Serpentard partageaient les potions avec ceux de Poufsouffle.

Rogue balaya l'ensemble de ses élèves du regard. Il savait qu'il oublierait rapidement la moitié d'entre eux, si ce n'était plus. Il ne s'attachait jamais à ses étudiants, à l'exception de rares Serpentard, mais c'était uniquement par favoritisme envers sa maison.

Pourtant, l'une d'elles attira son attention. Avec ses cheveux roux sombres et ses grands yeux verts, elle lui rappela aussitôt Lily Evans, son amie d'enfance. Il savait qu'il s'agissait de Laura Potter, la fille de cette dernière et de cet idiot de James Potter.

Et il ne pouvait pas se tromper : même si elle ressemblait physiquement à sa mère, la belle et douce Lily, elle affichait un petit sourire narquois qui lui rappela aussitôt celui de James. Cela attisa une nouvelle rancœur dans l'esprit de Rogue.

— Il n'y aura ni baguette magique, ni incantations idiotes dans ce cours, lança Severus à sa classe.

— Que va-t-on faire, alors ? osa demander la voix aigüe d'un élève.

Rogue se crispa : qui donc parlait sans lever la main ? Il parcourut brièvement la salle des yeux et tomba sur Laura Potter. Un sourire mauvais étira les lèvres du professeur : il allait lui montrer qui commandait, ici.

Il s'approcha lentement d'elle et posa les mains sur son pupitre. La jeune fille ne broncha pas. Seul son sourire narquois s'était évaporé, mais aucune peur ne se lisait dans son regard.

— Ici, jeune fille, on lève la main pour parler. Et on attend que je l'y autorise.

— J'ai l'impression d'être avec ma vieille prof de l'an dernier, rétorqua Laura en levant les yeux au ciel.

Le sang de Rogue ne fit qu'un tour. Il serra les poings. Il devait absolument garder son calme. Il était bien plus impressionnant quand il demeurait froid et antipathique que quand il cédait à la colère. Il toisa Potter d'un œil dur. Elle osa soutenir son regard.

— Je vois que certains profitent de leur situation pour se croire supérieur aux ordres...

Il se redressa et sourit férocement.

— Très bien. Si Miss Evans se croit capable de...

— Evans ? répéta Laura, amusée. Je m'appelle Potter.

Rogue s'arrêta un instant avant de se ressaisir :

— Parfait ! Miss Potter vient de gagner une semaine de retenue dès son premier cours ! Je pense qu'elle détient là un record !

Et il se détourna.

— Et j'enlève vingt points à Gryffondor ! tonna-t-il encore. Pour cette insolence et cet air arrogant.

Quand il pivota de nouveau, Laura le dévisageait méchamment, mais elle ne disait plus rien. Elle fit profil bas quand sa voisine – aussi à Gryffondor – lui dit de se calmer.

Le reste du cours se passa très bien, hormis pour quelques élèves que Rogue estimait pas faits pour les potions. L'attitude de Laura changea : elle aida ses camarades les plus en difficulté – dans le dos du professeur – et feignit de retourner à sa place dès que celui-ci remarquait ses manœuvres. Il ôta encore cinq points à Gryffondor pour non-respect des consignes, ce qui souleva une vague de protestation, même chez les Serdaigle : Laura essayait de les aider à terminer leurs potions. Ce comportement fit grincer Rogue : elle passait pour une héroïne, comme son père, et lui pour le méchant.

A la fin, quand il examina toutes les potions, il dut malheureusement conclure que celle de Laura était la mieux réussie. Il le nota sur son calepin mais se permit une remarque acerbe :

— Je m'attendais à mieux de la part de la sœur du célèbre Harry Potter. Mais il faut croire que la célébrité ne fait pas tout.

Elle ouvrit la bouche pour protester, mais les autres Gryffondor présents la dissuadèrent de relever la remarque.

Finalement, elle quitta le cours énervée et en claquant la porte.

Rogue, lui, sentait avec amertume que les sept années à venir allaient être longues, avec ce sosie de Lily au caractère de James dans les couloirs.

— En es-tu certaine, Laura ? insiste McGonagall.

Rogue retrouve ses esprits et son regard se pose sur la jeune femme, qui fait face à Dumbledore.

— Oui.

Cette fois, sa voix ne tremble plus. Elle semble avoir retrouvé son cran légendaire, ou alors joue-t-elle très bien son rôle ? Rogue peut le confirmer en utilisant la légilimancie contre elle, mais en présence des sorciers les plus puissants du monde magique du Royaume-Uni, ce serait stupide de sa part.

Dumbledore sourit à Laura :

— Pour vaincre Voldemort, nous ne pourrons lutter sur plusieurs fronts. Dans ce contexte particulier, nous avons besoin de savoir ce qui se trame dans notre dos. J'ai une première mission à te confier : gagne la confiance du Ministre de la Magie.

— Vous voulez que je l'espionne pour votre compte...

— Non : pour le compte de l'Ordre du Phénix.

Severus se retient de rire : Laura comme agent double, ce n'est clairement pas le meilleur plan de Dumbledore. Il imagine mal la jeune femme capable de ranger sa fierté et de devenir impassible du jour au lendemain. De plus, elle ne maîtrise pas l'occlumancie, d'après ce qu'il en sait. Un talent essentiel, quand on espère devenir un espion. Et encore plus quand on souhaite faire des études pour devenir Auror.

— J'accepte. Vous pouvez compter sur moi, Monsieur.

— Parfait. Nous avons encore quelques détails à régler.

Laura acquiesce et se rassoit. Elle pose ses mains sur la table et embrasse rapidement l'assemblée du regard. Rogue détourne les yeux quand les iris de Laura se posent sur sa personne. Il sent que Black le fixe d'un œil soupçonneux.

Dumbledore expose quelques-uns de ses plans, tout en demeurant volontairement flou. Si la majorité des sorciers ne le perçoivent pas, ce comportement du sorcier agace Severus. En agissant ainsi, Dumbledore donne la sensation de jouer avec un échiquier bien vivant ; chaque membre de l'Ordre étant un pion plus ou moins important pour lui. Nul doute qu'il considère Harry Potter comme le roi et sa sœur comme la reine.

Même s'il ne l'avouera jamais en public, Rogue admet secrètement que Laura est bien plus puissante que son frère. Il le voyait bien, pendant ses études, lors de ses cours. Rares sont les sorciers qui brillent en potions, car privés de leur baguette, ils n'arrivent pas à canaliser leurs pouvoirs voire à invoquer la magie.

Comme si cette dernière s'effaçait du sorcier si celui-ci venait à être dépossédé de son objet magique...

Or, Laura n'a jamais connu ce problème. En Deuxième Année, elle était capable de préparer une potion d'un niveau de Quatrième Année. Il le savait car elle faisait une retenue au fond de sa classe – punie par le professeur de Défense contre les Forces du Mal de l'époque – quand elle proposa son aide à un élève de Poufsouffle en difficulté. Bien sûr, Rogue découvrit l'entourloupe – l'élève en question était d'habitude faible – et décida de punir la coupable plus sévèrement.

La magie coule dans les veines de la jeune femme comme l'eau d'une rivière.

Elle fera partie, dans quelques années, des mages les plus puissants.

Si son caractère imprévisible et impulsif ne la perd pas en route.

Finalement, Dumbledore conclut la réunion et tous se retrouvent avec une tache à effectuer, sauf Severus.

Le directeur de Poudlard congédie la plupart des sorciers mais demande à Laura et McGonagall de rester. Rogue, comprenant qu'il n'est plus convié à la réunion, se lève et marche vers la porte.

— Severus, restez un instant. Nous devons encore régler un détail.

Le maître des potions s'arrête et se retourne.

— Je vous écoute.

— Laura, maîtrises-tu l'occlumancie ?

— Je connais cette forme de magie, uniquement de nom, mais je n'ai jamais eu l'occasion de l'apprendre.

— La mission dans laquelle tu t'apprêtes à te lancer est capitale pour l'Ordre. Primordiale, je dirai même. Tu risques d'entendre ou de voir des choses, au Ministère, qui ne te plairont pas forcément. Il faut que tu sois capable de te maîtriser en toute circonstance.

Cette fois-ci, profitant d'être libéré de la présence de Black, Severus ricane et se permet un commentaire :

— Potter n'es pas prête pour ce genre de mission. Elle est immature, arrogante et insolente. Elle se croit plus douée que les autres, mais je crois que c'est sa façon de cacher sa faiblesse.

— Moi, immature et arrogante ? répète Laura, démarrant au quart de tour. J'ai obtenu toutes mes BUSE et tous mes ASPIC ! C'est une insulte de me traiter de faible ! C'est un affront ! Ce n'est pas juste ! C'est...

Dumbledore lève la main droite et fait taire Laura. La jeune femme obéit et semble se calmer. Elle fronce les sourcils. Un éclair de lucidité passe dans son regard. Rogue sourit : il a agi ainsi uniquement pour tester sa réaction.

— Non, effectivement, tu as encore du mal à te maîtriser.

Laura grogne et baisse la tête :

— Je suis tombée dans un piège grossier, admet-elle. Je pense que le professeur Rogue a choisi ses mots avec soin pour me tester.

— Le choix n'était pas si difficile, marmonne Severus.

Laura relève les yeux et lui lance un regard assassin, mais ne dit rien.

— C'est pourquoi je pense qu'il serait judicieux pour Laura de maîtriser l'occlumancie, avant d'entrer dans le vif de sa mission. Du moins, les bases de cette magie. Fudge peut employer des Aurors pour fouiller dans son esprit et il ne doit pas découvrir tes intentions. Laura, il te faut un professeur.

Severus se fige, devinant ce que s'apprête à dire Dumbledore. Laura, elle, lève un sourcil, étonnée.

— Qui ? demande-t-elle.

— Le plus qualifié d'entre nous dans ce domaine.

Et il plante son regard sur Rogue.

Laura et Severus se dévisagent et, d'une même voix, s'exclament :

— C'est une blague ? 


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