ღ Chapitre 9 - La vie est bien faite, non ? ღ
Comme chaque week-end, Ruben s'entraîne sur un terrain qu'il affectionne particulièrement. Des roches affleurent ça-et-là dans une végétation rase et clairsemée de couleur fauve, battue par les vents. Quelques arbres maigres, aux pieds desquels poussent une mousse épaisse, se dressent de part et d'autre de cet endroit sauvage et escarpé.
Alors qu'il songe déjà à la douche bien fraîche qu'il prendra une fois de retour de son footing matinal, il évite in extremis Gabriel. Fort étonné de le trouver à courir sur un chemin légèrement à l'écart de la ville, il le dévisage.
— Tu connais le coin ? se surprend à demander le Norvégien, après avoir interrompu son effort.
— Je l'ai découvert par hasard il y a quelques jours, répond aussitôt Gabriel. Je ne savais pas que tu y venais également.
— C'est un lieu que j'arpente de long en large lorsque j'ai besoin de me vider la tête. Et j'aime observer en contrebas la ville qui s'y étend. C'est un peu mon havre de paix, se confie Ruben.
— Le cadre est sublime en effet.
Ravis de partager la même opinion, ils s'adressent un regard complice. Sans doute le moment est-il venu pour Ruben de poser à Gabriel une question qui lui taraude l'esprit depuis la veille ?
— Ta copine ne t'accompagne pas ?
Interloqué, Gabriel le fixe.
— Quelle copine ?
— Celle avec qui tu es parti l'autre soir.
— Oh ! Charlie ?
— Peut-être. Je crois qu'elle était blonde, précise le sportif, d'un air faussement détaché.
— Il s'agit de ma meilleure amie, rien de plus, le renseigne-t-il alors.
Ruben doit l'admettre : il se sent tout d'un coup beaucoup plus léger.
Ils ne sont qu'amis !
Toutefois, il ne s'explique pas pourquoi son soulagement est aussi intense. Jamais, ô grand jamais, il n'a jeté son dévolu si vite sur une personne qu'il connaît si peu.
— Et elle ne court pas avec toi ?
— Habituellement, si. Mais aujourd'hui, elle a souhaité rester au calme dans notre appartement. Et toi ? Tu n'es pas accompagné de ta copine ?
— Je n'ai personne depuis plusieurs années.
— Donc tu cherches à te caser et tu as pensé à Charlie ? l'interroge sans détour Gabriel, piqué par la curiosité.
Oui ! lui crie sa conscience.
Pourtant, les mots qui franchissent la barrière de ses lèvres sont exactement le contraire de ce qu'il voudrait dire.
— Non, pas du tout.
Surpris par son ton catégorique, Gabriel n'insiste pas. Il croirait presque entendre Charlie...
— Je saute du coq à l'âne mais si tu veux, tu pourrais venir à l'appartement que je partage avec Lars et prévenir Charlie qu'elle est invitée aussi ? reprend-il, d'une voix plus douce.
— Quand ça ? s'enquiert Gabriel, déjà très intéressé par cette proposition.
— Dès que possible. Après avoir pris ta douche, par exemple ?
— Je rentre et je te redis. Ça te va ?
— Pas de soucis, on fait ça. Tu as déjà mon numéro de toute façon !
La motivation ne le quittant plus, Gabriel se sépare alors de Ruben et file en direction de l'endroit où il loge.
Lorsqu'il ouvre la porte, Charlie chantonne gaiement dans la cuisine. D'une mine amusée, il s'approche à pas de loup. Dos à lui, elle se trémousse sur une musique qu'il ne parvient pas encore à reconnaître.
Ah ! Si !
Charlie s'est toujours identifiée à cet artiste décédé tragiquement à l'âge de vingt-huit ans.
Il s'agit d'un titre du DJ suédois – Avicii – réalisé en collaboration avec la voix profonde d'Aloe Blacc : Wake Me Up.
— Quand le chat n'est pas là, les souris dansent à ce que je vois !
Par réflexe, elle brandit le rouleau de pâtisserie à côté d'elle et fait volte face, prête à le lancer de toutes ses forces sur la tête du malotru qui vient d'oser troubler sa quiétude.
— Oh ! C'est toi ! s'exclame-t-elle, soulagée.
— Évidemment, Bambi ! Qui veux-tu que ce soit ?
— Je ne sais pas, grommelle-t-elle. Ça aurait pu être n'importe qui. Un de tes amis malveillants, par exemple...
— Charlie... souffle-t-il. Je croyais que tu avais passé une bonne soirée la dernière fois...
— C'est le cas. On ne peut jamais être sûr des gens sur lesquels on tombe, c'est tout.
L'air désolé, il lui adresse un regard empli de compassion. Être sur ses gardes était devenu son leitmotiv depuis qu'elle avait frôlé la mort. Et Gabriel ne pouvait que la comprendre. Endurer de telles épreuves laisse forcément des séquelles quasi indélébiles. Celle-ci en fait partie.
Lui demander si elle souhaite se joindre à lui pour passer un agréable moment chez Ruben et Lars va s'avérer plus compliqué qu'il ne l'aurait imaginé. Pour exprimer sa requête, il va devoir y aller comme sur des œufs...
— Ils sont différents, je crois. D'ailleurs, j'ai vu Ruben en faisant mon jogging. Il nous a invités à venir chez lui et Lars après ma douche, ça te dit ?
Un sourcil arqué par la contrariété, Charlie en vient à se demander s'il ne se paie pas sa tête.
— Mais, Gabriel... Je ne suis pas prête, réplique-t-elle, l'air bouleversé. C'est encore trop tôt...
— Bien sûr, balbutie-t-il en soupirant.
— De toute manière, j'ai déjà planifié mon programme de la journée. Une autre fois peut-être...
Le nez baissé tant il est déçu, il reporte son attention sur ses runnings, devenues soudainement très intéressantes.
— Une autre fois alors, marmonne-t-il, avant de s'éclipser dans la salle de bain.
Le portable en main, il pianote avec rapidité sur son écran.
À : Ruben ⚽️
Charlie a autre chose de prévu mais c'est bon pour moi. On se voit bientôt !
Puis, une fois le message envoyé, il dépose son cellulaire sur le plan de vasque et, ses vêtements retirés, s'engouffre dans la cabine de douche.
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À présent propre et habillé, Gabriel se sent prêt à se rendre chez Ruben et Lars.
— J'y vais, la prévient-il, depuis l'entrée.
— Sois prudent, Gabichon. Et ne fais pas de bêtises lorsque tu seras avec les garçons, le met-elle en garde.
— Promis. Je t'enverrai même un message dès que j'arrive pour ne pas que tu t'inquiètes, lui certifie-t-il.
— Tu es le meilleur, merci beaucoup.
— Allez, il faut que je file si je ne veux pas être en retard. À plus tard, conclut-il en laissant claquer un bisou sur la joue de sa meilleure amie.
— À plus tard, lance-t-elle, alors qu'il s'élance déjà dans les escaliers de leur immeuble.
Au pas de course, il suit à la lettre les nombreuses indications fournies par son GPS. Il devra remercier Ruben pour l'envoi de l'adresse. Sans lui et sans son application, il ne serait pas allé bien loin !
Finalement, il se plante quelques instants plus tard devant l'appartement que partagent les Norvégiens.
Pour signaler sa présence, il appuie sur la sonnette.
— Ah, te voilà, l'accueille Ruben, en se décalant pour le laisser entrer. Tu n'as pas eu trop de mal à trouver ?
— Tout s'est bien passé. D'ailleurs, merci de m'avoir transmis votre adresse. Je n'aurais jamais réussi à me débrouiller tout seul autrement.
— Mais je t'en prie. C'était le moins que je puisse faire.
Un sourire aux lèvres, Gabriel s'avance. D'emblée, son regard est attiré par le caractère luxueux et confortable de ce qui l'entoure.
— Je te laisse retirer tes chaussures et nous rejoindre sur le balcon ?
— Avec plaisir. À tout de suite !
À : Bambi ☀️
Ma Charlie, je suis bien arrivé. Fais bien attention à toi ❤️
Après s'être déchaussé, il se dirige vers la baie vitrée.
— Ah ! Mon français préféré ! l'accueille Lars. Sers-toi donc, on t'a sorti une bière.
— Merci les gars. Vous avez une belle vue d'ici, dites-moi ! répond Gabriel, en prenant la bouteille de verre en main.
— Il faut bien un peu de calme pour la petite star qu'est Ruben, blague le photographe.
— La petite star ? Carrément ? s'amuse le Breton.
— Lars exagère toujours... bougonne le concerné. C'est juste qu'à mes heures perdues, je me produis dans certains bars, rectifie-t-il.
Très intéressé, Gabriel l'écoute avec attention.
— Tu t'entendrais bien avec Charlie. Ça ne fait aucun doute, lui assure alors Gabriel.
— Ah bon ? s'étonne Ruben.
— Elle aime s'évader en jouant du piano ou en écoutant de la musique.
— Dommage qu'elle n'ait pas pu venir. On aurait pu en échanger... se désole le Norvégien.
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