ღ Chapitre 8 - Les copains de Gabriel ღ


Les trois semaines qui viennent de s'écouler semblent conforter les deux Français dans le choix qu'ils ont fait de s'installer pour un an en Norvège.

Cette expérience, loin du cauchemar de Charlie, les aide à appréhender la vie d'une autre façon.

— Ça te dirait de venir avec moi au bar pour la soirée ? demande Gabriel à sa meilleure amie.

Soufflant bruyamment, Charlie lui fait part de sa réticence.

— J'ai peur de recroiser ces garçons qui m'ont prise à partie. Je suis sûre qu'il doit s'agir d'un lieu où ils viennent repérer leurs proies... Le mieux serait que je ne sois pas là...

— Mon Bambi, tu ne crains rien. Je serai là. Je te promets que j'ouvrirai l'œil. Et puis, j'aimerais beaucoup te présenter Lars et Gustav. Dis oui, s'il-te-plaît, insiste-t-il.

La moue ennuyée, elle le dévisage. Il n'abandonnera pas, c'est certain.

Peut-être pourrait-elle lui accorder cette faveur ?

Au vu de tout ce qu'il fait pour elle, elle lui doit bien ça.

— Bon, c'est d'accord, accepte-t-elle finalement.

Conscient qu'elle prend sur elle pour l'accompagner, il la remercie d'une mine radieuse.

— On y va ? s'enquiert-il alors.

Après s'être habillés rapidement, les deux amis quittent l'appartement et se dirigent d'un pas alerte vers leur lieu de rendez-vous. 

Accoudés au comptoir, Lars et Gustav attendent les Bretons. Les minutes défilent. Les secondes passent. Et enfin, la porte s'ouvre.

En proie à une indicible panique, Charlie broie littéralement le bras de Gabriel. Il aurait presque l'impression que la circulation sanguine dans ses veines va s'arrêter d'un moment à l'autre.

Heureusement pour son salut, seuls quelques mètres les séparent des Norvégiens.

D'un simple coup d'œil, Charlie embrasse l'espace qui s'offre à elle.

La décoration intimiste semble avoir été élaborée avec goût. Des luminaires courent le long de murs rouge vermillon et achèvent leur parcours au-dessus de tables en ébène qu'ils éclairent d'une douce lueur.

Un peu plus loin, une bibliothèque imposante remplie de livres repose sur le parquet en bois clair du bar.

Enfin, dans un coin légèrement reculé, un DJ, dont elle ne parvient pas à distinguer les traits malgré toute sa bonne volonté, se produit derrière ses platines.

— C'est toi, Charlie ? s'étonne Gustav.

Que lui veut donc ce petit démon ? Et comment sait-il son prénom ?

Suspicieuse, elle le toise.

— Oui, c'est elle. Charlie, je te présente Gustav. Et voici Lars, intervient Gabriel, en désignant l'autre châtain.

Ne comprenant pas pourquoi ils se mettent à rire aux éclats suite à cette annonce, elle les observe de plus en plus méfiante. Gabriel semble lui aussi surpris : elle n'est pas folle.

— Peut-être pourrions-nous rire aussi si vous nous disiez ce qu'il y a de si drôle ? lance-t-elle, les lèvres pincées.

Passant une main dans ses longs cheveux, Gustav est le premier à retrouver son sérieux.

— En fait, nous étions persuadés que tu étais un garçon. On comptait vous demander de faire partie de l'équipe de foot, explique-t-il.

Cette révélation détend aussitôt l'atmosphère. L'air amusé, Charlie et Gabriel pouffent à leur tour.

Elle qui était tendue et stressée à l'idée de les rencontrer, se sent immédiatement plus à l'aise.

D'ailleurs, à mesure que les musiques défilent, elle se sent apaisée. Gabriel avait raison : Lars et Gustav semblent très gentils. Peu à peu, les langues se délient. Charlie échange avec Lars à propos de leur passion commune : la photographie. Puis, au fil de la conversation, ils finissent par parler de leurs études respectives, de sports et de tout autre sujet.

— Tu avais quel âge lorsque tu as commencé à jouer du piano ? demande-t-il, très intéressé.

— Neuf ans.

— Le frère de Gustav en fait depuis ses six ans. Vous pourriez bien vous entendre, lui assure-t-il.

— C'est pas Ruben ? les interrompt Gabriel, en montrant du doigt le jeune DJ à Lars.

Piquée par la curiosité, Charlie se retourne.

Serait-ce son sauveur ?

La carrure athlétique du jeune homme ne laisse place à aucun doute.

Ses cheveux châtains et son mètre quatre-vingt non plus.

Saperlipopette ! 

Il s'agit du malheureux qu'elle avait malencontreusement fauché avec sa valise !

C'est lui.

De son côté, Ruben perd la notion de toute réalité lorsqu'elle pivote vers lui. Son cœur commence à s'affoler. Sa respiration reste en suspens.

C'est elle.

Pour la première fois depuis quelques semaines, leurs regards interrogateurs se rencontrent.

Pour la première fois depuis quelques semaines, ils se découvrent.

Pour la première fois depuis quelques semaines, ils peuvent mettre un nom sur le visage de l'autre.

Toutefois, tout se termine bien vite. Le rouge aux joues, Charlie fait précipitamment volte-face.

Avec réalisme, et une certaine part de défaitisme, Ruben ne peut s'empêcher de penser qu'il ne la reverra jamais.

Le campus est tellement grand qu'il est presque impossible de recroiser une personne, et encore plus étant donné qu'ils ne sont pas dans la même promo.

Il faudrait un coup du destin, et encore.

Bien que se concentrer dans le moment présent soit compliqué, Ruben finit son set avec brio. Soulagé de ne pas s'être ridiculisé en public tant il est troublé, il descend de scène agilement.

Sans doute pourra-t-il enfin échanger quelques mots avec la jeune fille qu'il a défendue et qui hante ses pensées depuis ?

Ou peut-être pas...

Alors qu'il se dirige vers ses amis d'une démarche décidée, elle s'éloigne en compagnie de celui qu'il imagine être son petit copain.

À cette simple éventualité, son cœur se serre.

Il aurait tant aimé lui parler... 


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