ღ Chapitre 25 - La fête de la Constitution ღ
Quelques jours plus tard
La sonnerie stridente du réveil de Ruben réveille Charlie en sursaut et a pour effet de l'alarmer. Les yeux désormais grands ouverts, elle s'assoit en tailleur et tente de calmer les battements de son cœur qui entament une valse endiablée de bon matin. D'un geste maladroit, le sportif cherche quant à lui l'objet de leur malheur. Tâtonnant à l'aveuglette sur sa table de chevet, ses doigts finissent par venir à son contact. Soulagé, il l'éteint alors et allume la lumière.
Encore épuisée par la nuit mouvementée qu'elle a passée, Charlie grogne de mécontentement et se cache le visage dans les mains.
— Bien dormi ? l'interroge-t-il, d'une voix rauque.
Le ton qu'il emploie lui fait relever aussitôt la tête. Incapable de résister plus longtemps à la moue adorable qu'il arbore, la mauvaise humeur de la jeune femme s'envole comme par enchantement.
— À merveille. Et toi ?
— Pareil.
— Bien que courte, dit-elle en bâillant.
— Je sais qu'il est tôt, je suis désolé.
— Ne t'excuse pas pour si peu. Ce n'était pas un reproche, s'empresse-t-elle d'ajouter. J'ai hâte de découvrir comment se déroule un dix-sept mai ici. C'est une date très importante pour vous, je le sais.
Amusé, il se redresse sur un coude et arque un sourcil.
— Ma princesse aurait-elle fait des recherches sur la fête de la Constitution ? la taquine-t-il.
Rouge de confusion, Charlie baisse le nez.
— Oui, admet-elle penaude.
— Merci de t'intéresser à la culture de ma belle Norvège, ça me touche beaucoup, murmure-t-il en l'attirant à lui avec tendresse après s'être relevé à son tour.
Le dos reposant maintenant contre le torse nu de Ruben, ses épaules s'affaissent. Elle qui a tant souffert par le passé s'autorise à se détendre à son contact. Ne pas être jugée change sa vie. Être aimée et soutenue aussi.
— Les garçons doivent déjà être réunis dans la cuisine, finit par reprendre Ruben après quelques minutes de répit. Tu te sens prête à affronter cette journée ?
— Oh que oui !
— J'ai préparé nos habits traditionnels hier soir. Ils sont dans la penderie pour ne pas être froissés. Si tu préfères, je peux aller ailleurs le temps que tu te changes, propose-t-il.
Très touchée, elle se retourne vers lui et lui adresse un sourire attendri. En toute occasion, Ruben est si délicat avec elle, si attentionné : elle ne pouvait pas rêver mieux. Signe de son affection pour lui, l'un des pouces de Charlie vient effleurer la joue du Norvégien.
— Ça ne me dérange pas que tu sois là, lui assure-t-elle. Et puis comme ça, on arrivera ensemble dans le salon ?
— Marché conclu.
Sans attendre de réponse, il comble le maigre espace qui les sépare et dépose ses douces lèvres sur celles de Charlie. Aux anges, elle l'embrasse à son tour. Ses doigts courent sur sa peau lisse, viennent enlacer sa nuque puis remontent jusque'à la base de ses cheveux rebelles mais soyeux. Surmontant sa déception, Charlie s'oblige à mettre un terme à cette délicieuse étreinte. Elle aurait préféré rester enfermée dans leur bulle de bonheur.
À la place, elle bondit hors du lit et se précipite vers l'armoire en bois clair pour éviter de les retarder davantage. Elle admire, bouche-bée, le superbe bunad* brodé de motifs colorés dont elle va se parer. Avec assurance, elle se saisit du cintre, dépose le tout sur la couette et se déshabille.
Le résultat ne se fait pas attendre. Vêtue d'un chemisier blanc et d'une longue jupe recouverts d'un tablier ainsi que d'une veste sans manches, Charlie tournoie sur elle-même à plusieurs reprises et s'admire dans le miroir à pied qui trône dans la chambre de Ruben. Se tenant derrière elle, il arrange son chapeau, les manches de sa chemise et ajuste son veston. Le pantalon qu'il porte s'arrête aux genoux et ses mollets sont recouverts de hautes chaussettes en laine.
— Tu dois aussi rajouter des boutons en argent et décorer ton costume. Je vais t'aider, viens là.
Le menton relevé pour lui faciliter la tâche, elle le laisse épingler des broches au niveau du col. Les gestes du sportif sont sûrs. Dénués d'hésitation.
— Prête ? s'enquiert-il, la tâche terminée.
— À 200%, lui certifie-t-elle.
Satisfait, il ouvre alors la porte et entraîne Charlie vers la baie entrouverte qui donne sur le balcon.
Leurs amis semblent déjà être en pleine forme en dépit de l'heure matinale. Pour les saluer, ils sifflent l'apparition du couple entre deux éclats de rire. Gabriel est écarlate et agite un drapeau norvégien sous le nez de sa meilleure amie. D'un air suspicieux, Ruben vérifie que l'aquavit* n'a pas déjà été entamée.
Un léger vent frais s'enroule autour d'eux et s'engouffre dans la chevelure tressée de Charlie. Pour son plus grand soulagement, sa jupe ne se soulève pas et ne dévoile pas ses dessous en dentelle. Depuis qu'ils ont appris la relation amoureuse qu'entretiennent Charlie et Ruben, Gustav et Lars ne les lâchent plus d'une semelle. Bien trop heureux pour eux, ils les observent à la dérobée et se plaisent à imaginer qu'un jour aussi, ils auront cette chance de rencontrer leur âme sœur.
— Installez-vous, on vous attendait pour manger ! braille le cadet de Ruben, Gustav.
— Vous avez remis le couvert après l'avoir fait hier soir ? les questionne Lars avant de pouffer.
La mine défaite, Charlie et Ruben s'adressent un regard navré. Leurs pommettes remontent et se teintent. De toute évidence, ils n'auront pas été assez discrets la veille... Très gênés, ils s'assoient en silence et entament le repas.
Le saumon fumé accompagné d'œufs brouillés sur du pain frais ne surprend plus la jeune femme.
En revanche, sa réaction est toute autre lorsqu'elle goûte l'eau-de-vie du pays coupée avec du jus de fruits et du champagne. La bouche en feu, elle se force à avaler le mélange à quarante-cinq degrés par politesse. Lorsqu'il remarque l'indéfinissable expression faciale de Charlie, Gabriel s'esclaffe. Hilare. Encore grimaçante, elle reprend toutefois du poil de la bête et lui tire la langue.
Les premières notes qui retentissent dans les baffles de la chaîne Hifi les interrompt cependant bien vite dans leurs chamailleries. Lars, Ruben et Gustav se mettent debout comme s'ils ne formaient plus qu'un et entonnent l'hymne national – Ja, vi elsker dette landet* –, la main sur la poitrine. De stupéfaction, les Bretons les dévisagent. Plus aucun doute n'est possible : les gens d'ici sont des êtres profondément attachés à leur nation et fiers de leurs traditions.
Aux environs de midi, les compères sortent de l'appartement et se rendent dans le centre-ville. Menés par des fanfares, les cortèges d'enfants qui sillonnent les rues sont acclamés par des dizaines de milliers d'habitants de Bergen venus les encourager et continuer les festivités. Des drapeaux s'agitent au rythme de la musique, des couvre-chefs volent dans les airs, des cris aigus percent les tympans d'une Charlie et d'un Gabriel réellement impressionnés. La taille maintenue par les mains puissantes de Ruben, Charlie se sent en sécurité et profite de l'instant présent avec joie et retenue. Par crainte de manquer ne serait-ce qu'une seconde du spectacle qui se déroule sous ses yeux, elle lutte pour ne pas en perdre une miette. Les rayons de soleil viennent caresser ses paupières. D'agréables frissons remontent le long de ses bras. Sans un mot, elle s'empresse de prendre des photos et vidéos pour immortaliser ces moments, entourée de ceux qu'elle aime. L'ambiance est à son comble. Puis, une fois le défilé passé, ils font demi-tour et rentrent se mettre au frais dans le logement qu'ils ont quitté un peu plus tôt.
Les hot-dogs ne restent pas longtemps sur la table à leur arrivée. Les langues se délient. Comme si elle était une princesse, Ruben la couvre de petites attentions tout au long de l'après-midi. Dans leur monde, ils profitent du magnifique ciel bleu en se prélassant dans les transats installés sur la terrasse.
Il n'y a pas à dire : quelle journée mémorable !
*bunad : costume traditionnel porté lors de la fête nationale norvégienne le 17 mai. Il reproduit la mode présente dans les campagnes jusqu'au XIXème siècle. Presque tous les adultes et enfants possèdent cet habit dans leur garde-robe, preuve de leur attachement à leur particularité locale mais aussi à leur culture nationale.
*aquavit : eau de vie scandinave (45°) à base d'alcool de pommes de terre parfumée au carvi et/ou à l'aneth.
*Ja, vi elsker dette landet : Hymne national Norvégien qui signifie « Oui, nous aimons ce pays ».
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