ღ Chapitre 21 - Un week-end à la montagne ღ
Après de longues heures passées sur des routes escarpées dont certains virages en épingle leur donnaient la terrible envie de régurgiter leur repas du midi, Charlie et Ruben se félicitent d'être enfin arrivés à bon port. Pour leur plus grand bonheur, la description écrite sur le site de location est bien fidèle à la réalité. Entouré par d'imposants fjords et par d'immenses et majestueux sapins recouverts de leur plus beau manteau d'hiver, le petit chalet de bois d'aspect accueillant les invite à entrer.
Alors que la Bretonne sort du véhicule tout-terrain, la neige, immaculée et sublime, crisse légèrement sous ses pas et agresse ses yeux clairs de sa blancheur presque aveuglante. Son odeur froide et rafraîchissante lui donne toujours envie d'inspirer l'air vivifiant de cette saison. La taille encerclée par les bras puissants du Norvégien et parcourue de frissons au contact de ses lèvres sur son front, elle n'attend pas plus et emplit ses poumons d'un oxygène on ne peut plus pur. Pour profiter davantage du soleil de l'hiver qui apporte une agréable sensation sur sa peau, elle ferme les yeux. Sereine, elle reporte son attention sur la luminosité qui tente de percer et éclaire l'intérieur de ses paupières d'une douce et chaude teinte orangée. Lui permettant de savourer ces quelques instants de quiétude, des rayons viennent, avec timidité, caresser son visage et engendrent une remontée plaisante de fourmillements le long de sa mâchoire. Désireuse de se réchauffer contre son bien-aimé auprès d'un feu crépitant dans la cheminée, elle se retourne finalement vers lui.
— Petit cœur, on peut aller à l'intérieur, s'il te plait ? Je commence à avoir un peu froid, se plaint-elle, d'un air désolé.
— Pas de problème, min kjære*. Le propriétaire a indiqué que les clés étaient sous un pot de fleurs près de l'entrée, bien en évidence. Tu vas aller te mettre au chaud et pendant ce temps, je déchargerai la voiture.
— Il n'y a pas de doute, tu es vraiment le meilleur. Merci, Rubichon. Tu es sûr que tu ne veux pas que je t'aide ?
La mine amusée, le sportif secoue la tête de gauche à droite. Charlie et ses surnoms affectueux n'auront de cesse de l'étonner !
Suivi de près par la jeune fille, il remonte d'une démarche assurée les quelques mètres qui les séparent de l'habitation. Puis, une fois devant, il se saisit des clés dissimulées sous un pot en magnésie et ouvre la lourde porte en bois massif.
— À toi l'honneur, lui propose-t-il, en se décalant pour la laisser entrer. Je retourne chercher les bagages.
Prête à découvrir ce qui les attend derrière ses murs épais, elle pénètre dans ce nouvel environnement sans se faire prier. Aussitôt, son regard accroche l'imposante photo encadrée dans le corridor. Dressé sur ses pattes postérieures et presque grandeur nature, un ours menaçant ouvre la gueule et dévoile ses dents aiguisées.
— Ah ! hurle-t-elle, en faisant un saut en arrière. Mais qu'est-ce-que c'est qu'ce bin's ? Bordel, Ruben ! Reviens ! Nous sommes tombés sur un malade !
Pour faire taire ses accusations, le vent s'engouffre avec véhémence dans le logement et laisse libre court à son mécontentement en claquant la porte derrière elle. Terrorisée, Charlie, chancelante, cherche l'endroit parfait pour se cacher.
Quelque part, elle entend un bruit. Il y a quelqu'un...
Et si le meurtrier se trouvait présentement dans une des pièces, prêt à bondir et à la découper en petits morceaux dans une marmite chauffant déjà au-dessus du feu dont elle prévoyait de profiter ?
Dans un élan de courage, elle brandit par le manche un parapluie qu'elle a trouvé dans l'entrée et avance en silence vers le salon. Prête à dégainer d'un moment à l'autre l'arme qu'elle tient fermement entre ses mains, elle se jette en avant et s'accroupit derrière le canapé gris anthracite.
Personne à l'horizon mais ils sont en danger. Ruben est en danger. Son pouls s'accélère. Comment le prévenir ?
À l'affût du moindre bruit, elle se tend à l'entente d'un cliquetis suspect. Il semblerait qu'il provienne d'une porte mais à l'heure actuelle, rien n'est moins sûr.
— Charlie ? l'appelle Ruben, inquiet.
Pour ne pas être découverte par l'aliéné sans nul doute caché dans une des chambres ou dans la cuisine, elle ne répond rien. Elle aimerait tant le prévenir... Pourvu que Ruben ne soit pas blessé... Au bord des larmes rien que d'y penser, elle tente d'avancer à couvert.
— Charlie ? répète-t-il, avant de débouler à son tour dans la pièce de vie, encore plus inquiet. Mais qu'est-ce-que tu fais ? Pourquoi tu as un parapluie et pourquoi tu te caches comme ça ?
— Chuttttt ! Il va nous repérer, chuchote-t-elle, proche du malaise.
Discrètement, elle lui fait signe d'approcher. Bien qu'extrêmement surpris, il s'avance vers elle et s'agenouille.
— Qu'est-ce-que tu as ?
— Le propriétaire est là. Il est armé, Ruben. Il faut que nous soyons discrets. Ne fais pas cette tête, ne t'en fais pas, je vais te protéger.
— Tu l'as vu ? murmure-t-il, peu rassuré.
— Non, il se cache. Mais nous sommes plus malins que lui, il ne nous aura pas comme ça. Parole de Montaland.
— Mais tu es sûre ?
— À l'attaque ! s'époumone-t-elle, l'adrénaline coulant dans ses veines, en se relevant brusquement et en chargeant vers une des chambres, sans qu'il ne puisse réagir, totalement abasourdi.
Gabriel aurait été là, il aurait expliqué au sportif le traumatisme qui hante Charlie depuis qu'elle a été cambriolée il y a maintenant deux ans dans son appartement rennais. Liée aux voleurs qu'elle a pris sur le fait et qui l'ont blessée avant de prendre la fuite, son imagination débridée et infondée qui tourne toujours au tragique prend depuis le dessus.
Afin de la rassurer, Ruben se relève et fait le tour de la maison. Puis, une fois certain de ce qu'il va pouvoir lui certifier, il revient vers sa chère et tendre.
— Charlie, tout va bien. Il n'y a pas un chat. Viens là, c'est fini, dit-il.
Éclatant en sanglots, elle vient se blottir contre lui.
— C'est juste... que... j'ai peur... Tout... le temps...
— Il y a une raison pour que tu appréhendes de cette façon ? s'enquiert-il, prêt à l'écouter d'une oreille attentive.
— C'est... le... cambriolage... Quand ils... m'ont... traquée... comme un... vulgaire... animal... hoquette-t-elle.
Le temps d'assimiler ses révélations, Ruben met plusieurs secondes avant d'être en mesure de reprendre la parole.
— Mais ils ont été arrêtés ? Ils t'ont fait du mal ? tonne-t-il.
— Non... J'ai appelé... la... police... Mais ils... n'ont... jamais... été... retrouvés...
— Je suis désolé que tu aies eu à vivre ça, ma Charlie. Est-ce-que tu aimerais faire quelque chose pour te changer les idées ?
— Oui... Je veux passer du temps avec toi, préparer à manger et rester contre toi.
— Et bah, tu sais quoi ? Ça devrait pouvoir se faire. J'emmène nos sacs ici et on va faire tout ce que tu voudras après. Ça te va ?
Un faible sourire sur les lèvres, Charlie opine du chef, satisfaite.
- - - - -
Le repas dans leur assiette, les deux tourtereaux se couvent du regard.
— Je ne te l'ai pas dit tout à l'heure mais je suis très heureuse d'être ici, avec toi.
— Je suis aussi ravi de partager tous ces moments en ta compagnie. Je n'imaginais pas les vivre avec une autre personne que toi.
Les yeux brillants de bonheur, elle pose sa main sur la sienne.
— Bon appétit, Ruben.
— Bon appétit, Charlie.
Et sur ces derniers mots échangés, ils attaquent leur pavé de biche, spécialement importé de France à l'occasion de Noël.
— C'est délicieux ! s'exclame Ruben, après avoir terminé son plat. C'est ce que vous mangez en France pendant les fêtes de fin d'année ?
— Ça peut arriver, en effet. Nous avons vraiment l'embarras du choix et nous en avons pour tous les goûts, lui explique-t-elle, en se relevant pour déposer dans l'évier ce qu'ils ont utilisé.
— Tu me feras visiter un jour ?
— Bien sûr. Si tu le souhaites, nous pourrons y aller pendant les vacances estivales ?
— J'aimerais beaucoup, oui. Voilà une autre chose à ajouter à notre To Do List.
Touchée par le fait qu'il s'intéresse à sa culture, Charlie ne peut s'empêcher de s'imaginer déjà où ils pourraient aller. Jamais, ô grand jamais, elle n'a eu la chance d'avoir un copain qui se projette autant. Comme c'est appréciable !
— Tu viens ? lui propose Ruben. Le feu va bientôt s'éteindre. Autant en profiter, tu ne crois pas ?
— Je suis d'accord avec toi. Je vais juste mettre mon pyjama et je reviens.
— Parfait, prends ton temps. À tout de suite alors.
Sautillant jusqu'à la chambre, elle aussi surchauffée, Charlie sort et enfile, d'une pierre deux coups, son vêtement de nuit préféré : une nuisette rose poudrée qui s'accorde à merveille avec son teint.
Puis, une fois apprêtée, elle rejoint celui qui fait battre son cœur.
Fasciné, Ruben la détaille de la tête aux pieds à mesure qu'elle avance en mordillant sa lèvre. Sans se faire prier, elle comble l'espace qui les sépare et vient s'asseoir sur ses genoux, enroulant ses bras autour de son cou par la même occasion.
— Tu es sublime, lui chuchote-t-il sincère, en laissant courir ses doigts sur les courbes discrètes de Charlie.
Les lèvres gonflées de désir, ils entament un baiser passionné. Les doigts de la Bretonne se resserrent autour de quelques mèches de cheveux un peu longues du Norvégien. Puis elle se rapproche davantage de lui et remue doucement son bassin contre le sien. Très vite, la tension se fait sentir. Ruben soulève sa belle et l'allonge sur le canapé assez large pour les accueillir. La surplombant dès lors de son corps musclé, il capture ses lèvres une nouvelle fois.
La nuit les enveloppe, complices de leur étreinte et de leur amour.
Les souvenirs de leur soirée merveilleuse revenant à son esprit par vague successive, Charlie se réveille petit à petit le lendemain matin lorsque de délicieux effluves cheminent jusqu'à son nez. D'excellente humeur, elle se redresse, le corps encore dénudé camouflé sous un plaid de couleur crème.
— Bien dormi, princesse ? l'accueille Ruben, d'une voix encore ensommeillée.
Un plateau en main, il avance vers elle et se glisse à nouveau sous la couverture après avoir déposé le petit-déjeuner sur la table basse en verre qui fait face au canapé. Très câlin, il dépose ses lèvres tendrement sur une des épaules de sa douce et l'étreint chaleureusement, encore comblé par la nuit qu'il vient de passer.
— À merveille, et toi ? s'enquiert-elle, à son tour, frissonnant sous ses caresses.
— De même. Il faut dire que j'avais besoin de repos, susurre-t-il dans l'oreille de Charlie, plein de sous-entendus. Tu étais parfaite.
— Toi aussi, petit cœur. Merci pour ce moment merveilleux.
— Que dirais-tu d'avaler un petit quelque chose et d'aller ensuite profiter un peu du jacuzzi ?
— Je valide ce programme, très cher.
Tout sourire, Ruben promène ses lèvres dans le cou de Charlie avant de la laisser se nourrir tranquillement et d'entamer lui aussi son repas.
*Min kjære : signifie "ma chérie" en Norvégien. Il s'agit du surnom affectueux le plus apprécié là-bas.
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