ღ Chapitre 15 - Video games & cie. ღ

D'excellente humeur à l'idée de retrouver leurs amis norvégiens, Charlie suit d'un pas décidé Gabriel jusqu'à leur logement. D'ici quelques minutes maintenant, elle découvrira l'appartement que partagent Ruben et Lars en colocation. Sifflant gaiement dans les rues de Bergen qu'ils arpentent, elle adresse un sourire chaleureux à toutes les personnes qu'ils croisent.

Lui apparaissant comme complètement métamorphosée, Gabriel ne peut s'empêcher de jeter des regards dans sa direction de temps à autre. Il est fier d'elle : jamais il n'aurait pensé qu'il lui faudrait si peu de temps pour réussir à s'ouvrir à nouveau à de parfaits inconnus. Comme quoi, Charlie est bien plus forte qu'elle ne le pense...

— C'est ici, l'informe-t-il, avant de pousser une lourde porte en bois massif.

Sur ses talons, elle rejoint la cage d'escaliers et monte les marches en marbre quatre à quatre. La façade du bâtiment paraît austère. L'intérieur semble quant à lui un peu plus chaleureux. Des plantes en pot disposées en contrebas absorbent l'humidité qui peut régner lorsqu"il pleut à verse et des rambardes en azobé* serpentent jusqu'aux différents étages.

— Tu es prête ? s'enquiert Gabriel, une fois arrivés à destination.

— Oui, j'ai hâte de les revoir. J'espère qu'ils seront heureux aussi de nous retrouver.

— N'en doute pas, je suis certain qu'ils partagent ce même désir, sinon plus.

Rassurée, elle appuie sur la sonnette. Entendant qu'elle retentit dans l'entrée, Charlie se tourne vers Gabriel et lui transmet cette information capitale.

— Ah, vous voilà ! les accueille Lars, d'une mine enjouée. Entrez, je vous en prie, reprend-il, en se décalant pour les laisser passer.

— Ça va ? demande Charlie.

— Très bien, vous aussi ?

— Ça va, oui.

Après s'être déchaussés, Charlie et Gabriel disposent leurs baskets sur le tapis rectangulaire chocolat. Pas une poussière ne semble traîner sur le parquet en bois clair du hall. En se redressant pour déposer son manteau sur une patère, Charlie remarque quelques tableaux d'artistes de renom orner les murs crème. Souhaitant poursuivre son examen méticuleux des lieux, elle aperçoit quelques enveloppes former une pile sur le meuble situé à côté de l'entrée. Juste à côté, se trouve une jolie corbeille en argent où les deux étudiants doivent sans l'ombre d'un doute disposer leurs clés de voiture ou de leur logement une fois qu'ils rentrent de leur journée de cours.

Remarquant sans doute qu'elle balaie l'endroit du regard, Lars lui propose de visiter. Ravie, elle accepte avec plaisir et le suit alors jusque dans le séjour qui lui apparaît immédiatement comme spacieux et d'allure moderne. Des canapés, dans les tons gris perle, sont disposés en angle en son centre. Ces derniers encadrent une table basse en verre sur laquelle se trouvent trois bougies d'apparence luxueuse. Un tapis rond et moelleux en laine crème couvre le sol en bois. Cet espace aménagé semble chaleureux et confortable, surtout au détour d'une nuit fraîche et enneigée d'hiver. Non loin d'une des cloisons se dresse un bar devant lequel sont installées trois chaises hautes. Sur son dessus repose une orchidée blanche, pleine de vie.

Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ne semblent pas manquer d'argent !

— Wow ! Comment vous faites pour payer le loyer ? interroge Charlie. Le montant doit être exorbitant !

— En fait, il appartient à mes parents... admet Lars. Ils l'avaient agencé il y a quelques années pour le mettre en location mais vu qu'on ne trouvait rien à nos moyens, ils nous l'ont mis à disposition le temps de nos études.

— Oh, ça paraît plus logique en effet. Vous avez de la chance de ne dépenser que pour la nourriture et certaines factures. La vie est très chère ici... Si nous n'avions pas de job étudiant, Gabriel et moi-même n'aurions jamais pu rester...

— Beaucoup d'internationaux de passage nous ont fait la même remarque... Je crois que nous sommes considérés comme un pays très riche. Tout le monde ne peut pas se le permettre, je te l'accorde.

— C'est déprimant de parler de ça... soupire Gabriel. Faisons donc quelque chose qui nous requinque ! propose-t-il.

— Tu as raison. Mario Kart, ça vous dit ?

— Je suis partant, assure le Breton.

— Moi aussi, ajoute Charlie.

— Ruben ?

— Ça me va !

— Parfait alors. Je vais chercher des boissons, vous pouvez commencer à vous installer, annonce le photographe, impatient à l'idée de commencer.

Obéissants, Charlie, Ruben et Gabriel prennent place sur le divan. Méthodiques, les garçons proposent d'organiser des battles entre les deux grands gagnants de chaque manche. D'ailleurs, bien décidée à les faire marcher un peu, Charlie choisit de faire comme si elle n'avait pas l'habitude de jouer. L'air malicieux, elle observe les garçons s'affronter un à un et accorde une attention toute particulière à leur technique. Au vu de leur niveau, cela ne devrait pas être trop compliqué de les battre. Le seul qui pourrait lui causer du fil à retordre serait Ruben, et encore. Comme le dit si bien une célèbre citation de Napoléon Ier, impossible n'est pas français.

— À ton tour, Charlie, râle Lars, mauvais perdant.

— Bon, je ne sais pas trop ce que ça va donner de mon côté... murmure Charlie, exactement comme si elle était en plein doute.

— Tu feras ce que tu peux, ne te tracasse pas, tente de la rassurer Ruben, d'une voix douce.

Commençant à culpabiliser, Charlie se demande si elle doit continuer à blaguer sur le sujet. Ruben est si innocent... Et s'il ne lui pardonnait pas de lui avoir menti ? Avalant avec difficulté sa salive, elle commence la partie. Pourvu qu'il ne lui en veuille pas... Elle, qui est si heureuse d'avoir pu rencontrer d'aussi belles personnes.

— Allez, Bambi ! l'encourage Gabriel, dans la confidence. Donne tout ce que t'as dans le ventre ! Tu peux y arriver !

Concentrée, Charlie fixe le parcours qui défile sous ses yeux. Ce n'est pas le moment de faire une erreur qui pourrait lui coûter la victoire... Les joues colorées par l'excitation, elle franchit la ligne d'arrivée, se relève et crie !

— Yes !

— Tu avais déjà joué ? s'enquiert Ruben, admiratif.

Le cœur battant à tout rompre, elle hésite à lui avouer que, pour faire passer le temps lorsqu'elle était en convalescence, elle passait des heures à s'entraîner et tenter de s'améliorer... Toutefois, elle se ravise bien vite. De peur qu'il la juge et la rejette en apprenant son vécu, elle ne pipe mot. Pour faire comme si de rien n'était, elle porte une canette de bière à ses lèvres et avale quelques gorgées.

— C'est le moment de s'affronter, on dirait, reprend-il. Tu es prête ?

— Exactement ! Toi aussi ?

— Toujours, quand il s'agit de gagner, plaisante-t-il.

Si seulement il savait qu'elle ne compte plus faire semblant pour cette partie...

— On commence quand tu veux, déclare-t-elle, après s'être rassise.

Le jeu est serré entre les deux joueurs. Ruben se défend bien et glisse à Charlie :

— Les minutes sont comptées pour toi, je vais t'avoir !

— Tu disais ? le taquine-t-elle, en lui adressant un sourire en coin.

— Mais ce n'est pas possible... Comment tu as fait ? tente-t-il de comprendre, la mine déconfite.

— Ça, c'est mon secret...

— Cours vite... la menace-t-il, en se lançant alors à sa poursuite dans l'appartement.

Riant aux éclats, Charlie slalome entre les différents obstacles, fait le tour de la table à manger, rampe dessous puis fuit dans la première chambre qui se trouve sur son chemin. Médusés, Gabriel et Lars les regardent du coin de l'œil. Ces deux-là ne grandiront donc jamais...

— Je te tiens, Charlie ! Qu'est-ce-que tu comptes faire maintenant ? pouffe Ruben, avant qu'un bruit sourd ne retentisse.

BOUM !

Alors qu'il maintenait Charlie contre lui, le Norvégien perd l'équilibre et entraîne dans sa chute la pauvre Bretonne qui s'étale par terre, le corps maintenu contre Ruben.

Les yeux dans les yeux, ils se figent soudain. Émotion ineffable. Le temps semble brusquement suspendu. Quelle idée a-t-elle eue de vouloir le chatouiller pour échapper à sa sentence ? Maintenant, voilà qu'elle se retrouve coincée contre un ami appartenant à la gente masculine... Sentant le souffle de Ruben venir caresser son visage, elle prend peur et le repousse.

— Pardon, je ne voulais pas... s'excuse-t-elle, une fois redressée. Je ne pensais pas que tu étais chatouilleux...

— Ne t'en fais pas, Charlie. Il n'y a pas de mal. Je ne t'ai pas blessée, j'espère ?

— Non, non. Je crois que tout va bien. Si ma tête est encore accrochée, c'est le principal. Tu ne t'es pas fait mal non plus ?

— Je ne pense pas. Je suis solide comme un roc, tu sais.

Inquiets de ne plus rien entendre dans la chambre de Ruben, Lars et Gabriel s'approchent.

Pourvu qu'il ne leur soit rien arrivé !

— Tout va bien ?

— Oui, oui. Rien de cassé... tente de les rassurer Charlie, en reprenant une voix normale.

— On dirait que vous avez vu un fantôme ! Venez donc boire un petit quelque chose pour vous requinquer... propose Lars.

Imitée de près par Ruben, Charlie se remet sur ses jambes encore tremblantes d'émotion, peu sûre d'elle. D'un coup d'œil entendu, ils décident de garder pour eux ce qui vient de se passer. Il ne manquerait plus que les garçons les taquinent sans cesse sur le sujet... Comme si ce n'était pas assez gênant comme ça !

Embarrassés, ils retournent dans le salon en silence.

— Allez, buvez donc un peu d'eau pour vous remettre les idées en place. Ça va vous faire du bien, les materne Lars. Qu'est-ce-qui s'est passé ? On a entendu un gros boum il y a quelques minutes...

— Oh, rien de spécial, ment effrontément Ruben. Je me suis juste cogné un orteil dans un des pieds de mon lit. Ça m'a fait un peu mal sur le coup mais la douleur s'est déjà estompée...

Comme si de rien n'était, Charlie acquiesce. Sceptique, Gabriel entraîne le photographe un peu plus loin.

— Tu ne les trouves pas louches, toi ? Charlie est étonnamment calme, ça ne me dit rien qui vaille...


*azobé : bois foncé provenant d'un arbre qui est exploité dans les forêts équatoriales. 


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