ღ Chapitre 13 - Le quotidien de Gabriel ღ
Plein d'énergie après une journée de cours pourtant chargée, Gabriel remonte la rue menant à son travail à la vitesse de l'éclair. L'achalandage des rayons du REMA 1000 n'attend pas !
Motivé comme jamais, il fait fi des rafales de vent qui tentent de faire barrage et poursuit son effort jusqu'au bout sans faiblir. Il finit par arriver à l'arrière de l'entrepôt, à l'abri des regards indiscrets.
Il n'a déjà qu'une hâte : finir ses heures et retrouver ses amis ainsi que Brenda chez Ruben et Lars !
D'un geste fébrile, il sort son badge de son portefeuille en cuir et le passe sur un boîtier pour entrer dans les locaux. Le cliquetis du système de déverrouillage le tire du train de ses pensées. Résolu, il ouvre la porte à la volée et pénètre dans la réserve glaciale. Aussitôt, les températures avoisinant les trois degrés Celsius le clouent sur place. Des frissons remontent le long de sa colonne vertébrale alors qu'il atteint les vestiaires en trottinant et en se frictionnant les bras, frigorifié.
Un t-shirt, un pantalon, une polaire et ses chaussures de sécurité l'attendent dans son casier. Il les prend et les lance sur un des bancs blancs en plastique. Quand arrive le moment de passer le pied gauche puis le pied droit dans les jambes du pantalon, Gabriel perd l'équilibre et manque d'atterrir, tête la première, contre un mur abîmé. Il se rattrape in extremis à une patère et laisse éclater toute sa rage en espérant intérieurement, sans doute trop tard, que personne ne l'a entendu. Il se passe de l'eau fraîche sur le visage pour tenter d'apaiser le feu qui brûle en lui.
Puis, une fois calmé, il rejoint ses collègues avec un magnifique sourire scotché sur le visage.
— Bonjour les gars. La forme ?
— Salut Gab' ! Nickel et toi ?
— Ça va toujours. Le jour où ça n'ira pas, les poules auront des dents ! plaisante-t-il en anglais.
Bien qu'ils ne comprennent pas réellement l'expression de Gabriel, ils rient avec lui, complices.
Cependant, ils n'ont pas le loisir d'échanger plus longuement. Ils reprennent aussitôt leur sérieux à la vue de leur manager qui avance vers eux d'une démarche déterminée et le visage fermé.
Ses traits crispés ne laissent place à aucun doute. Il doit être d'humeur exécrable.
— Gabriel, tu as pris connaissance des rayons dont tu vas t'occuper aujourd'hui ? J'ai besoin de ta rapidité d'exécution pour rattraper le retard d'une nouvelle recrue. Ton dynamisme peut rectifier les choses. Je peux compter sur toi ?
Prenant un air important, Gabriel opine du chef. Il est très flatté de la confiance que lui accorde son supérieur hiérarchique. Il se sent au-dessus du lot et entrevoit le prix du meilleur employé du mois.
— Bien sûr, Markus. Je m'y attèle tout de suite. Tu ne seras pas déçu !
Au pas de course, Gabriel part, tel un soldat en mission, en direction des marchandises disposées sur d'immenses palettes de manutention. Il s'active, fait tout pour montrer son investissement sans faille et obtenir cette prime pécuniaire tant convoitée.
Les cartons disposés dans un caddie, il traverse les nombreuses allées du magasin, sous les yeux bienveillants des clients qui déambulent, jusqu'aux produits frais.
Arrivé à destination, il ouvre chaque packaging à l'aide d'un cutter et ressort le beurre, les yaourts, le lait et le fromage qu'il place les uns à la suite des autres dans les vitrines réfrigérées. Sa volonté féroce ne le quitte pas une seule seconde malgré les douleurs qui apparaissent à force de se plier, de se contorsionner. En dépit des signaux de détresse que lui envoie son corps, il n'a de cesse de se surpasser et enchaîne les aller-retours entre les rayons qui attendent d'être approvisionnés et la réserve.
Deux heures plus tard, Gabriel aperçoit enfin la lumière au bout du tunnel. Il a réussi. Il a atteint ce qu'il s'était fixé et est même parvenu à faire plus. Complètement lessivé, il rejoint alors le vestiaire, ses chaussures de sécurité râpant le sol.
Une fois changé – et surtout, douché ! –, il salue tout le monde et prévient ses amis qu'il se met en route.
Le trajet menant à l'appartement des Norvégiens lui paraît étonnamment agréable. Le vent semble avoir disparu de la circulation pour son plus grand bonheur et celui des familles qu'il croise.
Bercés encore par l'insouciance, des enfants sautent sur des dalles inégales en riant de bon cœur sous la surveillance de leurs parents. Certains s'élancent à la poursuite de papillons imaginaires et courent aussi vite qu'ils le peuvent, persuadés que leurs chaussures leur permettent de réaliser cet exploit. D'autres restent collés à leur maman comme si leur vie en dépendait.
La mine amusée, Gabriel les dépasse. Il se revoit à leur âge et se remémore de doux moments.
Il se souvient que lui aussi s'imaginait quand il était petit que c'était ses baskets qui contribuaient à le faire gagner contre ses copains lorsqu'ils galopaient en sport.
Il se rappelle de ce à quoi il croyait dur comme fer : le Père Noël, sa naissance dans un chou, etc.
C'est sur cette réflexion qu'il débarque dans le quartier paisible de Ruben et Lars. Des arbres, dont les branches dénudées se balancent dans le vide, trônent au milieu d'une place aménagée sur des conseils avisés d'architectes renommés. Les habitants sont unanimes : ils apportent réconfort ainsi que sérénité entre ces immeubles luxueux.
Même si l'hiver n'est pas la meilleure saison pour en profiter...
S'étant arrêté pour refaire ses lacets, Gabriel se redresse et chemine vers l'un des bâtiments. À sa hauteur, il pousse la lourde porte et monte les marches en marbre quatre à quatre. Brenda l'attend, les pommettes rougies par l'émotion, devant le logement. En guise d'accueil, elle enroule ses bras autour du cou de Gabriel, se hisse sur la pointe des pieds et l'embrasse avec tendresse.
Il lui a tant manqué. Elle est heureuse de le retrouver.
— Allez, entre. On t'attendait, lui glisse-t-elle dans le creux de l'oreille.
Ne se faisant pas prier, Gabriel vient se mettre au chaud. Alors que Brenda referme derrière eux, il retire son manteau et son écharpe. Puis, en chaussettes, il rejoint Ruben et Lars dans le salon.
— Ah ! Notre copain Français est enfin là ! Pas trop crevé ? s'enquiert Lars.
— Ça fait plaisir de vous retrouver ! Si, mec. Je n'en peux plus !
Au bout du rouleau, Gabriel s'affale sur le canapé. Hésitante, Brenda s'assoit près de lui. Ruben lui adresse un sourire encourageant. Pendant que Gabriel travaillait, elle s'est confiée et leur a dit ces choses qu'elle a sur le cœur. Elle a tellement peur que Gabriel veuille rompre, elle est terrorisée à l'idée de l'étouffer, qu'il ne la trouve pas assez bien pour lui.
Elle n'ose pas entrelacer leurs doigts de crainte de le perdre. À la place, elle plaque son dos contre le dossier du sofa et écoute leur nouveau sujet de conversation qui tourne autour du match de foot qui passe à la télévision.
— Mais il ne sait pas tirer celui-là ! ricane Gabriel, suite à l'action ratée d'un attaquant. Il est payé à ne rien faire ou quoi ?
Au fond, Brenda se sent délaissée. Les larmes lui montent aux yeux sans que Gabriel le remarque tant il reporte son attention sur l'écran. Prétextant qu'ils doivent s'hydrater, elle se relève et file à la cuisine rapidement. Ses insécurités refont surface, faisant de sa vie un enfer. Elle hoquette près de l'évier.
Alors qu'elle a le dos tourné, Ruben se penche vers Gabriel et lui murmure quelques mots. Gabriel se retourne vers Brenda, inquiet, et la rejoint.
Il pose ses mains sur ses hanches et l'attire contre son torse musclé.
— Ça te dirait de passer un moment rien que tous les deux, en amoureux, un de ces quatre ?
— J'aimerais beaucoup, lui assure-t-elle en reniflant.
— Ça me plairait aussi. On va s'organiser ça en rentrant chez toi tout à l'heure, d'accord ?
— Je veux bien. Tu restes toujours dormir, hein ?
— Oh que oui.
Et sur ces paroles, il dépose des bisous mouillés dans le cou de Brenda, prêt à se racheter.
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