ღ Chapitre 11 - Tromsø (Partie 1) ღ


Excitée comme une puce à l'idée d'admirer d'ici quelques heures les aurores boréales sur l'île de Tromsø, Charlie ne cesse de s'agiter. 

— On arrive bientôt ? demande-t-elle à Ruben, après avoir tenté d'avoir l'information sur l'écran fixé sur le siège devant elle.

D'un air amusé, il la scrute.

— Normalement, tu y as accès, Charlie. Il nous reste trente minutes de vol. Tu as hâte de découvrir le nord de la Norvège ?

— Très hâte même. Enfin, si on regagne la terre ferme... Et ça, c'est beaucoup moins sûr...

— Ne te tracasse pas, il a été démontré plusieurs fois que l'avion est le moyen de locomotion le plus sécurisé.

— Mouais, marmonne-t-elle, dubitative.

Elle aimerait tellement y croire...

Mais pourquoi entend-elle parler de crash ne laissant aucun survivant dans ce cas ?

Les journalistes n'oseraient pas mentir sur le sujet et ne pourraient pas truquer à ce point les reportages...

Toutefois, elle ne peut se résoudre à en parler à Ruben.

Pour tenter de se calmer, elle laisse coulisser son regard vers l'extérieur.

— Oh ! C'est pas vrai !

— Qu'est-ce-qu'il y a ?

— Mais tu ne vois pas ? Là, dehors !

Curieux, il se penche et jette un œil à travers le hublot. Hormis le ciel d'un bleu à couper le souffle, il ne voit rien.

— Le ciel bleu ? se risque-t-il.

— Tu ne vois pas les ailes bouger ? C'est un signe, Ruben. Ça y est, c'est la fin... gémit-elle, d'une voix qui part dans les aigus.

— Charlie, ne panique pas. Les ailes sont flexibles, c'est normal.

— Puisque notre vie va maintenant s'arrêter d'un moment à l'autre, je tiens à m'excuser pour ce que je t'ai dit à la fête foraine. Je n'étais plus moi-même, continue-t-elle sur sa lancée sans écouter les explications rationnelles du natif.

La mine désolée, il se recule.

Inspire, expire, Charlie.

Gabriel n'exagérait pas. La Bretonne a une peur panique dès qu'elle se trouve en avion.

Pauvre petite.

— Tu ne vas pas mourir, Charlie. Tout va bien se passer. Si tu veux, tu pourras me tenir la main lorsque l'atterrissage débutera.

— Et comment sais-tu que nous n'allons pas percuter une météorite, par exemple ? demande-t-elle, en le fixant de ses yeux bleus remplis d'angoisse.

— Je sais qu'on ne se connaît pas encore beaucoup mais tu peux me faire confiance. Je t'assure que tout ira bien.

— Et s'il y a une bombe dans la soute ? Comment nous en sortirons-nous, hein ? Boum ! Plus de Charlie ! Plus de Gabriel ! Plus de Ruben !

— Ne pense pas au pire, tu es en train de te mettre la pression. Nous allons arriver en un seul morceau, je t'en donne ma parole.

Emplissant ses poumons d'une quantité conséquente d'oxygène pour tenter d'en apporter jusque dans son cerveau, Charlie pince l'arête de son nez.

Pourvu que Ruben ait raison...

Si tel est le cas, elle s'engage à lui vouer une admiration sans bornes jusqu'à la fin de ses jours !

Parole de Montaland !

Les mains déjà moites, elle les essuie discrètement sur son sweat bordeaux.

Contiens-toi, Charlie. Tu peux le faire, s'encourage-t-elle par la pensée. Tu es plus forte que tu ne le penses, et puis ce n'est pas si terrible. Certes, tu ne touches pas le sol mais cet engin doit être fiable.

Concentrée et voulant bien faire, elle commence à réciter des prières dans sa tête, croisant les doigts pour être entendue.

— Aaah ! hurle-t-elle, une fois la descente tout juste entamée.

Dans un accès de panique, elle s'agrippe au bras de Ruben et plante ses ongles dans sa peau légèrement bronzée. Le membre littéralement broyé, Ruben serre la mâchoire.

Il n'aurait jamais imaginé que Charlie, malgré sa silhouette frêle, pouvait avoir autant de poigne !

Prenant son mal en patience, il lui murmure des mots se voulant réconfortants dans le creux de l'oreille. Avec un peu de chance, elle finira par desserrer cet étau...

— Charlie, j'ai une question pour toi.

Étonnée, elle relève la tête, l'air interrogateur.

— Laquelle ? couine-t-elle, en maintenant toujours sa prise.

— Est-ce-que tu aimes les chamallows et les chocolats chauds ?

De plus en plus déconcertée, elle relâche son étreinte.

— Oui, mais pourquoi tu me demandes ça ?

— On pourra alors se régaler ce soir en faisant chauffer tout ça dans le lavvo* que l'on occupera. Tu aimes l'idée ?

— Beaucoup. J'ai hâte de découvrir cet endroit.

— Moi aussi. Et, Charlie ?

— Oui ?

— Nous sommes arrivés.

Pour s'assurer de la véracité de ses propos, elle fait volte-face vers le hublot avec précipitation.

Ruben ne lui a pas menti !

Il a même réussi à la tranquilliser en lui posant ces questions, l'aidant à penser à autre chose.

Émue, elle se retourne vers lui.

— Merci, lui glisse-t-elle, sincèrement reconnaissante.

— Je t'en prie, avec plaisir.

Un sourire bienveillant sur le visage, il lui fait signe de se lever.

— Alors comment tu te sens ?

— Honnêtement ? Soulagée, je dirais.

— C'est ce que j'aime entendre, conclut-il sur un ton désinvolte, après l'avoir fait passer devant lui.

Tous deux le cœur léger, ils remontent les allées jusqu'à la sortie. Gabriel, Lars et Gustav, légèrement en retrait pour leur donner un peu d'intimité, les suivent à quelques mètres de là.

Le futur manager est d'ailleurs très fier du chemin parcouru par la jolie blonde depuis ces quelques semaines. Elle semble avoir fait de fulgurants progrès.

Pourvu que cela dure !

Une fois à l'extérieur, ils embrassent l'espace qui s'offre à eux. Garé en double file, Bjorn, le propriétaire des lavvo, les attend. Le coude reposant sur le pavillon de la voiture, il agite son autre main à l'attention des voyageurs. Son grand gabarit – deux mètres environ pour une bonne centaine de kilos – impressionne Charlie. Heureusement que son sauveur se tient à ses côtés.

Si le trentenaire dégaine une machette, peut-être aura-t-il le réflexe de l'immobiliser avant que la situation ne dégénère ? De son côté, elle pourra sans doute l'assommer avec sa valise et les garçons viendront à la rescousse, juste au cas où. C'est beau le travail d'équipe !

— Ah ! Vous voilà ! les accueille le barbu dans un anglais parfait. Le voyage s'est bien passé ?

— Très bien, oui. Nous n'avons qu'une hâte, c'est d'admirer les magnifiques aurores boréales qui n'attendent que nous ! s'exclame Gustav. Merci d'être venu nous chercher.

— Je vous en prie, avec grand plaisir. Je n'allais pas vous laisser au milieu d'un endroit que vous ne connaissez pas. Vous allez voir, le spectacle qui va s'offrir à vous vaut le détour.

Les yeux pleins d'étoiles, Gabriel rêvasse déjà.

— Cela promet d'être grandiose, claironne-t-il, avec enthousiasme.

— Vous m'en direz des nouvelles. Maintenant, si vous le permettez, je vais mettre vos bagages dans le coffre. Nous avons un peu de route à faire jusqu'à mon domicile.

— Oh ! Bien sûr, Bjorn.

— Laissez-moi vous aider, ça ira plus vite, propose Ruben.

— Merci beaucoup, avec plaisir.

Pleins de bonne volonté, les jeunes étudiants leur tendent alors leurs sacs respectifs. Et, tout en discrétion, Charlie en profite pour vérifier qu'aucune cordelette ou toute autre arme de crime ne se trouve à l'arrière.

Rien à l'horizon, le trajet devrait bien se dérouler...

Et s'il préférait passer à l'acte une fois chez lui ? Loin de toute civilisation ?

Livide, Charlie monte dans le véhicule.

Sans qu'elle puisse rien y faire, les scénarios catastrophe se bousculent déjà dans sa tête.

Surtout, faire comme si de rien n'était ; faire comme si tout allait pour le mieux, dans le meilleur des mondes... Ce n'est pas le moment d'attirer l'attention sur soi...

— Charlie ? s'enquiert Lars, soudainement.

— Oui ?

— On est d'accord, tu aimes la photographie ?

— Oh ! Tu as retenu ? Oui, c'est bien ça.

— Ça te dirait de signer un contrat temporaire pour dépanner l'entreprise dans laquelle je travaille ? Suite à un désistement, je n'ai plus personne pour m'aider à prendre des photos sur un événement qui va avoir lieu d'ici quelques jours...

— Bon, je ne te promets rien, mais je vais réfléchir à ta proposition. J'ai jusqu'à quand pour te faire un retour ?

— Si possible, j'aimerais avoir la réponse d'ici deux jours.

— Pas de soucis. Je te tiens au courant !


*Lavvo : Le lavvo est une habitation construite en bois. Il peut s'appeler lavvo crystal car tout son toit est transparent, permettant ainsi de voir le ciel, et pourquoi pas des aurores boréales. En son milieu, se dresse un poêle, et autour se trouvent les lits.


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