ღ Chapitre 10 - Un après-midi à Bergen ღ


Depuis maintenant quelques semaines, Charlie parvient à s'ouvrir un peu plus. Gabriel se montre très encourageant, heureux qu'elle échange enfin avec Lars et Gustav. Elle doit d'ailleurs les rejoindre cet après-midi en ville.

Gabriel travaillant régulièrement au supermarché pour subvenir à leurs besoins, il ne peut se rendre disponible aujourd'hui pour l'aider à se changer les idées. Pourvu que tout se passe bien...

Il s'agira de la première fois qu'elle ose sortir sans son meilleur ami à ses côtés.

En proie à une indicible panique, Charlie essaie de trouver une tenue qui la mettra en valeur. Si tel est le cas, elle s'imagine que les garçons n'auront pas trop honte d'être vus avec elle... Ça serait déjà ça de gagné...

Persuadée d'avoir enfin mis la main sur la perle rare, elle enfile une combi short à motif floral ainsi qu'un gilet camel. Comme pour se convaincre davantage, elle tourne sur elle-même et s'observe sous tous les angles dans le miroir à pieds de sa chambre. Cela devrait faire l'affaire !

Puis, une fois apprêtée de la tête aux pieds, elle mange sur le pouce et quitte leur bel appartement.

Au pas de course, elle gagne le point de rendez-vous qu'ils se sont fixés. Apparemment, les garçons ne sont pas encore arrivés. Pourvu qu'ils ne tardent pas trop ! Pour faire passer le temps, elle scrute avec grand intérêt une ribambelle de drapeaux accrochés en hauteur à un câble souple fixé d'un mur à un autre. L'ambiance lui plait bien.  

— Ah ! hurle-t-elle de terreur, en sentant deux mains rugueuses la saisir avec fermeté par les épaules.

— Ce n'est que nous, tente de la rassurer Gustav, d'une voix douce.

Le cœur battant à tout rompre, elle se retourne vers eux et les examine, exactement comme si deux fantômes à l'air menaçant lui faisaient face.

— Vous m'avez fait peur... se plaint-elle, la mine contrariée.

— Pardon, Charlie. Ce n'était pas le but, se confond en excuses Lars.

— Ce n'est pas grave, c'est oublié. On parlait de quoi, déjà ? pouffe-t-elle, de bonne nature.

— D'aller à la fête foraine, je crois ? réplique Gustav, malicieux.

— Ah oui, c'est vrai, confirme Lars.

Amusée, Charlie lève les yeux au ciel.

— Vous êtes pas possible...

— C'est pour ça que tu nous aimes ! la taquinent-ils.

— Peut-être bien, admet-elle, les yeux emplis de sincérité.

Touchés par les propos qu'elle tient à leur égard, ils la contemplent avec tendresse.

— On y va avant que ça ferme ? propose finalement le cadet de Ruben, Gustav.

— Je vous suis, répond-elle avec une certaine assurance.

Les garçons semblent connaître le chemin sur le bout des doigts. Ils déambulent dans les rues pavées de Bergen avec aisance et vérifient de temps à autre que Charlie est toujours sur leurs talons. Bien que quelques mètres plus loin, elle les suit toujours. Les bruits indistincts de la fête parviennent à leurs oreilles et en levant le nez, ils aperçoivent la grande roue. Poursuivant leur balade, Charlie profite d'arpenter des artères qu'elle ne connaît pas encore et s'émerveille devant les maisons en bois colorées, typiques du quartier historique. C'est une fois devant les barrières métalliques imposantes de l'événement temporaire, qu'elle se rend compte qu'ils sont arrivés à destination.

— Prête, Charlie ? s'enquiert Lars.

— Plus que jamais, certifie-t-elle. Et vous ?

— Pareil, répondent-ils en chœur.

Puis, sur ces dernières paroles échangées, ils errent à la recherche d'une attraction qui leur plaira.

— Le train fantôme ! s'écrie soudain Charlie.

— Il me faisait de l'œil aussi, celui-là.

— En plus, il ne semble pas y avoir trop d'attente, ajoute Gustav.

Enthousiastes, ils se précipitent vers lui et s'installent sur les sièges encore vacants tout excités à l'idée de ce qu'ils vont découvrir. Au fond, Charlie se félicite. Elle n'imaginait pas que vadrouiller avec les amis de Gabriel serait si facile. Surtout au regard des années de sévices dont elle a été victime sur le campus de Rennes... Sans qu'elle ne puisse cogiter plus longuement, le transport à moitié rempli part tout en douceur sur les rails. La mâchoire contractée, elle s'agrippe au bras de Lars. Avant, elle n'avait peur de rien. Ce manège était même de loin son préféré. Bien des choses ont changé depuis. Les décors et acteurs déguisés l'impressionnent. Quel calvaire ! Sursautant à tout bout de champ, Charlie s'empêche d'hurler. Et puis, c'est fini. 

Ressortant avec un sourire jusqu'aux oreilles, ils se dirigent vers le stand qui propose l'achat d'une photo souvenir. Ici aussi, les tarifs pratiqués sont exorbitants. Charlie ne s'en étonne même plus...

Malgré tout, le trio d'amis est prêt à y mettre le prix. Ce n'est pas tous les jours que ce type d'occasion se présente... Et il serait dommage de la laisser filer entre les doigts !

— Bonjour Monsieur, pourriez-vous nous adresser trois exemplaires de la dernière photo du train fantôme s'il vous plaît ?

— Bonjour les jeunes. Bien sûr, je m'en occupe tout de suite. Cela vous fera 100 couronnes – l'équivalent de 10€ – chacun.

Grommelant dans sa barbe, Charlie, la tête penchée, sort son portefeuille.

— Laisse-moi t'inviter. Ça me fait plaisir.

— Ne te sens pas obligé Lars, je peux très bien payer.

— Ça me fait plaisir, te dis-je, répond-il, bienveillant. Tu pourras me payer une consommation en échange tout à l'heure si l'envie te dit.

— Bon, deal. Et pas d'entourloupes, je te prie !

Continuellement étonné par les réparties de Charlie, Gustav l'observe à la dérobée. Elle semble être un vrai personnage à elle seule !

— Le compte est bon, je vous remercie. Voici votre commande, annonce le forain en leur tendant la pochette cartonnée contenant leurs clichés.

— C'est nous qui vous remercions. Bonne journée !

Les trois complices repartent ensuite à la conquête d'autres divertissements qui pourraient les intéresser.

Sur le trajet, Lars s'entraîne pour s'améliorer en photographie.

Tout y passe : Charlie qui savoure une barbe à papa, Charlie qui avance dans les allées en compagnie de Gustav, Charlie et Gustav qui se chamaillent, Charlie qui court après Gustav alors qu'il lui a envoyé des bulles de savon dans les cheveux et dans les yeux. Même lorsque Charlie rentre de plein fouet dans Ruben. Tout est dans la boîte.

— Oh, pardon ! s'excuse-t-elle, toute étourdie.

S'il n'avait pas eu le réflexe de la rattraper par le bras in extremis, elle aurait eu, sans l'ombre d'un doute, le droit d'être projetée à quelques mètres suite à la violence du choc et se serait retrouvée étendue sur le sol les quatre fers en l'air.

— Tout va bien ? s'inquiète-t-il, en la maintenant fermement contre lui.

L'air hagard, elle le dévisage.

Est-ce son esprit encore embrumé qui commence à lui jouer des tours ?

Elle croirait presque se retrouver dans les bras du jeune homme qu'elle avait malencontreusement fauché à son arrivée sur le sol norvégien.

— Charlie, ça va ? intervient Gustav. Ruben, tiens-la bien. On ne sait jamais.

Saperlipopette !

Mais c'est lui ! Il n'y a pas de doute !

Il s'agit de celui également qui a pris sa défense sur le campus de l'université !

— Mon sauveur ? demande-t-elle, d'une voix qui part dans les aigus.

Comme si elle s'était retrouvée plaquée par un rugbyman de trois fois son poids, Charlie lutte pour rester debout. La tête lui tourne. 

— Elle a dû prendre un petit coup dans la cafetière... On va attendre quelques minutes pour être sûrs, s'alarme Lars.

— C'est bien toi ? poursuit-elle, le regard interrogateur.

— Et si on essayait de trouver un endroit sympa pour se poser un peu, hein ?

N'arrivant toujours pas à réaliser, Charlie se met à rigoler.

Son sauveur est bien devant elle !

Soudain, dans un éclair de génie, Ruben réalise ce qu'elle veut dire.

— Oui, c'est bien moi, lui assure-t-il. Comment te sens-tu ?

— Mieux depuis que je suis dans tes bras, roucoule-t-elle, encore sonnée.

Affolés, Gustav et Lars pressent le pas. Sa façon d'agir ne ressemble plus à la Charlie qu'ils connaissent... C'est comme si elle n'avait plus de garde-fou. Pourvu que tout finisse par rentrer dans l'ordre...

— On va peut-être demander un petit verre d'eau pour qu'elle puisse recouvrer ses esprits.

— Tu as raison, ça lui fera du bien.

— Et si son état ne s'améliore pas, on l'emmènera passer des examens. Gabriel va nous tuer s'il lui est arrivé quelque chose... 


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