Une cuvette pour deux


Jessica ,

Une odeur fétide me sort de mon sommeil. J'ouvre les yeux cherchant le cadavre d'un rat mort, quand je vois le pied de mon frère encore vêtu de sa chaussette, pratiquement collé sur mon nez. Agacée, je cherche à le pousser pour me dégager, mais j'ai l'impression qu'il pèse une tonne ! Je fais un mouvement brusque, mais une nausée se rappelle à moi.
Mon dieu, j'ai le choix entre mourir asphyxié, ou me vomir dessus.

Il y a des situations où il faut savoir prendre la bonne décision. En l'occurrence, je ne peux pas me débarrasser du corps de mon cachalot de frère sans le réveiller, alors je lui envoie un coup de genou dans l'estomac.

- Arghhh, mais t'es complément malade ! Beugle-t-il.

- Non Alex ,pas encore, mais d'ici 5 minutes, je sens que je vais l'être. Je me laisse glisser sur le sol, étant dans l'impossibilité de me lever.

- putain, tu m'as démonté le foie là..

Bon c'est vrai, je le reconnais, j'ai dû y aller un peu fort. Mon frère se tient le ventre, et il a le teint plutôt vert. Mais je suis sceptique quand même, il a bu autant, voir plus moi hier soir.

-Je crois que c'est plutôt l'alcool qui te tord les boyaux.

Mon frère a l'air bien malade et, en temps normal, je me serais inquiétée pour lui, mais tout de suite, c'est plutôt chacun ses problèmes. Le mien étant d'arriver à me rendre jusqu'aux toilettes pour renvoyer mes excès de boisson. Je progresse à genoux, car dès que je me redresse un peu, j'ai la hantise de m'écrouler au sol.

Enfin arrivée à destination, je sens les douces mains de mon frère prendre mes cheveux. J'ai envie de le remercier pour sa délicate attention, mais je n'en suis pas capable. Après tout, je l'ai réveillé en le frappant à l'estomac et lui, il est là, à me soutenir dans ce moment difficile de lendemain de beuverie. Soudain, je sens sa prise sur mes cheveux se faire plus forte et il me repousse brusquement loin de la cuvette des WC pour prendre ma place !
Le fourbe, il n'a même pas pu attendre son tour pour être malade. N'ayant pas d'autre issue, je me précipite au-dessus du bac à douche et vomis à mon tour. Dans mon malheur, j'ai la chance que la douche soit dans la même pièce que les toilettes.
Alex et moi sommes restés longtemps allongés sur le sol de ma salle de bains avec la désagréable sensation d'être dans la cellule de fort boyard, vous savez, celle avec le plafond qui descend.

- Je vais mourir, Alex, je gémis alors que nous sommes tous les deux à même le sol. Donne-moi ta main ça tangue.

-Pourquoi ? Parce que tu as trop bu ou à cause de maman ? 
Me répond-il en souriant.

- Vire ce sourire débile de ta face ! Ça revient au même ce que tu dis, c'est à cause de maman que j'ai trop bu.

- Yep, c'est vrai. Mais on va trouver une solution.

-J'ai trouvé, tu n'as qu'à lui présenter une fiancée. Elle sera tellement heureuse qu'elle me lachera un peu.

- C'est mort cocotte, c'est ta merde pas la mienne. Moi, je veux bien me soûler la gueule pour te soutenir, mais je ne me ferai pas passer la corde au cou, même pour tes beaux yeux.

Je lui lance mon regard le plus noir.

- Pfut, et ça se dit frère.

-  Arrete de me regarder comme ça, tu n'es pas crédible. Tu ne ferais même pas peur à un nourrisson et cesses de gémir ça sert à rien ! Il faut juste te trouver un mec prêt à jouer le gendre idéal.

Bon, là, je crois que mon frère a irrémédiablement noyé ses neurones dans la tequila.

- Génial et j'arrête où la plaisanterie, avant ou après la bague au doigt ? Parce que tu as l'air d'oublier que je ne veux pas me marier.

Alexandre me regarde avec un grand sourire. Celui qu'il avait toujours petit, quand il avait trouvé une nouvelle connerie à faire.

- Et si tu lui trouver l'anti gendre idéal ?

-  Hein ? Un motard genre bad boy tatoué et percé ?

- Cliché ! Non, un play-boy sur le retour déjà marié 3 fois et père de plusieurs rejetons. Le genre de mec dont elle ne pourra jamais s'enorgueillir pour sa petite fille chérie.
Oh, là oui, ça, j'adhère ! Je m'imagine déjà ma mère, s'étrangler avec son ossu bucco. Rien de définitif non plus, n'oubliez pas que nous sommes entourés de médecins dans la famille. Ils sont rompus aux gestes des premiers secours.

- Oh Alex, tu es un génie ! Mais je la trouve, où ta perle rare ?

- Mais partout cocotte, c'est un profil bien plus facile à trouver que le prince charmant, tu peux me croire ! Je vais t'aider à te mettre en chasse, le profil Meetic, on oublie toute suite, papa finirai par le savoir. Je vais plutôt t'emmener dans une boîte réservée au plus de 50 ans.

- D'où tu connais des endroits comme ça toi ? Tu chasses la cougar ?

Alex me regarde, horrifié.

- Mais pas du tout, retires toi toute de suite ça de la tête. Je garnis ma clientèle là-bas. Un chirurgien plastique qui se respecte doit être connu dans ce milieu, et ce n'est pas la clinique de papa qui va se charger de faire ma pub.

- Non ! Je viens de comprendre. Tu es un génie publicitaire en fait.

- Exactement, je me laisse draguer et je leur laisse ma carte professionnelle. J'ai déjà redressé pas mal de paire de seins comme ça et fait plusieurs liposuccions aussi.

- On peut dire que tu vas chercher ta clientèle à la source.

- Tout à fait. Ce n'est pas facile d'aborder une femme dans un supermarché en lui disant madame vos seins s'écroulent, mais je peux faire quelque chose pour vous. Alors qu'en boîte, quand je lui ai fait les yeux doux, mais qu'elle n'a rien obtenu de plus de part que de la galanterie, la nana elle cogite. Et quand elle lit, Alexandre Martin chirurgien plasticien sur ma carte, la moitié du chemin est fait. Après, il y a celles qui prennent rendez vous, car elles avaient toujours eu envie de le faire, mais jamais osée faire la démarche. Généralement, cela se termine par une rhinoplastie ou des prothèses mammaires. Et puis, il y a les autres. Ces femmes qui ont du mal à admettre qu'avec moi, c'est mort. Je ne les mettrai pas dans mon lit. Elles en viennent à comprendre que je peux devenir la solution à leurs problèmes en les remodelant un peu, pour pécho un autre jeunot.

- Mais c'est déguelasse, tu détruis leur confiance en elles ! Je m'exclame. C'est normal de vieillir. Les femmes sont belles à tout âge.

Si je ne connaissais pas mon frère, je lui aurais mis un coup-de-poing dans le nez ! Enfin, j'aurais pensé à le faire,car là, étendu par terre, j'ai à peine la force de le serrer mon petit poing ,alors de la, à pouvoir le soulever pour lui flanquer dans la figure.

- Mais bien sûr ma cocotte, mais les femmes qui viennent dans ce genre de boite, c'est différent. Tu ne connais pas ces endroits, mais crois moi, celles qui m'abordent, elles ont tout sauf envie de vieillir. Quand une bourgeoise de plus de 50 ans me regarde comme si j'étais un bout de viande, je sais que j'ai affaire à une cliente potentielle, alors je ne me prive pas.

- oh si papa t'entendait, on doit dire patiente pas cliente, la médecine n'est pas un rapport à l'argent. C'est une vocation de sauver des vies. Je le gronde en essayant d'imiter la grosse voix paternelle.

Alexandre pouffe.

- Je bosserai en hôpital, je pourrais peut-être me prendre pour le grand Marc sloane de grey anatomy.

- La série grave lobotomie comme l'appelle papa.

- Oui, mais la différence, c'est que moi, je bosse à mon compte et juste pour le flouze. Je me suis pas fait chier à faire autant d'études pour faire dans le social.

- Rapace

- Mais à fond ! Mon rêve est de me faire assez de fric pour clôturer mon cabinet à 40 ans et profiter de la vie après.

- Sans femme ni enfant ?

- Pour moi, ce n'est pas une obligation, si j'en trouve une qui me botte et qui partage ma conception de la vie, je l'épouse directe, mais hors de question de me coltiner une des pintades à maman. J'ai fait assez de concessions pour pouvoir faire mes choix tout seul.

- Si seulement je pouvais être comme toi ...

- Tu y arriveras petite sœur, quand tu te seras affirmée dans ton boulot, ça te semblera plus facile de t'imposer auprès des parents, tu verras.

- Oui, peut-être. Tu as faim ?

- Ouais, ça me ferais tu bien de manger un truc et à toi aussi .

Alexandre se lève, me prend dans ses bras pour sortir de la salle de bains, et me dépose sur mon canapé. Mon frère est vraiment un super-héros, je suis incapable de tourner ma tête pour le regarder et lui, il me porte.

- Dors un peu, tu en as besoin pour l'instant. Moi, je vais nettoyer nos conneries, et nous préparer un truc à manger. Je te réveillerai quand ce sera prêt.

- Merci, tu es un amour.

Il dépose un doux baiser sur ma joue.

- Juste avec toi ma cocotte, juste avec toi,  car tu es la seule qui le mérite.

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