Chapitre 8
Nathan.
Je ne sais pas vraiment pourquoi je me porte garant pour aider Kelal à installer la table basse de son salon en y déposant bières, chips, bonbons et gâteaux. Il avait besoin d'aide et je me suis désigné comme un con.
J'ai du mal à tenir en place depuis que nous sommes chez lui. J'ai la bougeotte et je n'arrive pas à garder mon calme.
Kelal et Chinara sont proches sans l'être vraiment, et j'ai maintenant du mal à mesurer la profondeur de leur relation.
On dirait la même que celle que j'avais avec elle encore trois ans plus tôt.
Ils se taquinent, ils sont tactiles mais pas intimes. Du moins, pas en public.
C'est naturellement qu'ils se sont assis l'un à côté de l'autre sur le canapé. Au bout de celui-ci, qui adopte une forme en L, Amy s'est allongée entre les jambes de Liam. Entre eux et Chinara, Logan s'est assis à côté de Lylah et à côté de Kelal se sont installés Jared et Hannah.
En face du canapé se trouvent deux petits fauteuils une place sur l'un desquels Brandon s'est assis en accueillant Ludy sur ses jambes. Et pour le fauteuil restant, je l'occupe en ce moment même, Loana assise sur son bras.
Je n'aime pas voir tous ces gens s'immiscer dans mon cercle d'amis le plus proche. Ça ne me dérangeait pas lorsqu'il n'y avait que Chinara. Même si je l'accaparais la plupart du temps, si bien qu'elle n'a jamais réellement pu se fondre dans mon groupe de potes. Aujourd'hui, Kelal s'avère trop présent et ça m'oppresse d'une façon qui m'échappe.
Je ne me serais jamais pensé si possessif envers mes amis.
— Tu n'es pas venu avec Evana ? demande gentiment Ludy à Chinara, assez fort pour que celle-ci l'entende et brisant ainsi les conversations éparpillées dans le salon.
L'attention se dirige vers Chinara. Cette dernière répond, le sourire aux lèvres :
— Non. Elle passe sa journée avec Fayad, son copain.
— Oh, mais ils auraient pu se joindre à nous, répond instinctivement Amy.
Chinara secoue la tête, toujours avec un sourire amical et communicatif au coin des lèvres. Elle a placé trois barrettes noires sur chaque côté de sa tête pour dégager légèrement son visage. J'aime quand elle se coiffe de la sorte.
— Ils n'ont pas l'occasion de se voir souvent alors je voulais les laisser profiter en amoureux.
Au moment où elle finit sa phrase, Kelal passe un bras autour de ses épaules. Je ne saurais dire si c'est une coïncidence mais je ne m'en formalise pas.
Du moins, j'essaie.
Je n'ai pas franchement mon mot à dire sur son comportement de toute façon.
— Ils peuvent se joindre à nous plus tard s'ils le veulent, propose alors Kelal. J'ai bien envie de finir la soirée en regardant un film devant des pizzas.
La maison de Kelal est tellement immense qu'il peut s'autoriser d'inviter qui bon lui semble sans se soucier de rien.
Lustres en cristal pour éclairer la moindre pièce. Sol marbré sur l'ensemble du salon. Mobilier high-tech qui m'a l'air hors de prix dans les quatre coins de la maison.
Oui, même dans les toilettes.
Télé aussi grande que le lit double de ma chambre.
On se sent vite petit ici. Et le plus étonnant, c'est que Kelal n'est pas du genre arrogant et présomptueux, bien au contraire. Il est humble et modeste. Le genre de type impossible à détester, quoi. Même lorsque ce dernier est un peu trop proche d'une personne que je considère être à moi.
Akane a raison : je suis une pourriture.
— Et que proposes-tu pour la commencer ? demande Logan tout en se frottant les mains.
Kelal n'a à peine le temps de réfléchir que Loana tout excitée, habillée d'une robe moulante en laine super courte, comme si elle ne ressentait pas le froid, et coiffée d'un chignon bas hyper serré qui met en valeur son visage au nappage café au lait, lève la main à côté de moi. Son mouvement est rapide et sec, si bien que ma chevelure souple voltige sur le haut de mon crâne.
— Moi, je sais ! On pourrait faire un « action ou vérité » !
Étonnamment, mes amis se ravissent devant cette proposition qui moi, me gonfle. Je ne suis pas du tout emballé par ce jeu puéril et enfantin qui, la plupart du temps, finit mal.
Ou alors peut-être que je me suis simplement réveillé du mauvais pied car depuis ce matin, je n'ai envie de rien faire.
Pas envie de me lever.
Pas envie de rejoindre Logan dans un café pour prendre un petit déjeuner en sa compagnie.
Pas envie d'aller en cours.
Pas envie de rejoindre mes amis au restaurant et manger avec eux.
Pas envie d'aller au match de basket de Liam.
Pas envie de vivre, aujourd'hui.
Alors je ne me formalise pas de la proposition de Loana et me prête au jeu.
Entre les énormités confiées, comme le fait que Logan a arrêté de faire pipi au lit à l'âge de sept ans, et les actions farfelues engagées, comme Amy qui doit imiter Liam lors d'une dispute, finalement, je dois bien reconnaître que je m'amuse bien. Seulement, lorsque Loana soumet des actions ou exige des vérités, il se passe toujours des choses osées et/ou insensées.
Ça fait maintenant cinq tours que Kelal est torse nu par exemple, et il le sera encore pour les cinq tours à venir.
Hannah doit rester assise à califourchon sur Jared jusqu'à à la fin du jeu. Et plus les parties défilent, plus les joues d'Hannah s'empourprent sur son visage ambré tandis que Jared a l'air à bout de souffle.
Jared est fou de sa copine même s'il reste très pudique dans l'expression de ses sentiments. Alors le fait qu'elle soit assise sur lui, aussi moelleuse qu'un gâteau qui sortirait du four, et qu'il ne puisse rien y faire, doit certainement le rendre dingue.
Ludy a dû nous raconter, en omettant aucun détail, sa première fois avec Brandon. Et je suis maintenant doté d'informations desquelles je me serais bien passé.
Non, je n'avais pas besoin de savoir que Brandon a été béni de parties génitales plutôt impressionnantes.
Et oui, je me serais bien passé du fait que Ludy a littéralement détrempé les draps du lit de Brandon et qu'elle a eu mal aux jambes... et à d'autres endroits, pendant trois jours entiers !
Loana est une personne assez charnelle et décomplexée sur sa sexualité. C'est naturellement qu'elle nous entraîne dans son monde rempli de luxure où le sexe et la séduction dominent et commandent tout.
Alors, lorsque cette dernière prend une nouvelle fois la parole, des gouttes de sueurs froides se mettent à perler sur mon front car je n'ai pas encore été sujet à ses demandes farfelues.
— Chinara ! s'exclame Loana tout en se frottant les mains. Action ou vérité ?
Chinara a l'air sur ses gardes. Elle se méfie de son amie et je ne peux que la comprendre. Mais au-delà d'être simplement sur la réserve, j'ai l'impression qu'une certaine animosité demeure entre elles deux. Elles ne se sont pas beaucoup adressées la parole depuis notre arrivée chez Kelal. Mais peut-être que je me fais des films. C'est forcément Chinara qui a dû l'inviter à cette soirée après tout.
— Action, répond cette dernière en levant le menton plein de défi dans le regard.
C'est alors qu'une moue joueuse décore le coin des lèvres de Loana. Elles s'affrontent du regard dans une terrible bataille. Elle est féroce, elle est sanglante.
Amies ou Ennemies ?
Difficile d'évaluer la nature de leur relation.
— Chinara, embrasse Nathan.
Mon cœur loupe un battement.
Je risque presque de tomber de mon fauteuil. Je regarde Loana sérieusement intrigué par ce qu'elle manigance. Je n'ai pas le temps de tergiverser davantage tant le regard de Liam me brûle la peau. Il me scrute en plissant les yeux d'un air désapprobateur.
Mais c'est décidément l'œillade que Chinara pose sur moi qui me rend tout chose.
Elle a l'air réticente, presque apeurée.
Et je me dis que je ne la comprends vraiment plus.
Elle disait m'aimer autrefois. Puis, elle s'en est allée loin de moi comme pour mieux me fuir. Et lorsqu'elle est revenue, elle m'a cherché, elle m'a trouvé, avant de me fuir de nouveau.
Elle prône le chaud et le froid.
L'amour puis l'ignorance.
Et je me retrouve maintenant perdu au milieu de ses états d'âme.
Malgré l'affliction indéchiffrable qui habille son regard, elle se lève du canapé après avoir échangé un regard à Kelal. Une conversation menée par leur yeux sombres de laquelle je suis complètement exclu et que je n'arrive pas à déchiffrer mais peu importe. Chinara avance vers moi, le pas tellement lent que j'ai la sensation qu'elle porte tout le poids de la gravité sur ses frêles épaules. Et lorsqu'elle arrive près de moi, c'est d'abord à Loana qu'elle s'adresse :
— Laisse-moi ta place.
Loana fronce les sourcils, pas franchement ravie de quitter mon bras de fauteuil mais elle s'exécute. Chinara prend alors sa place et s'assoit tout près de moi mais assez loin cela dit pour qu'on ne se touche pas. Elle suit Loana du regard. Cette dernière rejoint Kelal avant de s'assoir à côté de lui, et alors, Chinara me porte enfin toute son attention.
Quelque chose se compresse au fond de moi.
J'ai du mal à comprendre Chinara et j'ai d'autant plus de mal à me comprendre, moi.
Elle me regarde intensément, comme si elle voulait me communiquer un message.
Un message dur et profond.
Triste si triste.
Presque désespéré.
Putain, on dirait qu'elle appelle à l'aide !
Mais de quoi a-t-elle besoin de que je la sauve ?
De qui a-t-elle besoin que je la sauve ?
Parle-moi !
Mais bien sûr, elle ne me dit rien et moi je suis trop lâche pour lui poser mes questions.
Elle se penche vers moi, pose une main sur le bras de fauteuil opposé pour ainsi m'encercler de son corps. Quelques mèches de ses cheveux tombent en avant et alors instinctivement, sans rien contrôler, mes doigts enroulent ses cheveux pour les repousser derrière son oreille. Ma main trouve refuge sur sa joue tandis que mon pouce se met à caresser sa pommette.
J'agis sans réfléchir.
C'est comme si mon corps était appelé par le sien. Je suis animé par une force qui me semble logique, une force qui opère malgré moi.
Son corps réceptif à mon touché s'échauffe sous mes doigts. Elle a les joues qui me brûlent mais cette chaleur nouvelle ne fait qu'apaiser mon cœur meurtri par les propos d'Akane.
Je suis une sale merde qui n'a absolument rien à offrir.
La chaleur de Chinara balaie cette affreuse pensée, cet horrible souvenir, en un instant. Son regard dans le mien emporte la mauvaise sensation que je trimballe depuis que l'écho de cette phrase s'est mis à raisonner en moi. Ses yeux noirs m'entraînent avec elle dans un monde où il n'y a plus que moi et elle.
Moi avec elle.
Et pour une fois ça ne m'effraie pas. Pire, je me laisse emmener, je me laisse guider.
Je resserre mon emprise sur sa joue. Chinara dépose sa main restante sur mon torse, à l'endroit où bat mon cœur. Et il bat si fort que je me sens un peu bizarre. Un peu minable aussi.
Car je ne comprends rien à ce que je ressens.
Rien.
Mais je n'ai plus besoin d'assimiler quoi que ça soit lorsque les lèvres gourmandes et roses de Chinara se logent sur les miennes.
C'est rapide.
C'est douillet.
C'est rassurant et ça me soulage.
C'est léger et bienveillant.
Tellement plus intime que tous les actes de débauches dans lesquels je me perds sans cesse.
Chinara se redresse. Ses yeux noirs plongent dans mes yeux verts-marrons. Ma main ne quitte pas sa joue, aussi je la ramène vers moi, baise ses lèvres de nouveau car j'en veux encore.
Sa bouche est moelleuse et délicate, si tendre, si douce.
Comment pourrais-je me contenter de ne la goûter qu'une fois seulement ?
Je la savoure une deuxième fois et si elle est surprise, elle ne s'en formalise pas. Elle soupire sur mes lèvres avant que nous nous joignions l'un à l'autre. Sa main s'agrippe à mon t-shirt comme si elle avait peur de tomber alors de mon autre main, je la maintiens par la taille. Je referme ma main autour de sa hanche creuse tandis qu'elle se redresse une nouvelle fois pour me transcender de son regard obscur.
Qu'est-ce qu'elle me raconte lorsqu'elle fait parler ses yeux à l'instar de sa bouche ?
Elle me regarde droit dans les yeux mais jamais dans les deux en même temps.
D'abord l'un.
Puis l'autre.
Elle analyse la moindre couleur de mes iris. Elle me détaille comme si elle ne pourrait plus jamais me revoir. Comme si c'était la dernière fois.
Mais je n'aime pas la formulation de cette pensée en mon for intérieur alors encore une fois, je la ramène à moi et je l'embrasse.
C'est toujours tendre, légèrement langoureux et aussi doux que les pétales d'une fleur. Elle me fait un bien fou.
Par ce baiser, elle me débarrasse de mes questions la concernant. Elles n'ont plus d'importance. Tout ce sur quoi je peux me concentrer, ce sont ses lèvres chaudes sur les miennes.
Mais malheureusement pour moi, mes doutes reviennent, mes questions se remettent à raisonner tel un véritable vacarme assourdissant dans les profondeurs de mon crâne et tout ça, je le dois à Loana. Cette dernière se fend d'une toux exagérée et brise volontairement l'étreinte entre Chinara et moi.
— J'avais demandé un baiser.
Chinara se redresse l'air de rien, aussi impassible qu'une âme vide, comme si j'étais le seul à avoir ressenti toute l'intensité de ces trois baisers.
— Techniquement, tu m'as demandé de l'embrasser. Tu n'as rien précisé d'autre.
Elles se livrent une nouvelle fois à une bataille sans parole et heureusement que Logan est là pour briser le froid glacial qui s'installe dès lors que ces deux-là se regardent droit dans les yeux.
La soirée reprend son cours. Chinara retourne à côté de Kelal tandis que Loana revient s'assoir près de moi. Les actions et les vérités se succèdent et le soir arrive vite. Jared et Brandon s'en vont chercher des pizzas, Chinara propose à Evana de se joindre à nous et quelques minutes plus tard, nous faisons la rencontre de Fayad, le copain de cette dernière.
Le temps que les pizzas arrivent, nous nous mettons d'accord sur un film à regarder. Finalement, nous jetons notre dévolu sur Kimi no na wa, un film d'animation japonaise qui signifie « quel est ton prénom ? ». Et je sais que Jared et Brandon vont m'en vouloir car ils ne sont pas friands de ce genre de films. Mais si j'ai bataillé pour le voir ce soir, c'est bien parce que moi j'en raffole et que dans mes souvenirs, Chinara aussi.
Les pizzas arrivent, Jared et Brandon me dévisagent sans un mot devant le choix du film ce qui me fait doucement marrer. Nous éteignons la lumière et mangeons devant ce film que je trouve être un véritable chef-d'œuvre.
Même si Chinara ne mange à peine. Elle pleure quand les deux héros de l'histoire sont acculés par les événements, exactement comme je savais qu'elle le ferait. Ce côté sensible et empathique de Chinara me fait sourire comme un con avant qu'il ne noue ma gorge de colère.
De jalousie, en fait.
Car bien sûr Kelal en profite pour se rapprocher de Chinara et cette dernière se laisse même carrément tomber sur son épaule.
Comme si ça n'était pas moi qu'elle embrassait de manière désespérée encore une heure plus tôt !
Elle finit aussi par s'endormir, quelques minutes avant la fin du film. Ce qui entraîne un sourire sur les lèvres charnus de Kelal. Et alors il défait ses cheveux coiffés de longues tresses regroupés en chignon sur le haut du crâne de son élastiques, pour venir attacher délicatement la chevelure de Chinara.
En les observant de la sorte, je suis submergé par d'autant plus de questions. Et toutes ces questions ne font que me perdre davantage.
Ouais, je suis complètement paumé, putain.
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hello, on oublie pas la daily étoile et le daily commentaires ☺️❤️
pleins de bisous ❤️
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