Chapitre 1

Bonne lecture à tous !

***

17 août 2016

Alors que mon réveil sonnait pour la troisième fois, je le coupais, tout en soufflant légèrement. Le soleil me brûlait déjà les yeux, qui étaient pourtant encore clos.

Je m'étirai comme chaque matin, en sachant qu'aujourd'hui serait différent. C'était chaque année le moment préféré de mes vacances d'été : mon anniversaire.

Rien que pour cette exception, ma mère organisait un après-midi spécial à la maison, qu'elle appelait tout simplement : "anniversaire d'Elaïa". C'était un goûter accompagné d'une baignade dans notre piscine.

Peut-être accrochait-elle des flyers partout en ville pour qu'autant de jeunes veuillent venir chez nous pour mes anniversaires ?

En réalité, je ne connaissais ici que peu de monde : les amis proches de mes parents, la femme qui aidait ma grand-mère tous les jours, et ma tante. Mais cette dernière vivait à presque trente minutes de route, dans un appartement très fleuri et avec beaucoup de boiseries.

Les goûts et les couleurs me dirait-on si je venais à m'en moquer ouvertement.

Nous, nous possédions une grande maison à colombages sur les côtes normandes, en première ligne de mer. Elle avait tout ce qu'il nous fallait : un grand nombre de chambres, une cuisine - bien plus spacieuse que celle de notre duplex parisien - où nous nous retrouvions régulièrement, et surtout une piscine que nous aimions plus que tout.

J'adorais me réveiller ici, dans mon lit double qui grinçait légèrement en me levant à cause de son âge avancé.

Les mouettes criaient en harmonie, les vagues se succédaient souvent et les gouttes de pluies frappaient aux carreaux. La vie à la campagne, en bord de mer, était tellement différente.

Dans mon imagination, je pourrais facilement vivre loin de la ville lorsque j'aurais des enfants - ils auront tout ce qu'il leur faudrait, sans pour autant entendre les klaxons du matin au soir.

Je regrettais presque ma vie à Paris les étés. Pouvoir me lever, me baigner dans la piscine et - s'il faisait suffisamment chaud - aller dans la mer en une minute à peine. Il nous suffisait simplement de traverser une rue piétonne faite de pavées asymétriques - et peu passante - pour arriver sur des escaliers, donnant ainsi un accès direct à la plage.

Un paradis sur terre.

L'air frais de la Normandie était réellement plaisant. À tel point que je restais plantée devant ma fenêtre ouverte au moins 5 minutes. Une bouffée d'oxygène qui me réveillait très vite.

Il y avait toujours du bruit, parce que la maison était ancienne. Cependant, nous nous étions habitués à ne plus nous réfugier dans la chambre des parents le soir, avec mes frères.

Au nombre de deux, ils passaient leur temps à m'embêter. D'un côté, j'étais heureuse qu'ils soient là, car ils occupaient toujours mon temps avec leurs bêtises. De l'autre, ils pouvaient s'avérer être de vraies brutes, au point de marquer ma peau de bleus, qui ne disparaissaient qu'au bout de deux semaines.

Pour un 17 août, la température me paraissait très basse dehors. Lorsque je respirais, j'aperçus même un filet de brume - quasiment invisible.

Je finis par refermer la double fenêtre en bois, pour descendre en bas.

Un jus d'orange pressé par mon père accompagné d'un pain au chocolat m'attendait en bas, je le savais. C'était ainsi depuis mes quatre ans.

J'avais piqué une colère cette année-là parce que je voulais ces deux choses, alors ma mère avait tout fait pour que je les aie. Et maintenant, nous en rigolions tous les cinq en me voyant encore ravie d'avoir cela.

En descendant les escaliers en bois, peints en blanc par mon oncle, j'observai rapidement les portraits accrochés au mur de droite. Tout ce pan de l'escalier était dédié à mettre en valeur les jolies visages de ma famille. Le papier peint de fleurs claires derrière les cadres en faisait ressortir l'esprit de vacances.

Je pouvais entendre d'ici les rires de mes frères, Ethan et Yann. Ils étaient tellement complices que mes parents perdaient parfois le fil, surtout lorsque nous nous y mettions tous les trois.

En arrivant à la cuisine, ils finirent par se taire pour m'observer en souriant. Ma mère vint la première pour me serrer dans ses bras.

- Bon anniversaire mon trésor, avait-elle fini par dire en me relâchant.

Ensuite se fut au tour d'Ethan, mon grand frère, de s'approcher, lui aussi, de moi.

- Joyeux anniversaire sœurette, il s'était exprimé rapidement avant de roter en ma direction.

Après cela, il m'avait frotté le dessus du crâne avec son poing. Même le jour de mon anniversaire, il arrivait à me contrarier en agissant comme je détestais.

- Ethan, avait juré ma mère à cause de son rot.

Mon petit frère avait été, lui, bien plus gentil. Il m'avait simplement fait un câlin en me souhaitant un "merveilleux anniversaire".

Par la suite, j'avais soufflé la bougie sur mon pain au chocolat et je me régalai - en le dévorant devant les yeux envieux de mes frères.

- C'était délicieux, avais-je conclu en coupant ma mère dans sa discussion avec mon petit frère.

Elle souriait de toutes ses dents. Je savais qu'elle était au moins autant heureuse que moi. Peut-être qu'il y avait également chez elle un peu d'impatience chaque été pour ma fête d'anniversaire.

J'avais posé mon assiette et mon verre dans l'évier avant de courir autour de la table pour tirer légèrement les cheveux, bruns, de mon grand frère. Il était installé confortablement dans le canapé.

Rapidement, il se retourna pour me dévisager. Je l'avais déconcentré de son émission de télé-réalité et j'étais plus que fière de moi en montant dans ma chambre.

Le sol craquait sous mon poids, pourtant léger. Je regardais mon bureau, peu rangé comme à son habitude, en me disant que des personnes viendraient sûrement dans ma chambre. Et c'était avec cette idée que je m'étais motivée pendant près d'une heure à la ranger, entièrement.

***

En entrant dans la salle à manger, je vis ma mère astiquer à la perfection le large plan de travail en marbre de notre cuisine.

Savait-elle que les invités n'allaient probablement pas voir si une petite tâche y subsistait ?

- Ethan mate celle-là, s'esclaffa mon petit frère dans le salon.

Ma mère ralait tandis qu'il continuait sur sa lancée.

- Tu trouves pas qu'elle ressemble à la blonde de l'autre jour ?

- Tu parles de la fille des nouveaux voisins ? En vrai la voisine est quand même plus élégante, s'exclama mon grand frère avant de rigoler.

Je passai la tête à travers l'arche pour voir ce que mes deux frères faisaient.

Ethan était - comme toujours - avachi dans le canapé du salon, à regarder une télé-réalité à la mode. J'ai été surprise de voir Yann, penché vers l'avant et les coudes sur ses cuisses, intéressé lui aussi par la télévision.

Quelle belle brochette de bras cassés.

Sur l'écran plat accroché au mur se pavanait une grande blonde. Je ne voulais pas devenir aussi débile que mes frères, alors j'avais détourné les yeux de ces horreurs.

- Vous devriez peut-être lire des livres plutôt que regarder des filles sans cerveau se battre entre elles pour des hommes tous aussi ridicules les uns des autres, leur lançais-je d'un ton froid

Le yeux de mon grand frère sortirent presque de leurs orbites en me dévisageant de la tête au pied.

- Maman, il est urgent que tu viennes en aide à Elaïa la.

Il rigolait mais je me rendis vite compte qu'il n'avait pas tort, je devais me préparer pour ma fête d'anniversaire et ce rapidement.

En reposant son chiffon, ma mère me fit un geste de la main vers les escaliers.

***

- Et que penses-tu d'une robe ma chérie ?

Ma mère commençait à perdre patience, après avoir sorti toutes les jupes et hauts de mon armoire.

Je pouvais sentir son agitation, avec ses sourcils froncés et sa main qu'elle passait frénétiquement dans ses cheveux.

Elle se mettait toujours la pression, comme si l'anniversaire devait absolument être parfait.

- Peut-être qu'une robe ça pourrait aller oui, répondis-je de manière nonchalante en toisant la pile de vêtements sur mon lit.

J'allais tout de même avoir 12 ans et je me devais de paraître comme une jeune adolescente désormais.

- Oh, s'écria maman, je pense que j'ai trouvé celle qu'il te faut !

Avec un grand sourire, elle me montrait une robe blanche en lin, à bretelles, avec une ceinture marron foncé.

- Je l'adore !

Je me sentais légère dans cette robe que je n'avais portée qu'une ou deux fois. Elle était assez large une fois la taille passée, la rendant d'autant plus agréable.

Mes cheveux, mi-longs, étaient retenus sur le haut de mon crâne par un élastique.

Ma mère me scrutait de haut en bas, avec un sourire satisfait. Puis elle afficha une grimace qui ne présageait rien de bon.

- Et tes ongles ? Tu as pensé à les vernir ?

Sans m'en rendre compte, je soufflais légèrement. Bien sûr que j'y avais pensé hier soir, je savais qu'elle songerait à chaque détail aujourd'hui.

J'hochais la tete, et ses épaules s'affaissèrent légèrement. Peut-être était-elle soulagée de savoir que tout était sous contrôle ?

Ma mère avait toujours été comme ça, à vouloir contrôler toutes les variables imaginables et ne rien laisser au hasard derrière elle.

Je pensais qu'elle sortirait de la pièce, mais au lieu de cela elle s'abaissa dans mon armoire, afin de trouver très certainement des chaussures adaptées à cet événement.

- Ces sandalettes marrons seront parfaites pour cette tenue.

Elle me souriait avant d'enfin sortir, mais une question ne quittait pas mon esprit.

- Au fait, lançais-je à ma mère avant qu'elle ne quitte ma chambre, de qui parlaient les garçons ? On a des nouveaux voisins ?

- Oui, ils ont acheté la maison des Lebrun mais je les ai pas encore rencontrés. Fais en sorte d'être agréable avec eux, de ce que Michelle m'a compté, c'est une famille assez aisée.

Je riais légèrement à cela.

- Tu devrais plutôt être inquiète à cause du comportement des garçons que par le mien, répondis-je entre deux rires.

- T'as raison ma puce, je vais aller les surveiller de ce pas avant que l'un d'eux mettent le feu à la maison.

À peine eus-je le temps de ranger tous les vêtements éparpillés dans ma chambre que les premiers invités arrivèrent.

Je sentais mon cœur s'accélérer au niveau de mes côtes, j'avais peur de ne pas réussir à m'amuser comme maman le souhaiterait. Cependant, j'étais pressée de retrouver Maya.

Elle était un peu plus jeune que moi, avec des priorités bien différentes des miennes. Mais d'une façon que je n'arrivais à expliquer, j'appréciais sa compagnie ici, elle apportait une légèreté à chaque été.

Aux yeux des autres, elle semblait être une enfant pourri gâtée, mais je savais que ce n'était pas le cas. En réalité, elle ne venait que quelques semaines chaque été avec ses parents pour visiter ses grands-parents maternels.

Ses parents étaient gentils, généreux, mais étaient loin de dépenser à foison comme tous les autres ici. C'était certain qu'ils étaient aimants, ils veillaient beaucoup sur leur fille unique.

Elle arrivait tout de même à passer entre les mailles du filet et avait déjà eu trois petits copains. Du moins, c'était ce qu'elle m'avait raconté.

Moi, je n'avais vraiment pas envie de cela. J'avais bien vu comment ma tante avait souffert après la mort de son mari.

L'amour rimait avec douleur, alors pourquoi s'entêter à vouloir se faire du mal lorsque nous pouvions simplement nous amuser ?

Lorsque je l'aperçus entrer dans le couloir, vêtue de robe rouge simpliste, toutes mes craintes s'étaient comme envolées. Je savais qu'en sa présence, je m'amuserais fortement.

Bien évidemment, je connaissais les autres enfants des alentours, mais aucun ne l'égalait. Je ne pouvais pas m'empêcher de me demander qui était cette nouvelle famille dont tout le monde parlait. Avaient-ils des enfants ? Et si c'était le cas, étaient-ils gentils ?

Nous nous étions assises toutes les deux sur un transat beige dans un coin du jardin afin de pouvoir discuter loin des adultes. Malgré tout, il y avait un grand nombre de personnes qui se trouvaient tout autour de nous, une flûte à la main.

Nous parlions et rigolions tellement avec Maya dans le jardin que je ne m'étais pas rendu compte du silence qui s'imposait peu à peu. Les invités avaient cessé de parler, comme si un vent invisible avait balayé leurs conversations.

C'est en relevant les yeux que je vis certains d'entres eux fixer de manière peu adroite une femme blonde, vêtue d'une grande robe blanche très élégante. D'autres murmuraient entre eux, en se cachant derrière leurs flûtes de champagne.

Je dus interrompre Maya pour comprendre ce qui se produisait, puis la réponse me frappa comme une évidence : les nouveaux voisins.

- Maya, est-ce que tu as entendu parler des nouveaux dans le quartier ? Lui demandais-je tout bas pour que personne n'entende.

Maya arqua un sourcil, avant de me sourire.

- Ma grand-mère m'a vaguement parlé de la mère, qui avait l'air gentille bien que très différente de nous.

Ce fut mon tour d'être surprise. Qu'insinuait-elle par « différente » de nous ?

Je compris bien vite en regardant à nouveau cette dame parler avec mes parents sur la terrasse.

Elle était belle, grande et possédait un teint bronzé qui contrastait énormément avec ses cheveux d'un blond clair que je n'avais jamais vu. A travers sa présence et prestance, je devinais qu'elle avait de l'argent. Beaucoup d'argent.

Une jeune fille, proche de la majorité, se positionna à sa droite. Il était évident qu'elle était sa fille tant elles se ressemblaient. Elle portait des lunettes de soleil au dessus de sa tête, pour retenir ses cheveux.

La fille portait une veste blanche magnifique, accompagnée d'un simple jean qui paraissait pourtant, sur elle, divinement classe. La mère était vêtue d'une robe blanche longue très chic, avec des mocassins plats beiges.

J'espérais au fond de moi pouvoir un jour leur ressembler, ou au moins me rapprocher de leur style, irréprochable.

Je supposais que l'homme derrière elles était le père de cette jeune fille, qui n'avait rien de lui, excepté peut-être son nez légèrement crochu.

Ils parlaient tous les trois avec mes parents, lorsque je vis un garçon, pas beaucoup plus âgé que moi, apparaître à côté.

Ma poitrine se serra quelques secondes.

Il était vraiment beau. Bien plus que tous les garçons que j'avais pu rencontrer jusqu'à présent.

Mon cœur battait la chamade, à une telle allure que je me demandais si les personnes autour de moi ne l'entendaient pas. Mes jambes se ramollirent comme si le sol m'engloutissait.

Pourquoi mon cerveau refusait de se souvenir comment respirer correctement ? Je devais ressembler à une asthmatique qui venait de courir 100 mètres.

C'était donc ce ressenti que Maya essayait de m'expliquer. Ce sentiment qui la réchauffait toute entière quand elle croisait des garçons qui lui plaisaient.

J'essayais de détourner le regard, mais il m'était impossible de le faire. Maya devait probablement se demander ce que je fichais à autant regarder au dessus de son épaule.

- Je te trouve vachement rouge pour quelqu'un qui a passé son temps à l'ombre quand même, se moquait Maya.

Elle n'avait pas tort vu la chaleur qui sortait de mes joues. Elles devaient être aussi rouges que celles de mon père lorsqu'il oubliait de mettre sa crème solaire pendant toute une après-midi.

Je pouffais de rire tout en continuant de détailler ce garçon. Il avait des cheveux d'un blond similaire à sa mère, légèrement frisés. Je pouvais observer d'ici ses yeux d'un bleu aussi profond que le ciel.

Jamais je n'avais vu de pareils yeux chez un garçon - où peut-être n'avais-je jamais prêté attention aux yeux des autres jeunes de mon âge, avant lui ?

- C'est vrai qu'il est pas mal leur fils, continuait Maya.

Mon attention revenait sur mon amie, et je commençais à vraiment me sentir étrange.

- Je crois que je comprends enfin ce que tu insinuais quand tu disais que tu te sentais... je marquais une courte pause pour trouver le bon mot, étrange.

- OH MON DIEU, toi, Elaïa Lelièvre, est en train de trouver un garçon mignon ! S'exclama-t-elle bien trop fort à mon goût.

- Maya, arrête ! Tout le monde va t'attendre, chuchotais-je.

Si je ne savais déjà pas où me mettre auparavant, c'était encore pire désormais. Mais je pense que le grand sourire de ma mère dans ma direction, qui me désignait du doigt, était la cerise sur le gâteau.

Résultat : les nouveaux voisins se retournèrent tous vers moi.

- Je vais m'évanouir Maya, il est en train de me regarder.

Elle se mit à rigoler, jusqu'à ce que je lui l'avant bras gauche.

- Ne te retourne pas, mais il s'approche de nous, dis-je dans un sourire crispé.

- Qui ça ?

- Leur fils Maya, répondis-je d'un air désespéré. Je me sens vraiment pas bien là.

Mon amie ne parlait plus, elle me regardait simplement dans un silence pesant.

Mes yeux se reposèrent sur ce garçon, qui s'enfonçait de plus en plus dans le jardin. Plus il s'approchait plus je sentais mon cœur rater des battement.

Est-ce que cela est normal ?

Bon sang, que doit-on faire dans ces moments-là ? Je voulais juste disparaître comme une autruche et ne jamais ressortir ma tête de la terre.

Il était à 15 mètres de nous quand je me suis demandée comment j'allais le saluer. Il était déjà trop tard pour me poser cette question.

***

Et voilà la fin de ce premier chapitre.
Qu'en avez-vous pensé ?

Bonne soirée et bonne fin d'année 2024 à tous ☀️
Le second chapitre sera publié samedi prochain !

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