10. Les retrouvailles inattendues
Yves atteignait le bas de l'immeuble, en compagnie de Jolie, à la fin de l'après-midi. Ils bavardaient tous les deux, sur les événements qui s'étaient déroulés le long de la journée, lorsque Natasha arriva à vive allure et les percuta. Ne leur adressant même pas un seul mot pour se faire pardonner, ils l'observèrent passer la porte, dédaigneuse et inflexible. « Regarde elle a l'air encore plus énervée que d'habitude, s'exclama Jolie. À mon avis, Ian doit beaucoup lui manquer !
— Tu es sérieuse ? rit Yves, dubitativement.
— Hmm tu as raison, c'est probablement dû au fait que tu lui voles petit à petit la vedette.
— Là tu divagues complètement Jolie !
— Tu veux donc dire que c'est sans raison qu'elle te fixe tout le temps si méchamment ?
— Je ne crois pas que ce soit parce que je suis soi-disant en train de lui voler la vedette ! Natasha est quelqu'un de trop intelligent...
— Oui mais c'est toi qui attire plus l'attention de Monsieur Éric et de Madame Winnie. » II secoua lentement la tête, incrédule.
« C'est vrai que Natasha est intelligente, reconnut Jolie pendant qu'ils sortaient, mais elle cherche tellement à l'afficher qu'elle ne finit que par se rendre ridicule ! Regarde aujourd'hui, elle s'est mise à nous lire un paragraphe écrit en anglais alors qu'elle ne devait faire la lecture que des premières lignes en français de la page en question.
— Avoue au moins qu'elle sait très bien le lire, l'anglais !
— Mais contrairement à toi elle ne comprenait même pas un traître mot de ce qui sortait, pourtant, de sa propre bouche cette fille ! Si tu n'avais pas pris le relais quand on avait remarqué, avec Célia, qu'elle n'arriverait pas à expliquer ce que voulait dire le paragraphe, Madame Winnie aurait été humiliée devant ses associés !
— La pauvre, la redéfendait Yves, quelle poisse pour elle qu'ils lui aient demandé de traduire la page tout juste après sa lecture.
— Non c'est bon, ça lui servira de leçon à cette orgueilleuse ! » II fronça les sourcils. Mais elle répondit à ce reproche silencieux par un simple et séraphique clin d'œil puis virevolta dans l'autre sens. « À demain ! proclama-t-elle.
— Bey, lui dit son collègue. »
Jolie étant partie, Yves se mit à attendre un taxi. Environ trois minutes plus tard, un chauffeur arriva avec le sien. Le stagiaire opta pour le siège passager, vu qu'il n'y avait que lui et que ça se faisait couramment dans les parages.
Rembobinant paisiblement ce que celle dont il avait pris congé lui disait, Yves ne se rendit même pas compte du court arrêt que le véhicule avait effectué. Il était trop occupé à trouver absurde l'idée selon laquelle on aurait pu s'intéresser à lui plus qu'aux autres. Il repensait à ce qu'il avait fait, lorsque Natasha s'était mise à trembler et à bégayer après que l'un des deux associés de Madame Winnie lui eût demandé de leur donner une explication, beaucoup plus approfondie, du fameux paragraphe en anglais qu'elle avait entrepris de lire. Sans que Monsieur Éric le lui eût suggéré, Natasha s'était lancée et s'en serait mordu les doigts, si Yves n'avait pas pensé à intervenir. Mais ce dernier se disait qu'il n'avait rien accompli, qu'il n'avait fait que reprendre — du mieux qu'il pouvait — les mots si bien prononcés par une fille à qui il ne se serait même pas du tout comparé.
« Ma petite sœur ! » s'écria une voix derrière lui. Il avait frissonné, pas parce qu'il avait pris conscience qu'il n'était plus l'unique compagnon de route du chauffeur. Cette voix lui parut familière. Il la connaissait. Il savait à qui elle aurait pu appartenir. « Je suis contente que tu sois venue me voir Brenda, redit-elle. Ma sœur chérie que j'aime, oui je t'aime je t'aime je t'aime ! » Sans avoir besoin de se retourner, Yves eût la preuve que ses soupçons avaient une raison d'être. Rien qu'en ne l'ayant entendue, il sut que c'était elle. « Arrête Célia ! tança une autre voix, qu'il identifia comme étant celle Brenda, l'unique sœur que Célia comptait dans sa famille restreinte.
— Détends-toi sœurette ! gloussa celle-ci. Tu n'es pas contente de me voir, moi qui ai prétendu me sentir mal cette après-midi juste pour toi ?
— Tu es incorrigible, tu as vraiment menti à ton chef pour venir me voir ? On croirait que ça fait des siècles que nous ne nous sommes pas revues toi et moi !
— Ce temps que j'ai passé sans vous voir m'a paru être une éternité, et je suis prête à parier que c'est également le cas pour vous quatre ! » Elle ricana harmoniquement, pendant que le jeune homme assis à l'avant les écoutait. « Comment vont papa, et maman, et notre cher aîné d'Adam ?
— Oh ce aîné cher d'Adam tu dis, il s'est encore une fois attiré des ennuis ! soupira Brenda.
— Ce n'est pas sérieux ! s'exclama Célia. C'est encore à cause de ses potes ? Et quand je dis ses potes, je veux précisément parler de Youssouf !
— T'as vu juste Célia, il y a bel et bien du Youssouf derrière tout ça, comme d'habitude !
— Ce n'est pas possible franchement, il ne comprend pas que ce type est loin d'être quelqu'un de fréquentable ? Qu'est-ce qui se passe ?
— Et dire que c'est lui notre unique frère, c'est regrettable ! »
Depuis qu'ils s'étaient retrouvés, c'était la première fois qu'Yves eut l'impression de revoir l'ancienne Célia : enjouée, bavarde, soucieuse, comique... Cette Célia dont il était tombé inconsciemment amoureux et qu'il pensait restée dans ses souvenirs d'étudiant.
« Il faut que tu voies une robe que j'ai repérée dans la première boutique d'un de ces quartiers ! Elle serait parfaite pour mon anniversaire, et tant pis si pour le moment je n'ai pas vraiment eu la bonne occasion pour me la payer. En sortant de ce taxi je compte faire tout pour la saisir, et toi ma petite Brenda, tu vas m'accompagner pour m'assister dans cette merveilleuse tâche !
— Ah la la, tu ne changeras jamais Célia ? scanda sa sœur. Tu es incapable de rester plus d'un moment sans raconter ce qui te passe par la tête ?
— Cesse d'être toujours aussi sérieuse, se moqua la plus âgée. Apprenez un peu à sourire et à vous amuser mademoiselle ! »
Ayant entendu quelques bruits sourds, Yves jeta un coup d'œil vers le rétroviseur, et ce qu'il vit faillit le faire éclater de rire : Célia, retenue par Brenda, essayait de poser ses doigts sur ses lèvres afin de la forcer à sourire. « Arrête Célia ! chuchotait Brenda, épiant par ailleurs les deux personnes qui se trouvaient devant elles. Célia, je t'en prie, arrête de nous donner en spectacle !
— Allez, souris petite sœur, souris !
— Célia ! se plaignit-elle, en se penchant en arrière, du côté de sa portière.
— C'est de ta faute Brenda ! se défendit-elle sans s'arrêter, pendant qu'Yves s'empêchait de rire de cette scène. Si tu t'étais permise de me faire juste un sourire je t'aurais déjà lâchée depuis longtemps !
— Célia, tu me fais honte là ?
— Quoi ? »
Par réflexe, Célia avait regardé vers la gauche et quand ses pupilles farceuses se posèrent sur le rétroviseur, elles croisèrent celles du jeune observateur qui fut également dans un état de choc similaire au sien. Au même moment, sans que personne ne l'eût présagé, il eût un crépitement. Subitement, la voiture perdit son équilibre, et les jeunes filles lancèrent instantanément un cri de frayeur...
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