09. La nouvelle rivale
Yves rejoignait Jolie une fois de plus en entrant dans le bâtiment. Elle était assise, comme à son usage au rez-de-chaussée, et dès qu'elle l'aperçut sa figure s'orna de son habituel sourire accueillant. « Bonjour Yves, tu vas bien ce matin ?
— Comme hier, et avant-hier, comme toujours ! affirma Yves en se mettant à côté d'elle. Et toi, ça va ?
— Grâce à Dieu oui.
— Cool !
— On ne peut pas en dire autant pour Ian, regrettait-elle. Tu savais qu'il ne se sentait pas en forme et que c'est pour ça qu'il n'est pas venu hier ?
— À vrai dire, je ne suis pas de ceux qui se renseignent sur ce que font..., les autres. » Jolie devint confuse. Elle constata qu'il n'était plus à son aise après qu'elle eût cité le prénom de Ian. « Désolé, s'excusa-t-elle, j'avais oublié que c'était tendu entre vous depuis vendredi.
— Arrête, reprit-il aimablement. Ce n'est pas comme si nous en sommes venus aux mains, non ! Je lui ai juste crié dessus en partant furieusement faire un tour en ville, et quand je suis revenu je me suis excusé ; et, il a dit... « Okay ».
— Et ensuite c'est à peine s'il t'a adressé la parole. Franchement il se conduit comme un enfant ! C'était lui qui s'était le plus mal comporté, la moindre des choses aurait été qu'il s'excuse également ou du moins, qu'il ne te réponde pas d'une manière aussi sèche...
— S'il te plait Jolie ne t'énerve pas, et n'en parlons plus, d'accord ? »
Il posa sa main sur la sienne en le disant et Célia, qui arrivait elle à ce moment précis, les découvrit alors dans cette situation assez équivoque. Yves se tourna instinctivement dans sa direction et, en comprenant sans doute ce qu'elle pensait, il retira sa main avec vivacité. Jolie ne se rendit compte de cette présence récente que quelques secondes après lui. Nerveux, et silencieux, il avait l'attitude du coupable parfait. « Bonjour ! dit Célia, en usant d'un énième faux sourire convaincant.
— Bonjour Célia, lui répondit Jolie tandis qu'Yves les observait.
— Il est ouvert, je veux dire, le bureau de Monsieur Éric ?
— Non non, ni lui ni Madame Winnie ne sont encore là.
— Okay, d'accord. » Si elle avait l'air embêtée, le jeune homme l'était beaucoup plus — ce qui fit qu'il ne le remarqua pas. Parallèlement, Jolie la regardait avec insistance. « Je..., je vais attendre dehors dans ce cas. » Son annonce exprimée, Célia ressortit d'emblée.
Yves semblait désirer courir pour lui expliquer que ce qu'elle avait vu ne signifiait pas ce qu'elle croyait. Il semblait ne pas vouloir qu'elle eût pu commencer à s'imaginer n'importe quoi. Mais il ne bougeait pas. Il aurait pu le faire mais il ne s'y autorisait pas. On dirait qu'une part de lui avait envie que rien ne pût changer, on dirait qu'elle avait envie que Célia fût éloignée de lui. « Tu m'excuses, avertit Jolie, je vais payer un truc. Je reviens.
— D'accord Jolie ; lui répondit-il, détaché. » Et elle le quitta, disparaissant de son champs de vision vaporeux.
À l'extérieur, Jolie se mit à balayer du regard ce qui l'entourait. Et quand son investigation eut porté ses fruits, elle traversa la route bitumée qui la séparait du magasin où siégeait, sur une banquette à l'entrée, celle avec qui elle voulait discuter. Cette dernière, désagréablement surprise, s'empressa de prendre l'ultime sourire feint qu'elle devait avoir en réserve. « Qu'est-ce que tu fais là Célia ? demanda-t-elle distinctement, vu qu'il y avait du bruit autour d'elles.
— Je préfère attendre ici c'est beaucoup mieux ; enchérit-elle, à voix haute également.
— Pourquoi ?
— Pour rien, juste comme ça.
— Okay. »
Jolie, prétendant s'intéresser aux voitures qui passaient, réfléchissait en réalité à un moyen de reprendre la conversation. « On n'a pas encore eu l'occasion de faire véritablement connaissance hein ?
— Pardon ? lui retourna Célia, alors qu'elle l'avait très bien entendu.
— Je dis qu'on n'a pas encore eu l'occasion de faire véritablement connaissance ? relança-t-elle un peu plus fort.
— Je ne crois pas, non. » Nonobstant qu'elle savait que son interlocutrice était douée d'une extrême bienveillance, Célia ne parvenait toutefois pas à la supporter. Ses sentiments influaient sur sa lucidité, c'était évident. « Tu sais, entamait celle qui était toujours debout, j'aimerais bien qu'on s'entende toutes les deux. » Elle parut légèrement perplexe après cet aveu de Jolie. « J'ai souvent du mal à m'entendre avec les autres filles, et ça ne me surprend pas que ça soit également le cas avec Natasha. Mais toi, tu as l'air différente d'elle, tu me sembles beaucoup plus sympathique.
— Vraiment ? dit-elle, d'un ton plus ironique que sincère.
— Vraiment ! Mais j'ai eu la sensation, dès le début, que tu me reprochais quelque chose, et maintenant je me dis que c'est sûrement ma relation avec Yves. » Célia faillit manquer d'air tant cette phrase l'avait chamboulée. « Yves ? murmura-t-elle presque.
— Oui Yves ; réitéra Jolie, en voulant par ailleurs s'asseoir à sa droite, ce qu'elle lui permit et qu'elle fit. J'ai remarqué ta façon de te conduire quand il est là et on dirait que vous vous connaissiez déjà avant ce stage, je me trompe ?
— Non en fait nous..., nous avons fait nos études ensemble, en première année.
— Ah bon ?
— Oui, mais ce n'était pas dans cette ville.
— Parce que vous n'êtes pas d'ici ?
— Lui si, mais moi non. Je suis là uniquement pour ce stage, vu que là d'où je viens il n'y a pas tellement de cabinets où j'aurais pu le faire. Quand il sera fini, je rentrerai chez moi. » Elle avait eu une expression qui aurait pu vouloir dire : « Tu n'as pas à t'inquiéter, je ne viens pas pour briser ton couple ! »
« Je dois avouer que je suis un peu déçue, lui confessa Jolie en regardant ses souliers.
— Pourquoi ? s'enquit-elle en la fixant.
— C'est un peu bête..., je trouvais que tu aurais pu former un joli couple avec Yves. » Célia fut complètement abasourdie. « Pardon ? expira-t-elle.
— Oui, déclara Jolie en ayant un sourire honteux. Je ne sais pas pourquoi, mais à la fin de la semaine passée je me suis mise à vous imaginer ensemble, je me disais que tu pourrais lui convenir. Alors quand j'ai vu ta réaction de tout à l'heure, j'ai commencé à penser que c'était peut-être moi qui vous empêchais de vous rapprocher.
— Mais je... Je croyais que,... lui et toi... Que...
— Ah non je suis mariée ! À un autre Yves, je le précise, et je suis heureuse en ménage. » Elle leva sa main afin de montrer son alliance. « Je voulais que tu le saches, je ne veux qu'il n'y ait aucun malaise entre nous Célia. » Celle-ci hocha doucement la tête et la jeune femme lui donna l'impression d'être pleinement satisfaite. Elle se redressa, fière d'elle, juste avant de la quitter.
Célia hallucinait. Elle pensait tout ce temps que c'était une rivale pour elle. Voilà bientôt plusieurs jours qu'elle avait fait fausse route. En plus d'être une millième preuve que les apparences pouvaient être trompeuses, Jolie lui avait appris qu'elle trouvait qu'elle était la personne qui convenait pour Yves.
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