07. Les souvenirs du passé


  Yves souriait en regardant Madame Winnie. Il n'arrivait pas à croire qu'une femme qui se comportait d'une manière aussi aimable pouvait avoir de l'autorité et de la force de persuasion. Pour lui, c'était donc impensable qu'elle soit avocate. Il ne pouvait pas se l'imaginer. « Voilà, disait-elle. Pour ceux et celles qui voudront y assister la réception aura lieu le jeudi en quinze, ce qui veut dire le jeudi de la deuxième semaine après celle-ci. On a prévu de la commencer à partir de dix-huit heures et ça sera à l'hôtel Baie de palmier. » Yves et ses collègues la fixèrent d'un air interrogatif. « Je sais, ajouta-t-elle, c'est assez loin de la ville et la plupart d'entre vous ne peuvent pas s'offrir le luxe d'y aller ; c'est pourquoi j'ai décidé moi-même de vous prendre en charge. » Ils furent tous stupéfaits, y compris Monsieur Éric derrière elle. « Si vous ne pouvez pas vous y rendre par vos propres moyens venez ici avant quinze heures, et vous prendrez avec nous le bus réservé aux employés. Mais dans ce cas-là il faudra également prendre une chambre à l'hôtel car le bus ne nous ramènera que le lendemain matin. Pour ceux qui opteront pour ce choix ne vous inquiétez pas, encore une fois, je me chargerai personnellement de votre logement. En échange j'espère juste que vous ne me décevrez pas les enfants, je ne veux pas d'histoire ! »

Même si elle le disait sincèrement, elle le fit toutefois sur le ton de la plaisanterie, pour montrer que cette idée lui paraissait grotesque puisqu'elle leur faisait confiance. De plus, les cinq stagiaires semblèrent trouver comme elle que c'était peu probable vu qu'il n'y avait aucun couple entre eux ; enfin presqu'aucun couple.

« Winnie, l'appela Monsieur Éric, je viens de recevoir un appel dont il faut tout de suite que je discute avec toi.

— Ah ! fit-elle avant de revenir vers ceux à qui elle s'adressait à l'instant. Eh bien j'ai été contente de vous découvrir en plein apprentissage. Je souhaite que vous puissiez apprécier le temps que vous passerez ici car c'est ça mon but dans cette société, que tous ceux qui en font partie se sentent à l'aise. Il suffit de nous regarder, Éric et moi ! » Ils lui sourièrent. « Sur ce je vous dis au revoir les jeunes !

— Au revoir madame, lui rendirent-ils. » C'était ainsi que Madame Winnie quitta la pièce suivit de Monsieur Éric, qui avait refermé la porte en sortant.

« Elle est toujours aussi gentille Madame Winnie ! déclara Jolie.

— Oui, mais ça ne vous a pas semblé bizarre à vous la façon dont elle appelle Monsieur Éric ? releva Ian.

— Ce ne sont pas nos affaires après tout ; réprimanda Natasha, avant de poursuivre en baissant d'un ton. Peut-être qu'ils sortent ensemble !

— Ou peut-être qu'il est gay ! insinua-t-il en haussant les sourcils et les épaules.

— Ian ! s'exclama Célia, choquée tout comme les autres.

— Tu dis n'importe quoi ! nia Jolie au même instant. » Natasha se contenta de rouler des yeux. Mais Yves, lui, devint complètement aphone. « Quoi ? continuait Ian en ricanant. Je l'imagine bien moi, en train de faire la femme pour une montagne de muscles comme dans les films. Ah-ah-ah ! Ici il se retient peut-être, mais dans le fond il doit mourir d'envie de toutes vous appeler « Mes chéries » !

— Ça suffit Ian ! dit Jolie gentiment. » Ian se tordit de rire, se mettant même à singer leur formateur. « Ma Célia Chérie ? sussura-t-il, de manière féminine, lançant ensuite un regard taquin à Natasha. Ma Nati chéri-ie ?

— C'est vrai tu commences à aller un peu trop loin ! lui reprocha Célia, qui jeta un rapide coup d'œil vers Yves, qui se retenait de réagir.

— Ça ne m'étonne pas que tu puisses être aussi irrespectueux ! s'indigna également Natasha en reprenant ses documents.

— Sérieusement, enchérit Ian en ignorant ce qu'on lui disait, si je trouvais ce type de gars, et ça en plein acte en plus, je ferais ce qu'avait proposé quelqu'un dans un commentaire que j'ai lu une fois quelque part : je prendrais une machette et je les couperais en deux en commençant à partir de la b...

— Ian ! cria Yves en le fusillant du regard. »

Tous le fixèrent : Natasha était intriguée, Jolie étonnée, Célia inquiète, et Ian amusé. Jolie observa ce dernier et, constatant sa mine badine, elle renfrogna son visage elle aussi. « Ce n'est pas drôle, le grondait-elle, tu...

— Non seulement ce n'est pas drôle mais ce n'est pas correct non plus ! poursuivit Yves, au bord de la fureur. C'est vraiment vulgaire et insensible de dire ça. Et alors, qu'il soit ou non comme tu le dis ne le rend pas moins humain que nous tous Ian ! J'en ai marre de toutes ces gens qui pensent que juste parce que quelqu'un est différent des autres, il mérite d'être traité comme un animal ou d'être battu jusqu'au sang ! »

Toujours énervé, il se leva brusquement de sa chaise et prit la porte. Les filles restèrent bouche bée à l'exception de Célia. Elle, elle avait la tête baissée. « Qu'est-ce qui lui prend, gloussait Ian, il se sent concerné ou quoi ?

— Tu ferais mieux de te taire au lieu de dire n'importe quoi ! répondit Célia avant de se tenir debout, pour suivre celui qui était parti.

— Ah ! Ah-ah ! Je ne vois pas quel est son problème ! » Jolie détourna tristement son regard de lui tandis que Célia ouvrait la porte : « Yves ! » murmurait-elle, lorsqu'elle fut surprise de voir qu'elle allait parler seule : il n'était pas là.

  Le jeune homme marchait dans la rue, les mains dans les poches, sans but précis. « Quel crétin ! pensait-il. Comment est-ce qu'il peut être aussi cynique ? Je ne comprends vraiment pas ce qui peut traverser l'esprit de certaines personnes ! » Yves se rendit compte, à cet instant-là, qu'il était passé par beaucoup de changements depuis sa première année à l'université, et pas que par ceux qui étaient facilement remarquables. « Je n'arrive pas à croire que moi, qui étais si dégoûté par Nathy il n'y a pas si longtemps, je suis prêt à défendre tous ceux qui pourraient subir les mêmes injustices que lui aujourd'hui. » Encore une fois, sa tête avait changée. Il ne prêtait plus attention au monde qui l'entourait. On aurait cru qu'il avait été transformé en automate puisqu'il avait beau se mouvoir, mentalement, il était absent. Ses pieds trottinaient, ses traits se resserraient. Il n'était plus là. Il marchait, mais il n'était plus là.

« Yves ! hélait une voix féminine. Yves ! » Il sortit de sa rêverie et dès qu'il vit la personne qui se trouvait en face de lui, il crut pendant quelques secondes que son cerveau lui jouait des tours. C'était Gloria, son ancienne camarade, la meilleure amie de Corinne. «  Gloria ! fit-il.

— Yves c'est bien toi ! s'écria-t-elle, avant de courir l'entourer de ses bras (malgré qu'ils fussent chargées). » Il semblerait qu'après toutes ces années sans se voir, l'animosité qu'elle lui vouait avait disparu en même temps que sa tristesse, celle qu'elle avait dû ressentir depuis le soir de Décembre où la jeune métisse s'en était allée.

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