01. L'étonnante matinée


  Yves portait une veste en cuir de couleur noire sur sa chemise verte, en haut de son jean, puis il prit une brosse à cheveux qu'il passa une dernière fois sur sa tête avant d'ouvrir la porte de sa chambre. « On est partis maman ! déclara-t-il en débarquant dans la salle à manger où se trouvaient son père, sa mère, et sa jeune sœur en uniforme d'écolière.

— Tu parles pour ta sœur maintenant ? fit remarquer son père avec entrain.

— Et puis je compte finir mon petit déjeuner, moi ! ajouta celle-ci.

— Allez Mariam, tu as toute ta vie pour manger ; pas pour décider de la minute à laquelle tu te mettras en route ce matin !

— Attends Yves ! » Elle s'apprêtait à prendre sa tasse quand son frère le fit avant elle. « Yves ! s'écria-t-elle en se levant de sa chaise pour le poursuivre dans la cuisine.

— N'oublie pas de prendre ton sac ! répondit-il tout en poursuivant, lui, sa course.

— Maman !

— Bonne journée Mariam ! dit leur mère en souriant avec leur père. »

  Le frère et la sœur marchaient bras dessus bras dessous dans la rue en bavardant. « Tu sais Yves, à vingt-trois ans on n'a peut-être pas autant besoin de nourriture qu'à l'adolescence. Tu as sûrement retardé ma croissance en me privant de mon petit déjeuner tout à l'heure tu sais ?

— Et alors, ça serait mieux si tu pouvais rester encore comme ça longtemps !

— Qu'est-ce que tu dis là monsieur « Je me laisse pousser la barbe et la moustache depuis maintenant trois ans » ? J'ai le droit de grandir moi aussi ! Tu sembles oublier que j'ai déjà dix-sept ans ?

— Et c'est quoi dix-sept ans ?

— Dit celui avait déjà eu plus d'une copine à cet âge-là ! »

Yves fut surpris. « Quoi, tu pensais peut-être que j'étais trop bête pour savoir ce qui se passait entre Esther et toi ou entre Rebecca et toi ou entre Lilly et toi ? Vous n'étiez vraiment pas discrets maman et toi !

— Attends, maman savait aussi pour Esther et Rebecca ? reprit son frère.

— Nous les femmes, on sent ces choses-là ; mais je me suis toujours demandée ce qui s'était passé pour que ce soit Lilly, sur toutes tes trois petites amies, que les parents n'aient jamais pu apprécier ! »

Ce prénom le rendit muet. Il était devenu sérieux, ne regardant même plus sa sœur. «  Eh oh ! gloussa-t-elle en claquant des doigts, pour qu'il reporte son attention sur elle. Ça te trouble à ce point d'en parler avec moi ? Tu croyais quoi, que j'étais encore du genre à dire « Aimer c'est pour les grands » ? Ah-ah-ah !

— T'es un peu trop bavarde chère p'tite sœur, dit-il en lui tapotant tout doucement le nez.

— Hey gestes barrières mon cher frère, tu as oublié ? Et en passant je crois que c'est une fille comme moi qu'il te faudrait : un moulin à parole qui ne s'arrête jamais ! »

Inconsciemment, elle le ramena cinq ans plus tôt par cette phrase, le samedi après-midi où avait eu lieu son premier rendez-vous avec Célia. Il eut une nouvelle fois l'impression de l'entendre crier son nom : « Yves ». Il s'était alors tourné vers les gradins et l'avait aperçue, sur la troisième ligne du haut, toute rayonnante. Sa chevelure volumineuse, sa robe top blanche qui tombait à quelques centimètres de ses genoux et couverte de trèfles bleus ciel partout, il revoyait tout ; y compris, sur l'une des chaises, les deux sacs en carton qui contenaient ces sandwichs dont l'un avait failli l'étouffer peu après, quand la jeune indiscrète lui demanda s'il avait déjà eu de petite amie. Elle ne savait pas encore qu'elle rencontrerait l'une d'entre elles, quelques mois plus tard, et que celle-ci serait à la base du dénouement de leur histoire...

Malgré le fait qu'une partie de son esprit était ailleurs, l'autre restait attentive aux propos de Mariam. « ...j'ai beau te faire mal à la tête, je t'empêche toujours de t'ennuyer. Et c'est pourquoi je dis que c'est ce genre de personnes qu'il te faudrait... »

— Oui, s'exclamait-elle en s'arrêtant. Comme cette fille que j'ai croisée dans une des boutiques qui se trouvent près d'ici !

— Tu es sérieuse Mariam ? l'interrogea-t-il d'un air railleur.

— Oui Yves, elle était très gentille. On s'est très bien entendues elle et moi, peut-être parce qu'on a le même caractère !

— Mais attends, tu seras en retard non ?

— J'avais oublié ; on se voit à la maison ! »

Elle lui fit un « Au revoir » de la main et le quitta en se dépêchant. Il s'esclaffa, ne tardant pas non plus puisqu'il eut un bus en un éclair. « C'est parti pour mon premier jour de stage ! », se dit Yves en pénétrant dans le véhicule. Juste quand les portes allaient être complètement closes, il vit Mariam revenir en courant et il fut si soucieux qu'il redescendit immédiatement. « Yves..., s'essouffla-t-elle.

— Quoi... » Mettant ses mains sur les épaules de celle-ci, il s'inquiétait. Les lèvres de sa sœur se refermèrent. Elle déglutit péniblement. «  Qu'est-ce qu'il y a ? la questionna-t-il de nouveau, s'impatientant de plus en plus. Mariam tu vas parler oui ?

— Je l'ai vue..., articula-t-elle.

— Tu l'as vu ! De qui tu parles ?

— L... La... La fille que j'ai rencontrée à la boutique ! Je l'ai vue et je suis revenue te chercher pour te la présenter. »

Yves s'était senti atterré. Il passa de l'angoisse à la colère. «  Non mais Mariam j'ai cru que c'était grave ! gronda-t-il. C'est quoi ces façons d'effrayer les gens pour si peu ?

— Il faut que tu la voies ! fit-elle en ignorant sa réprimande. » Mariam le tirait par le bras et filait avec lui dans le sens inverse à celui qu'elle avait emprunté pour le retrouver. «  Je serai en retard Mariam, et toi aussi !

— Je lui ai demandé d'attendre que je lui présente mon grand frère, ça ne se fait pas de fausser compagnie à une fille ! »

Ils traversèrent une route, en risquant par ailleurs de se faire renverser. « Mariam, j'ai mieux à faire !

— Ça ne prendra que quelques secondes, le supplia-t-elle. Tu dis juste bonjour et tu reprends ton chemin, c'est tout !

— Comme si on pouvait faire connaissance avec un « Juste bonjour » en coup de vent ! » IIs s'arrêtèrent sur une chaussée bondée. « Nous voilà ! » signalait Mariam à une demoiselle qu'ils voyaient de dos ; mais avant même qu'elle ne pût se retourner, Yves l'avait déjà identifiée. Les yeux tout rond, il était abasourdi. La personne que lui présentait sa sœur fit volte-face et d'un seul coup, elle fut elle aussi stupéfaite de le voir. «  Yves ! balbutia-t-elle.

— Célia ! fit le jeune homme... »

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