9. La sortie en boite
Yves montait les marches de l'escalier à la fin de la journée suivante quand il y croisa Gabriel, son ancien capitaine. Ce dernier le fixa avec curiosité, sûrement à cause des petites marques qu'il avait encore, puis essaya de changer d'air car en fait, il était heureux de le revoir après tout ce temps.
- Yves ! s'exclama-t-il en le saluant.
- Gabriel ! fit Yves en agissant de la même manière. Ça faisait un bail ! Tu vas bien ? Et les autres ?
- Ça va. Tu nous manques tous mec !
- C'est pareil aussi pour moi. Quoi de neuf ?
- Pas grand chose à part qu'on cherchait tous à avoir de tes nouvelles.
- Et bien je suis là !
- Ouais. Les gars seront surpris quand je leur dirai que je t'ai vu. L'équipe n'est plus la même sans toi. Tiens d'ailleurs, on doit se voir d'ici dix-huit heures à la boite où nous fêtons toujours nos victoires. Ça te dirait de nous y rejoindre ?
- À la boite ? Le match n'a même pas encore eu lieu et vous fêtez déjà la victoire ?
Ils rigolèrent.
- Alors tu seras de la partie ? reprit Gabriel.
- Aller en boite n'est pas vraiment mon truc au cas où tu l'aurais oublié, mais tu peux compter sur moi mon pote.
- Cool mec ! J'ai des trucs à faire là, à toute !
- À plus ! dit Yves avant de continuer sa montée, l'autre faisant pareil avec sa descente.
Aussitôt, il mit les pieds dans sa chambre. Elle était vide. Nathy n'avait sûrement pas encore terminé ses cours. Un élément attira alors son attention : une feuille était posée en plein milieu de son lit. Il la ramassa : « Appuie sur le bouton Play de mon iPod et écoute jusqu'à la fin. » lut-il. Le jeune homme ne saisit rien mais sans savoir pourquoi, il obéit à cette ordre inscrit par son camarade de chambre. À cet instant, un accord de guitare électrique se fit entendre dans toute la pièce. C'était celle d'un des vieux tubes de la chanteuse américaine Demi Lovato, Remember December. « Chouette, se dit-il ironiquement, un truc de fille ; quelle surprise Nathy ! » Il voulut arrêter cette musique Pop-rock, mais y renonça tout compte fait en balayant l'air par dessus son épaule. Doué d'une certaine aisance en ce qui concerne la langue anglaise, la majorité des paroles n'étaient donc pas que du charabia pour lui. Il se déchargeait tout en ayant les oreilles attentives à ce premier couplet qui l'ennuyait un peu, quoiqu'il aimait assez la mélodie et même la voix de cette artiste aux origines latinos. Mais il eut une drôle de sensation au début du refrain. Il se mit à penser que le texte faisait particulièrement référence à lui et Célia ; c'était en Décembre qu'ils avaient commencé à sortir ensemble officiellement. Ils étaient amoureux à ce moment-là, mais Célia l'avait finalement délaissé à cause des dires qu'elle avait entendus. Elle avait entendu d'autres personnes et avait rompu tout contact avec lui. Au deuxième couplet, l'impression d'Yves se poursuivit. Il se dit, au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient, que c'était leur histoire qui avait inspiré cette chanson sortie pourtant des années auparavant. Il repensait aux promesses qu'ils s'étaient faites, à leurs problèmes qui avaient commencé à cause de ceux qui avaient participé de près ou de loin à leur séparation, et il éprouva subitement l'envie d'aller lui crier toutes ces paroles que chantait l'adolescente de l'époque ; entre autre qu'ils pouvaient lutter contre vents et marées si elle n'abandonnait pas, si elle se rappelait de ce mois de Décembre. Pour une fois, la chambre voyait quelqu'un d'autre que Nathy l'inonder de ce genre de chansons.
Une heure plus tard, Nathy fut de retour et déposa son sac. Yves l'attendait.
- J'ai écouté la chanson au cas où tu voudrais le savoir, démarra-t-il.
- Okay, fit le premier.
- Juste okay ? Tu pourrais quand même m'expliquer pourquoi tu m'as demandé d'écouter une chanson sur ton iPod ?
- Tu as dit avant de partir hier matin que j'étais lâche parce que j'avais peur d'être rejeté non ? Et bien je voulais te montrer que ça ne m'effraie pas du tout de me montrer tel que je suis et de me mettre à nu. J'avais envie que tu aies un aperçu de ce qui me plait car mon but était de te faire comprendre que ce sont les autres qui sont intrigués par moi.
- Attends, je ne te suis plus là.
- Ce genre de musiques, la plupart des mecs ne l'apprécie pas du tout. C'est différent, et tout ce qui est différent est rarement approuvé. Je ne vais pas vers les autres non pas par peur d'être rejeté mais parce que ces autres, dont tu fais aussi partie, sont intrigués par la différence. Je vous intrigue à cause de ce que je suis, à cause de tout ce que j'aime, et le moyen par lequel vous entrez le plus souvent en contact avec la différence ce sont les attaques physiques ou verbales. Du moins, ce ne sont que ceux que toi tu appelles Les autres qui agissent de cette façon car pour toi, la définition de ce mot se limite à tous ceux qui sont comme toi alors que de mon côté, ce mot désigne tous les individus qui peuplent ce monde aussi bien ceux qui sont dits normaux que ceux, comme moi, qu'on trouve anormal. Tu aurais beau te considérer plus social que moi parce que tu connais beaucoup de gens, mais ces gens partagent les mêmes idées que toi et parler avec eux revient d'une certaine manière à ne parler qu'avec toi-même.
Yves resta silencieux. Il ne savait que faire ou que dire à ce garçon qui essayait de donner l'air d'être plus malin que lui. Marchant vers la porte, il l'ouvrit et déclara « Moi, j'ai beaucoup aimé la chanson. » Et il s'en alla.
La boite comptait beaucoup de clients vu que c'était vendredi. Yves eut un peu de mal à repérer ses anciens coéquipiers au milieu de tous ces étudiants, mais l'un des joueurs avait crié son prénom et il les découvrit tous. Un sourire se dessina immédiatement sur son visage. Il ne le cacha aucunement. « Ça va les mecs ? » les accosta-t-il. Il leur serra la main à tour de rôle, de façon comique, comme si c'était des grandes figures d'autorité. Évidemment, il rirent tous. Leur invité s'assit sur la chaise déjà réservée pour lui et les sujets de conversation s'élancèrent, s'enchaînant au fil du temps qui passait. Yves se rendait compte de combien ça l'avait manqué de retrouver des amis, de bavarder avec des boissons sur une table faite pour. Après ces mauvais jours qui l'avaient poursuivi, telle une ombre en plein soleil, ça lui faisait du bien de penser à autre chose que Célia, Nathy, ou Lilly. Quand vint l'instant où ils décidèrent de clore le sujet « basket », l'attention d'Yves se dirigea vers l'entrée de la boite. Il avait préféré se changer les idées en acceptant ce rendez-vous, mais il semblait que le destin ne voulait pas lui laisser de répit. Parmi les nombreuses personnes auxquelles il avait entreprit de ne pas penser, il avait fallu que ce soit celle qui occupait la plus grande partie de son cerveau qui puisse être devant lui et le pire, c'était qu'elle se tenait à côté d'un autre. Le regard de la jeune fille croisa aussi le sien. Elle parut légèrement perturbée.
- Qu'est-ce qu'il y a ? lui posa son compagnon de ces quelques jours.
- Rien Freddy, mentit-elle, pourquoi tu me le demandes ?
Apparemment, ledit Freddy ne fut pas convaincu. Il suivit la direction des coups d'œil nerveux que son interlocutrice jetait et dès qu'il constata la présence d'Yves, il se crispa.
- Changeons d'endroit, ordonna-t-il presque.
- Arrête, râla Célia, ce n'est pas un problème !
- Non Célia, on s'en va. On ne peut pas rester ici !
- Ça ne fait rien Freddy...
- Ou t'as envie de le voir, c'est ça ?
Elle ne lui dit rien.
- Je ne supporterai pas d'être avec toi en sachant que tu auras tout le temps les yeux rivés sur lui !
- Ce n'est pas comme s'il y avait quelque chose entre toi et moi de toute façon ! clarifia-t-elle en croisant les bras. Je t'ai dit dès le départ que nous étions encore ensemble Yves et moi et que je t'utilisais juste pour le rendre jaloux, pour qu'il renonce à sa stupide idée de pause !
- Oui, mais moi j'espérais que je finirais par te le faire oublier en te faisant tomber amoureuse de moi !
Célia écarquilla les yeux tellement elle était étonnée. De l'autre côté, Yves se tint debout, inquiétant ses amis, - excepté Gabriel, qui avait également aperçu son actuelle ex-petite amie potentielle. Il comprit déjà son intention, qui était d'aller lui parler. Une fois que Freddy vit la raison de sa crise de jalousie avancer, il grommela des propos inaudibles et abandonna la personne qu'il escortait.
- Où est-ce que tu vas Freddy ? fit-elle en n'ayant pas remarqué celui qui était derrière elle.
- Célia, la retourna ce dernier, sans l'effleurer, tu ne trouves pas que je mérites une explication ? C'est qui ce mec avec qui tu traînes depuis une semaine ?
- C'est maintenant que tu cherches à avoir une explication ? T'étais où hier ? Ah oui, hier tu m'as ridiculisée devant toute la classe ! Écoute pour l'instant, je n'ai pas envie de te parler Yves. Salut !
Elle décida de reproduire son action de la veille : elle le laissa.
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