12. Le garçon désemparé


  Yves souriait en marchant vers le bâtiment des filles. Ça ne faisait que quelques secondes qu'il avait eu Célia au téléphone et son intention était d'aller la retrouver pour qu'ils puissent poursuivre leur conversation de tout à l'heure. Il était clair que le jeune étudiant était terriblement épris de sa dulcinée, et que c'était réciproque. Il était heureux. Célia était son bonheur, la petite lumière pétillante qui illuminait ses jours sombres d'autrefois. Il était fière, et surtout ravi d'être avec elle : la fille qui savait le faire sourire.

Quand il atteignit les dernières distances qui le séparaient de la bâtisse qu'il cherchait, il constata que beaucoup de personnes y étaient éparpillés et sans savoir pourquoi, une crainte soudaine l'envahit. Il courut vers la foule, se fraya un chemin entre ces nombreux inconnus, et une fois qu'il aperçut la cause de toute cette agitation, il manqua de s'étrangler tant il se sentit opprimé : Célia, qu'il avait eu à l'autre bout du fil moins de cinq minutes plus tôt, cette même Célia était transportée par huit filles, les yeux fermés et la jambe gauche ensanglantée.

- Célia ! hurla-t-il en bondissant vers la pauvre inconsciente. Qu'est-ce qui se passe ?
- Reste là Yves ; l'avertit Gloria, qui faisait partie de celles qui portaient assistance à Célia.
- Célia, qu'est-ce qui se passe ?
- Tu risques de nous gêner, on l'emmène au près de l'infirmière !
- Il faut que je sache ce qui lui arrive !

Aucune d'entre elles ne tenta de le raisonner, l'ayant peut-être compris ou ne voulant simplement pas discuter avec lui. Elles le laissèrent les suivre. Yves était inquiet comme jamais personne n'aurait pu imaginer. Durant le chemin, il se remémora toutes les fois où il avait été en compagnie de Célia : leur rencontre, le jour où il était arrivé à l'université, le premier rendez-vous qu'elle lui avait donné, le tête-à-tête proprement dit, le moment où il l'avait raccompagnée chez elle quelques temps après... Tout ce qu'ils avaient vécu, y compris la fois où elle était venue l'encourager pour son premier match jusqu'à leurs retrouvailles deux mois plus tôt, lui revenait pendant que son regard restait rivé sur ce visage dénué de toute expression, à part celle à laquelle personne ne voulait faire allusion : l'absence de vie.

  Il était environ quatorze heures mais Yves n'était pas en cours. Assis à côté de l'infirmerie, il attendait d'avoir des nouvelles. Il n'arrêta pas de trépigner d'impatience dans ce couloir presque vide jusqu'à l'instant où la porte s'ouvrit sur Solange.

- Je peux entrer Solange ? s'enquit-il sans faire attention à l'air accablé de cette dernière.
- Oui oui tu peux entrer, confirma Solange.

Il voulut y aller mais revint de nouveau vers elle.

- Hum..., qu'est-qu'est-ce..., On-on a dit ce qui s'est passé ?
- C'est complètement effroyable ; démarrait-elle, gravement. Cette fille, Lilly, elle l'a poussée dans les escaliers !
- Quoi ! s'exclama-t-il, incrédule.
- Il y avait des gens Yves, ce sont eux qui ont empêché que le pire ne survienne car ils passaient par là juste au moment où Célia dévalait des marches en criant. Ils ont pu la rattraper à temps et Lilly, elle, elle s'est enfuie on ne sait où en les voyant.
- Donc, Célia n'a rien ?
- Elle a juste une foulure au niveau de la cheville et l'infirmière a dit que c'est le choc qui l'a fait perdre connaissance.

La meilleure amie de Célia versa des larmes « J'ai eu peur Yves ! », hoqueta-t-elle. Il la prit dans ses bras, non seulement pour la calmer mais aussi pour obtenir également un peu de soutien grâce à cela. « Merci, le gratifia-t-elle. Sois fort toi aussi ! » Il se séparèrent, elle se dirigeant vers la sortie et lui vers le lieu où il espérait tant avoir accès.

Lorsqu'il poussa la porte, Célia était étendue sur le lit, toujours endormie.

- Oui monsieur ! l'accueillit l'infirmière à son chevet.
- Je..., suis son petit ami.
- Oh d'accord. Voulez-vous vous assoir à côté d'elle ?
- Merci madame.

Il alla silencieusement se mettre sur une chaise placée près du lit. La vue qu'il avait à présent de la personne qu'il était venu voir, au lieu de l'apaiser, le perturbait. Être face à une telle inertie provenant de quelqu'un d'aussi dynamique et d'aussi vivant était fascinant, pour ne pas dire terrifiant. Tout ça, c'était encore à cause de Lilly. Cette fois, il ne parvint pas à trouver les forces de lui pardonner. Tout ce qu'elle avait pu faire par le passé était déjà bien loin d'être banal, par contre attenter à la vie de la personne chère à son cœur surpassait tout pour lui. Son obsession maladive n'était plus tolérable. Lui, qui n'était pas du genre vindicatif, se sentait capable de le devenir envers elle. En termes plus clairs, Yves, le pacifique Yves, détestait Lilly. Quand son téléphone sonna, chassant un moment ces mauvaises pensées, l'infirmière mit son index devant sa bouche et lui fit signe de sortir pour répondre et il s'exécuta.

- Allô ! décrocha-t-il, dans le couloir.
- Yves...

Il n'eut pas besoin de demander qui c'était. Il le savait très bien.

- Comment tu oses m'appeler après ce que tu as fait Lilly ? cracha-t-il.
- Je suis désolée Yves, sanglotait-elle, je ne...
- Je te déteste Lilly, et je n'imaginais pas pouvoir détester quelqu'un à ce point !
- Yves, ne sois pas si dur avec moi, je n'avais pas réalisé ce que je faisais !
- Je ne veux plus t'entendre, ni te voir tu entends ? La meilleure des choses qui pourrait m'arriver serait que tu disparaisses de ma vie et que je ne te revois plus jamais !

Il lui raccrocha au nez. « Et la meilleure des choses qui puisse arriver à Célia serait que tu fasses pareil. » déclara une voix, qui attisa de plus belle sa colère. C'était Gloria.

- J'en ai marre de toi à la fin ! s'écria-t-il, retourné et la main sur le sommet de sa tête. Pourquoi tu ne me laisses pas tranquille, hein ? Qu'est-ce que je t'ai fait ?
- Tu oublies Corinne ?
- Mon Dieu, Corinne est déjà morte ! Arrêtez tous de me gâcher la vie avec ce fichu prénom bon sang !

Gloria leva la main, mais il la bloqua.

- Je ne suis pas d'humeur Gloria ! cria-t-il.
- Tu viens presque d'insulter la mémoire de ma meilleure amie et tu t'attendais à ce que je le permette ? Avoir pourri son existence et être la cause de sa mort ne te suffit pas ?
- Qu'est-ce que tu racontes encore ? Corinne est morte d'une overdose !
- Physiquement peut-être, mais intérieurement, elle était complètement détruite depuis le jour où tu l'avais repoussée après avoir couché avec elle ! s'exclama-t-elle. Tu as réalisé tous tes fantasmes et tu l'as ensuite jetée comme une vieille sandale alors qu'elle, elle était de plus en plus amoureuse de toi ! Dès le soir du bizutage, elle n'a pas arrêté de parler de toi et elle était prête à tout pour toi.

Elle se mit à pleurer. « Elle a cru que tu serais différent des autres mais toi aussi tu ne t'es servi d'elle ! Ça l'avait brisée, tellement brisée qu'elle a cherché l'oublie en exagérant de plus en plus dans l'alcool et la drogue ! Et à cause de toi, ma meilleure amie nous a quitté et ce qui m'a le plus fait mal c'était de te voir t'afficher avec quelqu'un d'autre comme si de rien n'était ! Je ne pouvais pas en vouloir à Célia. C'est une femme, et je sais ce que ça fait d'aimer ; mais à toi je t'en veux, car c'est toi qui a tout provoqué ! La preuve, j'ai toujours connu Célia comme quelqu'un de jovial et de paisible mais depuis qu'elle t'a rencontré elle n'a cessé de souffrir jusqu'à ce que cette fille en soit arrivé à la pousser dans les escaliers. Tu gâches tout ce que tu touches Yves, que ce soit Corinne, Célia, ton colocataire Nathy qui est devenu encore plus la risée de l'université, et même cette pauvre Lilly qui t'aime clairement à la folie ! Si j'étais toi Yves, je ne dirai pas ce que tu viens de dire et j'aurais fait mes bagages depuis déjà une heure. Vas-t-en Yves, ça vaut mieux pour nous tous car c'est toi l'unique responsable de tout ce qui se passe. Vas-t-en ! » Yves parut extrêmement abattu. Gloria avait vidé son sac, totalement désintéressée par le chagrin qu'elle avait créé, et fonça dans la chambre de Célia...

À suivre

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