11. Le court instant de paix
Yves dormait encore au levé du jour, Célia tout contre lui, lorsque Nathy était revenu. Il ouvrit les yeux, comme s'il avait pu pressentir que son camarade de chambre l'observait et c'était le cas. Il en fut gêné.
- Bonjour Nathy ! bafouilla-t-il.
- Bonjour Yves, répondit celui-ci avec un sourire en coin.
Le fait qu'ils parlaient réveilla Célia, qui s'agita dès qu'elle vit le nouveau venu. « Je crois que je suis arrivé au mauvais moment, insinuait-il, il vaut mieux que je fasse un tour le temps que..., enfin, vous avez compris ? » Nathy tourna les talons et tira sa révérence. Le couple se mit à rire, tellement il avait honte.
- Mon Dieu, s'exclama Célia en mettant les mains sur la tête, qui sait ce qu'il a pu s'imaginer en nous trouvant ensemble !
- À mon avis, énonça Yves, il a cru qu'on a fait ce que font tous les amoureux du monde !
- Mais tu oublies que ce n'est pas du tout ce qui s'est passé ; on a juste passé la soirée à échanger de tout petits bisous et à parler, parler, parler, et parler.
- D'ailleurs, on t'a dit que tu savais..., parler comme il faut ?
- T'es bête toi ! gloussa-t-elle.
Il l'imita.
- Bon, souffla-t-elle en se levant, Solange doit se faire du souci à l'heure qu'il est.
- Noon, reste encore un peu !
- Il faut que je parte Yves, je suis déjà très en retard pour la journée d'aujourd'hui !
- On est samedi je te signale !
- Une fille a toujours de nombreuses choses à faire, et puis je sais que j'ai une drôle de tête au réveil.
Ses pieds foulèrent le sol froid et elle se hâta vers la porte.
- Hey Célia ?
- Quoi ?
- Même au réveil, t'es toujours belle !
Elle lui lança un clin d'œil et une dernière bise en coup de vent avant de partir.
À peine Célia était-elle sortie et à peine Yves avait eu le temps de se redresser que Nathy rentra. Comme d'habitude, il se dirigea vers son lit, muet comme une tombe.
- Alors, entama le plus amical des deux, on a encore découché cette nuit ?
- Alors, on a encore reçu une fille dans la chambre ? répliqua froidement l'autre.
- Ah-ah, j'aime quand tu dis quelque chose ; même si c'est pour être méchant !
- C'est ça, oui ! s'exaspéra-t-il. En fait, j'ai appris que ta copine la folle de l'autre fois avait décampé ce matin.
- Lilly ? lui demanda-t-il. Tu en es sûr Nathy ?
- Oui j'en suis sûr. Je ne sais pas si elle est définitivement partie ou si c'est juste pour un temps mais on peut respirer au moins un moment !
- Ce n'est pas possible !
Yves aurait pu sauter au plafond. Il était comblé par cette nouvelle et ce, même si ça ne signifiait pas concrètement que Lilly avait renoncé à lui. Il se jeta en arrière et il émit une énorme expiration, qui indiquait son sentiment de paix et de sérénité.
- En fait tu dors où toutes les fois où tu n'es pas ici ? reprit-il à l'intention de celui qui était avec lui, après un instant. Tu as de la famille ici ?
- Écoute Yves, s'écria Nathy, j'apprécie ce que tu essayes de faire avec moi mais ce n'est pas parce que j'ai décidé d'être un peu sympa que ça veut dire que toi et moi on est amis. Nous appartenons à deux catégories différentes et jamais nous ne pourrons nous entendre ! Contentons-nous de rester courtois l'un envers l'autre.
Yves se tut d'un coup. Cette déclaration l'avait étonné bien plus que tout ce que son colocataire avait pu dire d'autre depuis qu'il le connaissait. « Je suis désolé d'être aussi dur et direct, continuait celui qui avait parlé avec tempérance, mais il était temps de mettre les points sur les i. Pardonne-moi. » Il s'assit sur son couvre-lit et il mit ses écouteurs, laissant la personne qui se trouvait à côté de lui dans un égarement total. II se demandait qu'est-ce qu'il avait fait pour que Nathy ne pût pas l'apprécier sans savoir qu'il n'était pas à blâmer dans cette histoire. Il ne pouvait rien y faire : Nathy était un de ces multiples individus qui pensaient que tout le monde n'était pas censé se connaître, voire communiquer ensemble sur la terre.
« Allô mon défenseur favori des opprimés ! », décrocha Célia deux mois plus tard. Elle sortait de sa chambre, les bras chargés, avec sur le dos un joli débardeur blanc à moitié couvert par une veste en jean, et une jupe d'un vert plutôt foncé sur les genoux.
- Allô, répéta celui qui était en salle de cours à ce moment-là, tu es où ?
- Oh, je te manque déjà ?
- Non, c'est juste qu'on commence dans quelques minutes.
- Je sais, j'avais des trucs à modifier à propos de mon travail et ça m'a un peu retardée.
- Okay.
- Okay ! Et donc, je ne te manque pas du tout ? dénota-t-elle en souriant.
- Tu ne vas pas commencer maintenant ? lui répondit Yves.
- Aaah, dis que je te manque Yves !
- Non !
- Si si ; dis-le ou sinon je recontacte Freddy !
- Tu l'auras voulu !
Elle n'entendait plus rien. « Allô ! Allô ! » Ses lèvres s'étirèrent, uniquement, puis sa marche dans le couloir du bâtiment des filles se poursuivit. « Célia il faut qu'on parle. » l'interpela une fille. Ne sachant pas qui s'était, elle virevolta avec un visage accueillant pour en fin de compte découvrir Lilly. Horripilée, elle fronça les sourcils et se retourna.
- Pourquoi tu m'ignores Célia ? eut-elle le toupet de demander. Je dois te dire quelque chose de très important à propos d'Yves...
- N'ose plus jamais reprononcer le nom de mon petit ami dans ta sale bouche de menteuse ! déclara l'autre en la pointant du doigt. Yves m'a parlé de toi et franchement, je n'aurais pas le courage, pour ne pas dire le culot, de chercher à me parler si j'étais toi !
Célia reprit encore la direction qu'elle prévoyait d'emprunter avant d'être dérangée par cette harceleuse, figée sur place pendant qu'elle gagnait déjà le premier escalier. Soudainement, Lilly afficha une humeur alarmante. Elle la suivit.
- Yves est à moi ! dit-elle en attrapant le bras de celle qui allait descendre les marches.
- Il..., répliqua celle-ci en reprenant le membre retenu, ne t'aime même pas ! Tu ferais mieux d'aller voir un psy ou dans le pire des cas, un exorciste !
La vitesse à laquelle Célia avait pivoté vers l'escalier fut pareille que celle que Lilly avait choisie pour la pousser par le dos dans ces quinze marches d'où on l'aurait entendue hurler, préméditant ce qui lui arriverait dans les quelques prochaines secondes...
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