06. La suite du dimanche après-midi


  Yves retournait dans sa chambre et y retrouvait Nathy, couvert de la tête aux pieds alors qu'il était à peine seize heures. Il referma la porte derrière lui, attirant sans le vouloir l'attention de l'autre. Cependant il lui tourna le dos, comme à l'accoutumé, et Yves alla tout doucement prendre place sur son lit.

- Tu n'écoutes rien aujourd'hui ? lui demanda-t-il.
- Est-ce que ça te regarde ? rétorqua Nathy.

Le jeune homme fut surpris. Le tempérament de son colocataire ne devait plus être un mystère pour lui depuis tout ce temps pourtant.

- Nathy, reprit-il gentiment, je n'ai jamais compris pourquoi tu me traites toujours de cette façon ; et pourquoi tu as réagis comme ça tout à l'heure d'ailleurs ?
- Tu t'attendais à quoi ? Tu pensais que parce que je suis gay je passerais mon temps à tourner autour de toi comme les filles avec lesquelles je te surprends chaque fois ? Et bien désolé mon garçon, mais tout le monde n'est pas intéressé par ta petite personne !

Yves était offensé dans son amour-propre.

- Sérieusement, des fois j'ai envie de...
- M'en coller une ? le compléta-t-il. Tu l'as déjà fait !

Tout ce qu'il voulait c'était essayer d'être sympa avec lui depuis le mois de décembre ; et en retour, il n'avait reçu que froideur et discourtoisie. « Tu sais Nathy, confessait-il d'une voix qui ne dissimulait pas vraiment sa colère, le problème avec toi ce n'est pas le fait que tu sois gay, mais que tu sois antisocial ! Tu dis que nous les autres garçons nous sommes injustes envers les gens comme toi, et j'avoue que c'est parfois le cas pour moi aussi, mais toi non plus tu n'as jamais été juste avec moi. Quand on s'est rencontrés le premier mot que tu m'as dit n'était pas « Bonjour » mais « Quoi », et sur un ton clairement antipathique. Tu n'as cessé d'être grossier et irrespectueux envers moi, en particulier quand tu t'es mis à faire des... Je préfère ne pas prononcer ce mot, avec ce type à qui tu as également suggéré de me passer à tabac ! Quand je pense que je t'ai défendu ! J'aurais dû les laisser t'écraser comme un vulgaire déchet. » Nathy se leva directement et avant qu'Yves ne pût le constater, il lui avait déjà donné une gifle à l'endroit même où Lilly l'avait griffé. Yves ferma les yeux quelques secondes pour se calmer mais lorsqu'il les rouvrit, il vit que Nathy avait la main sur sa bouche, comme s'il regrettait ou qu'il appréhendait les répercussions de cet acte irréfléchi. Sa colère redescendit en voyant cela. Il se disait que le jeune efféminé avait dû ressentir maintes fois cette peur face à toutes les grosses brutes qu'il avait pu croiser sur son chemin.

On frappa à ce moment-là et Yves décida d'aller voir qui c'était. Les yeux écarquillés et la bouche entrouverte, il contemplait la personne au pas de la porte, qui n'était que sa petite amie, comme si jamais plus il n'avait imaginé pouvoir la revoir.

- Bonjour ! le salua-t-elle timidement.
- Bonjour Célia, répondit-il de la même manière.
- On pourrait parler ? proposa-t-elle en indiquant discrètement du regard l'atterré qui se trouvait derrière lui.
- Oh, Oui ! On... On ne faisait rien de toute façon.
- Okay, c'est bien.

Elle se décala légèrement pour lui permettre de sortir de la pièce.

  Les deux jeunes étudiants marchaient côte à côte dans la cour de l'université sans se regarder droit dans les yeux.

- Écoute Yves, démarra Célia, j'aurais dû commencer par là depuis le début et...
- Oui tu aurais dû, l'interrompit-il calmement.
- Pardon ? s'étonna-t-elle en étant la première à fixer l'autre.
- Célia, enchérit-il en la secondant, tu crois sincèrement que je suis capable de te mentir ?
- Non, mais...
- Alors, pourquoi tu ne m'as pas posé une question du style « Est-ce que cette fille a dit la vérité en disant qu'elle était l'amour de ta vie ? » pour que je te réponde que c'est quelqu'un avec qui je suis sortie qui est complètement obsédée par moi et qui est prête à tout pour que je ne sois avec personne d'autre quitte à m'envoyer des obscénités ou à salir ma réputation en racontant que j'ai voulu abuser d'elle ou, comme cette semaine, que je t'ai trompée avec le colocataire qui n'a fait que m'ignorer depuis que je le connais ?
- Mon Dieu Yves, ce n'est pas possible !

Célia était abasourdie.

- Si j'avais su..., balbutiait-elle en remarquant en outre les marques de griffures.
- Exactement ! la coupa-t-il encore sans paraître fâché. Si tu avais su ; mais quel aurait été le meilleur moyen de savoir ? Tout me demander à moi-même au lieu de te contenter de ce que disent les autres !
- J'étais sous le choc Yves, et...
- Je peux comprendre ça Célia, mais pas le fait que tu puisses agir comme si je n'étais rien pour toi pendant cinq jours !

Cette fois, c'était lui qui parlait et c'était elle qui écoutait.

- Tu étais toujours sous le choc ? redit-il. Je ne suis pas n'importe qui pour toi : je suis ton petit ami. J'avais besoin de toi mais tu m'as complètement laissé de côté ! Tu savais que je n'avais appris cette rumeur que quelques instants après que tu m'aies repoussé en menaçant de faire un scandale, ou qu'on m'avait viré de l'équipe à cause de ça ?
- Je suis désolée Yves ! s'excusa-t-elle. Solange avait raison, j'aurais dû parler avec toi. Tu me pardonnes ? Pardonne-moi !
- Je ne pourrais jamais t'en vouloir Célia, reconnut celui-ci. Mais...
- Mais quoi ? s'exclama-t-elle.
- J'ai... J'ai l'impression qu'il faudrait qu'on fasse... Une pause un moment.
- C'est une blague ?
- Ne te méprends pas ; je ne vais pas rompre. J'ai juste l'impression de ne pas avoir la même importance dans ta vie que celle que tu as dans la mienne. Je voudrais qu'on s'éloigne un peu pour te permettre de voir la place que j'occupe dans ton cœur...
- Tu n'es pas sérieux Yves ? Une pause c'est presqu'un prologue avant le premier chapitre du livre Rupture ! Comment peux-tu nous faire ça ?

Des gouttes de larmes ne tardèrent pas à perler de ses yeux.

- Crois-moi, répliqua tristement son interlocuteur, c'est aussi dur pour moi que ça l'est pour toi ; mais tout comme toi tu as pu avoir des doutes, comprends que je puisse en avoir moi aussi.
- Tu n'es qu'un hypocrite ! fit-elle. Je pensais que tu n'étais pas quelqu'un de rancunier, mais on dirait que tu faisais semblant depuis le début n'est-ce pas ?
- Non, ne confonds pas les choses. Je ne t'ai pas dit ça pour me venger mais parce que je ne sais plus si nous sommes toujours sur la même longueur d'onde toi et moi.
- Je n'arrive pas à croire que tu me dises ça ! C'est plutôt toi qui n'as pas confiance en moi à ce que je vois mais en fait, faisons-la ta pause. Profites-en pour aller passer ce temps dans les bras d'une autre. Je m'en fiche complètement !

Célia pris ses jambes à son cou et se dirigea en sanglots vers le chemin qui finirait sans doute par la ramener au bâtiment des filles. « Encore une fois elle pleure à cause de toi ! » lança une voix derrière le jeune homme, qui se retourna et vit la fille qui lui prouvait si souvent sa haine.

- Non mais c'est quoi ton problème à la fin ? s'écria-t-il. Pourquoi tu me détestes à ce point alors que je ne te connais même pas ?
- Le contraire m'aurait surprise.
- Dis-moi finalement ce qui peut te pousser à me mettre tout le temps mal à l'aise !
- Tu ne te souviens vraiment pas de moi ?
- Non ! Je ne sais pas qui t'es. Comment le saurais-je ?
- Et Corinne, ça te dit encore quelque chose ?

D'un coup, le visage de la jeune fille en face de lui revint dans sa mémoire. Il la revit lors de son premier jour d'entraînement, assise à côté de Corinne dans les gradins et quelques temps après, quand elle lui avait donné cette petite tape et qu'elles s'étaient enfuies. Gloria le laissa là, en train de la voir prendre la même direction qu'avait prise Célia quelques secondes plus tôt. Yves était effaré.

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