04. Les conséquences d'une fumée sans feu
Yves doutait de ce que venait de lui annoncer sa camarade car ça n'avait aucun sens pour lui. Il savait qu'il était attiré par les filles, précisément par une qui s'appelait Célia. Pourquoi les gens se mettraient-ils à dire qu'il y avait quelque chose entre Nathy et lui ? Il n'y comprenait rien. Mais une pensée lui vint tout d'un coup.
- Ce ne serait pas toi-même qui aurais lancé cette rumeur par hasard ? l'interrogea-t-il.
- J'aurais bien aimé, mais non ! répondit-elle avant de pouffer quelques secondes avec ses deux amies.
- Mais elle est fausse ! Tout est complètement faux !
- À d'autres Yves, et même si c'était vrai, quand une information comme celle-là est propagée, on ne peut plus l'arrêter. Bon courage !
Elles s'en allèrent, mais Yves n'était plus à l'aise. Il découvrait à présent pourquoi on chuchotait chaque fois qu'on le voyait depuis plusieurs jours, pourquoi on riait, pourquoi Célia avait dit toutes ces phrases encore incompréhensibles pour lui tantôt : l'université tout entière le prenait pour quelqu'un qu'il n'était pas, à savoir l'amant de son colocataire.
À l'heure de la fin des cours, Yves apparut à la droite d'un Nathy qui glissait sa clé dans la serrure. « C'est toi qui a raconté ses mensonges sur toi et moi ? » déclara-t-il sur un ton qui se voulait calme. Nathy fronça les sourcils.
- J'ai besoin d'une réponse Nathy, s'irritait-il. Pas de jeux de regards ! Dis-moi si oui ou non tu as dit à tout le monde que nous nous sommes envoyés en l'air. Vas-y : c'est toi ?
- Quoi ? balbutia-t-il d'une voix qui indiquait presque un début de suffocation. Non...
- Attention les gars, fut-il interrompu par l'un des garçons qui passaient par là, nous allons bientôt assister à une scène de ménage !
Il ne put même pas rire avec les autres car Yves le poussa contre un mur avant d'entrer dans sa chambre, suivi par un Nathy presqu'amusé ; mais après avoir vu son air menaçant, il préféra ressortir sans aucun mobile préalable. Le jeune homme resta donc seul, occupé à penser à Célia, à son indifférence de la journée, hormis les rares fois où elle avait jeté des coups d'œil dans sa direction, et au vide qu'il ressentait sans elle.
Il entendit quelqu'un s'approcher et, heureux à l'idée que ce soit sa petite amie, il se hâta d'ouvrir. Pourtant, sa récente joie avait brusquement disparu puisqu'il s'était fait des illusions. Ce n'était pas Célia ; pire que tout, c'était celle dont il avait chassé le souvenir : c'était Lilly. Les paupières qu'il fermait tristement montraient son mécontentement mais soudain, l'évidence se révélait à lui comme un flash qui aurait éclairé une pièce plongée dans l'obscurité totale : il avait réalisé que c'était elle la source de ces propos qui le discréditaient au près de tout le monde, y compris Célia.
- Alors, fit-il sans tourner autour du pot, tu viens te réjouir du résultat de ce que tu as fait ?
- Je ne vois pas de quoi..., essaya de prétendre Lilly.
- Ne joue pas à ça Lilly ! s'écria-t-il en attrapant violemment ses deux avant-bras. C'est toi qui es allée crier partout que j'étais gay, avoue-le ! C'est exactement de la même manière que tu as gâché ma vie il y a un an ! Tu veux refaire ça ici , hein ? Dis-moi !
- Non Yves ; ce que je veux, c'est que tu m'aimes !
- Tu commences sérieusement à me taper sur les nerfs avec ça. Tu ne peux pas me punir parce que je ne ressens pas la même chose pour toi !
- Si je peux ! Je n'accepterai jamais d'être la seule à t'avoir dans la tête depuis que je t'ai rencontré la veille de mon quinzième anniversaire ! Je ne peux pas me résoudre à penser que tu ne te fais pas également des films sur toi et moi ! C'est impossible que je me détache de l'idée selon laquelle tu rêves aussi de me serrer contre toi, de me sentir contre ta peau, et du jour où tu ne sauras plus le nier !
- Jamais je n'éprouverai ce genre de choses pour toi parce que c'est Célia qui m'inspire ces sentiments dont tu parles, tu m'entends ?
Les yeux de Lilly eurent alors une expression alarmante. Elle se délivra de l'emprise du jeune homme et une fois qu'elle fût libre de ses mouvements, elle leva rapidement sa main droite et griffa la joue gauche de celui-ci. Yves lança un petit cri puis la dévisagea. « Et bien sache que je ne te laisserai jamais être heureux, pas si ce n'est pas avec moi ! jura-t-elle. Temps que je vivrai, je ferai en sorte que tu ne sois avec personne d'autre ! » Elle tourna les talons, observée par le pauvre blessé qui caressait la partie mutilée.
Aujourd'hui, c'était samedi. Yves était assis dans les vestiaires en compagnie de ses équipiers. Ils avaient entraînement. Juste à coté de lui, l'un d'eux constata les trois marques de griffures sur le visage. Il s'étonna : « Ouh la la ! fit-il en rigolant. C'est ton chéri qui t'a fait ça ? Il n'en a pas l'air, mais il est féroce le Nathy ! » Celui à qui il s'adressait ne semblait pas apprécier la plaisanterie. « Hey mec, poursuivit-il en voyant ça, c'était pour rire ! On sait tous que tu es loin d'être homo ; ne te fais pas de bile pour une petite rumeur sans fondement qui est propagée par des idiots qui ne savent rien de toi ; envoie-les tous balader et reste zen mon pote ! » Yves eut l'air moins fâché et se décontracta. Ça lui avait fait du bien qu'on le lui dise. « Et franchement, moi à ta place j'en serai fier puisque t'auras en quelque sorte un succès fou au campus ; t'imagines ? le vrai tombeur de l'université toute catégorie confondue ! » S'il était taciturne tout ce temps, là il ne put se retenir de rire, ce qui fit plaisir à son interlocuteur. Le capitaine, Gabriel, mit à cet instant les pieds dans la pièce. Son air était curieux.
- Ça va Gabriel ? le questionna Yves, vu qu'ils s'entendaient assez bien depuis leur rencontre.
- Pas vraiment, non ; dit-il tristement.
- Qu'est-ce qu'il y a, demanda un autre, tu as des problèmes personnels ou quoi ?
- Ça n'a rien de personnel ; ça concerne l'équipe et précisément, l'un de nos joueurs.
Son regard se dirigea de nouveau vers Yves.
- Toi, Yves.
- Moi, reprit celui que Gabriel venait de citer, qu'est-ce qui se passe ?
- J'aurais vraiment aimé ne pas être celui qui te le dirait car je t'ai toujours apprécié, mais en tant que capitaine je n'ai pas le choix.
Il inspira, trois secondes, avant de passer son annonce : « Le coach m'a appelé sur le terrain, il y a une heure. Je n'avais aucune idée de ce qu'il avait à me dire mais j'y suis allé. J'ai alors appris de lui-même qu'il avait eu vent des rumeurs qui courent à ton sujet depuis quelques jours.» Tous s'étonnèrent.
- Et qu'est-ce qu'il a dit, après ? s'inquiéta le jeune homme.
- Yves, commençait difficilement Gabriel, il m'a chargé de t'informer que... Tu ne fais plus partie de l'équipe de basket-ball de l'université.
À ce moment-là les stupéfactions furent grandes, et surtout générales.
- C'est vrai ? s'exclama-t-il.
- Oui ; il a dit qu'un joueur homosexuel porterait atteinte à notre image à tous.
- Mais c'est ridicule puisqu'Yves n'est même pas homo ! protesta l'un d'eux.
- Il se fiche de tout ça ; lui tout ce qu'il veut, c'est qu'Yves parte.
Yves demeura silencieux, mais ça ne voulait pas dire qu'il trouvait que c'était juste. Il aurait pu se défendre, courir voir le coach pour le supplier ou même essayer de le convaincre de revenir sur sa décision, mais il ne voulait pas se rendre plus ridicule qu'il ne l'était face à tous ses coéquipiers. Il ne supportait plus de rester une seconde de plus à visualier toute la pitié qui ressortait de leur regard. Il prit son sac, encore dans la tenue qu'il mettait pour les entraînements, se tint debout, et alla vers la sortie. Nul ne désirait son départ, et spécialement pas Gabriel, qui paraissait regretter plus que les autres. « Au revoir les bros ! les salua Yves. Je quitte l'équipe, mais je n'arrêterai pas de vous soutenir pour autant.» Il ouvrit la porte et la referma derrière lui une fois dans le couloir.
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