7. L'eau qui dormait
Yves fixait toujours le jeune homme en face de lui, au beau milieu de la cours de l'université, sans savoir pourquoi il semblait vouloir le provoquer. « Tu as des vues sur quelqu'un on dirait ? le taquina-t-il. Comme c'est pitoyable ! J'espère au moins que tu restes dans ta catégorie, petit joueur ! » Il ne comprenait pas qu'un garçon qu'il n'avait jamais vraiment côtoyé se soit mis à lui parler de cette manière. Pour lui, c'était insensé.
- Hey, Steve ! s'écria l'un de ses amis.
- Donc, fit Yves, tu t'appelles bien Steve ?
- Oui ; répondit celui-ci, curieux. Pourquoi ?
- Pour rien ; je te prierai juste d'éviter de me rendre fou en revenant remettre du désordre sur mon lit.
- N'ose surtout pas en parler à qui que ce soit, le menaça-t-il.
- Et pourquoi je me gênerais d'après toi ?
- Tu ne voudrais pas recevoir la même équipe que celle qui t'a accueilli qu'hier soir ?
Yves sentait la colère monter en lui. Le fameux Steve rejoignit ses amis pendant que lui repensait à tout, en commençant par l'humiliation qu'il avait subie par sa faute le soir du bizutage. Ils étaient peut-être trois à ce moment-là, mais c'était lui qui l'énervait le plus étant donné qu'il s'agissait de son idée à lui, qu'il avait volontairement saccagé son lit, avec si on pouvait le dire la complicité de Nathy, et qu'il avait orchestré par-dessus le marché son passage à tabac de la veille. Ce Steve, il jura de lui rendre la monnaie de sa pièce un de ces quatre. « Salut ! » dit Corinne en arrivant derrière lui. Dès qu'il la vit, dans sa robe légère noire parsemée de toutes petites taches blanches, son visage s'illumina.
- On est content de me voir on dirait ? ajouta-t-elle en souriant.
- C'est que..., fit Yves, légèrement nerveux. C'est que... J'ai beaucoup pensé à toi et... J'ai voulu un peu mieux te connaitre ! Tu vois ? Je...
Corinne changea d'humeur en voyant l'état dans lequel le jeune homme se mettait. Le sourire disparut et elle se retourna pour s'en aller.
- Attend, tu t'en vas ? s'étonna Yves, ce qui attira l'attention de Steve, avec ses amis.
- Oui je m'en vais, déclara-t-elle en pivotant à nouveau vers lui. Gloria avait raison : tu es comme les autres en fait.
- Je ne comprends pas !
- Oh mon pauvre petit naïf ! Il faut que tu saches une chose Yves : je fais partie de cette catégorie de filles qui s'emballent trop vite et qui, malheureusement, se lassent aussi de la même façon. Je ne pense qu'à m'amuser et dès que je sens que vous devenez un peu trop sérieux, je vous jette. J'ai cru que ça serait différent avec toi : tu avais l'air raisonnable et ça me bottait peut-être inconsciemment d'être ignorée pour une fois ; mais en fin de compte, vous êtes tous les mêmes comme le chantait Stromae !
- Mais, Corinne...
- Et oui : c'est moi Corinne !
Yves était littéralement bouleversé par ses propos. Au même moment, Steve arriva juste à l'emplacement exacte où ils se tenaient encore.
- Eh la blanche ! dit-il à l'intention de la jeune métisse.
- Salut Steve, fit-elle avec un très grand sourire, quoi de neuf ?
- La routine ! En fait, c'est toi que cet idiot a passé son temps à chercher partout ?
- Il semblerait ; répondit-elle, ce qui énervait encore plus le concerné.
- Ouuuh, je crois que quelqu'un a un petit faible pour mademoiselle !
Ils commençaient tous à rire quand Yves, après avoir déboutonné son gilet, mit sans prévenir une gifle à Steve, à sa gauche. Ce dernier tomba sur ce sol poussiéreux et dut subir le reste de la bonne correction qu'on lui infligea peu après que sa joue eût été attaquée. Il était incapable de se défendre seul. Une foule les entouraient déjà. Ses amis essayèrent de retenir son bourreau, mais c'était difficile car celui-ci s'allongea sur lui et continua de le frapper encore et encore. Il déchargeait sur lui toute la rage qu'il éprouvait. Il le cognait si brutalement que plus personne ne chercha à s'interposer. Steve voulut répliquer, mais le jeune homme était beaucoup plus fort que lui.
- Yves ! dit Corinne en tentant en vain de le retenir. Yves, arrête !
- Lâche-moi ! fit ce dernier en relâchant par la même occasion sa victime, qui saignait du nez et qui tremblait de peur, avant de s'en aller.
C'est encore dans tous ses états qu'Yves prit le chemin vers sa chambre. Les deux premiers boutons de sa chemise étaient absents et son gilet complètement déboutonné. Son parcours s'effectuait sans aucun bruit jusqu'à ce que la sonnerie de son téléphone l'arrêta. Il l'enleva de sa poche et découvrit que c'était Célia, encore une fois. Il ne voulut pas répondre et monta l'escalier quand il sonna une deuxième, puis une troisième fois. Il décida finalement de le décrocher.
- Bon dimanche Célia, la salua-t-il en arrangeant sa voix.
- Salut Yves, dit-t-elle à l'autre bout du fil, je t'appelle en fait parce que mon amie Solange m'a raconté une drôle d'histoire comme quoi tu te serais battu il y'a environ trois heures ?
Il passa sa main dans ses cheveux, exacerbé.
- Pourrais-je savoir pourquoi ? poursuivit-elle en devinant par son silence que c'était vrai.
- Oh..., débutait-il en se frottant tantôt la tête, tantôt le visage. C'est juste à cause d'un crétin qui n'a pas cessé de me faire des sales coups... Steve....
- Steve ? s'exclama la jeune fille.
- Oui. J'ai... J'ai simplement voulu lui faire comprendre que je n'étais du genre à me laisser faire, tu vois... Écoute, je ne suis pas de très bonne humeur là ; on pourrait en discuter... Je ne sais pas ! Demain ?
- En fait Yves, ça serait mieux si on ne se voyait plus durant un moment.
- Ah bon, s'étonna-t-il. Pourquoi ?
- Je... Je trouve que c'était une mauvaise idée de te déranger ces temps-ci. On restera bons amis au moins ?
- Mais...
Elle raccrocha. « Célia ! » dit-il avant de s'en apercevoir. En plus d'être furieux, il était à présent perturbé. Il n'arrivait pas à expliquer cette réaction et d'ailleurs, il ne la comprenait pas, tout comme son ambition soudaine de ne pas vouloir la voir s'éloigner de lui. Il recommençait sa marche lorsque quelqu'un se mit à crier son nom : « Yves ! Yves ! » Il n'avait pas besoin de regarder qui c'était car il le savait : Corinne. Encore et toujours Corinne. Il monta les escaliers, en espérant qu'elle renoncerait et qu'elle irait à ses affaires habituelles, mais elle le suivait toujours. Il se retrouva dans le couloir qui menait à sa chambre et était même prêt à y entrer quand il reçut une bouteille d'eau sur la tête, de la part de celle qui l'appelait à l'instant. Il se retourna et le temps que celle-ci puisse redescendre les marches, il courut vers elle, s'empara de son bras, et l'adossa contre un mur. Elle ne bougea plus. Il ne bougea plus. Ils étaient tous les deux entrain de respirer pour une raison qui leur était propre : elle parce qu'elle avait peur, lui à cause de l'adrénaline qu'il ressentait. Brusquement, au lieu de se disputer avec elle, Yves l'embrassa. Il lui donna un baiser amplifié par tant de passion que la jeune fille finit par ne plus du tout le reconnaître. Pourtant, elle ne joua en aucune façon les effarouchées. Elle le pressa plutôt contre elle, débridée, avant de le faire reculer jusqu'à sa chambre. Lorsqu'il l'arrêta, elle comprit instinctivement. Elle l'y conduisit, le cogna contre la porte, et ouvrit cette dernière d'un geste habile de la main. Ils étaient seuls. Elle le poussa sans attendre sur le lit de Nathy, ce qui le fit un peu sourire car il se souvint de son rêve.
- Je ne me suis pas trompée de lit j'espère ? souffla-t-elle, intriguée.
- Et alors ! répondit Yves, à la fois égoïste et rancunier. Ça n'a aucune importance.
Corinne referma derrière elle et grimpa aussitôt sur lui.
- J'espère qu'après je ne serai pas poursuivie en justice pour détournement de mineur ?
- Qui a dit que j'étais mineur ? la questionna-t-il.
- Ah-ah-ah ! ricana-t-elle.
- Qu'est-ce qu'il y'a ?
- Je pensais que tu étais plus jeune que moi d'au moins deux ans alors qu'en fin de compte, on a le même âge ?
- Évidemment Corinne.
En le confirmant, il lui caressa les cheveux. Elle ouvrit les boutons de sa chemise et comme dans le rêve, Corinne apprécia ce qu'elle avait sous les yeux. Le rêve d'Yves devenait en quelque sorte réalité.
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