5. Le rendez-vous improvisé
Yves était séparé de Célia par le siège où se trouvaient les sacs de nourritures ; mais malgré cela, chacun des deux avait trouvé une position qui leur permettait de se faire face sans aucune difficulté.
- Tu n'as aucun problème avec les sandwichs j'espère ?
- Non non, nous nous entendons assez bien eux et moi, dit Yves.
- Heureusement que ça se passe bien entre vous ! Sers-toi alors.
- Merci.
Il prit l'un des sacs en papier soigneusement, non sans avoir souri suite à la façon avec laquelle Célia n'avait pas tardé à rentrer dans son jeu.
- Tu es tout le temps aussi calme ? s'enquit une fois de plus la jeune fille en le fixant.
- Tu me trouves calme ? lui rendit le jeune homme.
- Oui. Tu as l'air tout doux et tout timide !
Yves sourit encore, se souvenant du coup de poing qu'il venait de donner à son colocataire. « Si seulement tu savais ! », pensa-t-il.
« Excuse-moi de te le demander, reprit-elle, mais tu as déjà eu une petite amie ? » Yves avala de travers et se mit à tousser.
- Oh non ! s'inquiéta Célia. Je n'ai même pas penser à payer des boissons !
- Non, ça va ; la rassura-t-il en essayant se remettre. Tu n'y vas pas par quatre chemins !
Célia fut confuse. « Pardonne-moi d'être aussi indiscrète ! » Elle se mordit la lèvre inférieure en se grattant le crâne juste après.
- Pour répondre à ta question, badina Yves, oui j'en ai déjà eu une ; trois en fait.
- Je ne m'attendais pas à autant que ça venant de toi ! s'étonna légèrement Célia.
- Parce que toi tu as eu combien de copains ?
- Rien que deux.
Cette fois, c'était lui qui s'étonna puisqu'elle donnait l'impression d'enchaîner les béguins et les petits amis.
- Ne soit pas si surpris ! lui interdit-elle, amusée par la tête qu'il faisait.
- Pardon, mais on ne le croirait pas en te voyant ; dit Yves.
- C'est avec le premier que j'ai fait beaucoup plus de temps, Steve. On s'est connus et on a commencé à sortir ensemble quand j'avais quatorze ans.
- Quatorze ans ? s'exclama-t-il. Là au moins ça ne me surprend pas !
- Ah bon ? Pourtant j'étais encore très gamine à l'époque !
- Et tu crois que maintenant ce n'est plus le cas ?
Célia se mit à rire, tout comme le plaisantin avec lequel elle était.
- Et lui il avait quel âge ? redemanda le jeune homme, une fois calmé.
- Dix-sept, répondit-elle avec une certaine gêne.
- Oh !
- Ouais ! C'est l'une des choses dont je suis loin d'être fière car, comme tu l'as sans doute deviné, il était bien trop vieux pour la petite fille que j'étais.
Il ne voulut pas faire celui qui la jugeait.
- C'était une relation assez malsaine quand j'y repense ; se mettait-elle à expliquer, la tête dans les airs. Il avait une jalousie presque maladive, on ne se voyait que quand lui avait besoin de moi, mais lui n'était jamais là pour moi. Tu vois un peu ce... Ce cliché-là ?
- Je vois, fit le jeune homme. Devant ses amis, il faisait le macho, mais dès que vous étiez seuls, il te suppliait presque ?
- À chaque fois, je lui trouvais toujours des excuses et je faisais comme si de rien n'était ; mais deux ans après, j'ai décidé que trop c'était trop : je l'ai plaqué et j'ai fait tout pour qu'il ne me tourne plus autour car il était, et il l'est peut-être encore, du genre à ne pas vouloir lâcher l'affaire.
Yves l'écoutait attentivement. « Ça était dur au départ de vivre sans lui car malgré tout je l'aimais, d'une façon que je ne saurais jamais expliquer ; mais j'ai fini par le faire. La preuve qu'on peut survivre à n'importe quoi. » Célia était devenue sérieuse, chose presque rare, et ceci marqua beaucoup son interlocuteur. Elle changea de tête.
- Je suis une vraie piplette mon Dieu ! se moqua-t-elle en ramenant ses yeux vers lui. Toi, parle-moi de toi.
- Que je te dise quoi ?
- Qui tu es, d'où tu viens, pourquoi ça n'a pas marché avec les autres ?
- Euh, et bien... Disons que,... Je ne suis jamais vraiment... Tombé amoureux.
- Ah bon ?
- Je te le confirme.
- Et bien, dit-elle en ne le quittant pas une seule tierce du regard, quand ça arrivera, j'espère que je serai là pour le voir.
Yves aussi dirigea ses yeux sur elle. Ils se sourièrent, n'ayant toujours pas jusque-là fini leurs sandwichs respectifs.
C'était le soir. Dans un quartier presque désert, Yves et Célia marchaient ensemble.
- Si seulement j'avais aussi une chambre à l'université, commençait la jeune fille, tu ne serais pas obligé de me raccompagner jusqu'à chez moi.
- C'est ça être un homme ! déclara Yves, ce qui la fit sourire.
- Ça ne te rend pas triste d'être aussi loin de chez toi, sans aucune famille ?
- Si, mais il n'y a qu'ici que je pourrais convenablement étudier le droit.
- Comme tu es courageux Yves ; moi, je ne pourrais pas vivre dans une autre ville que mes parents, mon frère et ma sœur !
Ils arrivèrent devant une clôture où Célia s'arrêta. Le jeune homme fit donc de même.
- C'est ici ? lui demanda-t-il.
- Oui, répondit-elle. Je suis arrivée !
Elle le regarda, comme si elle attendait quelque chose, mais lui ne savait que faire à part la regarder à son tour.
- Bon, lança-t-il finalement, à lundi !
- Oh ! fit-elle avec un soupçon de déception. D'accord. À lundi alors !
Il s'approcha d'elle et l'embrassa amicalement sur la joue. Sans qu'aucun des deux n'eût su pourquoi, ce geste leur parut bizarre tout d'un coup. Célia, sans dire un mot, se dirigea vers chez elle, ayant toujours les yeux posés sur lui. Yves, lui aussi, l'observa jusqu'à ce qu'elle entra et referma la barrière derrière elle.
En chemin de retour, il repensa encore à la manière dont il venait de se séparer de la jeune fille. « Peut-être que j'aurais dû faire autre choses que lui dire À lundi, se dit-il. Je ne suis vraiment, mais alors vraiment qu'un idiot ! Ça se voyait qu'elle attendait mieux que ça ! »
Il pénétrait dans l'enceinte de son université quand quatre garçons, qu'ils ne connaissaient pas, vinrent à sa rencontre.
- C'est toi Yves ? le questionna l'un d'entre eux.
- Oui, c'est moi ; affirma-t-il, intrigué. Pourquoi ?
- C'est de la part de Steve.
Ils l'encerclèrent soudainement et se mirent à le frapper à coup de poing. Yves fut si déstabilisé qu'il ne réalisait même pas qu'il se retrouva très vite allongé par terre. Ils commencèrent alors à lui donner des coups de pieds. Le jeune étudiant ne sut pas comment les arrêter et voulut jeter l'éponge ; mais heureusement pour lui, quelqu'un arriva. Le groupe, juste après l'avoir constaté, s'en était allé en courant. Yves se racla la gorge. « Oh mon Dieu ! Ça va ? » il reconnut cette voix : c'était Corinne.
- Tu n'as rien ? demanda-t-elle encore en se penchant pour l'aider à se relever.
- Ça va Corinne ; dit le pauvre garçon, la voix un peu enrouée. Tu es venue juste à temps !
Il se tint debout grâce à elle.
- Pourquoi te frappait-il ? le questionna-t-elle avec inquiétude.
- Je n'en sais rien ; répondit-il, essoufflé. Je me dirigeais vers le bâtiment des garçons et là, ils sont venus me demander mon nom et ils m'ont tabassé !
- Il faut que je te raccompagne.
- Non merci Corinne ; ça ira.
- S'il te plait, supplia-t-elle. En plus, je ne sais même pas comment tu t'appelles alors que toi tu sembles connaître mon nom !
- C'est Yves mon nom, dit le jeune homme.
- Okay Yves. Je t'aide.
- D'accord. Tu me raccompagnes jusqu'à l'entrée du bâtiment des garçons et puis tu t'en vas ; il ne faudrait pas que tu traines dehors à des heures comme celle-ci.
- J'ai l'habitude Yves ! Ne t'inquiète pas pour moi.
Pour une fois, Yves n'avait pas le choix : il était obligé de rester aussi près de cette fille qui l'attirait et qu'il redoutait en même temps.
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