Un mal de chien.
Quelque chose le touche, et ça brûle. Ça fait mal. Un mal de chien. La douleur s'impose. La drogue impose à son esprit de ne songer qu'à une seule chose à la fois. Une fois la concentration posée sur la douleur, il ne voit plus que ça. Il hoquette de douleur. Il cherche le soleil au milieu de la nuit. Sa tête continue à tourner. La réalité lui échappe. Il tend ses doigts cherchant à l'attraper. Il ouvre la bouche. Le soleil. Il cherche la lune. Il voudrait la contempler. S'entendre hurler à la mort. N'est-il pas loup ?
Il se met à rire finalement parce qu'il n'y a plus rien à faire. La réalité disparaît. Un visage apparaît. Elle est blonde, elle est le soleil au milieu de la nuit, elle sourit, non elle pleure, elle est triste, inquiète aussi, elle a l'air en colère, elle cri, elle pleure, elle hurle tout ça en même temps. Il a envie de pleurer lui aussi maintenant. Comme des châteaux de cartes. Il la sent s'échapper. Elle lui échappe. La réalité est partie. Quelque part au loin, il s'écoute pleurer. C'est bizarre de voir les larmes couler sur ses joues humides. Elle l'interroge. Elle ne voulait pas y croire. Il ne peut plus. Pourquoi est-elle là ? Pourquoi pleure-t-elle en silence ? Pourquoi cette arme ? Non il n'ira pas à la chasse. À quoi bon ? On n'a pas besoin d'un monstre chassant d'autres monstres.
Il voudrait juste qu'on le laisse s'endormir dans le silence. Il voudrait juste se laisser mourir, s'étendre sur l'asphalte. Pourquoi ne le laisse-t-elle pas tranquille ? Pourquoi venir ici ? Il ferme ses paupières souhaitant que tout s'arrête. Il voudrait retourner là-haut, dans ce monde merveilleux. Il déglutit alors que les larmes s'accumulent sous ses paupières. Réaction purement physique, totalement ridicule. Lui pleurer ? Ridicule voyons. Il est stone de toute manière. Mais plus assez. Avec ses conneries il ne ressent plus rien. La bouche close, les lèvres collées les unes aux autres, l'œil roulant dans son orbite, il est ailleurs, mais dans un ailleurs fracassé. Il n'a plus envie de se battre, il n'a plus envie de se battre, comme tous ces automates qui bâtissent des empires que l'on peut détruire comme des châteaux de cartes. Il se relève, pas vraiment droit, penché, ne parvenant à faire la balance, à faire la bulle, alors il roule à moitié sur lui-même. Il ouvre ses lèvres. Aucun son n'en sort. Alors ses mains cherchent à tâtons son aiguille et ses outils. Il empoigne l'élastique et la cuillère pas bien sûr de ce qu'il est en train de prendre.
Il lui faut une nouvelle dose. Pour affronter ça, il lui faudra une nouvelle dose, plus forte que la première. Il veut retourner là-haut. Il veut sentir à nouveau ses caresses et non ses pleurs. Ses yeux sont rouges remarque-t-il alors qu'il tâtonne pour s'emparer du petit sachet en plastique renfermant la divine dose.
Ses doigts agrippent la cuillère tordue, lui arrache le bout d'élastique des doigts. Il ne comprend pas. Vers elle, il tourne de grands yeux, remplis de larme, et d'incompréhension. Son cœur bat plus fort. Le trip s'éloigne, la nausée s'avance. Il sent un goût de merde envahir sa bouche alors que l'objet de convoitise s'éloigne de lui. Elle n'a pas le droit de lui enlever ça, elle n'a pas le droit, pas ça, pas maintenant. Il ne comprend pas. Pourquoi le soleil a-t-il éclipsé la lune ? Pourquoi sa tête est lourde comme ça ? Pourquoi son cœur s'alourdit lui aussi, alors qu'il bat plus fort soudainement ? C'est un vrai capharnaüm ici ! On ne s'entend même plus penser. Il serre les lèvres, clôt ses paupières à moitié, et secoue la tête, l'air boudeur. Qu'y a-t-il donc à expliquer ? Quelle emmerdeuse celle-là ! Il ne fera rien sans sa dose. C'est décidé.
De toute façon, ce soir, il était bien parti pour toucher le soleil, enlacer la lune, et rentrer en lui-même, s'arracher à main nue la bête du cœur, la jeter au feu et la regarder se débattre dans les flammes. Dans la réalité, ça n'arrivera jamais. Y'a que ces troufions du gouvernement pour croire qu'une jolie petite piqûre va suffire à anéantir le mal que des générations entières de chasseurs ont voué et sacrifié leur existence à combattre sans obtenir le moindre résultat.
Comme ils doivent avoir honte ses ancêtres, comme ils doivent se tourner et se retourner dans leur tombe, comme ils doivent avoir envie d'arracher le lien les unissant à ce monstre junkie, cette serpillière, cette sous merde infecte empestant à dix kilomètres à la ronde. Il se déteste, et la haït. Que vient-elle foutre ici ? L'empêcher de se tuer à petit feu, elle peut bien essayer !
Il grogne, il voudrait la mordre, il voudrait la voir morte, sentir la chair se pétrir sous ses crocs, le sang s'écouler de sa gorge, il voudrait la tuer. Il lui gronde dessus dans le langage du loup, dans la langue universelle des junkies quand elle s'empare de ses mains.
« Rends-moi ça ! Rend-moi ma drogue ! dit-il dans ce grondement sourd qui émane de sa gorge serrée alors que ses yeux noirs semblent vouloir la transpercer de part en part.
Elle semble ignorer l'avertissement rageux, les drogués ont toujours les mêmes réactions prévisibles. Dès qu'on leur enlève leur drogue, c'est comme enlever un jouet à un enfant, sa bouteille à un alcoolique, sa chèvre à un loup affamé. Elle le tire, le pousse, l'étend correctement, d'un geste maternel lui ressemblant si peu, sa tendresse dans ses gestes, le regard qu'elle pose sur lui, il y a quelque chose de faux, elle n'est pas aussi gentille, il sent la colère en elle, et se demande pourquoi elle cherche à la masquer, à la déguiser. Il gronde encore. Il voudrait qu'elle parte. Il se moque de pourquoi elle est là, il veut planer encore.
Pourquoi ne s'allonge-t-elle pas elle aussi ? Il pourrait lui préparer une dose, lui serrer l'élastique autour du bras, il sait y faire maintenant, il s'y connaît mieux qu'elle désormais. Il reconnaît le goût et les effets de n'importe quelle drogue, même les pires, celles qu'on touche qu'en dernier recours, quand on est désespérés, le crack et ces conneries de clochard. Même l'héro, plus personne n'y touche, on sait très bien ce que ça fait. Il n'y a que les ratés pour chercher autant à se détruire. Ils préfèrent tous la blanche maintenant. Si classieuse, si généreuse.
Elle lui parle lentement, comme s'il était un abrutit de première, incapable de la reconnaître, incapable de se conduire comme un adulte. Il plissa les sourcils, ne comprenant pas pourquoi elle restait bêtement là, à le contempler, attendant de lui quelque chose qu'il ne comprenait pas, qu'il ignorait. Quel rôle était-il supposé jouer dans cette mascarade. Tout ceci le rendait malade. Il voulait juste crever, mais personne ne le laissait jamais tranquille. Chienne de vie. Monde de merde. .
Il haussa les épaules en la regardant avec une expression qui laissait entrevoir un mélange de hargne, de rage, de dégoût de lui-même, et un blasement assez massif.
– Qu'est-ce que tu crois que je fous, hein ? Et toi, qu'est que tu branles ici ?
Il était hargneux, vulgaire, et plutôt direct. Wolfgang était un connard. Il pouvait se montrer charmant quand il le voulait, mais ça ne durait jamais bien longtemps.
Elle supportait ses sautes d'humeur, ses grognements, ses râleries, son attitude de connard finit, et visiblement elle appréciait suffisamment ça pour revenir même une fois débarrasser de lui.
— Pourquoi t'es là, tu m'avais plus dans tes pattes. C'est stupide. Pourquoi tu m'as suivie ? »
Brusquement il comprend. D'un geste vif, il se jette sur le côté, son bras passe en dessous du lit, cherche à tâtons entre la seconde latte et le matelas, et extirpe avec plus ou moins de succès, car la drogue a sacrément émoussé ses réflexes, un fusil à pompe, qu'il fait tourné avec un succès tout à fait relatif, avant de le braquer sur elle. Son regard de défoncé ne laisse aucun doute sur l'état de ses réflexes ou même sur la clarté de son esprit à cet instant. Il est défoncé jusqu'au trognon.
– C'est eux qui t'envoient, hein ? Tu serais pas assez bête pour te refourrer dans une galère pareille toute seule comme une grande. T'étais enfin débarrassée de moi, mais ils t'ont demandé de venir me chercher, pas vrai ? »
Eux, c'était la guilde. Une belle bande d'enfoirés.
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