Fuck les happy end.
Soudainement, une pointe de paranoïa le saisit, sentiment tout à fait honorable pour un chasseur, en réalité c'est même un excellent moyen de survivre, ainsi que lui avait enseigné son oncle, ne jamais faire confiance à personne était la seule façon de s'en tirer dans la vie, mais ce même sentiment était aussi un effet secondaire de la drogue.
Cette dernière influençait grandement le loup ainsi que le chasseur, et sauta sur l'occasion. Insinuant l'idée jusqu'au plus profond de son être.
Alors qu'il la regardait droit dans les yeux, un silence épais et néfaste avait envahi la petite chambre aux couleurs clairs, il crut entendre les pensées de la belle.
« Arrête de faire ton imbécile, tu sais toi comme moi pourquoi je suis là, et ce que je dois faire. OK. Tu n'aurais pas dû te barrer sans rien me dire, et j'ai de quoi être en rogne, mais franchement, c'est le cadet de tes soucis. Parce qu'eux aussi n'ont pas apprécié que tu partes sans rien dire, et surtout que tu leur masques ton petit incident. Tu croyais vraiment qu'ils allaient abandonner un des leurs ? Ils veulent te voir, et tu arrangerais tout le monde en étant un bon petit toutou et en acceptant de me suivre.
Il croyait, à tort, être soudainement doté d'un don de télépathie. Il croyait lire en elle comme dans un livre ouvert, et pouvoir voir clairement dans ses pensées, même les plus troubles.
– Ils te veulent, Wolfgang.
La paranoïa fit un tilt dans sa cervelle putride. Et soudainement, il se jeta par dessus le lit, roula, atteignit la trappe au niveau du plancher, cette latte qui bougeait, la leva, et en extirpa son fusil à pompe. Même stone, avec une telle arme entre les mains, impossible de manquer sa cible.
– Tut tut tut. Tu croyais vraiment m'avoir aussi facilement ? Bon sang, t'es tellement défoncé que tu ne verrais même pas un troupeau d'éléphant passer sous ton nez.
Il loucha presque sur l'arme qu'elle avait sortie. Plus petite, mais elle n'était pas défoncée, et elle savait viser.
N'empêche qu'il avait le plus gros calibre et qu'il était raide. Autrement dit, il était plus dangereux qu'elle. Quelque part dans sa cervelle atrophiée il en avait quelque peu conscience. C'est pour cela ou peut-être parce qu'il était dingue ou qu'il se savait foutu qu'il lui parla ainsi, les évoquant eux sans la moindre pudeur ni prudence, sans prendre de pincette, il savait qu'ils l'avaient envoyé. Sinon comment aurait-elle su ? Et puis surtout, pourquoi serait-elle venue ?
Cette histoire de soleil et de bronzette était une trop grosse couleuvre. Il ne croyait pas en ses salades. Il fronça les sourcils. Elle rangea son flingue et sa claymore disparue. C'était des bobards. Personne n'avait envie de sa compagnie, personne ne pouvait désirer rester auprès de lui. C'est faux.
La guilde savait où il était, et elle lui avait envoyé l'un de ses soldats, elle aurait pu envoyer n'importe quel troufion, mais ils avaient envoyé la seule qui portait le nom d'amie. C'était lui qui leur avait présenté la jeune femme. Quel con ! Il aurait dû y penser, qu'ils n'hésiteraient pas une seule seconde à l'utiliser contre lui. De toute façon, ils savaient où il était. C'était foutu.
Néanmoins, il suivit son mouvement avec son arme, ne la lâchant ni du regard ni du canon de son flingue qu'elle observait avec une certaine tension. Il fronça les sourcils. Quelle était l'entourloupe ? Où était le piège ? Il y en avait forcément un.
Ne baissant nullement son fusil à pompe, défoncé ou pas, Wolfgang restait un Ludwidzak, un chasseur excessivement habile, mais aussi très méfiant au demeurant, un vaillant soldat qui ne répondait qu'à la cause des siens. La guilde passait après la famille. Sauf que sa famille n'existait plus. Maman était partie, trop malade, trop faible pour subsister. Tonton était devenu bizarre, au fond, il était détruit par la perte de maman. Wolfgang ne le supportait plus, alors il se barra, et ne chercha jamais à le revoir. Il se drogua, but beaucoup, mais jamais n'oublia ni qui il était, ni ce qu'il faisait. Jusqu'à ce qu'ils le retrouvent.
Maman et tonton n'avaient plus de lien avec la guilde, mais elle n'aimait pas ça. Personne ne lui échappe. Règle numéro un. Il savait donc parfaitement de quoi il en retournait. Qu'elle en soit consciente ou pas, elle était devenue un pion entre leurs mains.
« Je suis désolé, commença-t-il avec une voix qui n'était ni suppliante ni plaintive, il énonçait un fait.
Son arme toujours pointée sur elle, même si elle l'avait touché, et qu'il s'était raidi, il continuait cependant à la viser, il posa même sa main gauche sur l'arme pour mieux la tenir.
– C'est de ma faute s'ils ont ce pouvoir sur toi, continua-t-il, toujours dans son délire paranoïaque, même si, en état normal, il aurait sans doute versé dans le même trip de méfiance.
– Ils vont t'utiliser contre moi, pour m'avoir. Mais ça sera pas juste pour poser des questions. Je te parie qu'ils savent déjà pour l'attaque, qu'ils savent que je suis foutu. Toi aussi, tu le sais. Je parie qu'ils t'ont tout raconté. »
Il eut un sourire amer avant de ricaner, avec un air de fou furieux, il est vrai.
Il ne lâche pas son flingue. Peu importe que ce soit sa blonde qui soit devant le viseur, il ne lâche pas. Cette petite conne l'a écouté aveuglément quand il lui a vendu la guilde, il était tout aussi con quand il lui a offert ça comme si c'était LE truc. Un beau bordel. Voilà dans quoi il s'est fourré. Il ne lâche pas son arme parce que c'est tout ce qu'il lui reste, et un semblant de raison dilué dans une bonne dose de H, irradiée par une paranoïa aiguë et pourtant, à bien y regarder, rien d'anormal si on examine la situation de plus prête. Certes, il ne la menacerait pas de son flingue même persuadé qu'elle va le livrer à des vampires assoiffés de vengeance, pas en temps normal, pas sans la parano qui s'est emparée de lui, et la drogue qui rend chacune de ses pensées étranges.
Mais au fond ça ne change rien. Elle tentera de le convaincre de le suivre, alors qu'ils savent tous deux ce qu'il en est. Il n'y a jamais de happy end pour les bigs bads wolfs.
Il ne pensait pas un seul instant que la guilde puisse réellement ne pas savoir pour l'incident. Il ne croit pas non plus qu'ils puissent envisager que l'un des leurs soit devenu un loup, et donc un traître, et qu'il se soit barré au lieu de se suicider comme le code d'honneur des chasseurs l'exige. Il se souvient encore. La fameuse nuit à l'hôpital où il prit conscience de ce qu'il s'était passé, de ce qu'il risquait de devenir, non de ce qu'il était devenu, impossible de nier, impossible de faire semblant de ne pas comprendre, il sait parfaitement ce qu'il en est. Combien de rescapés d'attaques de lycanthropes avait-il achevés à l'hôpital à l'aide d'un oreiller ? Délire paranoïaque mis à part, les souvenirs étaient très clairs, presque trop.
Il détestait cela, comme tout chasseur se respectant, parce que c'était lâche comme façon de tuer, mais la guilde refusait de prendre des risques. On savait tous comment cela finissait. Une morsure suffisait. Alors une vraie attaque ? Il n'avait pas besoin de regarder sous les bandages pour savoir. Le simple fait qu'il puisse se lever après une telle attaque était une preuve. Il avait été contaminé. Il devait par conséquent se tuer. L'acte en soi pouvait sembler trop noble, presque japonais dans l'idée, cependant il était nécessaire. Il avait juré lorsqu'il avait prêté son serment sous l'arbre sacré.
En refusant de se tuer, et en s'enfuyant, il n'était pas seulement devenu un renégat, mais il s'était également déshonoré. Un acte lourd de sens pour un membre de la guilde, pour un chasseur élevé dans l'idée que l'honneur est la seule chose qui est de la valeur à ses yeux, dans l'optique d'honorer sa famille. Il avait failli. Et soudainement, il baissa son arme. Il ne devait pas lutter. Le destin en avait décidé. Sa mission était terminée à l'instant où cette louve avait refermé ses crocs sur sa gorge. Elle aurait dû lui briser l'échine, lui déchirer la gorge, l'ouvrir en deux. Il ignorait pourquoi elle ne l'avait pas fait. Peut-être pour l'humilier plus encore.
L'image de l'attaque se dissipa. L'impression amère dans sa bouche demeura cependant. Elle criait. Hurlait presque. Puis elle ferma la bouche. Elle semble sérieuse. S'avançant, elle s'approche et passe dans le champ du canon du flingue, il ne lâche pas l'arme. Elle n'était plus censée être dans le champ de tir. Elle a choisi. Il la regarde. Il ne comprend pas. Trop de drogue dans son cerveau, ses pensées vont et viennent au ralenti. Elle se penche. Que va-t-elle faire ? ou dire ? Il frémit. Elle le touche. Il l'observe. Elle embrasse sa joue. Il regarde le canon du flingue où elle s'est collée. Cherche-t-elle à se tuer ? Il l'ignore. Tout cela est trop compliqué à cet instant. Il attend qu'elle le frappe. Mais le coup ne vient pas. Le silence l'engourdit. Il y a une pesanteur lourde qui les enlace. Elle reste là, immobile. Déjà froide.
L'odeur de la poudre. Il la renifle comme de la blanche, un pauvre sourire de clown déconfit traverse son visage comme un frisson. L'angoisse banale et écrasante de la mort. Il lui lance un regard de défi une dernière fois. Vas-y connasse, viens me chercher.
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