Chapitre XXIII


Deux jours plus tard, je me baladais en voiture lorsque je vis le démon de la semaine passée. Il était à l'orée de la forêt et quelque chose dans son attitude, me disait qu'il voulait me voir. J'arrêtai ma voiture sur le bas-côté de la route, à quelques kilomètres seulement de la maison d'Haziel. Elle n'était pas loin. Ce simple fait me rassura.

Je suivis la bête dans les bois. Je ne la voyais déjà plus, à part sa queue qui disparaissait derrière un tronc d'arbre. Puis elle s'arrêta et se tourna vers moi. Elle n'était pas menaçante quand elle me regardait. Elle ne semblait pas prête à me tuer. On aurait dit qu'elle m'envoyait un message. Je m'approchai un peu plus, n'ayant pas peur.

A ses pieds, gisait une jeune femme avec d'immenses ailes blanches en piteux états. Elle ne bougeait pas, ses lèvres viraient au blanc cadavérique, et de la sueur marquait son front. Il manquait énormément de plumes à ses ailes, je remarquai ensuite. Celles-ci s'étaient éparpillées autour de son corps pour l'entourer. Était-ce comme ça la mort d'un ange ? Parce que la seule mort qui ne peut pas les ressusciter, est celle que Dieu leur donne. Je sentais qu'elle allait mourir. Au plus profond de moi, je le savais.

Je m'agenouillai près d'elle et plaquai mes deux doigts sur son cou pour sentir les battements de cœur. Ils étaient faibles. Trop faibles.

- Elle est en vie.

- Plus pour longtemps, souffla une voix terrifiante derrière moi.

Je me figeai avant de me relever. Je me retournai pour tomber nez à nez avec un Ange. S'en était un. Je le reconnaissais à sa beauté hors du commun. Il souriait méchamment et ça atténuait les quelques traces de gentillesse qu'il avait encore, quelque part cachées au fond de lui. La façon dont il se tenait, me sauta au visage. Il avait mal quelque part. C'était certain. Je devinai des armes sur lui. Plusieurs lames, couteaux, dagues et épées. Mais je ne les voyais pas.

Quentiel. Je ne sais pas comment j'ai pu deviner son prénom, mais il s'est imposé à moi comme marqué au fer rouge. Je ne voyais pas ses ailes. Soit on lui avait arrachées, soit il me les cachait.

- Pourquoi tuez-vous des innocents ? Je demandai en allant me poster devant le corps de la femme en position de défense.

Je devais la protéger, je le sentais. Même si je devais mourir.

- Parce que je suis une des réincarnations du mal. Et tu es dans mon chemin, petite humaine insignifiante. Dieu n'aurait jamais dû donner de pareils pouvoirs à une simple mortelle. Tu les utilises très mal, ma chère Halsey.

- Ah oui ? Et comment devrais-je les utiliser à votre avis ? Je trouve au contraire que je m'en sors bien. Comparé à vous, je ne tue personne et surtout pas inutilement pour la gloire. Je sais encore me respecter.

A mes pieds, la femme marmonnait des mots incompréhensibles. En pleine démence, qu'elle était.

Les yeux noirs de l'homme se foncèrent encore plus si c'est possible, sa bouche se pinça en une simple ligne et ses poings se serrèrent. Génial ! Je l'avais mis en colère.

- Tu vas mourir, Halsey. Bien mourir et tu ne reviendras pas. Dommage que ton père ne soit pas là pour assister à ta descente vers les Enfers. Il n'est plus prisonnier au Paradis depuis longtemps, tu le savais ? Ton cher petit Haziel, il y a quelques années, avait créé une armée secrète qui est venue faire évader ton père de sa cellule et lui par la même occasion. Mais ton père aurait pu venir te voir en dix-sept ans. Tu t'en rends compte ? Il se fiche royalement de sa progéniture. Il est tombé dans le mal à cause de La-Haut, dit-il en me montrant le ciel. Ce sont des pourritures et Dieu n'est pas celui que nous pensons. Le Bien se fait avoir.

- Je m'en fiche de tout ça, de mon père. Je ne suis pas là pour lui et je ne le serai jamais.

- Tu détestes donc ton père ? Argua Quentiel visiblement surpris et heureux. Toi, sa propre fille. Comme il sera triste de l'entendre.

Je ne rentrai pas dans son jeu et ne parlai plus de mon père.

- Parlons d'autre chose. Qu'avez-vous fait à cette femme ?

Il rit à gorge déployée comme si j'avais dit quelque chose de drôle.

- Qu'est-ce qui vous fait rire ? Je demandai, presque agressive.

- Toi. Et ton insouciance. Tu ne vois que ce qui t'arrange. Ne reconnais-tu donc pas cette femme ? Elle n'a que quelques années de plus que toi, tu sais.

Je fronçai des sourcils en me penchant au-dessus d'elle. Je ne voyais pas ce qui clochait, à part qu'elle mourrait sous mes yeux impuissants. Je ne savais même pas pourquoi elle mourrait. Il n'y avait aucune blessure sur son corps.

- Regarde bien, Halsey.

Je l'observai, puis remontai à son visage. Des cheveux bruns bouclés. Elle ouvrit soudainement les yeux. Des yeux comme les miens. Gris orageux. J'en serais bien tombée à la renverse si elle ne me fixait pas de cette façon. Je ne pouvais plus me détacher de son regard envoûtant. Elle me regardait, à l'agonie. Elle essayait de me parler, mais n'y arrivait pas. Je posai une main sur la sienne, pour la calmer car elle commençait à s'agiter.

- C'est ta sœur aînée, Arielle. Avant que ton père rencontre ta mère, il a eu un enfant avec un ange, surnommé Galadrielle qui est morte.

- Pourquoi meurt-elle ? Elle est un ange du bien.

- Il y a des actes, ma chère enfant, qui font que Dieu nous punit.

- Et mon père n'empêche pas ça ? C'est sa fille, non ?

- Jézéquiel est aux services du Diable, Lucifer. Ça ne le concerne plus.

- Il serait prêt à laisser mourir sa fille ? M'exclamai-je ahurie.

Arielle serrait mes doigts. Son regard se voilait. Elle mourrait sous mes yeux, à petit feu.

- Elle ne peut pas mourir. Qu'importe ce qu'elle a fait, je suis sure qu'elle l'a fait dans le bien de sauver l'humanité.

- Oh, ma pauvre Halsey. Cette loyauté que tu as envers les inconnus va te tuer un jour, chantonna-t-il visiblement excité.

- Si j'échangeais avec elle, elle vivrait ? Je demandai.

- Échanger ? Tu préfères mourir à sa place ?

Il était réellement surpris. Je l'étais aussi de ma décision.

- Oui. C'est ce que je veux. Vous savez faire quelque chose pour ça ou pas ?

Il ne rigolait plus à présent.

- Une si belle personne, possédant un don magnifique...

- Vous vouliez que je meurs il y a encore quelques minutes. Et bien, je suis prête, assistai-je en me relevant. Mais faites vite.

- Quel courage. Je ne peux que t'en féliciter, Halsey ! Tu es bien la fille de ton père. Pleine de courage et de volonté. Très loyale aussi. Tu préfères ça, me montra-t-il sa dague. Dans le ventre, dans le cœur ou dans la cuisse ?

Je déglutis, la gorge sèche. Je n'avais jamais vraiment réfléchi à la manière dont je mourrais un jour, à vrai dire. Je m'étais dit il y a encore trois mois, que c'était soit écrasé par un bus, sois tuée par une maladie, ou par la vieillesse. Rien ne me présageait un jour comme celui-ci.

Je m'avançai vers lui, ignorant le regard choqué de ma sœur. Elle tentait en vain de faire quelque chose ou même de me parler. Quentiel s'avança à son tour, sortant une dague d'un petit calibre. Elle brillait et reflétait mon visage assuré.

- Tu m'impressionnes, jeune médium.

Il me toucha l'épaule, en signe de réconfort apparemment. Je ne ressentis que ses doigts froids qui me donnèrent d'horribles frissons. Puis, il enfonça la dague dans mon ventre, les yeux dans les miens.

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