Chapitre XII


Je revenais doucement à moi. Mes yeux arrêtèrent de rouler dans leurs orbites. Mes mains tremblantes se crispèrent sur mes genoux. Je sus à cet instant que ma tante avait tout vu également. Son regard était chagriné et des larmes semblaient prêtes à être déversé sur son magnifique visage, telle une rivière.

- Tu es ma mère, dis-je simplement en la fixant. Comment c'est possible ?

Elle se racla la gorge, mal à l'aise.

- Et bien, quand deux adultes s'aiment très fort, ils font...

- Stop stop ! Hurlai-je presque les mains bouchant mes oreilles, les joues rouges. J'ai compris mais je veux dire, pourquoi t'es-tu fait passer pour ma tante ?

- J'ai dû faire des choix qui ont fait que j'ai demandé à Auxanne de t'élever parce que je ne pouvais pas le faire moi-même. On vous aurait tué si je ne vous avais pas abandonné.

- Jacob, qui l'a élevé ? Demandai-je, me demandant s'il avait eu la même vie que moi.

- Ma meilleure amie du lycée, dit-elle. Elle savait tout de cette histoire, elle m'avait promis qu'elle l'aimerait comme son propre fils. Cependant, elle est morte quand Jacob a eu dix ans. Il a été placé dans une famille d'accueil. J'ai recherché la meilleure famille pour lui. Mais contrairement à toi, il sait qui je suis pour lui et il me déteste.

Cet aveu me déchira le cœur. Je ne pouvais pas imaginer perdre ma mère. Ce serait ne peine trop grande pour moi, je pense. Je ne supporterais pas de vivre sans elle, même si en fait, elle n''était pas ma vraie mère et qu'on m'avait menti toute ces années. Et puis, je n'étais pas si chamboulée que ça, je m'étais toujours doutée que son comportement envers moi était plutôt celui d'une mère que d'une tante. Petit à petit, mon esprit avait compris ce lien entre nous mais pas moi.

- L'autre jour, je me suis posée la question. Comment se fait-il que maman n'est pas eu de pouvoir. Elle est transmise à toutes les filles de la famille, non ? Enfin, c'est ce que m'a raconté mamie il n'y a pas longtemps. Et les garçons rarement mais ça pouvait arriver.

La question sembla dérouter complètement Gwenaëlle. Elle but une gorgée d'eau, puis reposa le verre un peu trop brusquement parce que des éclaboussures sautèrent du récipient et atterrirent sur la table. Elle les essuya avec la manche de son petit pull. Elle fronça les sourcils, réfléchissant à ma question.

- On a jamais su pourquoi elle ne l'avait pas. On a cru avec nos parents, que ça se manifesterait sans doute plus tard, mais non. Elle était heureuse de vivre une vie normale. Voir les morts, Halsey, ce n'est pas fait pour tout le monde. Toi, tu l'as bien vécue mais tu as eu dur de vivre avec ça. Moi, les gens me regardaient comme si j'étais folle, quand je parlais à un esprit dans la rue. J'ai dû inventer des astuces. Et je suis devenue sorcière en développant mon don qui n'est pas tout a fait le même que le tien. Chacune à sa spécialité et sa force. Je suis bien plus sorcière que médium, c'est encore autre chose.

- Mes enfants auront ce don, déduis-je en hochant la tête. Et Jacob dans tout ça ? J'ai vu ses ailes. Alors qu'il venait seulement de naître !

Se pourrait-il qu'il soit comme Haziel, maintenant ? Passer du mauvais côté ? Ma vraie mère soupira en se frottant le front, elle semblait épuisée. A bout de force. Je ne voulais pas la forcer à tout me dire maintenant, mais j'étais curieuse à un point inimaginable. Ça faisait des jours et des jours que je voulais des réponses !

- C'est un ange. Du Bien.

- Pourquoi n'en suis-je pas une ? Demandai-je, étonnée et presque révoltée.

- Tu ne pouvais pas être deux êtres complètement différents, Halsey. Mon pouvoir et celui de ton père a été réparti entre ton frère et toi. Il est un ange et toi, une médium. Tu n'as rien à lui envié. Vous êtes pareils. Vous êtes forts à vous deux. Seulement, les pouvoirs sont différents mais de la même puissance. Ce n'est pas parce qu'il vient de Là-Haut, qu'il est plus fort. Ça n'a rien à voir.

- Mon père était un ange ?

La tristesse réapparut dans ses beaux yeux si semblables aux miens.

- Il l'est toujours, mais il n'est pas celui que tu penses, dit-elle évasive et le regard fuyant.

Soudain, je devinai pourquoi elle m'avait abandonné. Pourquoi elle ne parlait pas de mon père. Il était tombé dans le Mal. Il était déchu... Était-il sur Terre ? Ou restait-il En-Bas pour servir Lucifer ?

- J'ai lu quelque chose dans le livre de démon l'autre fois. Il parlait de Néphilim. Si je fais des enfants, ce qui n'arrivera sans doute pas, parce qu'aucun homme sain d'esprit ne voudra d'une femme qui voit les esprits, est-ce qu'ils seront ça ?

Ma question la dérouta et elle soupira, se passant une main dans ses longs cheveux comme les miens. Elle se leva et rempli la cafetière d'eau. Elle attendit encore quelques secondes avant de me répondre, mettant la capsule de café dans la machine et se préparant une tasse.

- Pas si le père est humain. Si c'est un ange, oui puisque tu es humaine malgré ton don. Moi non. Attention parce que des Néphilim sont des êtres dangereux pour En-Bas. Même pour En-Haut. Tu ne peux pas imaginer à quel point ils sont forts. Les gardiens du Paradis ne veulent pas que des anges s'accouplent avec des humains. Ce n'est pas interdit mais c'est déconseillé pour le Bien de toute la planète. Ça veut aussi dire que beaucoup d'humains sont au courant pour nous et certains peuvent nous trahir et dévoiler notre existence. C'est déjà arrivé par le passé. Et les Néphilim font peser la balance. Il y en a des mauvais, vraiment mauvais. Tu n'imagines pas le nombre qui ont rejoint les troupes de l'Enfer. Ils croient dur comme fer, que le Bien doit être éradiqué. Pour eux, être gentil, faire de bonnes actions, c'est être faible. Tandis que le Mal, ils n'hésitent pas à exterminer ceux qui les dérangent ou prennent trop d'importance. Ils ne supportent pas les humains qui ont plus de pouvoirs qu'eux, ou qui ont même un don.

- Ils voudront me tuer, je finis par deviner avec horreur. C'est pour ça qu'Haziel veut que je parte !

- Il sait tout, affirma tante. C'est gentil de sa part de t'avoir prévenu ou plutôt essayer de faire peur. Sauf que tu n'as jamais peur, il le sait maintenant. Hélas, tu ne sais plus partir d'ici. Les êtres surnaturels ou ceux comme toi, ne peuvent plus passer la limite de la ville.

- Mais Gwen, tu n'aurais pas dû venir alors ! M'exclamai-je en réalisant avec horreur ce pourquoi elle était venue. Avec ma chance, tu vas mourir à cause de moi.

Elle ricana, puis finis par éclater de rire complètement en se tenant le ventre. Des larmes jaillirent de ses yeux. Je continuai de la regarder, les yeux grands ouverts.

- Ma puce, je ne risque pas de mourir. Ne t'inquiète pas. Je suis là pour toi, tu es ma fille. Je te protégerai et puis, on connaît des anges. On doit les rallier au Bien. Le plus vite possible. Ton frère flanche du mauvais côté à cause de son amitié avec Haziel.

♦♦♦

En entrant dans ma chambre, je sursautai violemment en voyant Haziel faisant tournoyer un couteau entre ses doigts. Il était debout, dans un coin de la pièce et me fixa avec l'envie évidente de me tuer. Son aura devint rouge foncé puis se troubla quelque instant avant de redevenir rouge.

- Comment es-tu entré ? Parvins-je à lui demander en déglutissant difficilement, le regard fixé sur la lame dans sa main.

Pourquoi voulait-il me tuer ? Toute ma vie, j'avais été irréprochable dans tous les domaines. Je ne faisais pas de bêtises et ne faisais pas de mal aux autres. Même tuer une mouche me demandait un grand effort, alors voir quelqu'un se préparer à m'assassiner me laissait perplexe.

- J'apparais ou je veux et quand je veux, répondit-il, le regard planté dans le mien.

Soudain, il se décolla du mur et s'approcha de moi, lentement comme un prédateur sur sa proie. Sa proie, c'était moi à deux cent pourcents. La lueur dans ses yeux semblaient prendre feu et me força à reculer, ma peur m'englobant dans sa globalité, entourant mon corps comme un serpent. Là oui, j'avais peur.

- Pourquoi moi ?

La question sortit de ma bouche sans que je puisse l'arrêter et je me mordis la lèvre, les yeux baissés vers le sol. Je le sentis se tendre devant moi. Sa réaction ne m'échappa pas. Je vis sa main gauche se lever et effleurer mon menton, me forçant à le regarder droit dans les yeux.

- Parce que tu es la seule qui peut anéantir l'Enfer.

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