4 - Beach boys
I get around à fond dans la voiture, Mingi descendait la route jusqu'à la mer à toute allure. Les fenêtres ouvertes faisaient voler ses cheveux noirs et le souffle vrombissant du vent couvrait presque les notes joyeuses de la musique. Mingi augmenta encore le volume. Il se rendait dans un coin tranquille, une petite plage au milieu des immenses falaises. Il ne pensait qu'à une chose en prenant un virage particulièrement serré, la planche de surf qui l'attendait dans le coffre de la chevrolet et qui dépassait sur le minuscule espace réservé aux places arrière. La route zigzaguait entre des roches volcaniques et des arbres bien verts aux troncs épais.
Après encore plusieurs minutes, Mingi s'arrêta au bout de la route. Celle-ci se stoppait de manière abrupte au bord du sable. La planche racla quand l'artiste la sortit de la voiture. Tout était calme, les gens venaient rarement ici. C'était bien trop éloigné des quelques villages et des routes principales, en plus d'être tout petit. Mingi avait découvert cette plage par hasard la dernière fois qu'il était venu à Ulleungdo. Il y avait passé ses journées à lire, à dessiner et à se baigner. Tout cela lui semblait si loin même si l'endroit était toujours le même ; un sable gris à cause des roches volcaniques, un eau turquoise et quelques rochers qui perçaient la surface de l'océan un peu plus loin. Entourée de falaises de couleur noire tombant dans la mer d'une part et d'autre de la crique, la plage semblait être une anomalie. Pourtant Mingi l'adorait.
Il se laissa tomber au bord de l'eau, sa planche frappant le sol humide dans un bruit presque étouffé. Les rouleaux des vagues répondaient aux cris aigus des oiseaux qui nichaient dans les falaises. Mingi s'allongea sur le sable froid et soupira de contentement. Sa grand-mère avait été si heureuse de le voir partir de la maison ce matin. Il n'avait pas osé lui dire qu'il partait dans un endroit où il serait certain d'être seul. Le ronronnement des vagues était une des rares choses qu'il supportait.
Il ferma les yeux. Le ciel bleu et cotonneux fut remplacé par un monde entièrement noir. Ces dernières années, il avait peint tant de toiles noires qu'il en reconnaissait à présent toutes les nuances. C'était les seules toiles qu'il s'autorisait à peindre. Le vent s'intensifia et il se forcer à cesser de contempler le vide. Le souffle avait chassé les nuages, laissant le ciel vierge. La chance était avec lui. A cette époque de l'année, il faisait rarement aussi beau. La mousson frappait ordinairement tout le pays.
Son regard se posa sur sa planche et il sourit. Ce n'était pas le moment de s'épancher sur les derniers mois de sa vie, surtout pas quand il se sentait d'aussi bonne humeur. Il ne voulait pas gâcher ça. Mingi retira son jeans large et garda son T-shirt. Il devait avoir l'air malin dans cette tenue, son large haut tombant par-dessus son maillot de bain jusqu'au milieu de ses cuisses. Ses mains agrippèrent la planche en polyester, ses doigts s'enfonçant dans la matière ferme. Depuis quand le surf était-il devenu si important dans sa vie ? Il ne s'en souvenait plus mais il se rappelait très bien la première fois qu'il avait entendu parler de ce sport. Il regardait la télévision toute neuve du salon familiale où une compétition composée uniquement d'occidentaux passait sur une des seules chaînes qui existaient. Une sensation de liberté l'avait étreint pour tomber dans l'oubli quand son père avait changé de chaîne. Et puis un jour, il avait rallumé la télévision.
Le froid saisit ses jambes quand il rentra dans l'eau. La morsure glaciale fit remonter un frisson le long de son dos et claquer ses dents. Il regretta un instant d'avoir oublié sa combinaison à Séoul. Les vagues trempèrent son T-shirt en un instant, le collant à sa peau. Malgré le froid qui lui faisait presque mal, Mingi sourit. Sur cette putain de planche au milieu de l'océan, il se sentait vivant. Vivant. Ces dernières années, rare était les fois où cette sensation l'avait traversé.
Ses pensées furent englouties sous le fracas des vagues alors qu'il ramait avec ses bras de plus en plus vite. Il avait vu sa vague et elle arrivait à grande vitesse. Son sourire s'agrandit. Rien d'autre ne comptait, rien d'autre que lui et l'océan, lui contre lui-même. Le rouleau était immense et avançait, implacable. Il se mit debout sur la planche avec l'aisance d'une personne qui pratiquait depuis plusieurs années. Le vent et les embruns emmêlaient ses cheveux ébènes. Le chaos de l'océan était comme une mélodie dont lui seul connaissait les accords. Alors que la mer se refermait sur lui, il sourit. La nature implacable lui faisait bien moins peur que l'avenir qui l'attendait une fois de retour sur le continent. L'idée de se laisser couler lui avait déjà traversé l'esprit plusieurs fois ces cinq dernières années. Parfois, il se réveillait sans comprendre pourquoi il était toujours en vie.
Le hurlement de l'eau faisait bourdonner son crâne. Il savait à quel point ce qu'il faisait était dangereux. Personne ne savait qu'il était là. Un faux pas et s'en était fini de lui. Mais il n'avait pas peur, au contraire. Il retournerait à la mer, comme un marin. Comme un homme libre. Sa vision se rétrécit en un unique point, celui de la sortie du tunnel d'eau. Ses jambes tremblaient sur la planche, ballotés par la puissance des vagues, mais ses pieds ne glissaient pas. Il en sortit juste avant que la vague ne retombe sur elle-même et finisse sa course avec douceur sur les petits cailloux de la plage.
C'est alors qu'il l'a remarqua. Une silhouette était assise au bord de l'eau et l'observait. Faisant un écart avec sa planche pour se rapprocher de la terre ferme, Mingi reconnut le jeune homme du bar, celui que Yeosang s'évertuait à charmer depuis bien trop longtemps. San, s'il ne se trompait pas. Wooyoung avait bien trop maudit son nom en une seule soirée. Il se demanda si le jeune homme était au courant qu'il créait autant d'émoi sur son passage. Le voir ici intriguait Mingi.
Il descendit de sa planche une fois proche de la berge et nagea jusqu'à ce que l'eau lui arrive à la taille. Il planta sa planche dans le sable et se laissa tomber près de San, quelques mètres plus loin. De près, il trouva le jeune homme du bar encore plus beau, presque intimidant avec son air sérieux renforcé par sa paire de lunettes carrées. Mingi apprécia le tracé tout en courbe de ses yeux, son nez et ses lèvres épaisses. Le jeune homme serait intéressant à dessiner mais l'idée ne traversa même pas la tête de Mingi. Quand San lui sourit pour le saluer, son côté intimidant fondit au soleil. Ses pommettes hautes firent sourire l'artiste en retour avant même qu'il y pense. Mingi enfila rapidement son jeans avant de sassoir à côté de San.
- Y'a pas beaucoup de surfeurs dans le coin, commenta le jeune homme en lui tendant une bouteille d'eau de son petit sac à dos noir.
Mingi l'accepta sans se poser de question et vida la moitié. Ils observèrent tous deux les oiseaux côtiers voler au fil des courants d'air. Leurs cris aigus, amplifiés par les falaises autour, donnaient rapidement mal au crâne.
- Pas vraiment non, répondit-il en lui rendant l'eau. Les gens sont plus occupés à savoir ce qu'ils vont manger à la fin de la semaine.
Ce n'était pas la pauvreté qui manquait sur cette île, Mingi l'avait suffisament observé pendant des années. San hocha la tête, il jouait à ramasser des galets et les jeter plus loin sur la plage. Le soleil se reflétait sur l'eau et brûlait leur rétine. Mingi plissa les yeux et plaça la main sur son front.
- Je t'ai vu au Jineun Hae, hier soir, finit par dire San. Je t'avais jamais vu ici et, crois moi, les inconnus se repèrent vite sur ce minuscule îlot.
- Je suis pas vraiment un inconnu, sourit Mingi. Ma grand-mère habite ici mais je n'étais pas venu depuis longtemps. Je m'appelle Song Mingi, au fait.
- Choi San. Je suis là que l'été chez ma tante. Mes parents ont trouvé que c'était le meilleur endroit pour m'offrir des vacances gratuites loin de Gangneung.
- Tu dois te faire chier.
San pouffa et acquiesça.
- Au moins la vue est belle.
La vue sur qui ? pensa avec amusement Mingi alors que l'image du charmant Yeosang venait à son esprit. Ils restèrent discuter un long moment de surf et de sport en général jusqu'au coucher du soleil. Le vent froid du large leur envoya du sable dans le visage, comme pour leur signifier qu'il était temps de quitter la plage.
- Tu veux venir chez moi ? proposa Mingi.
La question était sortie de sa bouche avant qu'il n'ait le temps d'y réfléchir. Inviter des inconnus chez lui ne lui ressemblait pourtant pas. Mingi était certain que sa grand-mère allait appeler le médecin pour qu'il vienne s'assurer que son petit-fils chéri n'était pas tombé sur la tête.
- Avec plaisir ! sourit San. Tu as de quoi boire ?
- Ma grand-mère aime bien l'alcool.
- Les vieux cachent le mieux leurs jeux.
Mingi éclata de rire. Il ne pouvait pas contredire son nouvel ami sur ce point. En plus, Yunho avait ramené plusieurs petites bouteilles de bières quand il était venu livrer les courses. Hyunah n'allait peut-être même pas remarquer leur disparition.
- Tu es venu en voiture ? demanda Mingi alors que, la planche sous le bras, il remontait la plage jusqu'à la route.
- Tu vas voir mon bolide.
Le clin d'œil de San ne lui dit rien qui vaille. En le voyant, il haussa les sourcils, amusé. Un vieux vélo bleu à la peinture écaillée était posé contre la carrosserie de sa voiture.
- Il va rentrer, lui assura San alors que Mingi doutait franchement de la chevrolet.
Après plusieurs minutes d'efforts laborieux et de différentes positions, ils réussirent à faire rentrer le vélo et la planche de surf dans le coffre. Mingi n'en croyait pas ses yeux. Jamais de sa vie il aurait cru cette voiture capable d'être aussi spacieuse.
- En voiture Simone ! s'exclama joyeusement San en sautant à la place passager.
Mingi le suivit, un léger sourire aux lèvres. Il n'aurait jamais cru que San soit le genre de personne à ne pas trop se prendre au sérieux. Il avait plutôt la carrure et le visage des héros de films, toujours sérieux et sexy en toute occasion. Il mit la clef sur le contact sous les trémoussements de joie de son nouvel ami. Définitivement loin des clichés hollywoodiens.
🌊🌊🌊
San se laissa tomber sur l'herbe en soupirant tandis que Mingi prit place sur la balançoire. Celle-ci était présente dans beaucoup de ses tableaux, seule trace humaine visible depuis la baie vitrée de son atelier. La planche de bois était craquelée à beaucoup d'endroits et les cordes noircies depuis des années se distendaient. Cela faisait bien longtemps que Mingi ne s'était pas assis dessus.
- C'est sympa chez toi, commenta San en décapsulant le bouchon de sa bière.
Mingi hocha la tête et accepta la boisson que lui tendit son nouvel ami. Il aimait la maison de sa grand-mère, il se sentait parfois presque reconnaissant que son père l'ait envoyé de force à Ulleungdo. L'alcool crépita sur sa langue et brûla sa gorge quand il avala une longue gorgée. Le voile de la nuit les recouvrait, les rares animaux devaient se demandaient ce qu'ils faisaient là. L'océan était toujours là, le ressac calmait son esprit.
- Je me demandais... Entre le surf, cette baraque immense, la Chevrolet, qu'est-ce qu'un gars comme toi fout à Ulleungdo ? demanda soudain San.
- Je viens voir ma grand-mère, répondit-il en hochant les épaules.
- Et officieusement ?
Mingi posa la bouteille de bière sur le bois de la balançoire et admira longuement le ballet infini des vagues.
- J'évite les ennuis. Je suis confiné ici jusqu'à nouvel ordre.
San hocha la tête et vida d'une traite le reste de sa bière. La bouteille de 33 centilitres n'avait pas fait long feu. L'ambiance apaisée s'était assombrie dû à ses simples mots.
- Y'a eu des meilleurs temps pour les étudiants en quête de liberté, dit doucement San.
Mingi ne pouvait pas le contredire. Pas après tout ça. Il ferma les yeux mais l'image du sol et des murs blancs agressa sa rétine. Il n'oubliera jamais cette journée, contrairement à ce que ses parents voulaient qu'il fasse. Il ne l'oubliera pas. Jamais. Ni lui, ni tous les autres.
- Il va tomber, un jour ou l'autre.
La petite main de San se posa sur sa cuisse dans un geste qui se voulait rassurant. Mingi hocha distraitement la tête. C'était ce que Eunwoo croyait aussi, c'était pour ça qu'il était mort. Le ressac se fit soudain plus fort.
- C'est le moment parfait pour une petite séance de surf, dit-il.
San suivit son regard et hocha la tête, comprenant que ce sujet de discussion s'arrêtait là.
- Depuis quand t'en fait ?
- Des années. Avoir un père avec de l'argent a ses avantages, j'imagine. J'ai de la famille à Busan, j'ai commencé le surf là-bas. Mon père a fait importer ma planche des Etats-Unis, tous les autres ados étaient jaloux.
- Y'a de quoi, sourit en coin San. Mes parents ont économisé depuis que je suis né pour m'envoyer un jour à l'université. Heureusement que mon père est un bon travailleur, sans ses promotions, je serai déjà à l'usine. Je veux pas juste avoir mon diplôme, je veux écraser les autres.
Le regard de Mingi coula vers son nouvel ami. La ferveur brillait dans ses yeux légèrement voilés par l'alcool. Sa deuxième bière vide au poing, San avait le visage résigné. Le tracé de sa mâchoire était net, signe qu'il serrait les dents. Une veine palpitait dans son cou. Il voulait rendre fier ses parents, leur prouver que leurs sacrifices n'avaient pas été vains. Mingi le comprenait, même si l'avis de ses parents lui passait par-dessus la jambe. Il obéissait par habitude, par peur, par résignation. Depuis qu'Eunwoo avait disparu, l'ombre de son père l'écrasait, tout comme celle de l'entreprise florissante qu'il possédait. L'avenir de Mingi était tout tracé sans écart possible. Celui qu'il avait commis un mois plus tôt l'avait amené à échouer ici.
- Tu y arriveras, dit seulement l'artiste.
- Je sais.
Le silence s'étira quelques secondes entre eux. San décapsula sa troisième bière, Mingi vida la sienne d'une traite. Le chant d'une chouette accompagnait la mélodie de la mer. L'odeur de l'iode lui piquait le bout du nez. La marée amenait avec elle son lot d'algues en décomposition.
- Dis-moi. Je t'ai vu parler avec les serveurs du Jineun Hae, tu les connais bien ?
Mingi sourit face à l'air faussement détaché de San. L'étudiant était en pleine pêche aux infos et se croyait discret.
- Lequel t'as tapé dans l'œil ? demanda-t-il simplement.
San ricana et but une gorgée avant de hocher la tête. Ses mèches châtain suivirent le mouvement. D'un coup de pied, Mingi se mit à se balancer. Et ouais, on est dans la même équipe tous les deux, pensa l'artiste. Il sentit tout de même une pointe d'anxiété saisir son cœur. Et si San était attiré par Yunho ? L'artiste secoua la tête à cette pensée. Il ne se passerait rien entre lui et le serveur, ce sera mieux ainsi.
- Yeosang.
- Et il a l'air intéressé ?
Son ton innocent le fit rire intérieurement. Wooyoung avait assez pesté sur le béguin ridicule de Yeosang sur San la veille.
- J'en sais rien. Je ne cherche rien de sérieux de toute manière. Il a l'air... bon au lit ?
Mingi éclata de rire.
- Quoi ? T'es pas d'accord ?
- Disons que c'est pas mon style de gars.
Sa réponse piqua la curiosité de San. Celui-ci s'allongea sur l'herbe humide de rosée et lui jeta un regard plein de sous entendu. Mingi ne comprenait pas comment il pouvait avoir l'air en même temps ingénue et diablement sexy.
- Oh, ronronna l'étudiant. Qui alors ? Pas Wooyoung, résonna-t-il à haute voix, il est trop extraverti pour toi. Il te faut un gars calme, un brin timide mais quand-même prêt à faire des folies, joyeux, un peu mélancolique quand-même et qui... Yunho.
Mingi arrêta net de se balancer. San sourit de toutes ses dents.
- Mais bien sûr Yunho ! Oh vu ta tête il t'as déjà tapé dans l'œil. Je le connais bien tu sais. Enfin, je le connaissais bien, avant de déménager. On était à l'école ensemble pendant presque tout notre cursus.
Malgré tout, Mingi ne put s'empêcher de tendre l'oreille. Il avait envie de tout connaître du jeune homme qui l'intriguait tant. Il voulait savoir pourquoi son visage ne quittait pas ses pensées, pourquoi ses mains le démangeait à l'idée de le dessiner encore.
- Il a toujours été mignon, continua San en ayant remarqué l'intérêt de Mingi. Toujours gentil, un peu timide mais il était plus... joyeux, dans mes souvenirs.
- Il sourit tout le temps, rétorqua Mingi en fronçant les sourcils.
- Il est facile de berner les gens avec un faux sourire. Ses yeux ne brillent jamais. Je me demande ce qui a pu changer depuis la fin du lycée.
Aller chercher la profondeur sous la surface, c'était une règle fondamentale en dessin. Pourtant, Mingi n'avait pas capté ce sourire qui ne montait pas jusqu'à ses yeux. Il se croyait doué pour lire les gens, se trompait-il depuis le début ou Yunho était-il particulièrement doué pour cacher ses émotions ? Il était prêt à percer le mystère.
🌊🌊🌊
Bichour ! J'espère que le chapitre vous a plu ! J'espère que vous aimez l'ambiance de l'histoire parce que va pas falloir s'attendre à énormément d'action 😭
Sinon mon insta est actuellement envahis de vidéos et photos du concert d'Ateez à Lyon 😆
Dans 1 mois pile je serai à celui de Paris ça va être quelque chose
Ps : pour ceux qui lisent Down World. Je galère pour le bonus des mariages. Je trouve ça long et redondant de décrire les 4 cérémonies, j'aimerais savoir ce que vous en pensez, si ça vous dérange ou pas ou si vous avez des idées !
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