XXV

La nuit recouvrait le château de Poudlard et se montrait particulièrement froide, au vue de la température qui baissait considérablement.

Lorsque la pleine lune se démarqua au sein des environs, baignant quelques dortoirs de sa lumière à travers les fenêtres où des rideaux ne les protégeaient guère, Licinia se redressa de sa couche, enfila une longue tunique maronne et cacha son visage à l'aide d'une large capuche. Elle glissa ses pieds dans des souliers susceptibles de ne commettre aucun bruit, ni autre dérangement.

Elle sortit calmement la salle commune des Gryffondor sans la moindre panique, et le portrait de la grosse dame qui faisait office de porte d'entrée et de sortie la sermonna de sortir aussi tard. Licinia l'ignora et continua sa route.

Elle descendit trois étages et perçu par la même occasion une femme potelée et costaude qui était la concierge de l'école - Elisabetha - en train de faire sa ronde habituelle, sa baguette allumée, ses yeux noirs et perçants, déterminés à voir quelque chose de surprenant pour alimenter sa nuit.

Elisabetha ne vit point Licinia puisque les deux sorcières prirent deux chemins opposés.

Licinia se posta devant la bibliothèque et prononça :

Reserare te...

La porte se déverrouilla et elle put rentrer. Elle traversa la vide bibliothèque et parvint devant cette partie dissimulée dont elle réussit à déverrouiller ces grilles de la même manière.

La réserve était telle que son esprit lui avait montré : froide, authentique, mystérieuse et regorgée d'ouvrages de magie noire.

"Existe-il des livres sur l'ancienne religion ? Certainement." Se disait Licinia.

En scrutant la matière, les reliures des ouvrages, elle perçut un trou troublant entre une rangée de livres. Elle se mit à théoriser en se disant que ce devait être quelqu'un qui avait volé ou emprunté un livre.

Or, soudain, des voix chuchotèrent au niveau de ce trou et une excitation nouvelle s'empara de Licinia. Elle glissa ses doigts vers ce vide et les voix furent plus fortes. Certes, elle ignorait le sens de ce qu'elles disaient, ce devait être sans nul doute du langage privé. Mais ce qu'elle ne pouvait guère ignorer, c'était la magie qui s'en dégageait, cette magie qui faisait bouillir la sienne dans ses veines.

Ses doigts touchèrent délicatement l'espace, et passèrent sur des écritures. Elle enleva la poussière qui cachait les lettres et esquissa un sourire satisfait lorsqu'elle constata qu'elle pouvait déchiffrer ces termes.

Liber cognosere musti me implere.

"Un livre de la connaissance doit me combler..."

Licinia se saisit d'un ouvrage qui évoquait les métamorphoses du Moi - de manière non physiques mais magiques - se trouvant sur la petite table posée au centre de la pièce, et le colla vers ce petit espace. Les étagères se déplacèrent instantanément vers le haut, révélant une lourde double porte en bois.

Licinia l'ouvrit, sans nécessiter sa magie, comme si la porte l'obéissait déjà. Elle entra dans une pièce qui - à sa plus grande déception - ressemblait à la cave précédente.

La lourde porte se referma derrière elle et le feu des torches apporta une atmosphère douce et calme au sein de ces lieux sombres.

Cette pièce avait la même forme hexagonale, les mêmes motifs au sol, les mêmes armures qui entouraient ce grand dôme lumineux, situé au centre. Le seul point qui était différent, était ces nombreuses formes fantomatiques qui se déplaçaient dans la pièce, sous forme de chauves-souris, d'araignées, de serpents, de dragons, et par dessus tout... des démons.

Ces démons représentaient le boeuf peint sur les murs de Capoue - cette fameuse peinture prophétique qui avait suscité un grand intérêt dans le coeur de Licinia.

Elle voulut s'en approcher, les saisir, les confronter, leur parler.

⏤ Nox, murmura une vois inconnue, semblant provenir de toutes les armures qui l'entouraient.

La pièce devint complètement sombre, à l'exception d'une étrange matière qui ressemblait à de l'eau, recouvrant chaque centimètre du sol. Or, il n'y avait plus de sol, plus d'armures, plus le dôme positionné au centre ; il n'y avait que cette eau sombre, froide, passionnante, tranchante, et séduisante. Et le plus jouissant pour Licinia, fut le plafond qui donnait l'illusion d'un trou noir sans fin.

L'infini...

Une facette de l'univers qui l'avait toujours passionnée. Licinia roula ses orbites vers le plafond, et s'éleva du sol plongée dans un tourbillon noir afin de parvenir au niveau de ce trou noir infini.

Ses étincelles dans ses yeux étaient envieuses, hâtées, avides, car, dans un instant, elle serait plongée dans ce trou noir inconnu, car jamais elle n'aurait cru envisager cela, car c'était tout simplement une action imprévisible.

Le corps aurait franchi une autre dimension temporelle, elle serait plongée dans une chute infinie, et elle verrait tous les astres immenses et brillants lui montrer qu'elle était toute petite au sein de l'univers, telle une particule subatomique.

Sa main plongea dans le trou, mais à sa plus grande frayeur, le trou eut un fond, une fin, il n'était pas infini, c'était une simple illusion.

⏤ Non ! S'écria-t-elle avec rage.

La colère la prenant de cours, elle agita sa magie dévastatrice vers ce plafond, afin que le trou soit réellement percé. Toutefois, cela n'eut aucun effet.

Son crâne sentit un tintement et une douleur en découla. Elle ferma les yeux et vit une scène qui la terrifia. Dans cette vision, Licinia se voyait au niveau d'une plage, avec la gloire, le mérite, le calme, le soleil et la douceur l'entourer. Elle avait tout qui pourrait la rendre heureuse, la tête de Solonius posée à ses côtés, son ami Tiberius qui s'égayait avec elle et sa magie qui était plus puissante que jamais. Or, elle ne ressentait rien. Elle ne trouvait aucune joie, aucune réjouissance, juste elle constatait. Dans un point de vue théorique, elle aurait été ravie de connaitre une telle scène, de la vivre réellement, mais lorsqu'elle était confrontée à cette dernière, elle voyait que rien de satisfaisant n'en découlait car l'ennui était toujours présent.

Licinia se souvint alors de cet étrange sortilège moderniste "ridiculus". Il transformait la peur en rire. Et au bout du compte, ce qu'elle voyait n'était pas adéquat au réel, c'était son épouvantard.

Toutefois, pouvait-elle appliquer ce sort moderniste ?

Ridiculus ! Prononça-t-elle.

Mais sans l'usage sa baguette, cela n'eut aucun effet.

Une révélation s'insinua soudainement en elle, avec une autorité frappante. Licinia avait été tellement concentrée sur cette vision, qu'elle avait oublié durant un instant que ses paupières étaient fermées. Tel le sursaut qui suivait l'achèvement du rêve, elle ouvrit brusquement les yeux qui tombèrent sur ce plafond singulier, avant que son corps ne chute contre le sol de pierre.

Elle sentit son dos craquer, affichant automatiquement un sourire ravi chez cette dernière. Licinia se releva difficilement du sol, appréciant la douleur fulgurante qui traversait ses épaules pour parcourir son échine.

Elle s'approcha de la colonne lumineuse et une description lui frappa l'oeil : "Pour ouvrir, un sorcier doit faire le sacrifice ultime."

Licinia ricana, prête à exercer n'importe quelle tâche tordue, afin d'apprécier le frisson et le risque d'un tel acte. Elle avait directement décrypté le sens du message, le sorcier devait abandonner sa magie. Pour ce fait, rien de plus simple que de déposer cette baguette qu'on lui avait conférée, qui servait uniquement à sauver les apparences. Mais, elle voulait qu'un prétexte lui donne lieu, de sentir le frisson, la douleur, une sensation forte.

Et rien de ne plus réjouissant que de se couper un membre. Licinia sortit une dague de sa poche et commença à découper un doigt. Le doigt, aussi infirme soit-il, était essentiel pour de nombreuses taches. Il accompagnait la main, permettait l'écriture, la maitrise du corps... Si l'on se privait d'un tel privilège, notre vie serait un véritable enfer, car on aurait l'impression d'avoir tout perdu.

Le sang perla, tel lorsque l'on s'entreprenait à découper des rondelles de porcs, destinées au boucher du coin.

Son corps tout entier se crispa et goûta à cette folle sensation de douleur qui la vibrait à travers les tendons. Ses yeux s'humidifièrent montrant la souffrance qu'elle éprouvait, et qui paradoxalement, la rendait satisfaite.

Elle prit son doigt coupé, où du sang giclait à la partie manquante, et toucha la colonne avec celui-ci. Cette dernière s'ouvrit telle une fleur à l'instar de la précédente. Ce qui la surprenait un tantinet, c'est que la cave acceptait qu'elle offre une partie de son corps au lieu de sa baguette magique. Ceci corroborait l'idée de Licinia ; que les caves renfermaient des mystères fascinants, intéressants et par dessus tout, excitants.

Cette même lumière blessante pour des yeux sensibles, resplendissait au sein de cette colonne, Licinia vit une inscription étrange, titiller son attention.

XCIX CI CX CXVI XCVII CXVII CXIV CV CXV XCVII CIII CV CXVI CXVI XCVII

C'était des chiffres romains qui se traduisaient en langue moderne, comme ceci : 99 101 110 116 97 117 114 105 115 97 103 116 116 97

Licinia marqua les chiffres romains et sortit calmement des caves. Cette inscription devait fonctionner comme la dernière, elle indiquait l'emplacement, ou du moins, un indice, sur la prochaine cave maudite.

Licinia était satisfaite. Cet indice semblait complexe à déchiffrer, ce qui montrait que ces caves étaient plutôt bien protégées. Néanmoins, une question trônait dans sa tête, pourquoi Merlin aurait-il laissé des inscriptions s'il ne voulait pas qu'on entre au sein de ces caves, au risque de libérer les créatures démoniaques ? Était-il même au courant qu'on y avait laissé des indices ? Ou peut-être était-ce des traces que laissait la magie.

Licinia ne s'y attarda pas longtemps. Elle revint au niveau de la réserve, quitta discrètement la bibliothèque, et partit se coucher. 

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