XIX
Un laps de temps considérable s'était écoulé depuis que Vénus avait effectué une visite en Palestine, chez Ezra Aknin. L'homme avait été déconcerté face à sa venue, jusqu'à ce qu'elle lui partageât l'intégralité de ses observations.
En ce jour du 12 septembre 1898, Ezra envisagea une alternative propice à mettre fin à tout ce conflit. Il prit la décision de se rendre à Rome, où il comptait aborder avec bienveillance et courtoisie les problèmes politiques. Par chance, sa maîtrise de la rhétorique, une qualité indéniable, pouvait s'avérer fort utile.
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L'ardeur de Licinia à dénicher les caves maudites s'accroissait avec une rapidité fulgurante dans son esprit. Profitant de cette journée exempte de cours, elle résolut d'explorer les coins les plus reculés et énigmatiques du château.
Dirigeant ses pas vers les grands escaliers, elle s'éleva jusqu'au deuxième étage, attirée par une onde intéressante qui s'en dégageait.
Malheureusement, cette sensation ne révéla que la présence de deux élèves de première année s'affrontant dans un duel, sous les encouragements des plus anciens.
Albus intervint immédiatement en tant que préfet, accompagné d'une certaine Bathilda Tourdesac. Ensemble, ils parvinrent à mettre fin au tumulte avant de conduire les perturbateurs au bureau de la sous-directrice, Daisy Bias.
Licinia haussa les épaules et poursuivit son chemin, se dirigeant vers les premières toilettes qu'elle repéra. La pièce semblait triste et morne, éclairée par des torches, avec des lavabos disposés en cercle au centre.
Après s'être soulagée, elle se dirigea vers les lavabos et remarqua un dessin étrange sur l'un des robinets : un serpent gravé. Elle passa ses doigts sur la caricature, et un léger sifflement lui parvint à l'oreille. Licinia comprit qu'il y avait quelque chose derrière cet évier.
La clé de cette énigme résidait probablement dans la communication avec ce serpent. Malheureusement, elle ne possédait pas ce don. Elle savait cependant que Quarta Glabius, la femme que certains considéraient comme dangereuse et qui, semble-t-il, était éprise d'Ezra Aknin, en était capable.
Elle soupira et s'assit en tailleur, face à ce robinet. Pour la première fois depuis longtemps, Licinia était confrontée à un défi. Une autre alternative se présentait, mais elle devait faire preuve d'un spiritualisme très affiné, sous peine de mettre sa vie en danger. C'était quelque chose qu'elle n'avait jamais tenté, une pratique que même les druides les plus doués considéraient comme extrêmement difficile. Anchise lui avait fait une démonstration de cette technique à travers un passage condamné dans d'anciennes ruines de Capoue. Il s'agissait de sortir entièrement son esprit de son corps, nécessitant une concentration monstrueuse. Ainsi, son esprit pourrait errer presque partout où elle souhaitait accéder. Si quelqu'un rencontrait son esprit, il verrait une forme humaine de Licinia en train de se promener. Cependant, aucun sort ne pourrait affecter cette forme, la rendant potentiellement invincible pendant un court laps de temps.
Ses pupilles roulèrent dans ses orbites et elle essaya d'imposer un lien entre sa conscience et son subconscient. Il fallait que ces deux caractéristiques collaborassent ensemble afin que le processus se mît en marche. Elle explora les recoins les plus cachés de son esprit, voyageant dans sa tête pour trouver une issue, tout en visualisant le monde extérieur, en se concentrant sur son corps assis sur le sol et en prononçant les mots suivants :
⏤ Perle abticum at re za...
Ces paroles n'étaient pas en latin, mais dans une langue très ancienne utilisée par les magiciens des terres celtiques pendant l'Antiquité. Cette langue avait pour objectif d'assurer qu'ils ne ressentiraient aucune douleur lors des tortures violentes infligées par les Romains après des batailles sanglantes.
Les mots continuèrent de franchir ses lèvres et un léger vent fouetta ses cheveux courts. Tout ce qu'elle vit face à elle, les yeux fermés, c'était de l'encre noir. Il s'écoulait dans son esprit, brûlant le sillon cérébral. Se disant sûrement que cette vile douleur n'était qu'un symptôme peu agréable du rituel, elle continua en regardant au loin une faible lumière qui permettrait la sortie de son esprit, lorsque qu'un mal si intense, la força à ouvrir les yeux.
Elle se retrouva instantanément face au lavabo qui ne s'était pas ouvert. Elle allait jurer, lorsqu'elle sentit un liquide étrange vouloir jaillir de sa gorge, l'empêchant de parler. Une douleur atroce se répandit d'une vitesse fulgurante dans tout son corps, la forçant à se plier en deux. Elle toussota légèrement, et du sang coula en abondance de sa bouche jusqu'au sol.
"Merde, merde, merde..." Pensa-t-elle ennuyée.
Ce n'était pas tant la douleur qui l'indignait, mais le fait qu'un obstacle ait réussi à l'empêcher d'entrer dans ces lieux.
Constatant que le sang continuait de couler, elle sortit quelques feuilles de mandragore qu'elle avait dans sa poche, et les mâcha afin de calmer la douleur et afin qu'elle fût en état de se rendre dans sa chambre pour prendre tous les ingrédients nécessaires à la guérir. Personne ne devait avoir vent de son échec. Personne.
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13 septembre 1898
Le sénat de l'Italie magique était baigne d'une lumière si voluptueuse que les plus insensés pourraient placer les membres dans le même pied d'égalité que les divinités en quoi ils croyaient.
L'on aurait pu croire que la chaise du consul serait vide, or, ce fut Alastor Graham qui l'occupait - devenant pour un temps provisoire le nouveau consul de Rome.
Avec toute l'humilité et la bienveillance qu'il détenait, Ezra Aknin - un simple jeune homme ayant le tout début de la vingtaine - s'avança en offrant un sourire courtois à tous les députés présents.
⏤ M. Aknin... Prononça Graham.
⏤ M. Graham, ainsi vous êtes le nouveau consul, constata Ezra.
⏤ Pour un temps indéterminé oui...
⏤ Il y a des bruits qui courent consul. Rome est une ville si grande avec des discussions si intéressantes.
⏤ Qu'est-ce que vous insinuez ? Fit-il presque sous la défensive.
⏤ Oh, disons que la plèbe ne vous apprécie guère.
⏤ Il n'est guère accoutumé d'élire un consul sans un suffrage universel, il est vrai. Toutefois, étant donné les contrariétés qui se sont produites, l'urgence le demandait. Il faut remettre de l'ordre dans l'Italie avant que cela ne tourne au désastre.
⏤ Vous n'êtes pas en tort. Il est vrai que d'admettre haut et fort d'avoir assassiné l'ancien consul avec une si belle lâcheté ne serait peu élogieux.
Graham demeura outré, essayant de rester impassible face à ses propos.
⏤ Il était un tyran, défendit-il. Il a tué un homme de sang froid afin de monter au pouvoir. Nous l'avons fait pour le bien du monde magique.
⏤ Oui je le vois bien, marmonna-t-il en faisant le tour de la grande salle, sous le silence pesant de toute cette foule. Vous, sénateurs d'Italie, avez fait le bien. D'ailleurs, votre trône, il est... si grand.
⏤ Ce n'est pas un trône, rectifia-t-il sous l'embarras.
Les sourcils d'Ezra se haussèrent.
⏤ Ah oui ? Mais admettons une chose Graham... Admettons qu'en fin de compte le si noble Viperyn ne serait point resté aussi fidèle à sa personne... Admettons qu'il aurait tenté de tuer Marcus Decimare pour tout ce pouvoir et qu'il aurait eu pour dessein de briser le reste de sa famille...
Les sénateurs commencèrent à chuchoter entre eux, créant une atmosphère épaisse et étouffante.
⏤ Admettons également que votre si bon Titus Solonius aurait assassiné son fils de sang froid afin qu'il ne sache point ce qu'il avait en tête... Admettons que ce même Titus Solonius aurait été un personnage abjecte, prêt à baiser la femme d'un homme marié...
⏤ Vous allez vous taire, siffla Graham en tentant de contenir son calme.
⏤ Ne serait-ce point réaliste ?! Se demanda Ezra en haussant la voix. Ne serait-ce pas plus logique si l'on prenait en compte ce point de vue ?!
La tension était palpable au sein du sénat. Les questions rhétoriques d'Ezra avaient donné lieu à des doutes planant autour des nombreux sorciers politiciens.
⏤ Cessez de dire de telles ignominies barbares, dit Graham. À moins que vous ne possédiez une preuve, je veux que vous partiez d'ici.
⏤ Des preuves ? Répéta-t-il. Je les aies, il n'y a point à s'alarmer à ce sujet.
Il sortit de son sac deux artefacts significatifs : la lettre de Viperyn adressée implicitement à Marcus et la bague de Tiberius.
⏤ Analysez ces deux objets, et vous verrez que ma langue ne s'est point fourvoyée.
⏤ Pourquoi Viperyn aurait-il écrit une lettre dévoilant tout son stratagème ? C'est insensé ! S'exclama un sénateur elfe peu convaincu.
⏤ Parce que cet homme, Octus, est atteint de folie et de paranoïa. Il aurait espéré que M. Decimare la liât pendant son agonie, accentuant sa souffrance et donnant une image fort morbide de ce monde avant qu'il ne rejoignît les enfers. J'aurais voulu dire que par chance il ne mourut point suite à cet artefact ensorcelé, mais ce que vous lui avez fait est bien pire. Honte à vous...
Graham analysa les deux artefacts et il resta si éberlué et bouche bée qu'Ezra se chargea poliment de les passer aux autres sénateurs afin qu'ils voient les preuves.
⏤ Les mots me manquent... Souffla Graham, les lèvres tremblantes.
⏤ Oui, je comprends, dit Ezra. On vous pardonne.
⏤ On ?
Ezra lança un regard vers la porte qui s'ouvrit avec fracas, laissant entrer plusieurs sorciers italiens qui avaient été du côté de Marcus - ceux ayant réussi à fuir - ainsi que des amis fidèles d'Ezra, Venus faisant partie de ceux-là.
Avec cette coalition, le nombre était plus grand que celui des députés ayant soutenu Titus et soutenant à présent le consul provisoire ; Alastor Graham.
⏤ Qu'est-ce que... ? Bredouilla Graham.
⏤ Ceux qui soutiennent Decimare sont nombreux, expliqua Ezra. Certes, on vous pardonne pour ce malentendu ainsi que pour cette manipulation dont vous avez été les victimes. Toutefois, le peuple ne vous le pardonnera jamais. Et n'est-ce pas l'essence même pour être un bon politicien ? Être avec le peuple ?
Les députés s'échangèrent des regards horrifiés.
⏤ Vous pouvez y aller, accorda Ezra à ses complices, alors que ses pupilles s'illuminaient d'une lumière jaune, annonçant un champs lexical d'un magnifique massacre.
Et le sang ruissela de partout.
Nda : Oui, nous aimons le meurtre par ici.
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