XII

22 août 1898

⏤ Des morts, des morts et encore des morts... Déclara Tertula qui lisait le journal, assise à la terrasse du chaudron baveur, du côté du chemin de travers.

⏤ Pourquoi sais-je à peu près ce que tu vas me dire ? Souffla Phineas agacé.

Les deux sorciers issus de la famille Black s'étaient rendus à l'auberge comme tous les lundis des vacances d'été pour boire un verre. 

⏤ Ces sorciers là sont fous, affirma-t-elle en lui montrant une photographie du corps de Tiberius Solonius qui était en train de brûler. Ce garçon a le même âge que moi.

⏤ Il y a bien des meurtres sanglants chez nous aussi, Phineas haussa les épaules. Seulement, ce ne sont pas des sorciers si riches ou hautement placés dans la société, donc la presse ne leur accorde pas plus d'importance.

⏤ Oui je le sais mon oncle, dit-elle en roulant des yeux. Mais ici, personne n'oserait s'en prendre à l'un de nous. Là bas, il n'y a aucune morale, aucune moeurs.

⏤ Mais il y a la puissance et l'authenticité... Songea-t-il passionné en sirotant un verre de xérès.

⏤ Je vous laisse dans vos pensées et je m'en vais, en conclut-elle en se levant, tout en laissant des mornilles sur la table de l'auberge.

Elle n'attendit pas une réponse de sa part, et quitta la rue principale, se rendant dans la grande demeure des Black.

Elle tournoya sa baguette et les portails s'ouvrirent tout seul. Elle longea le petit chemin de pierres précieuses, ses longs talons noirs résonnant dessus, avant d'ouvrir la porte pour entrer chez elle.

Elle allait monter les escaliers froids, lorsque sa mère l'intercepta au rez-de-chaussée.

⏤ Mère... La salua Tertula poliment.

⏤ Ma fille, Liciscus est arrivé de France pour nous voir.

⏤ Mon coeur se réchauffe déjà, ironisa-t-elle en levant les yeux au ciel.

⏤ Que dois-je comprendre ?

⏤ Tout et rien à la fois, siffla-t-elle en tournant les talons pour sortir.

Son pied franchit le seuil de la porte, or ses mouvements furent stoppés par quelqu'un qui retenait fermement son poignet.

Elle se retourna vivement avant de croiser son adorable cousin qu'elle détestait. Il était un peu plus grand qu'elle, ses cheveux étaient bruns et un peu longs et ses yeux, bleus comme elle. Elle se dégagea d'une geste vif de l'emprise du jeune homme et dut se retenir de ne pas le gifler. Elle détestait qu'une personne la touche, encore plus si c'était une personne qu'elle méprisait.

Son cousin, une personne du même sang qu'elle, acceptait sans aucun scrupule le mariage forcé qu'avait proposé sa mère. Pire que cela, il était ravi.

⏤ Ne me touche plus jamais salaud, affirma-t-elle sérieusement en le regardant dans ses petits yeux méchants, se permettant d'enlever ses formules de politesse avec lui.

⏤ Je serais bien obligé lorsqu'on se mariera.

⏤ Je serais morte bien avant que ce jour n'arrive, assura-t-elle déterminée avant de quitter la maison.

Un elfe aux longs cheveux blonds, marchait d'un pas pressé dans les rues chaudes et compressées de Capoue, tenant entre ses mains plusieurs objets, étant donné qu'il travaillait dans les archives.

Il arriva dans la maison de Titus, d'un air ravi.

⏤ Monsieur, voici tous les artefacts incriminant de près ou de loin M. Decimare, annonça-t-il en lui tendant les dûs.

Il esquissa un sourire satisfait.

⏤ Il n'en réchappera point. Il faudra l'achever lorsqu'il sera étourdi.*


Licinia était dans sa chambre et malgré sa mélancolie apparente, elle s'efforçait de s'occuper du mieux qu'elle pouvait, en jonglant avec une bulle enchantée.

Ceci lui changeait légèrement les idées mais cela n'enleva pas les suspicions qu'elle éprouvait. Sa mère, Gaia, entra doucement dans sa chambre, un pendentif à la main.

⏤ Une fois, j'ai entendu Tiberius dire à son père que s'il partait dans l'au-delà, ce collier te reviendrait directement, annonça-t-elle d'une voix bienveillante en s'asseyant à ses côtés. Je l'ai rapidement retiré de son cou afin qu'il ne brûle pas avec lui, il aurait été ravi que tu l'ai.

Licinia sourit faiblement avant de glisser un "merci", et prit le pendentif doré entre ses doigts. La chaine était en or et il était dessiné un renard, l'emblème des Solonius.

⏤ Je vais te laisser seule, finit par déclarer sa mère. Si tu ressens le besoin de me voir je suis à côté.

Licinia acquiesça et Gaia partit.

D'un oeil perçant, elle contempla les différents motifs, se demandant bien comment il avait pu succomber face à une perte de contrôle magique.

Lasse, elle le posa à côté de sa couche, et finit par s'affaler sur son lit, ne souhaitant que dormir.


Dans un salon de Capoue, Titus avait convié plusieurs sorciers pour discuter. Certains étaient issus de l'ancienne religion et d'autres appartenaient au monde moderne.

La conférence devant être d'une discussion irréprochable, ne se trouvait guère chez Titus. Elle avait été organisée chez l'elfe Octus - un membre du sénat.

⏤ Je voudrais commencer cette réunion en exposant ceci, commença Aquilas, le peuple a voté en faveurs d'un tyran.

Titus et d'autres sorciers acquiescèrent vivement. 

⏤ Pensez-vous qu'il aurait été un acteur du meurtre de Viperyn ? Demanda Octus en fronçant les sourcils.

⏤ Rien n'est impossible. C'est un assassin ; un assassin de la liberté.

Des bruits qui approuvaient ses dires s'élevèrent à travers la grande salle.

⏤ Si je puis me permettre, j'aimerais vous montrer ceci, déclara Titus en sortant ses documents.

⏤ Espérons que cela apporte des faits concrets, après tout, vous n'êtes pas un sénateur, lança un homme nommé Gaius. 

⏤ Effectivement. Je vous dévoile tout.

Titus leur montra les papiers conclus avec Astro, la somme d'argent versée pour lui, les preuves qui l'inculpaient au meurtre de ce tueur à gage. Il lui était essentiel de leur montrer ceci afin de leur prouver qu'il avait commis cela afin qu'Astro ne parlât jamais. De plus, il évoqua la bague noire et maléfique et exposa sa mémoire aux yeux de tous suite à une longue incantation et à une longue prononciation.

⏤ Ceci est convainquant, très convainquant, marmonna Octus dans sa barbe blanche. Toutefois, même avec ceci, on ne pourrait le condamner, il est intouchable.

⏤ Que faire alors ? Fit Aquilas.

⏤ Le tuer nous-même, déclara Titus.

⏤ Il a un air de César vous ne trouvez pas ? Songea Gaius. Pourquoi ne pas faire comme les anciens sénateurs de Rome ?

⏤ Voulez-vous qu'on le poignarde chacun notre tour ? S'étrangla Titus, manquant un rire.

⏤ L'idée est bonne, approuva Octus. Mais il faudrait tenir à bonne distance tous les sorciers qui le soutiennent.

⏤ Pas besoin, les rassura Gaius. Nous sommes beaucoup plus nombreux qu'eux. Ils suivrons forcement le geste, ou ils fuirons.

⏤ S'ils fuirons cela enclenchera une guerre civile, rétorqua un sénateur ennuyé.

⏤ Mieux vaut une guerre qui finit bien qu'un gouvernement corrompu, dit Titus.

Le débat continua durant une heure et les sorciers convinrent de se tenir au projet ; le tuer au sénat.


23 août 1898

Marcus quitta une nouvelle fois sa demeure à Capoue en leur offrant des au revoir sincères. Il se sentait légèrement coupable de laisser Titus seul chez lui avec la mélancolie démente de la perte son fils. Il lui avait proposé de venir à Rome avec lui, mais ce dernier avait refusé poliment, préférant reprendre sa fonction en tant que conjureur de sorts dans les environs sans ne prendre aucun repos.

Après un long voyage éprouvant, il arriva à Rome. Il se rendit à un hôtel et récupéra un peu. Dans la soirée, où la brise était bien plus fraiche qu'à Capoue, il partit vers le sénat afin de commencer sa nouvelle fonction de consul. 

Il franchit les portes de la grande salle, accompagné de plusieurs sénateurs qui étaient en sa faveur.

⏤ M. Decimare, à propos d'une terre qui revient à ma famille... commença un homme en s'avançant vers lui alors que le bruit dominait la salle. 

⏤ Un peu de patience M. Nyx, le stoppa-t-il catégoriquement d'un geste de la main.

Ledit Nyx attrapa le bras de Marcus. Ce dernier se dégagea vivement en lui lançant un regard hautain.

⏤ Ne me touchez plus ainsi.

Anxieux, Nyx s'avança vers lui et tenta d'attraper son bras.

⏤ Mais que-, se révolta Marcus alors que le silence dominait entièrement la salle.

⏤ QU'EST-CE QUE VOUS ATTENDEZ ? Hurla Nyx. C'EST MAINTENANT OU JAMAIS !

Aquilas hocha la tête calmement, avant de foncer sur Marcus et de le poignarder à l'aide d'une dague.

Marcus sentit toute sa force le quitter, et toucha le bas de son ventre ensanglanté. Un autre arriva et planta son arme par derrière, plaçant l'avant de son bras autour de son cou. L'essentiel des sorcier fonça sur lui et le saigna de tout côté ; ventre, bras, côtes, dos, même le cou.

Le tocsins de la rage et de la révolte pouvait se faire entendre à travers Rome ; ils voulaient supprimer un futur tyran.

Tout n'était qu'un amas de sorcier, formant un homme fort et invincible, donnant toute sa force sur un autre affaibli.

Titus fit son apparition parmi la foule, et son coeur battait si fort d'excitation que ce fut une sensation qu'il ne songea pas à cacher.

Les hommes finirent par lâcher Marcus qui ne ressemblait plus qu'à un tas de viande avariée. Le sang sortait de sa bouche et tout son costume n'était que rouge. Le corps encore tremblant - montrant qu'il était toujours en vie mais plus pour très longtemps - , il réussit malgré sa vue floue et perturbée, à reconnaitre la forme de Titus qui s'avançait vers lui. Titus s'approcha à sa hauteur, le visage cruel.

Marcus eut les larmes aux yeux. Son plus cher ami faisait partie du complot. Son plus cher ami voulait sa mort. Les deux sorciers s'étaient connus il y a une dizaine d'années, lorsqu'ils n'étaient qu'Aurors. Ils arrêtaient ensemble les criminels et arrivaient à restaurer l'ordre dans les rues. À présent, les chemins s'étaient séparés en deux parties bien distinctes.

La gorge tremblante, reniflant de chagrin, il regarda une dernière fois le traitre qu'il croyait ami, avant que celui-ci ne porte le coup de grâce.

Marcus Decimare fut mort, tué par ce pouvoir qu'il voulait tant.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top