XI
19 août 1898
Tiberius eut un sentiment étrange. Un sentiment morose. C'était comme si quelque chose de sombre allait arriver. Ayant ce noble don de claire voyance, il arrivait à sentir les mauvais évènements arriver.
Il se redressa de sa couche, déterminé à ce que rien de tel ne se produise. Il vivait dans des temps de paix et était bien déterminé à ce que cela reste ainsi. Le Moyen Âge fut une époque si sombre et si dangereuse avec les prêtresses malintentionnées et les chrétiens extrémistes que cela en devenait effrayant.
Il se leva et décida d'errer quelque part afin que son pressentiment devienne plus clair. Il parvint dans la pièce principale de sa demeure et bouscula par inadvertance son noble père qui semblait embêté - voire enragé.
⏤ Mes excuses, déclara-t-il d'une voix douce.
⏤ Ce n'est rien fils, retourne te coucher, répondit-il en formant un faux sourire bienveillant.
En vérité, Titus était sous la panique. Il devait supprimer Marcus au plus vite.
Toutefois, le ressenti noir et morose de Tiberius s'intensifia à la présence de son père. Son coeur battait très fort sans qu'il ne pût le contrôler alors que des voix sombres et incantatoires chantonnaient dans sa tête.
⏤ Qu'est-ce que tu t'apprêtes à faire père ? L'interrogea-t-il, inquiet et soucieux.
⏤ Je vais continuer à remplir mes papiers, ne t'en fais pas trop, dit-il d'un ton catégorique.
Malgré le coup de théâtre parfaitement bien interprété de la part de son géniteur, Tiberius vit la contre-vérité planer.
⏤ Tu ments ! S'exclama-t-il, un profond dédain se faisant ressentir. Dis-moi la vérité père, qu'est-ce que tu t'apprêtes à faire ?
Titus fut pris de court. Il avait oublié durant un léger instant, que son fils héritait du don de sa défunte femme ; la clair voyance.
⏤ Rien dont tu ne dois te soucier, je le jure sur la stèle de la triple Déesse.
⏤ Le fait de jurer devant les Dieux ne suffit pas à effacer la tromperie que je vois, insista-t-il en le regardant droit dans les yeux.
Ils restèrent silencieux durant un petit moment. Puis, Titus s'apprêta à effacer les souvenirs de son fils et de le faire retourner au lit, lorsque celui contra le sortilège en projetant son père contre les murs de la villa.
Son dos percuta la surface dur, et il grimaça de douleur suite au choc, avant de se relever difficilement.
⏤ Tu as voulu m'attaquer... Souffla Tiberius éberlué. Tu as voulu attaquer ton fils...
Plus qu'embarrassé, Titus se dit que s'il lui lançait un sort violent, son fils s'évanouirait et il pourrait lui effacer la mémoire. Le principale enjeux, était le danger de cette incantation. Une toute petite anomalie, et Tiberius pourrait se retrouver mort.
Ses pupilles roulèrent dans ses orbites et il marmonna rapidement :
⏤ ut eum dii obstupefaciant...
Un violent filet blanc fusa vers son fils et ses pieds se levèrent du sol, ses cheveux se dressèrent suite à l'intensité de l'incantation, ses yeux sortirent de ses orbites, et son corps fut projeté d'une force déconcertante contre le mur. Il percuta un meuble et son cou se craqua, ses yeux se fermèrent et ses muscles se lâchèrent.
Affolé, Titus se précipita vers lui, priant tous ses dieux pour que son fils soit encore en vie. Il avait été tellement en colère en prononçant l'incantation qu'il avait presque oublié l'énorme enjeux qui se présentait à lui.
Ses doigts se posèrent sur son cou et rien. Plus aucun battement. Titus se retint de fondre en larmes et lança des sorts faibles mais redondant pour réanimer son fils. Il vida tout son stock de connaissance, essaya les potions, les prières, les plantes, mais en vain. Tiberius fut passé dans l'au delà.
Le père avait tué le fils.
❦
Licinia apprit la nouvelle de la mort de son plus tendre ami comme une profonde épée qui aurait tranché son petit coeur. Selon Titus Solonius, Tiberius aurait succombé à la mort pour cause d'une magie bien plus puissante que lui qu'il aurait essayé de contrôler. Il s'était laissé manger par elle, et était resté impuissant.
Les larmes roulèrent sur ses joues et ces ombres barbues autour d'elle pleuraient humainement*. Elle errait sans but dans un jardin d'oliviers où dormait la mélancolie*.
En regardant ce ciel si bleu, ce ciel si absent de peine et de compassion, elle maudit les dieux. Le monde semblait fonctionner normalement sous la joie et la bonne humeur du soleil, que l'on oubliait qu'une personne fut passé de vie à trépas.
Elle observa les fleurs qui semblaient parler entre elles, d'un regard consterné, se disant qu'elle ne le reverrait plus jamais. Se disant qu'elle était maintenant seule. Seule sans lui. Lui sans elle.
Or, elle ne restait pas naïve. Son ami n'avait pas succombé face à une magie qu'il n'avait pas su contrôler, c'était impossible. Elle le connaissait mieux que quiconque. Tiberius était le plus sensé entre les deux personnages. C'était lui qui conseillait Licinia de ne pas trop se précipiter en faveurs d'une magie encore trop haute pour elle. C'était lui qui favorisait la connaissance à la place de la force. Il serait bien plus probable qu'un vilain mage noir très puissant vienne terroriser le monde magique moderne après des siècles de paix, au lieu d'un Tiberius qui se laissât manipuler par la magie noire.
Quelqu'un l'avait tué.
❦
Dans un champs vert qui s'étendait à perte de vue, une foule de sorciers pleurait la mort d'un autre. Un corps sans vie d'un jeune homme reposait sous un drap fin et pure. Il était posé sur une couche qui était posée sur un tas de bouts de bois prêts à être embrasés.
Titus regardait sans aucune expression, le vide dans son esprit, le fils qu'il avait tué. Tout le monde commémorait sa mort. Tout le monde lui envoyait leur plus noble condoléance. Or, ils envoyaient leurs bons sentiments à un meurtrier sans âme.
⏤ Pardonne-moi mon fils. Je te supplie de me pardonner... marmonna-t-il en pleurant, regardant vers les cieux, alors qu'un prêtre prononçait en latin la cérémonie. Je regrette tellement. Je me hais tellement... Si tu voudrais me maudir j'accepterais cela à coeur joie... Je mérite d'être damné... Je le mérite.
Une main affective se posa sur son épaule. Il se retourna avant de voir Marcus.
⏤ Si quelqu'un doit être damné ce n'est pas vous Titus, affirma-t-il sérieusement. Vous devez le savoir ; vous n'y êtes pour rien. Vous ne l'avez pas tué. Ce n'est pas de votre faute. La magie peut se montrer aussi bien exaltante que démoniaque...
"Oui ce n'est pas moi qui l'ait tué..." Songea-t-il en ayant une révélation poignante. "C'est vous..."
Selon lui, si Marcus n'avait pas assassiné Viperyn, les évènements suivants ne se seraient point produits. "Tout est de sa faute... Il sème le mal dés qu'il passe."
⏤ Je vous remercie de votre soutien, déclara-t-il seulement.
Marcus acquiesça et se tourna vers le défunt. Le prête alluma le feu et le corps brûla sous ce spectacle lumineux et douloureux.
Titus fixa d'un oeil sanglant Marcus qui regardait les flammes, se jurant qu'il allait venger la mort de son fils.
Nda : Oui je suis totalement cruelle :). *les deux phrases sont des citations de notre ami Appolinaire.
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