Octavio [Partie 2]

La rencontre avec la réalité : les Sales Gosses de Babel.

Octavio est la ville avec ses travers d'obéissance aveugle. Quand il ouvre les yeux peu à peu, c'est la ville qui les ouvre au même moment que lui.

Quel est le point départ de tout ? L'excursion avec Ophélie chez le professeur Wolf. Il n'est pas encore perverti comme sa mère et croyait vraiment aux idéaux de Babel. La désillusion est terrible. Il en aura d'ailleurs tellement honte qu'il refusera qu'Ophélie le regarde.

La rencontre avec le Presque-sans-peur-et-sans reproche (PSPSR, cela ira plus vite ne m'en veuillez pas) commence avec un Octavio condescendant, franc et méprisant qui prend même le luxe de l'insulter, auquel s'ajoute de la répugnance. Dans un second temps, Octavio se montre assez naïf et incapable de comprendre ce monde qui lui fait face. Comment pouvait-il espérer que simplement en leur demandant ils allaient se rendre et se disperser (c'était bien tenté... Stupide mais bien tenté). On est loin de l'orateur charismatique du Tome 4, ici ses argument tombent à plat, il est incapable de reprendre pied dans la discussion. Ce n'est même pas du courage de tenir tête au PSPSR (ou pas tout à fait). Il ne pense pas encore qu'on pourrait vraiment exercer de la violence sur lui. Il n'a encore jamais subi de violence, on ne l'a jamais frappé. Comment craindre, ce qu'il n'a pas encore éprouvé ?

Même à l'arrachage de sa chaîne, il ne moufte pas et parvient encore à se contenir. Attardons-nous un instant sur ce point. Ce n'est pas la métaphore la plus discrète, elle a le mérite toutefois d'être évidente : l'arrachage des chaînes. Ces chaînes brisées dorée que l'on retrouve dans la littérature (Salammbô de Gustave Flaubert pour ne citer que lui) et marque la fin des convenances, de la retenu et enfin la vrai nature du personnage révélée. Ici les chaînes ne sont pas brisées mais arrachée.

Cela va vous paraître étonnant, pourtant c'est un détail qui a son importance. Octavio n'a pas choisi d'enlever ses illusions, il n'a pas choisi de comprendre : la vérité s'est imposé d'elle-même et la forcée à la regarder en face par le biais du Presque-sans-peur-et-sans-reproche. Le fait qu'on lui ait retiré ce choix rend la perte des illusions encore plus difficile pour lui et lui enlève définitivement le contrôle sur lui et son environnement qu'il pensait avoir.

Bref, cet arrachage n'est pas le déclencheur de sa fureur. Ce qui la déclenche est la demande graveleuse que le PSPSR fait à Ophélie associée à plusieurs remarques désagréables. Le PSPSR se prend son poing dans la figure.

Après la marque physique de sa supériorité hiérarchique, cet acte est encore plus symbolique. Ce qui faisait la supériorité d'Octavio était pour lui sa capacité à respecter les règles et à se contenir.

Là, on lui rappelle de force qu'il n'est qu'un homme qui saigne comme un autre et qui peut se battre comme un autre. Suite à l'arrachage de ses chaînes, il explose. Lorsqu'il frappe le Presque-sans-peur-et-sans-reproche, c'est l'expression de toute sa frustration : adieu le beau contrôle sur lui-même. C'est évident que de temps en temps, tout le monde a besoin de se défouler. C'est pour cela qu'il vaut mieux se détendre dès qu'on ressent de la pression. Sinon, tout cela s'emmagasine et je ne raconte pas les dégâts lorsque cela explose. Dans le cas d'Octavio, c'est des années de privation à se contenir qui explose ce soit là. En une soirée, il a connu plus d'interdits que toute sa vie durant. Cette soirée est un cataclysme.

Il réalise qu'il n'est pas parfait (contrairement à ce que pouvait lui répéter sa mère) et qu'il n'est pas capable de respecter ses valeurs, ce qui le rend aussi abattu lorsqu'il se réfugie chez Wolf.

Avant Ophélie il avait toujours su où était sa place, regarder le monde d'un air dominateur car il savait où il allait et qu'il avait la capacité d'y aller. A cet instant il doute, alors il se tourne vers Ophélie qu'il qualifie de sa seule et l'opinion de sa mère.

Plus encore, il n'a jamais pris réellement de décision par lui-même, pas importante du moins. Il a besoin d'opinion, d'aide. C'est pourquoi il se tourne naturellement vers sa mère et surtout vers Ophélie, sa seule amie. Comme un choc n'arrive jamais seul, il finit par prendre une décision que je trouve particulièrement courageuse à mon sens : il va assumer ses erreurs. Il peut transgresser les règles comme un autre, alors il sera punit comme un autre. Il ne l'avoue pas crânement, il est humble face à la faute, ce qui change de l'Octavio tout en contrôle et dominant qu'on connaissait.

Le jeune homme est presque rassuré en dépit de son inquiétude : il sait ce qu'il va se passer. La certitude de la sanction, c'est au moins une chose à laquelle il peut se raccrocher.

ET BAH NON.

Comme le lecteur et Ophélie le supposait, évidemment que le fils parfait ne va être puni, sa mère va faire en sorte de le couvrir. Autrement dit, après s'être rendu compte qu'il n'était pas ce qu'il pensait être, il réalise que la Cité non plus n'est pas conforme à ce qu'il pensait être. Si la Cité est capable de bafoué ses idéaux pour le simple fils de Lady Septima, de quelle fraude est-elle encore capable ? Et sa propre mère est impliquée ! C'était sa mère qui lui avait tracé son chemin. Mais si elle est capable de ce genre de trahison, est-ce que le chemin qu'elle a tracé vaut aussi le coup ? Remettre en question la source de l'autorité, permet enfin à Octavio un vrai travail sur lui-même. La dernière de ses illusions se brise et après ce constat, il n'a plus la force de se battre et se retire.



Le Tome 4. Le changement de l'intérieur.

Dans le tome 4, Octavio représente de plus en plus Babel qui prend conscience que les dirigeants ne sont pas à la hauteur de leur prétention. Ce n'est jamais une nouveauté que des catastrophes climatiques et autres, entraînent une multitude de changement.

Il déplore le manque de transparence, un comble pour un Visionnaire tel que lui. S'il trouve cela opaque que devrait penser les autres ? Si Octavio savait déjà (enfin, deux jours avant) que Babel était corrompu, la majorité des habitants l'ignorait. Eux aussi sont mis de force devant le fait accompli, ce qui donna la scène des dirigeables.

Déjà que tout n'allait pas bien dans le meilleur des mondes, la situation se révèle encore pie que prévu. La diversité culturelle/ sociale n'est qu'une illusion, au moindre problème tout s'effondre. A la fin de cette scène, très métaphorique, Octavio n'y voit plus rien : littéralement et mentalement. Tout comme Babel, qui ne reconnait plus rien de son ancien fonctionnement.

Nouveau choc évidemment pour Octave qui ne pensait pas que la Cité et surtout sa propre mère puisse aller aussi loin.

Ophélie trouvait qu'avec le Presque-sans-peur-et-sans-reproche, c'était une voix nécessaire à Babel qui s'est éteinte. En prenant la parole dans le Tome 4 et en dénonçant ce qui se passe et en refusant que les personnes rentrent dans les dirigeables, une voix plus modérée mais critique sur les mesures de Babel s'élève à nouveau. On découvre un Octavio charismatique et leader né. Devant une foule bouillonnante, il hausse à peine la voix et parvint cependant à captiver tout le monde, même Ophélie pourtant dans les tribunes bien loin de là.

La différence est que cette fois une majorité pourrait s'identifier à lui : changer les choses de l'intérieur pacifiquement. Malheureusement dans un climat de tension, cette voix n'est pas encore prête à être entendu. Durant cette période, Octavio diffère de la Cité : son personnage est là pour apporter la touche de modération qu'il faut. En sombrant dans l'Envers, cette voix s'éteint et montre qu'en période de tension, cette voix VRAIMENT n'est pas entendue.



Babel la neuve.

A la fin du Tome 4, on a enfin la conclusion de l'évolution du personnage et de la Cité. Un nouveau système est en train de se mettre en place. Octavio/Babel a dépassé ses contradictions, assumé ses torts, évincer ce qui ne pouvait fonctionner (comme la censure) : ils ont tourné la page et retenu des leçons. Devant eux, il y a tout à rebâtir. Il se réconcilie avec son passé et on le voit lorsqu'il s'en va main dans la main avec sa sœur Seconde. La différence n'en est plus une. La voix d'Octavio peut se faire entendre.

Bienvenue dans Babel la Neuve.

Le dernier chapitre de la Tempête des Echos est lourd de sens. En refusant de rester à Babel à ses côtés, Octavio réalise réellement que la page est tournée et qu'en dépit de l'aide, elle va bientôt faire partie de son passé. Evidemment, sa tristesse est palpable. Il expédie l'adieu en une phrase après l'annonce de son départ. Il s'en va vers son avenir sans regarder en arrière. Il a tourné la page, bien qu'Ophélie restera un point d'ancrage.

Il en ira de même pour Ophélie. La « mort » d'Octavio a été un choc pour la jeune femme et celle qui l'a le plus impacté. Les trois dernières personnes à qui elle adresse la parole ne sont pas anodines. Ce sont Archibald, Octavio et Elizabeth. Avec Octavio, c'est à Babel, une grande partie d'où elle a évolué et découvert grandes révélations. Avec Archibald, c'est au Pôle ses premiers pas en temps qu'Ophélie encore naïve. Enfin quand elle dit au revoir à Elizabeth, c'est à sa vie qu'elle dit adieu, à la fille qu'elle aurait pu être, elle dit au revoir à la clé de tout. Ensuite il ne reste qu'elle.

Et Thorn.

Mais revenons à Octavio. C'est un organisateur : Babel c'est une tour bâtie selon la Bible pour atteindre la perfection (Dieu) composé d'un mélange hétéroclite harmonieux. C'est l'idéal et si la cohabitation va être difficile, il n'a pas peur de les affronter. Octavio n'est plus un passif, qui analyse et joue les messagers : il bâtit. L'information c'est lui qui va la crée. Je ne serai pas surprise si une ellipse avait été faite à l'occasion d'un épilogue dans le Tome 4 de le trouver à la tête de Babel.

Même à la fin, il conservera son uniforme de la Bonne Famille qu'il n'a d'ailleurs jamais cessé de porter malgré la perte de ses illusions, comme un ultime point d'ancrage. Il se raccroche à ces derniers restes de son ancienne vie, les seuls choses qui avaient du sens qui symbolisait l'égalité et dont il va s'efforcer de rendre ses lettres de noblesses. C'est un babélien pure souche et il n'a jamais cessé de l'être. Il a juste changé la signification de ce que ce terme signifiait.

Je vais m'intéresser enfin aux ailes d'avant-coureur sur ses chaussures (qui est d'ailleurs le dernier détail qu'Ophélie aura de lui, ce qui montre tout de même son importance). Le parallèle avec Hermès (ou Mercure, cela dépend si vous êtes plus mythologie grecque ou romaine) semble assez évident. Il s'agit du dieu des messagers et donc de l'information (logique à la Bonne Famille, d'autant qu'ensuite Octavio a travaillé dans un journal). Voilà la signification des ailes, à mon sens, avant le Tome 4. Mais maintenant à Babel la neuve, les ailes du dieu du hasard, du commerce, des voyageurs, des poids et des mesures, des voleurs (ça fait un sacré CV pas vrai ?), se rattache, je pense, au symbole d'Hermès en tant que dieu des voyageurs. Ces ailes ont accompagné Octavio durant toute son évolution, tout son périple. Babel comme lui en a fait du chemin...


Conclusion.

Christelle Dabos a le chic pour offrir à tous ses personnages une belle évolution. Quand je dis tous les personnages je dis tous les personnages et non pas les seuls principaux en laissant les secondaires sur le côté. Octavio ne fait pas exception à la règle : il évolue en même temps que Babel et de jeune homme aveuglé par le système, il saura garder toutefois la voix de la raison et de la modération pour tout reconstruire à l'image des idéaux avec lesquels il a grandi.

Je n'ai pas l'impression que ce personnage ait été très apprécié par le fandom. Du moins, c'est ce que j'ai pu lire lorsque j'ai fait quelques recherches sur le personnage. Pourtant, je trouve au contraire ce personnage fascinant et à dire vrai c'est le personnage que j'ai le plus apprécié dans le tome 3, même si mes favoris resteront ceux découverts dans le tome 1 et 2.

L'auteure a eu l'intelligence de ne pas créé un bête triangle amoureux ou d'en faire un Malfoy bis. C'est un personnage issu d'une famille puissante très bien conçu, je trouve et qui prouve la supériorité du mérite, du travail sur un simple privilège de la naissance. Qu'importe d'où on vient, d'où on né, ce qui compte ce sont les actes. Il a envié Ophélie pour être déterminer à atteindre son but et pour avoir un but tout court. A présent, à la fin du tome 4, il a enfin un but dans lequel il peut mettre toute son énergie.

Heureusement qu'Ophélie était là pour lui donner un bon coup de pied au fondement.


Nous voilà donc à la fin de cette analyse de personnage, j'espère qu'elle vous a plus ! J'ai essayé de vraiment décortiquer le personnage sans me contenter de faire l'historique de sa vie. Si vous pensez que certaines choses peuvent être améliorée (plus d'illustrations, plus de parenthèses psychologiques, etc), n'hésitez pas à me faire signe.

En tout cas, la prochaine analyse portera sur un autre personnage que celui de la Passe-Miroir, rendez-vous dans mon autre recueil !

Par ailleurs quel personnage aimeriez-vous voir à la prochaine analyse ? Je crois que je vais m'attaquer à un esprit de famille... Que diriez-vous de Farouk ?

Prenez soin de vous !

Et, on se quitte sur la traditionnelle question de fin d'analyse: Quel est votre moment préféré avec Octavio ?





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