Blasius. [Partie 2]

Et c'est globalement là où commence notre histoire telle que nous la découvrons par les yeux de notre Passe-Miroir préférée.

Un peu de calcul : il a dix-huit ans en sortant de l'Observatoire et il a aimé le Professeur Wolf en secret durant quinze ans. Je suppose que cet amour est né peu après sa sortie de l'Observatoire. On peut donc déterminer qu'il a environ trente-trois ans minimum lorsque le lecteur le découvre dans La Mémoire de Babel. Pourtant, il n'a pas l'air d'un adulte, il n'a même pas l'air d'être plus âgé qu'Ophélie dans sa manière d'agir. Il semble bloqué à l'adolescence, ce qui n'a rien d'étonnant si on considère qu'il est bloqué dans une prison mentale qu'il a lui-même érigé.

Je dirais qu'il y a deux rencontres avec le personnage. La première lorsqu'elle le bouscule avec le chariot à livre, la deuxième dans le tramoiseau.

Je vais parler des deux, car toutes permettent de montrer Blasius sous un éclairage différent.

La première fois, Blasius est juste un élément du décor, il range le Mémorial, il n'est pas important. Pourtant, toute personne ayant lu le Tome 3 sait à quel point cet accident entre ces deux maladroits et têtes-en-l'air était primordial pour permettre de préserver l'Ere des Miracles d'Eulalie Dilleux. On nous présente un homme résigné qui en voyant tous les livres par terre ne gronde pas Ophélie. Il se contente de soupirer et de ranger ses livres avec un air fataliste ce qui laisse supposer que cette situation arrive souvent. Cela nous fait découvrir un personnage qui considère que les erreurs des autres arrivent à cause de lui, alors que c'est clairement de la faute d'Ophélie si le chariot est renversé. A force d'avoir de la malchance et de la maladresse, c'était prévisible : « je suis le seul fautif », chuchote-t-il. Bref, ce serait typiquement la personne à qui on marche sur le pied et qui s'excuserait.

Nous avons ensuite le droit à un discours de Miss Silence qui nous fait détester immédiatement le personnage. Bref, en gros, elle lui répète ce qu'il a dû entendre toute sa vie : que c'est un incapable, qu'il n'a aucune ambition et que son incompétence ralentit et déshonore les braves et honnêtes gens. Babel, lieu chaleureux, franche camaraderie, tout ça, tout ça...

Il ne se révolte pas, il ne proteste pas, il obéit comme il l'a toujours fait. Nous nous sentons mal pour lui. Encore une fois, nous avons une caractérisation de personnage remarquable. Nous avons en quelques secondes les grandes lignes du personnage. Tout comme avec Archibald c'est assez impressionnant.

Fin du moment fangirl.

La seconde rencontre a lieu dans un tramoiseau alors qu'Ophélie est dans un grand moment d'hésitation. Lorsqu'elle l'interpelle, l'homme a l'air surpris qu'on lui adresse la parole et même qu'on se souvienne de lui, ce qui en dit long sur la solitude du personnage. C'est cette solitude, semblable à celle d'Ophélie qui la pousse à entamer la conversation. Malgré elle, elle en a assez de voir les gens seuls et elle aussi d'ailleurs. Car qu'on se le dise, Ophélie est une chic fille. Bon, elle en profite au début pour essayer de lui soutirer des infos sur le Secretarium, mais cela ne fonctionne pas des masses car Blasius ne sait rien.

Il est tellement adorable lorsqu'il est impressionné par le petit statut d'avant-coureuse d'Ophélie. Si peu de personnes bienveillantes et importantes lui parlent qu'Ophélie devient comme un « Lord de LUX ». Il inspire instinctivement de la confiance tout de même, car lors d'une turbulence notre Passe-miroir se cramponne à lui. Et encore une fois, nous avons la preuve que Blasius n'a pas l'habitude vu sa surprise en voyant la main de la jeune femme. Deux éléments importants apparaissent ensuite : l'explication de sa malchance et les premiers indices sur sa relation le professeur Wolf.

C'est la première fois qu'on converse avec lui de cette manière, je suis persuadé qu'à partir de cet instant, Blasius a réellement considéré Ophélie comme sa première amie. Je pense aussi que c'est dû aux dernières phrases qu'elle lui adresse : « La seule chose dont je suis à peu près certaine, Monsieur Blasius, c'est que vous n'êtes pas responsable de ce qui est arrivé à Miss Silence et au professeur Wolf. Je crois même que vous avoir rencontré ici, dans ce tramoiseau, a été pour moi une véritable chance ».

Décortiquons-les un peu. Le vouvoiement qu'Ophélie emploie avec lui, n'est pas le vouvoiement distant, c'est un vrai vouvoiement respectueux. Couplé avec le « Monsieur », elle lui rend sa dignité. Il redevient avec ce mot une personne durant cette fraction de seconde. Tout ce qu'il a pu lui dire, elle le déchiquète : il portait malchance ? c'est une chance de le rencontrer ; il se trouve responsable de tout ? il n'est pas responsable de la mort d'une personne (on s'attarde un peu sur ce point. Il vivait avec la mort d'une personne sur la conscience alors qu'il est innocent ! Vivre avec un tel fardeau... Je crois sincèrement que s'il n'y avait pas le professeur Wolf, Blasius aurait peut-être tenté de mettre fin à ses jours).

Personne ne lui a jamais dit cela, c'est le premier message contraire qu'il entend de sa vie. Mieux encore : elle lui demande de prendre soin de lui et lui donne un autre objectif (celui d'enquêter sur la mort de Miss Silence). La citation que j'ai utilisée en début de partie est éclatante de véracité. L'entrée d'Ophélie dans sa vie l'a bouleversé et changé pour toujours : c'est le premier pas en-dehors de son trou solitaire où il se morfondait en attendant de mourir.

Ophélie n'a fait que donné les impulsions : Blasius a trouvé seul le cran de mettre à exécution ce qu'elle lui suggérait. Il n'était qu'une « flamme de bougie vacillante » et quelle évolution depuis cet instant dans le tramoiseau... Il ne lui manquait vraiment que cela.Ophélie et Blasius à cet instant sont tellement seuls qu'ils se font confiance immédiatement l'un à l'autre.

C'est aussi pour cela que notre commis tient autant à Ophélie et que le fait que cette dernière l'évite pour sa sécurité sans qu'il le sache nous brise le cœur. Dans l'esprit du commis, sa seule amie s'est en fait rendu compte qu'il ne vaut rien et l'évite à cause de cela.

Heureusement, tout cela s'améliore et il joue un rôle de premier plan en tant qu'informateur et que soutient moral pour l'héroïne, car à cause de sa brouille avoir l'ex-intendant du Pôle et le déni de ses sentiments, elle était très isolée. C'est tout de même lui qui l'oriente sur la corne d'abondance dans le Tome 4 et qui la met en garde sur ce qu'elle vivra une fois à l'intérieur !

Il est temps, je pense de m'attarder sur la relation entre Ophélie et Blasius, car c'est essentiellement sous le prisme de leur amitié que ce dernier est présenté.

J'ai trouvé très fort qu'elle utilise ses griffes sur Lazarus lorsqu'elle apprend que ce dernier est à l'origine de l'entrée de Blasius dans le Programme Alternatif, cette horrible expérience qui les lie tous les deux. Ce n'est évidemment pas la seule raison qui la pousse à utiliser ses griffes, mais tout de même. Il fallait qu'elle estime beaucoup l'ex-commis.

Mais cette affection ne vient pas de nulle part. Le grand moment où ils se sont accordées sans retenu leur confiance est évidemment le moment où Ophélie a eu besoin de lui pour aller au café-concert afin de rendre sa présence moins suspecte.

(Spoiler alert. Ils vont lamentablement échouer leur infiltration autant que moi à faire de la course à pied).

Ils discutent philosophie, on nous glisse un ou deux indices sur le passé de Blasius. Nous nous rendons compte qu'il sait plein de choses sur la mort de Miss Silence et qu'il fait donc un bon enquêteur. Mais on s'en moque car ce qui va vraiment les liés, c'est leur aveu. Dans ce lieu de tous les interdits à Babel, ils se révèlent leur secret : ils ont tous les deux un homme dans leur vie. Lorsqu'ils se serrent la main, c'est tout une amitié et une confiance qu'ils s'échangent. J'ai trouvé ce geste très émouvant. Blasisus enfin n'est pas jugé et peut enfin se détendre.

Bon et ensuite, ils se font menacer par une demi-portion avec un fusil et un puta** de tigre à dent de sabre. Faut croire que frôler la mort ensemble, cela rapproche aussi drôlement...

C'est assez drôle que je n'en parle que maintenant, mais je crois que c'est le moment d'aborder sa relation avec le Professeur Wolf. Cette relation est en miroir avec celle d'Ophélie et Thorn dans une certaine mesure : un maladroit pathologique touchant et un psychorigide stoïque qui a fait de la tête d'enterrement son expression faciale principale. Seule la présence de leur bien-aimé est capable de les dérider. Non, je vais peut-être trop loin. Le « détendre/ adoucir un peu » serait plus juste.

Ophélie le rôle providentiel de trait d'union entre eux. Non seulement, elle a permis à Blasius de commencer à se voir différemment, mais c'est elle qui a envoyé le professeur Wolf parler au commis alors qu'ils se tournaient autour durant quinze ans.

QUINZE ANS.

Chacun ne songeait qu'à protéger l'autre, ne pas mettre l'être aimé en danger... Mais lorsque l'effondrement des arches a eu lieu... Well, comme ils disent, qu'est-ce qu'ils avaient à perdre ? Et à partir de ce moment, ils se soutiendront dans tous les coups durs. Et des coups durs, il va en arriver une fournée. Déjà, la perquisition chez le professeur. Il est donc envoyé avec les autres vers les aérostats qui ne sont pas sûrs d'atteindre leur destination (petit parallèle très discret avec les bus de la Shoah...). Blasius n'hésite pas à l'accompagnée, puis à se cacher avec lui chez Ambroise et à cause de cela, il est embarqué de force dans le dirigeable affrété par Lady Septima (nouveau personnage du Tome 3, grand modèle de pédagogie et de gentillesse. Je suis sarcastique).

Chacune de leur interaction dans le livre est une petite perle de tendresse. Leur amour est une telle évidence qu'il rend même Ophélie jalouse parfois. Ils se soucient tellement de la sécurité de l'autre, même lorsqu'ils prenaient mutuellement des nouvelles de l'autre en utilisant Ophélie comme messagère.

Notons que même avec son compagnon, Blasius ne perd pas sa manie de s'excuser pour tout. En fait, on a même l'impression que plus la personne lui est chère plus il s'excuse sincèrement et longtemps.

C'est avec Blasius, Wolf et Thorn qu'Ophélie débarque sur l'Arche perdue dans les brumes et ce moment est particulièrement important. Je dis que tous les moments sont importants (et c'est le malheur lorsque l'auteur a une écriture efficace qui rend utile chaque évènement pour l'avancée des intrigues), mais cette fois-ci c'est vrai. Là, Blasius et Wolf s'autorisent enfin à avoir les contacts qui leur étaient interdit et ce simple fait suffit à alléger leur inquiétude.

Ah et on apprend que Blasius ne tient pas l'alcool. Le moment de leur réveil par Ambroise me fera toujours rire (au même titre que celui d'Elizabeth).

Le moment où Ophélie leur dit adieu, c'est le dernier moment de calme avant la tempête. A eux-deux, en dépit de tous les démons, leurs problèmes et leurs angoisses, ils s'affranchissent et bâtissent grâce à leur amour un havre de tranquillité.

Blasius reprend enfin espoir, sa malchance l'abandonne, preuve qu'il ne s'agissait en très grande partie que de la psychologie. Il lui fallait juste un Wolf et une Ophélie pour qu'il s'en rende compte. Ce constat nous laisse très amer car il aurait pu éviter l'Observatoire de fait...

Il reste beaucoup de chemin à parcourir à Blasius pour être entier, mais son voyage commence enfin sur des bases saines et à présent il a des personnes pour l'accompagner. C'est une évolution pleine d'espoir, car techniquement, nous n'avons pas la fin de son évolution, nous ne sommes qu'au début, contrairement par exemple à Archibald qui a fini d'évoluer. A présent que va choisir de devenir Blasius ?


Question à mille dollars. Comment peut-on se montrer désagréable avec un personnage aussi déboussolé et gentil ?


Nous voici à la fin de l'analyse de personnage de Blasius ! Elle est plus courte que les précédentes car j'ai moins de matière à analyser, le personnage n'apparaissait que dans deux tomes au lieu de quatre. Je ne pensais pas avoir grand-chose à dire, en-dehors de sa relation avec Wolf et Ophélie, mais je me suis rendu compte encore une fois en relisant les derniers tomes que je me fourvoyais complètement.

J'espère qu'elle vous a autant plus que les précédentes !

Quel personnage aimeriez-vous voir à présent analysé (je ne sais toujours pas sur quoi faire, donc n'hésitez pas à m'aiguiller) ?

Des idées pour améliorer le format ?

Des choses que j'aurais oubliées sur Blasisus ou dont vous auriez une autre interprétation ?

Que l'écharpe soit avec vous !



Question de fin de partie. Quel est votre moment préféré avec Blasius ?


Note. J'ai retrouvé le compte ! C'est celui de @patricialyfoung sur Instagram !

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