Archibald [Partie 1]
« [Archibald] appartenait à cette catégorie d'hommes envahissants dont on ne se débarrasse tout simplement pas ».
Lorsque j'ai débuté cette critique, cette remarque d'Ophélie dans les Disparus du Clairedelune m'a semblé tout à fait pertinente, non seulement pour débuter cette analyse, mais également pour résumer ce personnage.
En effet, Archibald, qu'on le veuille ou non, est une personnalité incontournable qui met les pieds dans le plat régulièrement... et surtout le nez où il ne devrait pas. Après des années à prendre des risques, ce sera en n'en faisant qu'à sa tête qu'il finira coupé de sa propre famille. Littéralement.
L'Ambassadeur est le premier de huit enfants, né dans un des trois clans principaux de la Citacielle : le clan de la Toile. On peut dire que sa charge d'aîné est la seule chose qu'il a pris au sérieux, du moins avant que la recherche d'Arc-en-Terre et de l'Autre ne devienne sa priorité. Ses cadettes sont au nombre de sept : Patience, Mélodie, Grâce, Clairemonde, Gaieté, Friande et Douce. Ce qui fait sept fois plus de chance de virer fou.
Ses sœurs, une bande de petites arrogantes et prétentieuses, ne rêvent que d'une chose : briller à la Cour, et c'est précisément ce que cherche à empêcher Archibald. Et il a du pain sur la planche avec toutes les dangers, les lieux de débauches et les crapules (dont il fait partie, je pense que c'est de bon ton de le préciser) qui pullulent dans la Citacielle.
Il veille sur ces dernières comme la prunelle de ses yeux, et il s'agit au départ des seules personnes auxquelles il tient. S'il pouvait les enfermer dans leurs appartements pour le restant de leur vie et ainsi les préserver de la Cour, il leur ferait. Seulement, quoique dociles fussent ses sœurs, les obligations de la Cour ne permettent pas exactement la réalisation de ce beau projet.
A l'occasion d'Opéra par exemple, elles sont exhibées à son grand désarroi devant la Cour, jetées en pâture à leur critique. Il essaye de contrôler comment elles s'habillent notamment lorsqu'elles sont en public, leurs fréquentations, réduites au minimum, n'hésitant pas à les éloigner de la Citacielle quand il le juge nécessaire, comme pour les envoyer aux Sables d'Opale.
Archibald est le cliché du grand-frère pour qui les petits amis approcheront ses sœurs quand il sera mort. Plus trois jours. Pour être sûr qu'il soit bien mort.
Bien évidemment, c'est de la Cour toute entière dont il veut protéger ses sœurs, pas simplement des prétendants. Il sait bien ce qu'elle peut faire à un homme. Il sait aussi qu'il en est la preuve et souhaite à tout prix éviter qu'elle transforme ses sœurs de la même manière qu'elle l'a changé, lui.
Il souhaite aussi les protéger de leur Esprit de famille qui serait bien capable d'intégrer une de ses sœurs à son harem. Farouk prête peu d'attention aux gens, mais lorsqu'il s'y intéresse... C'est rarement bon signe (pauvre Ophélie...). D'où son inquiétude par exemple dans les « Fiancés de l'hiver » à l'occasion de l'Opéra.
Contre Farouk qu'il hait et qui est l'Esprit le plus « indigne de son pouvoir de famille » (Dixit de la part d'un homme qui est quand même capable de venir en pyjama à trous à une cérémonie officielle), Archibald ne peut pas faire grand-chose. En revanche contre les autres...
Des moyens de pression et de menace, il en a. Issu d'un des trois clans de la Citacielle, celui de la Toile, il possède de la richesse, de l'influence et un statut qui le place déjà dans une position supérieure à la plupart des courtisans. Ajoutez à cela un poste d'Ambassadeur et vous avez un homme quasiment intouchable.
C'est étonnant que je n'évoque cela que maintenant : son impertinence est pourtant sa marque de fabrique. Archibald n'a de respect pour personne. En clair, il énonce tout haut ce que tout le monde pense tout bas et dit toujours le fond de sa pensée. En conséquent, il est plutôt connu (et apprécié par Ophélie) pour sa grande franchise, quand il ne donne pas seulement des semi-vérités. Il est bien le seul à ne pas mentir dans cette Cour. En ce sens, son pouvoir de transparence lui va comme un gant: il dit tout sans filtre.
En plus, s'il y a bien une chose qu'il ne tait pas, c'est sa vie sexuelle plutôt... chargée. C'est un autre de ses moyens de pression et c'est d'ailleurs aussi par ce biais qu'il nous est présenté pour la première fois.
Je crois que la scène d'introduction des personnages est capitale et en dit beaucoup sur le personnage. Lorsqu'Ophélie se balade dans la Citacielle alors qu'elle vient enfin de s'évader du manoir de Bérénilde, elle croise cet homme dans un bal masqué.
La première chose qu'elle remarque est son aspect négligé, la marque de fabrique d'Archibald. A chaque fois que Chrsitelle Dabos le fait apparaître, c'est d'ailleurs toujours la même chose : gibus crevé, redingote miteuse, mitaine trouée... Rien ne va et il détonne au milieu des sublimes costumes.
Deuxième chose qu'Ophélie et par extension le lecteur, découvre est son incroyable beauté: marqué par le tatouage de la Toile, une peau très pâle et surtout des yeux remarquablement clairs tel « un ciel d'été ». Comme les autres nobles, il possède cette chevelure blonde qu'ils tiennent de Farouk. Archibald n'a pas besoin d'artifices pour être beau (et de manière presque irréel, sa beauté est même qualifier de « séraphine » soit angélique) : il a beau se vêtir avec les habits d'un vagabond, il demeure la grande figure du séducteur dans la Citacielle.
Il peut y avoir deux explications à cette apparence, cela peut être d'une part de la provocation simplement. D'un autre côté, et c'est une supposition de ma part, comment nous nous habillons révèle une part de qui nous sommes. Des personnes très extraverties, ont tendance à porter plus des couleurs vives par exemple. S'habiller de cette manière révèle peut-être la manière dont Archibald se voit. On peut constater ainsi que sa vision du moi est assez... terrible. Comment aimer les autres, si on ne s'aime pas soi-même à ce point ?
Bref, dans tous les cas, dans un milieu où les apparences sont capitales, Archibald refuse de passer ce vernis, alors que tous les autres courtisans l'utilisent pour cacher leur hypocrisie et leur nature. Je ne l'ai pas évoqué plus haut, mais il avance sans maque alors que tous les autres fêtards qui l'entourent sont masqués. La métaphore de ce moment est assez simple. Archibald est étonnamment lucide sur lui-même, il ne se cache pas et évolue comme il est sans simuler une personne qu'il n'est pas. On serait en droit de se demander, s'il connaît si bien ses défauts pourquoi ne pas les changer ? J'ai sur la question un avis assez personnel. Il n'en a tout simplement pas l'envie. Il ne voit pas pourquoi. Il a toujours été ainsi et il ne saurait pas qui être d'autre. Pourquoi se donner cette peine ? Qu'est-ce que cela lui apporterait vraiment ?
Troisième chose qui choque Ophélie est sa franchise lorsqu'il avoue de but en blanc à l'organisatrice de la soirée qu'il s'ennuie, tout en restant très mondain dans sa manière d'être.
Quatrième chose : son sens de l'observation qui lui servira à remarquer la jeune femme aux milieux de tous ces danseurs. Cela révèle au moins sa vivacité d'esprit.
C'est le moment où je vais prendre un temps pour admirer l'écriture de Christelle Dabos (fangirl, bonjour). En deux pages à peine, une description et quelques lignes de dialogues percutantes, nous avons cerné le personnage. Nous comprenons en une poignée de minutes ses grandes caractéristiques : son style, sa personnalité, sa franchise, sa profession, sa vivacité d'esprit et sa capacité à charmer des femmes. C'est une des plus belles et efficaces introductions de personnage que j'ai pu lire. Plus encore qu'avec la discussion qui suit dans le récit, j'ai pu visualiser ce personnage.
Bref, une fois que nous sommes en possession de ces clés, nous pouvons expliquer beaucoup des actions de ce personnage.
Nous sommes à la fin de la première partie de l'analyse (je n'ai pas perdu mon goût pour les textes à rallonge). Le texte intégral était trop long, j'ai préféré le couper!
Alors, quelles sont vos premières impressions ? Quel est le personnage que vous aimeriez voir ensuite après l'Analyse d'Archibald ?
Question de fin de partie : Quel est votre tome préféré de la Passe-Miroir?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top