Chapitre 43
Zackary
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Une vibration.
Une série de clics.
Une douce mélodie obsédante.
Une vibration... Des clics... Des notes mélancoliques...
Quelque chose vient de trembler à côté de ma main. Mon oreille est titillée par des bruits que je connais, mais que je n'arrive pas à définir.
Mes paupières sont lourdes, mon corps englué dans la couette de mon lit, dans cette chaleur réconfortante, qui vous donne envie de rester niché dans cette ouate vaporeuse.
Néanmoins, je suis gelé, frigorifié.
La sensation est des plus bizarre, l'intérieur de mon corps est glacial, alors que mon épiderme est en fusion. Mes deux systèmes vitaux sont en total antagonisme.
Ce conflit m'épuise autant qu'il me questionne.
Comment une telle lutte est-elle possible ? Je vais devoir livrer un combat contre moi-même, sans en comprendre l'origine.
Mon corps engourdi ne veut pas m'obéir, encore moins bouger, pourtant je veux arrêter ces bruits, tous ces cliquetis qui me rendent fou.
Un geste après l'autre, voilà ce que je dois essayer de faire. Je mets en œuvre toute ma détermination pour soulever un doigt, pour arriver à le faire bouger, mais la débauche d'énergie est bien trop grande face à ce résultat plus qu'insignifiant.
Je n'ai jamais dormi d'un sommeil aussi lourd, aussi profond.
Mon esprit divague longuement, une lente somnolence le gagne, jusqu'à ce que je me refuse à me laisser aller à cet état indolent.
Je ne suis pas du genre à ne pas comprendre, à baisser les bras, à me laisser divaguer sans réactions.
Pas plus que ma conscience qui vient de se manifester :
« Allez Zack bouge-toi »
« Tu crois que je fais quoi ? » tenté-je de répondre à ma conscience.
« Garde plutôt ton énergie pour te réveiller, au lieu de me râler dessus »
« Tu as une idée ? »
« Qu'est-ce qui a le plus d'importance pour toi ? »
« Mon ange »
La réponse est d'une évidence sans failles, quand je prononce son surnom, sur le bord de mes lèvres encore endormies. La réalité vient de s'imposer à moi avec certitude. Si je suis dans cet état apathique, ma Zoé doit en souffrir aussi. Je lui ai promis de ne jamais l'abandonner, de ne jamais la lâcher, de la protéger...
Ma conscience revient à la charge :
« Concentre-toi sur Zoé »
« Je fais comment ? Je me sens si faible, si impuissant »
« Pense à elle... Le plus fort possible »
Sans attendre, j'emploie toutes les ressources à ma disposition, pour afficher le corps de mon amoureuse. Sans grande surprise, elle m'apparaît nue et à genoux, la sensation de sourire me gagne en revoyant la capture mentale, que j'ai faite d'elle au chalet. Je prends quelques secondes, pour me délecter de cette vision, avant de me reconnecter sur ma mission.
Avant que ma conscience m'enjoigne à me concentrer.
« Allez, canalise tes pensées »
« Hum, plus facile à dire qu'à faire ! »
« Arrête de parler, le temps presse Zack »
Elle a raison, si ma Zoé ressent le même froid arctique que moi, elle doit trembler de tous ses membres, elle doit avoir mal, peur de...
— Mon ange... Ai-je prononcé.
Comme pour l'appeler à haute voix, comme pour la rassurer de ma présence, pour qu'elle m'entende. Il me suffit de prononcer son petit nom, pour la ressentir, pour la voir, pourtant les sensations sont différentes de d'habitude.
J'ai tellement froid.
Et cette angoisse qui ne cesse d'enfler dans ma gorge... Le genre de ressenti ou de pressentiment, qui vous donnent la chair de poule.
À part que ça soit... Cet air glacial ?
Je suis perdu... Déboussolé... Apathique...
Cette léthargie engourdit la moindre de mes fonctions.
Je dois pourtant bouger. C'est vital. Je le ressens au plus profond de moi.
Les vibrations reprennent, la mélodie aussi...
Cette mélodie ? Je la connais... Je la... « Putain, mais oui, c'est mon téléphone ».
Tellement content, d'avoir trouvé la source de ces vibrations, de ces bips et de cette mélodie et tellement fier de moi, que je suis à deux doigts de me faire un check.
Au-delà du ridicule de ma satisfaction, cette découverte a réveillé quelque chose en moi, a exalté mes pensées, a encouragé mon esprit de rébellion, mon envie de me battre pour mon ange...
Je dois comprendre la situation, l'analyser et la résoudre. Mon esprit méthodique en marche, je réalise à haute voix :
— Mon téléphone sonne. OK !
Une nouvelle fois, les vibrations, les cliquetis, puis la mélodie...
À force de concentration, j'ai bien identifié la sonnerie attribuée à mon ange... C'est celle de Grégory Lemarchal, qui colle tellement bien à notre histoire :
« Tu es mon ange béni des dieux
Le jour où tu es tombé du ciel
Tout m'a semblé plus léger
Et je me sens pousser des ailes
Accroché à tes baisers »
Cela doit être au moins, le sixième, ou le septième message, que je reçois, si je ne me suis pas perdu dans les comptes.
Pourquoi m'envoyer des messages, alors qu'elle est à côté de moi ? Est-elle captive tout comme moi de cet état ? Ne peut-elle pas me parler, me toucher ? Comment peut-elle m'envoyer des messages dans ce cas-là ? Est-elle revenue en phase de mutisme, comme au début de notre relation ? Si tel est le cas, c'est encore plus grave, que je ne le pensais alors !
Le mode panique s'est activé dans mon corps, je dois me battre de toutes mes forces, et me servir de cet état catatonique, pour l'inverser, afin d'en retirer les effets euphorisants, que ce changement va provoquer dans tout mon être.
Bingo ! Je sens la lave couler dans mes veines, j'entends à nouveau les battements de mon cœur. Il ne me reste plus, qu'à me servir de cette adrénaline pour bouger, ouvrir les yeux, et enfin lire ses messages...
Mais plus que tout, ma priorité est de la serrer dans mes bras, de la réchauffer de ma chaleur retrouvée, de la bercer pour calmer son inquiétude.
Sans attendre une seconde de plus, je me tourne vers elle afin de la blottir tout contre moi...
Le vide.
C'est la seule chose que mes bras trouvent, une place vide et froide, témoignant de son absence.
Après m'être assis sur le lit, je m'aperçois que mes membres sont encore engourdis, et qu'ils me font terriblement mal. Mais pas autant que son absence. Après avoir jeté un regard circulaire à la pièce, je dois faire ce constat amer :
« Zoé n'est plus là. »
Des affaires jetées en vrac hier soir et jonchant le sol, il ne reste plus que les miennes.
Je ferme les yeux avec force, les frotte avec insistance, à chaque fois que je les ouvre, le même vide, le même manque, le même trou béant dans ma poitrine.
Encore une fois, les vibrations, les cliquetis, puis la mélodie...
« Quel con, j'ai zappé le téléphone ! »
Avec empressement, je le cherche au milieu des draps et de la couette, en me laissant guider par le doux son de la mélodie.
Déverrouiller.
Puis médusé.
Je reste interloqué.
Totalement perdu, je lis, un à un les messages de mon ange.
À la première lecture rapide, je n'arrive pas à comprendre. Ses messages n'ont ni queues ni têtes... Aucun sens... Ce sont des phrases écrites les unes après les autres...
« Concentre-toi, c'est forcément important »
Ma conscience a raison, c'est forcément important. Je dois résoudre cette énigme qui me faisait face, pour comprendre et savoir pourquoi mon amoureuse me les envoie.
Je reprends à voix haute ma réflexion, je ne sais pas pourquoi, mais ça m'aide à résoudre les équations en math, donc là, ça ne peut que m'être utile. Je dois être méthodique, et relever les mots qui me paraissent importants.
📧 SMS de Zoé - 📧 1 :
« J'étais un ange, je suis devenu ton ange et je le resterais à jamais »
— Tu seras mon ange pour la vie ! n'ai-je pu m'empêcher de dire tout en lisant.
📧 SMS de Zoé - 📧 2 :
« Notre amour est unique »
— Ça, je te le confirme !
Mais pourquoi m'envoie-t-elle ces messages ?
Plus je lis, et moins je comprends sa démarche, jusqu'à ce dernier :
📧 SMS de Zoé - 📧 7 :
« Lu seulement dans le livre de Roméo et Juliette »
— Ils ont vécu un amour hors normes. Un peu comme nous...
Ces mots tournent en boucle dans ma tête : « La fin, ton ange, notre amour, Roméo et... » Non, ce n'est pas ça... Ce n'est pas possible... Elle ne peut pas être une « Juliette » !
Je hurle à m'en faire péter les cordes vocales...
Non. Non. Non... Elle n'est pas Juliette. Pas elle, pas mon ange...
En deux secondes, je passe mon jean, mon pull, saute dans mes bottes, et place le téléphone dans ma poche.
L'ouverture de la porte souffre sous la violence de mon geste.
Des sirènes au loin ? Suis-je devenu fou ? Suis-je en plein délire ? Voilà que j'entends des ambulances, des pompiers...
Mon frère et moi arrivons au même moment sur le palier.
— Malcolm, qu'est-ce que tu fous là ?
— Urgence... Accident de voiture... Et toi ? me répond-il dans un état second.
— Urgence... Zoé !
Sans plus d'autres mots, nous dévalons les escaliers. À peine la porte ouverte, nous prenons une direction différente.
Malcolm se dirige vers le coin de la rue, et moi vers l'immeuble d'en face.
Sans hésiter je tape le code, pousse la lourde porte, avant d'avaler les escaliers quatre par quatre. J'hésite deux secondes devant son appartement, mais mon instinct me dicte « grenier ».
Sans plus réfléchir, je finis mon ascension le plus rapidement possible. Un point de côté me vrille le ventre, mais peu m'importe la douleur, rien n'a plus d'importance, que mon ange.
L'urgence, c'est mon amoureuse.
Je tourne la poignée de la porte.
Elle est fermée à clés, mais cède facilement sous mes coups d'épaule...
Et pourtant, je reste là, figé dans l'embrasure maintenant ouverte.
Mon ange...
Elle est allongée sur le sol. Le teint blafard.
Ces cinq secondes, où ma vision s'est brouillée de larmes... Où ma gorge s'est nouée ne pouvant libérer mes hurlements... Où mes genoux tombent au sol... Où mes bras la soulèvent, telle une poupée de chiffon, m'ont paru être une éternité.
Mon ange ne bouge pas, ne répond pas à mes paroles la suppliant de ne pas m'abandonner. Son cœur ne m'envoie plus les pulsations qui font battre le mien.
Par réflexe, en mode « pilotage automatique », j'allonge son corps qui devient froid et commence le massage cardiaque, enchaîne le bouche-à-bouche...
Je ne sais pas combien de temps j'ai tenu...
Dix secondes ? Dix minutes ? J'ai perdu toute notion de temps.
— Mon ange ne m'abandonne pas... Reviens-moi, je t'en supplie...
Les sanglots étreignent ma gorge, ma voix se bloque, mes yeux se voilent de larmes, et les muscles de mes bras me brûlent intensément.
— Je t'aime... Tu ne peux pas partir, me laisser...
Mes larmes coulent abondamment sur son visage, son cou, la douleur physique n'est rien, je dois tout faire pour qu'elle me revienne.
— Mon ange... Sans ton amour, je meurs...
L'esprit est fourbe et vous rappelle des choses enfouies au moment opportun.
Juliette... Roméo... Amour unique.
Dans un dernier baiser déposé sur ses lèvres bleuies, dures et froides, je lui murmure :
« À quoi bon vivre dans un monde où tu n'es plus »
« J'ai promis de ne pas t'abandonner »
Alors, je me résous à l'innommable : me coucher à ses côtés et attendre que la mort m'emporte vers elle. Ma Zoé est partie en un claquement de doigts, j'espère, peut-être naïvement, qu'il en sera de même pour moi, juste en y pensant très fort...
Passant un bras autour de sa taille afin d'être au plus près d'elle, j'aperçois un papier dépassant du creux de sa main crispée, je l'extrais avec peine, puis le lis malgré mes yeux embués, et là je comprends le sens de son passage sur terre à mes côtés.
Zoé m'a écrit cette lettre pour tout m'expliquer : sa mort le soir de son anniversaire à cause de son fumier de père, le pacte qu'elle avait signé. Tout était écrit : de sa venue sur terre à son retour programmé, avec ce timing de 24 jours.
Je venais de comprendre pourquoi, elle était si impatiente de tout vivre... Tout était prévu, sauf, l'intensité de notre amour. Personne, même pas les cieux n'avaient pu prévoir, que nous allions vivre un amour aussi merveilleux, si court fut-il. Cet amour véritable, pleinement vécu, restera à jamais en moi, et je défie quiconque de me le retirer. Mon amoureuse avait peur que je ne l'oublie, mais pour cela il faudrait qu'ils m'arrachent le cœur. Personne ne pourra détruire ou effacer un amour aussi pur.
Mon ange en était bel et bien un, en réalité.
Au fond, je ne suis même pas surpris, tant cet amour quelquefois, m'avait paru irréel, tellement beau, et intense.
Résigné, mais d'autant plus déterminé à la rejoindre, je colle mon corps au sien.
Sans mon ange, je ne suis plus non plus... Mon tour est venu de faire le chemin vers elle. Lové, bercé par nos souvenirs et notre amour, j'attends que la mort vienne me chercher.
Les vibrations, les cliquetis, puis une mélodie...
Je commence à délirer. La fin doit être proche.
— Je serais bientôt là mon ange...
Les vibrations, les cliquetis, puis une mélodie...
— J'arrive... Tu es toujours aussi impatiente, mon amoureuse.
Les vibrations, les cliquetis, puis une mélodie...
Et ma conscience, qui y ajoute son grain de sel :
« Tu devrais décrocher »
« À quoi bon ? » lui réponds-je.
Les vibrations, les cliquetis, puis une mélodie...
Cette insistance m'irrite, brise ma bulle de sérénité et de calme dont j'ai besoin, pour rejoindre mon ange.
Les vibrations, les cliquetis, puis une mélodie...
— Fais chier...
Le téléphone à l'oreille, j'écoute les hurlements de mon frère...
Pourquoi Malcolm vient-il me déranger ? Je suis agacé par son intrusion. Je veux m'endormir et mourir tranquille dans les bras de mon ange.
— Zack, réponds-moi.
— Humm.
— Putain Zack reconnecte-toi... Zoé est là ?
— Humm.
— Zaïna est morte ! Tu m'entends Zack ?
— Humm.
— Tu dois le lui dire !
— Peux pas... indiqué-je dans un état second.
— Zack ! Dis-le lui !
— Pas important...
— Obéis Zack ! Zoé doit savoir tout de suite que Zaïna et Calvin sont morts. Fais vite !
— Mais Zoé... Elle est morte, informé-je mon frère la gorge nouée.
— Je le sais, Grandma m'a averti... Mais tu dois tout de même le lui dire, ne me demande pas pourquoi. Fais-le, nom de Dieu !
Ma bouche contre son oreille, je chuchote, comme si j'avais peur de la réveiller.
— Mon amoureuse, Zaïna est morte... Zaïna est morte... Zaïna est morte...
Je n'arrive plus à m'arrêter, je répète cette information telle une litanie.
— Zaïna est morte. Elle aussi ? me fais-je la réflexion...
Un rire, sans doute nerveux me prend, et je n'arrive plus à m'arrêter. Mon frère hurle dans mon téléphone, il est en colère, grand bien lui fasse...
Oh Putain, Zaïna est morte, c'est la meilleure nouvelle de cette nuit.
Cette garce va devoir défendre son cas devant le tout-puissant. Et bien bon courage avec une âme aussi noire.
Je ne peux m'empêcher de penser à cette coïncidence troublante. Zoé et Zaïna vont se présenter en même temps aux portes du paradis, et je n'ai aucuns doutes sur le sort de Zaïna, c'est un démon, et elle finira en enfer ! Quant à mon ange, si seulement, si elle pouvait, si...
Mais c'est quoi cette clarté qui m'attire comme un aimant ?
Un sentiment de plénitude émane de cette lumière.
Je n'arrive pas à la quitter des yeux. C'est tellement beau, terriblement doux, pleinement serein...
Je me redresse pour mieux la contempler. Cette force inexplicable m'attire à elle et vient à bout de mes dernières réticences. Elle me veut, et c'est ce que j'ai souhaité en me couchant, auprès de mon ange.
« Mon amoureux »
— Mon ange ?
Avant de la voir, c'est la voix de ma Zoé que j'entends dans mon esprit. En plus douce encore, plus veloutée, plus...
C'est ma Zoé, mon amoureuse, ma femme, mon ange pour l'éternité.
Je me lève et marche vers elle. Zoé rayonne, étincelle. Elle est tellement belle toute de blanc vêtue.
Un véritable ange.
Mon amoureuse me tend les mains, tout en s'approchant de moi. Son sourire est magnifique, ainsi que sa robe...
On dirait une mariée.
— Tu es si belle mon ange.
« Merci Zackary »
Sans toute cette clarté, je pourrais presque la voir rougir à mon compliment. C'est pourtant la vérité, mon amoureuse est merveilleuse.
Nos doigts entrent en contact et nos corps frissonnent en harmonie.
— Tu les as sentis mon ange ?
« Oui, mon amoureux. Notre amour est toujours vivant »
Les mains jointes, nous sommes face à face, au milieu de ce tunnel lumineux et irréel. Les yeux dans les yeux, les mots sont superflus.
Il me suffirait de faire un dernier pas vers elle, et tout serait fini.
Il suffirait à Zoé de faire un dernier pas vers moi, et tout pourrait reprendre.
Nous devons choisir...
Mais avons-nous vraiment le choix ?
« Oui tu l'as. Tu peux encore choisir entre la vie et la mort Zackary »
Je ne veux pas choisir, si ça veut dire que je dois l'abandonner.
— Et toi ?
« Moi... »
— J'ai déjà choisi, affirme ma Zoé.
Mon amoureuse vient de me répondre, sûre d'elle, tout en me souriant, tout en faisant ce pas vers moi, avant d'ajouter d'une voix assurée :
— Tu n'as pas oublié notre serment, mon amoureux.
— Non, mon amoureuse.
Les yeux dans les yeux et les mains jointes. À l'unisson...
Nous choisissons notre destin.
Nous choisissons la vie en le scellant d'un baiser.
À la vie.
À la mort.
À l'amour éternel.
FIN.
_______
Kty.Auteure
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