Chapitre 41


Zoé

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Quand j'avais retrouvé Héra au retour du chalet, j'étais toute heureuse et bien loin de penser à cet ultimatum qui était le mien. Je n'avais qu'une envie, lui parler de notre séjour au chalet, de l'amour que j'avais pour Zackary, ainsi que de celui dont il m'entourait. De toutes ces sensations que j'avais ressenties, de ses confidences sur son passé, des miennes sans pouvoir tout lui confier, et de comment on avait géré tout ça.

J'étais tellement focalisée sur mon bonheur, sur notre amour, sur cette dépendance à le vouloir toujours à mes côtés, que j'avais totalement fait abstraction de cette dernière contrainte.

Grandma avait profité, que ses petits-fils soient dehors, pour me glisser à l'oreille :

— Zoé, n'ayant plus de croquettes pour Héra, je me suis permis d'en racheter.

— Comment ça ? Sa boîte est déjà vide ?

— Oui ma puce, m'avait-elle répondu en me la montrant.

Une conversation somme toute banale aux oreilles de tous, mais qui ne l'était pas du tout pour moi. Cette dernière information avait exacerbé mes sens en les mettant en mode « urgence » et en essayant d'analyser au plus vite la situation.

— Héra en avait pour au moins dix jours ! Et en à peine deux ou trois jours, elle a tout mangé ? m'étonné-je.

Ce n'est pas possible ! Mon absence n'a pas pu agir à ce point sur son envie de manger ? Héra, aurait-elle englouti sa ration trois fois plus vite ?

— Mon petit-fils t'a bien fait perdre la tête et la notion du temps, car justement, cela fait plus de dix jours, que tu habites avec nous !

Mon regard effaré avait répondu pour moi. Non, c'était impossible ! Je sais bien que mon temps avec mon amoureux, c'est comme arrêter...

Depuis qu'il m'a sauvé.

Depuis que nous sommes ensemble.

Depuis qu'il m'a enlevé aux griffes acérées de ma diabolique sœur.

J'étais en train de réfléchir aux journées et nuits passées à ses côtés pour en faire le compte, quand j'avais dû vite recomposer mon masque de nana heureuse, au moment où mon amoureux était revenu me faire un bisou, entre deux allers-retours à la voiture. J'avais attendu qu'il ressorte, avant de demander confirmation à grandma :

— Vous êtes sûre de vous ? la questionné-je d'une moue dubitative.

— Regarde la date sur ton portable, et tu verras de par toi-même que j'ai raison.

Ni une, ni deux, j'avais sorti le téléphone de la poche intérieure de ma veste, l'avais allumé, et quand l'écran avait affiché : 23 décembre 2018, j'avais aussitôt ouvert l'application « Fin de temps ».

Le décompte était apparu, telle une évidence, laissant la dure et triste réalité de ces chiffres, venir me décocher une flèche en plein cœur.

Cette suite de nombres, que je ne voulais pas voir, était inscrite en gros caractères rouges, me criant la véracité des propos de grandma.

Il était notifié : 9 h 58 min 34 secondes... 33... 32... 31...

Le couperet venait de tomber sur ma si courte existence, et cette sentence capitale était irréversible.

Héra était venue caresser sa joue contre la mienne pour me réconforter. Mais ce témoignage d'affection, pour une fois, me faisait plus de mal que de bien. Il donnait raison à grandma, à ce foutu décompte, et je ne voulais pas accepter la vérité sur mon sort.

Je me maudissais intérieurement d'avoir négligé ce temps si précieux qui m'avait filé entre les doigts.

Comment j'avais pu négliger une information aussi capitale, au point d'omettre, que nous étions la veille du 24 décembre ?

Dans quelques heures, je ne serais plus...

Mon esprit s'était déconnecté de la réalité, tant les moments, que je vivais avec mon amoureux étaient intenses, tant notre amour m'avait rendu heureuse.

D'aussi longtemps que je pouvais me souvenir, je n'avais jamais ressenti cette plénitude dans mon cœur.

Cette joie qui emplit tout votre être, au point de vous faire oublier tout le reste, au point de ne penser qu'à cet amour, qu'à ce bien-être, qu'à ce partage entre deux âmes.

Cet état second m'avait fait perdre la notion de la réalité, de « ma réalité », de « mon urgence » à vivre intensément, tous ces moments qui m'étaient offerts.

J'avais pourtant l'impression d'être arrivée ici, il y a peine quelques heures, quelques jours, tout au plus.

Zackary était revenu dans la cuisine avec les dernières courses, accompagné de Malcolm, et j'avais dû mettre fin à mes interrogations. Je sais que mon amoureux avait voulu me changer les idées, en me taquinant, et me faisant des chatouilles. Il n'était pas dupe. Il avait bien compris que quelque chose me rendait triste.

Si seulement, il avait su...

Cette soirée aurait dû être magnifique, féerique et inoubliable.

La proposition de Malcolm, d'aller à cet événement des glaces, m'avait paru une très bonne idée, pour m'éviter de penser à cette échéance, mais surtout pour que mon amoureux arrête de se poser, autant de questions sur mon air soucieux.

Il n'aurait pas hésité, à me pousser dans mes retranchements, pour obtenir des réponses si nous avions passé la soirée ici, que tous les deux, comme on l'avait prévu.

Je voulais à tout prix éviter de lui répondre, car je savais pertinemment, que je n'aurai pas pu lui mentir plus longtemps. Pourtant lui avouer la vérité sur mon état m'était interdit !

Un vrai dilemme avait pris place dans ma tête, entre lui avouer qui j'étais vraiment, et me tenir à mes engagements, qui m'ordonnaient de me taire...

J'aurai tant aimé que cette dernière soirée se déroule autrement, que nous ne croisions pas Zaïna et Calvin, que je ne sois pas obligée de lui parler de ce passage douloureux de ma vie.

J'avais tellement honte, que les souvenirs de cette après-midi-là, me blessaient encore.

Je comprenais très bien le besoin de Zackary de savoir ce qui s'était passé, entre nous trois, d'avoir des réponses aux questions qu'il se posait, face aux allusions que Calvin et ma sœur avaient faites.

J'aurai tant voulu lui épargner tout cela, que Zackary garde une image de moi plus pure, que celle qu'il va conserver à présent, même s'il ne m'a pas jugé, même si savoir ce que j'avais été obligé de faire ne l'avait pas détourné de moi, même si toute cette colère envers eux ne l'avait pas empêché, de me dire et de me répéter, qu'il m'aimait et qu'il m'aimerait toujours.

Cependant malgré le chagrin qui sera le sien demain, quand il pensera à moi, classé dans les mauvais souvenirs, celui-là fera partie du top 3, à coup sûr.

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Zackary est là dans mes bras, profondément endormi, le front encore plissé, par toutes les révélations que je viens de lui faire, sur l'agression de Calvin et de Zaïna. Je le regarde attentivement pour garder en mémoire et emporter, le plus de souvenirs possible avec moi...

Je ne veux surtout pas oublier ses yeux rieurs, ses pommettes saillantes, ses joues creusées par ses deux fossettes, à chaque fois qu'il me souriait et recouvertes d'une barbe naissante, ses lèvres gourmandes m'attirant inlassablement tel un aimant.

J'aimais tant l'embrasser.

Je ne peux résister à l'envie de déposer mes lèvres sur les siennes, encore une fois...

Une dernière fois.

Même si je sais pertinemment, qu'il ne peut pas me rendre ce baiser... Le sommeil lourd répandu sur le quartier, l'en empêche.

Il m'est impensable, encore moins envisageable, de devoir déjà repartir ! Pourtant, je n'ai pas d'autres solutions.

Ce choix ne m'appartient pas, il ne m'a jamais appartenu...

Il ne me reste que très peu de temps avant de devoir les rejoindre.

Alors, m'adressant à mon amoureux si profondément endormi, je peux maintenant me confier à lui, sans rompre le pacte, sur qui je suis vraiment, tout en lui écrivant cette lettre, qu'il ne découvrira que bien trop tard...


« Mon amoureux,

Quand tu liras cette lettre, je serais redevenu un ange, un vrai, un qui vit au paradis...

Tu m'as toujours appelé « Mon ange », sans savoir à quel point tu avais raison.

Je suis morte, il y a un peu plus d'un an, après que mon père m'a enfermé dans la cave de notre maison, le soir de mes 18 ans. Je suis morte en ce vingt-deux décembre 2017, la nuit de mon anniversaire. Le froid, la tristesse face à ce nouvel abandon, et la détresse face à ce manque d'amour avaient eu raison de moi.

Tandis que toi mon amoureux, un an après, tu m'as rendu la chaleur, la joie et l'amour en ce même jour. Tu as fait de mon anniversaire, le plus beau jour de toute ma vie, le plus extraordinaire qu'il soit, en exauçant mon vœu. Ne sois pas triste mon amoureux, car grâce à toi, j'ai enfin connu l'amour.

Un amour unique.

Tu dois te demander comment nous avons pu vivre tout cet amour et le partager si je suis morte ? Je te promets mon amoureux, ce n'était pas un rêve, j'étais bien réelle, tout autant que mon amour...

Laisse-moi t'expliquer :

J'ai passé un pacte avec Dieu et les membres de son conseil.

Ils ont répondu favorablement à ma demande, en estimant que ma vie avait été bien assez dure, et que je méritais ce retour sur terre afin de fêter un véritable anniversaire rempli d'amour et de joie, aux côtés de personne qui m'aimerait et tiendrait à moi.

Pour cela, ils m'ont accordé 24 jours, le temps d'un « Calendrier de l'avent ». Moi, qui étais en adoration envers cette période de l'année, qu'étaient les fêtes de noël, je ne pouvais pas rêver mieux, comme moment pour mon retour sur terre.

Alors telle une gamine, les yeux grands ouverts, hébétée face à ma bonne étoile, j'avais saisi la chance de vivre un vrai noël, d'enfin passer un véritable anniversaire, et si par le plus beau des hasards, je trouvais aussi l'amour, je ne pouvais qu'être comblée.

J'étais tellement heureuse de revenir, que j'ai signé ce pacte sans vraiment le lire, sans vraiment prendre en compte tout ce qu'il comportait.

Tout ce qui m'importait à ce moment-là, c'est qu'on venait de m'accorder une deuxième chance, une deuxième vie, une chance d'enfin trouver et connaître l'amour.

C'était tout ce qu'il comptait pour moi.

Je t'en fais la promesse mon amoureux. Si j'avais su que j'allais tomber sur toi. Que j'allais trouver un amour aussi pur, aussi beau, j'aurai négocié un temps bien plus long, quitte à accepter des missions, comme certains anges effectuaient pour obtenir des périodes de vies supplémentaires...

Tu dois te demander, comment tout ceci est possible, alors que tu n'as rien suspecté ou vu ?

Les membres du conseil ont une technique pour ça, afin de préparer le retour des anges sur terre, ils effacent la mort de l'ange de la mémoire des proches. Une fois chose faite, je n'avais plus qu'à reprendre ma vie, comme si je ne l'avais jamais quitté, en compagnie de ma sœur et de mon père.

Personne n'a perçu la différence.

Personne, non plus, n'a remarqué la présence de ma mère à mes côtés.

Personne, à part, grandma.

Elle est la seule, à avoir compris, qui était véritablement Héra.

Je ne sais pas comment cela a été possible, ni comment grandma a su que Héra était ma mère, et donc que moi, j'étais un ange en visite sur terre.

Tu devras lui poser la question. Car vois-tu, je n'ai pas réponse à tout...

Tu vois mon amoureux... Je ne sais pas tout, et ne peux pas tout justifier. Tout comme, je ne peux pas expliquer l'intensité de l'amour que nous avons ressenti et partagé.

Ma venue sur terre ainsi que mon retour, tout était écrit, tout était planifié, malheureusement.

Mais notre rencontre, notre attirance immédiate, notre besoin l'un de l'autre, notre passion mutuelle, n'ont été qu'improvisation, que lâcher prise, qu'abandon de soi. Avec toi, j'ai été de découverte en découverte, tu as rempli chaque seconde de cette vie de tendresse et d'amour infini.

Je ne t'ai jamais menti sur mes sentiments, même si j'ai omis de te dire mon état précaire. Ce n'était pas une vraie omission, mais plutôt : une obligation. Je n'avais pas le droit de te révéler mon état d'ange.

Plusieurs fois, j'ai voulu renoncer à toi, te repousser, mais notre amour était bien trop fort, pour que je n'y cède.

Alors, je t'ai aimé sans modération, sans barrières, sans garde-fou, j'ai pris tout ce que tu pouvais me donner...

Souvent avec impatience.

Tu en riais, mais moi je connaissais la nature urgente de ma situation, et je voulais pouvoir tout vivre à tes côtés. Emmagasiner le maximum d'amour... Afin, de pouvoir te garder avec moi pour l'éternité.

Je t'ai écrit, afin de t'avouer qui j'étais vraiment, afin que tu n'oublies pas notre amour...

Je ne sais pas si après mon départ, ils te laisseront nos souvenirs...

Alors au cas où, tu auras cette lettre, pour te prouver que tu n'as pas rêvé.

Pour que tu aies la preuve, que j'ai vraiment existé dans tes bras, sous tes baisers, face à ton merveilleux amour.

Si par bonheur, tu te souviens toujours de moi, n'oublie pas ta promesse Zackary...

Tu m'as promis d'être heureux.

Je ne veux pas que ta vie s'arrête à cause de moi.

Sois heureux d'avoir connu un amour comme le nôtre.

Chéris-le, garde-le au plus profond de ton cœur Zackary, prends-en soin, je te le confie...

N'oublie pas mon amoureux, à quel point je t'ai aimé, je t'aime et je t'aimerais éternellement.

Ton amoureuse »


Je replie la lettre, et la glisse dans la poche de ma veste.

Je me doutais que ce moment serait dur, je le redoutais, mais pas à ce point, je ne l'aurais jamais envisagé.

Mes mains tremblent ainsi que tout mon corps.

Comment je vais trouver la force de lui dire au revoir ?

Ou plutôt adieu...

Les larmes coulent le long de mes joues et je ne fais rien pour les retenir. Je n'ai pas besoin de les rationner, elles non plus ne me serviront plus à rien, là où je vais.

Ma main caresse ses cheveux si doux et dans lesquels j'aimais tant glisser celles-ci, afin de ne pas perdre le contrôle, afin de savourer tout l'amour que Zackary m'offrait.

J'écoute sa respiration lente, apaisée et profonde.

Je sais qu'il ne peut pas m'entendre, ni rien ressentir tant ce sommeil irréel est lourd.

Et pourtant, je voudrais tant pouvoir lui parler encore un peu, l'embrasser tendrement, me sentir aimer dans ses bras...

Je niche ma tête au creux de son épaule, je colle mon corps au sien comme si j'étais une deuxième peau, je profite encore un peu de sa chaleur. Son cœur tape à intervalles réguliers, alors que chaque battement me retire, toujours un peu plus, du temps avec mon amoureux.

Cette vibration, que je redoutais tant, se matérialise dans ma main.

Mon téléphone vibre.

Je n'ai même pas besoin de le regarder, je sais trop bien ce qu'il va m'afficher.

Il est là, pour me rappeler que mon temps est écoulé, pour m'indiquer qu'il ne me reste plus qu'une heure pour rejoindre la zone de départ.

Le dernier sablier est retourné, et chaque grain de sable est une partie de mon cœur, qui se délite...

Un dernier câlin dans ses bras.

Une dernière caresse sur sa joue.

Un dernier baiser.

Un dernier regard...

Adieu mon amoureux.


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😍 Coucou mes Loulous 😍

😢 Des adieux douloureux à écrire qui m'ont tordu le ventre 😢

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📍 Le prochain chapitre sera de Zoé 📍

😘 Bonne soirée et gros bisous 😘

🌸 Kty. Auteure 🌸

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