☆ Chapitre - 02 ☆


ZOÉ

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La journée est bien avancée. Pourtant, à part mon bol de chocolat chaud à la cannelle et mes tartines beurrées, je n'ai rien avalé d'autre.

Je suis bien trop occupée, à observer ce qui est en train de se dérouler dans la rue. 

Depuis tôt ce matin, juste en bas de chez moi, un camion de déménagement est garé devant le chalet d'en face. Tout ce petit monde, telle une colonie d'insectes dans une fourmilière, s'affaire avec entrain, afin de vider au plus vite son chargement. Le temps se gâte de plus en plus, et une belle averse est à prévoir, tant les nuages gris et cotonneux, sont en train de s'amonceler au-dessus du quartier. La neige ne va pas tarder, mon nez me démange. Allez savoir pourquoi, il réagit de la sorte, mais mon nez se trompe rarement.

« Enfin un peu de nouveauté », me suis-je réjouie.

Je ne rate rien des nombreux allers-retours qu'ils font, et ma curiosité est satisfaite, à la vue de tous ces meubles, pour la plupart anciens. Mon imaginaire tourne à plein régime, afin de définir le contenu des multiples cartons, qui passent sous mes yeux. Certains étant transportés avec plus de précautions que d'autres, mais ils ont tous la même particularité : le nom de la pièce est noté sur les côtés au gros feutre noir.

Ces indices sont de véritables mines d'or, quant à leurs destinations, de même que leurs destinataires. Sur certains, j'ai même lu un prénom : « Zackary ». Je l'ai vite noté dans mon carnet, et me demande déjà :

« Qui peut-il bien être ? »

« Quel âge a-t-il ? »

« À quoi ressemble-t-il ? »

En voyant un de ses cartons passer, un sourire se forme sur mes lèvres, je me surprends à prononcer mentalement son prénom, sans même m'en rendre compte au début. Je l'ai même énoncé, dans un murmure, en l'apercevant sur le seuil de la porte. Mes yeux ne quittant pas cette silhouette qui occupe toute l'embrasure. Grand, cheveux châtains et le regard pétillant, il a quelque chose de magnétique, qui émane de lui. Je n'arrive pas à détourner le regard de son visage si masculin et pourtant si doux. Il a l'air tellement heureux d'être là. Sa bouche joliment dessinée sur des lèvres entrouvertes, expire un nuage de buée. C'est vrai qu'il fait particulièrement froid. On ne peut pas dire qu'il porte une tenue vraiment adaptée, à notre climat : jeans troués et tee-shirt.

« Il arrive d'où pour être habillé comme en plein été ? »

«Za... Cka... Ry... »

Les lettres de son prénom roulent sur ma langue, à chaque fois que je les prononce. J'adore cette nouvelle sensation. À contrecœur, je le vois s'engouffrer dans le chalet, pour laisser la place aux déménageurs. Sa vue me manque déjà, mais je me console vite en sachant, que je vais rapidement pouvoir l'observer de derrière ma fenêtre.

La chatte relève la tête vers moi, sous le coup de l'étonnement. 

Lovée dans le creux de mes jambes repliées en tailleur, elle est, elle aussi aux premières loges, et son ronron de contentement se fait entendre, tant elle me sent intéressée et enjouée, par l'attrait de tout ce remue-ménage. Pour une fois qu'il y a du mouvement, autre, que les allers venus de nos voisins, nous n'allons pas bouder notre peine.

— Tu as vu Héra, nous avons de nouveaux voisins, annoncé-je d'une voix enjouée et non feinte, tout en caressant machinalement le dessus de sa tête. Regarde, il y a même un jeune homme de mon âge : Zackary.

J'aime déjà ce prénom...

Bizarrement, moi, si peureuse, si craintive et peu encline à apprécier les modifications, dans mon train-train quotidien, je n'arrive pas à m'expliquer les raisons de cette chaleur dans mon corps. C'est sûrement dû à cette petite étincelle de bonheur, qui vient de prendre naissance en moi. Je vais pouvoir rêver sur de nouvelles personnes, en apprendre le plus possible sur eux, leurs habitudes, en épiant la vie de ce couple de quinquas, mais surtout, celle de leur fils.

— Surtout lui, soufflé-je.

Ces nouveaux arrivants m'apportent une brise de fraîcheur, car je connais déjà par cœur, les préférences de chaque personne, empruntant cette rue. Mais surtout, ceux allant à la boulangerie, dont je peux voir l'entrée juste en tournant la tête sur ma droite. Comme celles de cet homme à la casquette, qui prend toujours sa baguette bien cuite à huit heures trente précises, avant de repartir tranquillement sur son vélo en ayant le goût du devoir accompli. Ou bien celles, de la jolie maman aux longs cheveux noirs, accompagnée de sa fille, qui achète un pain avec un croissant, à la sortie de l'école, ou bien encore, ce grand-père qui prend son journal en plus de son pain tranché.

Tous...

Je les connais tous.

L'observation me permet de faire un peu partie de leur vie. Je m'inquiète souvent, quand je ne vois pas la petite mamie, avec sa canne et son panier en osier. Dans ces cas-là, je ne peux qu'attendre et espérer, que dès le lendemain, je la reverrai.

Maintenant, me voilà rassurée pour elle, la petite mamie ne sera plus seule. Les nouveaux arrivants viennent habiter dans son chalet en bois, bien assez grand, pour tous les accueillir. Je me suis aperçue rapidement, que tous les cartons sont dirigés vers le premier étage, pile-poil face à mes fenêtres.

— Intéressant et exaltant, m'avoué-je.

La fenêtre juste en face de la mienne, n'est autre que celle de la chambre de Zackary. Je me frotte les mains, laissant échapper un petit « yes » de satisfaction. Je suis à la fois heureuse et chamboulée, contente et attristée, optimiste ou tourmentée, par cette nouvelle situation, qui mérite que je me pose pour l'analyser. Mais comment pourrais-je le faire, quand je l'aperçois déambuler torse nu dans sa chambre. Zackary vient de retirer son tee-shirt. Il s'essuie le front avec. Je sens le rouge me monter aux joues, et je sursaute, quand l'horloge de l'entrée m'indique, qu'il est 15 h 30 en sonnant la demi-heure.

— Déjà ? remarqué-je.

Je n'ai, décidément pas vu le temps passer, que c'est déjà la sortie de la petite école. Elle se situe en bas de la rue, et elle constitue, une des attractions les plus importantes de ma journée, enfin jusqu'à aujourd'hui. Cette étape de la journée, me permet de voir qui est présent, comment ils sont habillés, qui a amené tel, ou telle enfant, en fonction des jours.

Je suis admirative envers ses parents qui quotidiennement, qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, ne manquent jamais à leur devoir. Une situation que je n'ai pas connue avec ma mère, elle n'a jamais pu m'amener à l'école.

Y penser à chaque fois me rend triste.

Mais, peut-on être triste d'une chose que l'on n'a jamais vécue, et que l'on ne vivra jamais ?

C'est une des nombreuses questions, à laquelle je n'aurai jamais de réponses. Et pour cause, je n'ai jamais connu ma mère. Elle est morte, le jour de ma naissance, et j'ai été tenue pour responsable de sa mort.

Ma sœur jumelle Zaïna, n'était, elle, en rien coupable.

L'accouchement s'était déroulé normalement avec la venue au monde de ma sœur vingt-six minutes avant moi. Puis tout avait basculé, au moment où je m'étais présentée, au moment où ma mère avait commencé à perdre beaucoup de sang, au moment où, malgré la césarienne pratiquer en urgence, ils n'avaient pas pu arrêter l'hémorragie, ni la sauver.

Je venais de naître, pourtant je côtoyais déjà la mort en perdant, celle qui m'avait offert la vie en sacrifiant la sienne.

Mon père en apprenant la nouvelle m'avait détesté dès le premier regard qu'il avait posé sur moi.

Moi... 

La plus petite des jumelles, j'avais survécu de peu, à cette tragédie. J'étais restée des jours entiers, seule en couveuse, à me battre pour ma survie.

Il ne m'aimait pas, et ne m'aimerait jamais, contrairement à ma sœur. Zaïna était sa petite fille chérie, son rayon de soleil. Pourtant, nous nous ressemblions comme deux gouttes d'eau, faisions la même taille, avions le même visage, les mêmes longs cheveux roux bouclés. J'étais juste plus fine, plus mince. Malgré tout ça, j'étais la seule à subir son courroux, ses regards haineux, ses remarques toutes plus blessantes, les unes que les autres, ainsi que tous les surnoms atroces, dont il m'avait affublé chaque jour un peu plus, pour me rabaisser, pour me blesser, pour me punir.

J'étais son punching-ball, son défouloir, le déversoir de sa colère. De sa tristesse d'avoir perdu ma mère. Elle était l'amour de sa vie, et il l'en avait été privé à cause de moi. Cependant, quand il croisait mes yeux, il était paumé à chaque fois.

C'était la seule vraie différence entre Zaïna et moi.

Les siens étaient d'une belle couleur ambrée, mais les miens avaient cette particularité d'être différents. On appelle ça : l'hétérochromie. En effet, un de mes yeux était exactement le même que celui de ma sœur tandis que l'autre était d'un vert profond.

J'avais les yeux vairons de ma mère, leur différence, leur particularité, leur intensité, et leur beauté. C'est ce qu'il avait répondu à Zaïna, quand ce jour-là, il n'était pas arrivé à me punir, alors qu'elle était particulièrement en colère après moi.

À cet instant, je m'étais sentie spéciale pour une fois, même si ça n'avait pas duré longtemps. La fureur de ma sœur, ayant remplacé, celle de mon père.

— La tuer ne t'a pas suffi ? me hurle-t-elle. Il a fallu que tu lui voles ses yeux, espèce de garce, je vais te les arracher de mes mains, avait-elle ajouté en me sautant dessus.

Mon père l'en avait empêché de justesse. 

Pendant des années, Zaïna m'avait obligé à porter des lunettes de soleil, en sa présence. Pour ne plus les affronter, pour ne plus les voir, pour ne plus souffrir de cette différence. Pour ne plus se rappeler, que j'avais hérité de ce que notre père avait aimé le plus chez notre mère.

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Mais tout ceci appartenait au passé, douloureux certes, mais je voulais croire en l'avenir. Je me sentais, quelque peu revivre dans cet appartement. Ce bourgeon de vie, je le devais, une nouvelle fois à ma mère. Elle nous avait légué, à ma sœur et à moi, ce bien, que nous avions reçu pour nos dix-huit ans, ainsi qu'une belle somme d'argent.

Le notaire nous avait expliqué, que cet argent était placé sur des comptes différents. Un était réservé à nos études supérieures, un autre pour faire face à la gestion et aux dépenses de l'appartement, et les deux derniers nous étaient réservés.

Notre mère avait tenu, à ce que le notaire nous aide à gérer cet argent, tout comme il l'avait fait avec elle, en son temps.

Quand il était parti, nous étions restées, pour le coup, muettes toutes les deux. Nous avions eu du mal à croire, que du jour au lendemain, notre mère avait changé nos vies.

Notre père n'était même pas au courant de cet héritage, ni du fait que notre mère avait possédé autant d'argent. Sa colère avait été à la hauteur de son ignorance. Mais celle-ci avait redoublé, quand sa fille chérie et bien aimée, lui avait annoncé, que nous acceptions l'héritage. Ainsi que, dès que les travaux de remise à neuf seraient terminés, nous irions y vivre, toutes les deux.

Ensemble.

Il n'avait pas voulu le croire, ni l'entendre, et avait clamé haut et fort, que le notaire avait forcément fait une erreur. Pourtant une lettre avait suffi. Une lettre que ma mère, dix-huit ans plus tôt, avait adressée au cabinet du notaire. Ma mère était consciente des risques, les avait acceptés en voulant, tout de même, de cette grossesse gémellaire, contre l'avis de son médecin. Elle n'en avait pas parlé à notre père, de peur qu'il ne veuille supprimer ces deux petits amours, qu'elle aimait déjà, plus que tout.

Qu'elle aimait plus que sa propre vie.





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😍 Bonne lecture à tous de mon histoire fantastique sur wattpad 😍

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🌸 Kty.auteure 🌸

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