21 : Une tasse de thé, un appartement et un fils-à-papa
Il a dit qu'il était fou de moi.
Je fixais le vague devant moi. Jamais on ne m'avait dit ça. Bon, peut-être une fois, mais il n'y avait pas toute cette sincérité, cette honnêteté, qu'avait eu le regard de Nathan en me le disant. Raison de plus pour partir en courant.
J'ai soupiré, et ai bu une gorgée de ma tasse de thé, sous l'œil bienveillant de Gretchen.
- Ça va mieux ?
- Pourquoi je suis aussi idiote ? ai-je lâché comme seule réponse en lui tendant la tasse.
Gretchen a fait son petit sourire en coin. Elle avait pitié de moi, ça se voyait comme un bouton sur le nez.
- Il doit me détester, ai-je continué.
- Ne dis pas ça...
J'ai enfoui ma tête dans l'oreiller que je serrais contre moi. Lorsque Nathan, alias "le mec de ma vie" - dixit Eliott - m'avait avoué qu'il tenait à moi, j'étais partie. Aussi lâchement que ça, j'étais partie, prétextant un rendez-vous avec un ancien ami.
J'étais vraiment pathétique, mais c'était ce qu'il fallait faire. Ça ne faisait pas de moi quelqu'un de moins pathétique, mais ça m'aidait à relativiser.
- Rappelle-moi pourquoi je suis comme ça ?
- Comme quoi ? Idiote ou amoureuse ?
- Idiotement amoureuse.
Elle a eu un petit rire, et a passé une main dans mes cheveux.
- Je ne peux pas t'expliquer, Lili. Mais ne t'inquiète pas, tu ressentiras bientôt les effets secondaires.
J'ai vivement relevé la tête vers Gretchen, ce qui m'a fait remarqué que j'avais salement taché mon oreiller de mascara.
- Quels effets secondaires ?
- Tu sais bien : les papillons dans le ventre, le cœur qui bat la chamade, ton corps qui devient tout bouillant alors qu'il ne fait que dix degrés dehors... Ce genre de choses super agréables.
- Ça n'a pas l'air agréable, je déteste avoir chaud.
- Oh, tu seras bouillonnante, crois-moi.
J'ai fait la moue. Je détestais être amoureuse ; et je détestais Nathan. Et Gretchen, et tous ces couples dégoutants qui arpentaient les rues pour seul but de rendre les célibataires désespérés jaloux. Or, je n'étais pas une célibataire désespérée : j'étais une célibataire fière. Et jamais je ne céderais aux caprices de ces petits couples mielleux qui donnaient envie de vomir.
J'ai poussé un long soupir de rage, ce qui a fait rire Gretchen. Ma situation avait l'air de l'amuser, en même temps, je devais ressembler à un déchet.
« Tu es tellement, tellement toi et c'est ça, ce qui me rend complètement fou de toi. »
- Pourquoi il m'a dit ça lui, aussi ?
- Parce qu'il avait envie d'exprimer ce qu'il ressent pour toi.
- Il ne pouvait pas le garder pour lui ? Est-ce que moi, je viens vers lui, je lui lâche « au fait ! je suis carrément amoureuse de toi mais chut ! c'est un secret » avant de me barrer en courant ? Non !
- C'est toi qui es partie.
- C'est pareil !
J'ai tapé du poing sur mon oreiller.
- C'est décidé : la prochaine fois que je le vois, je lui dis ce que je ressens, et on verra bien qui fera le malin après ça.
- Au moins, tu lui diras que tu l'aimes.
- C'est exactement ça. Comme ça au moins, je... mais qu'est-ce que je suis conne ! Si je lui dis, il voudra sûrement qu'on se mette ensemble.
- Et alors ?
- Et alors c'est une très mauvaise idée.
- Tu sais Lili, être en couple, ce n'est pas si horrible que ce que tu penses. Si vous vous aimez - et je ne doute pas de ce qu'il ressent pour toi - je ne vois pas pourquoi ça ne marcherait pas.
- Tu te rends compte que tu dis ça, à moi ?
Elle a soupiré, et a baissé le regard vers ma tasse de thé, posée sur ses genoux.
- Oui, oui je sais, a-t-elle soufflé. Mais tu devrais vraiment passer au-dessus et changer d'avis, Lili. Au moins essayer.
Je n'ai rien relevé. Elle a encore soupiré, et s'est levée du lit.
- Tu ne vas pas le finir ? m'a-t-elle demandé en désignant la tasse de thé.
- J'ai horreur de ça, tu le sais bien.
Elle a esquissé un sourire, puis s'est dirigée vers la porte de ma chambre après m'avoir rappelé de ne pas oublier de manger.
- Gretch ? l'ai-je appelé avant qu'elle ne parte.
Elle s'est retournée vers moi.
- En fait, je veux bien du thé.
Elle a poussé un soupir et est revenue à moi, ou elle a posé la tasse sur la table de chevet.
- Autre chose ? a-t-elle demandé ironiquement.
J'ai hoché la tête, et lui ai fait signe d'approcher. Elle a encore une fois soupiré, lassée, et s'est penchée vers moi. Je me suis redressée et l'ai prise dans mes bras.
- Merci pour tout ce que tu fais pour moi, Gretch, ai-je murmuré.
J'ai mis fin à notre étreinte, et ai ri en voyant Gretchen sourire, les yeux embués.
- Tu sais bien que je t'adore, pourquoi tu fais la surprise ? lui ai-je dit sur ton ironique.
Elle a haussé les épaules, a déposé un baiser sonore qui m'a fait rire et est sortie de la chambre, après m'avoir lancé que je pourrais toujours compter sur elle.
• • •
- On n'entend pas trop les voitures d'ici ?
Bien que j'avais décidé d'éviter Nathan le plus que je le pouvais, je lui avais envoyé un message pour qu'il m'envoie par mail les coordonnées des annonceurs pour mon peut-être futur appartement. Le miracle avait été que Nathan m'avait répondu, mais rien de plus. Même pas un « salut, voici les fiches des annonces en PJ, bonne visite ;-) », rien. Ça m'avait fait mal au cœur, mais j'étais vite passée à autre chose, imaginant qu'il devait être dans le même esprit que moi et cherchait à m'éviter à tout prix.
J'étais donc en train de visiter le premier appartement de la liste. Il était super, lumineux, avec même un petit balcon et une salle de bain avec une baignoire ; mais il était situé dans un immeuble - bien que sublime - sur l'une des routes les plus passantes de la ville.
- Il suffit juste de fermer les fenêtres, c'est du double-vitrage, on n'entend rien du tout, a affirmé le propriétaire en souriant, un trentenaire blond en polo et pull au-dessus des épaules. Essayez !
J'ai fermé la fenêtre. Effectivement, on n'entendait plus rien.
- Mais s'il fait chaud et que je dois ouvrir les fenêtres ?
- Vous avez la climatisation dans le séjour et dans la chambre.
J'ai lentement hoché la tête, faisant mine d'être impressionnée. J'étais une professionnelle de binge-watching des émissions avec Stéphane Plaza, et je savais là où il fallait pointer du doigt un élément qui n'allait pas. Mais le propriétaire avait réponse à tout, et je n'avais pas réellement pensé aux questions que j'aurais pu lui poser à part celle-ci.
- Dites, vous avez habité ici ? lui ai-je demandé.
- J'habite au quatrième, je loue simplement cet appartement. Je peux vous mettre en contact avec les anciens locataires, si vous le désirez.
Je lui ai offert mon plus beau sourire. Ça faisait beaucoup de nouveaux numéros en l'espace de quelques jours, donc beaucoup de possibilités de plans culs.
- Avec plaisir. J'aurais quelques questions à leur poser.
- D'ici là, il n'y en a pas qui vous viennent à l'esprit auxquelles je peux répondre ?
J'ai haussé les épaules.
- Il y en a bien une ou deux. Mais elles sont assez personnelles.
- Allez-y, je ne mords pas.
J'ai feins de rire, et lui ai posé la question qui brûlait mes lèvres depuis la première fois où j'avais posé les yeux sur lui.
- Comment êtes-vous devenu propriétaires ? Vous avez, quoi, trente-cinq ans ?
- En réalité, j'en ai vingt-neuf. Mais on me donne souvent plus que mon âge, a-t-il ajouté alors que je le fixais avec des yeux aussi gros que deux balles de golf. C'est un héritage de ma grand-mère, elle a pensé bon que je devienne directement le propriétaire au lieu de le donner à mes parents.
- Elle devait être friquée, ta grand-mère.
- Un peu, a-t-il dit en riant et en se grattant l'arrière de la nuque. C'était une personne brillante aussi, alors elle le méritait.
- C'est vrai qu'il existe des fils-à-papa qui ne le méritent pas, eux.
J'ai appuyé mon regard sur lui. Il a détourné le regard, gêné.
- J'ai une autre question.
- Oui ?
- Tu répondrais quoi, si ta probable future locataire te proposer une partie de jambe en l'air dans sa probable future cuisine équipée ?
Il a d'abord eu l'air surpris, puis il m'a lancé un regard empli de sous-entendus. J'ai roulé des yeux. Il ne m'avait pas l'air d'être un bon coup, mais il fallait à tout prix que je me change les idées pour arrêter de penser à Nathan. J'avais déjà proposé à Thomas, le frère de mon assistante, un petit jeune assez mignon, mais le gars avait une copine et m'avait fait un discours mémorable de dix minutes sur le fait de ne pas tromper sa copine, sous prétexte que son meilleur ami l'avait fait et qu'il le regrettait amèrement. Dix minutes, qu'on aurait pu passer d'une autre manière, mais le garçon avait été si emballé dans son sujet que je l'avais laissé parler tout seul, passant le temps sur Candy Crush. Ah, ces étudiants.
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