seconde nuit

Les muscles qui se tendent, la sueur qui perle sur les fronts, les cris, les mâchoires serrées, les mains qui parcourent les corps, les gémissements, les chuchotements, puis les sourires, les yeux dans les yeux, les orteils qui se crispent, elle s'accroche aux draps, lui à ses cuisses et puis des yeux se ferment, quelques je t'aime chuchotés, des lèvres s'effleurent et écran noir. C'est fini. Ça reste des flashs dans ma mémoire. Vingt-quatre images secondes multiplié par six mille. J'ai l'impression d'avoir tout vu, trop rapidement ; un peu comme quand on vit, trop rapidement. On prend le temps de rien. Même respirer est devenu un automatisme ; plus de miracle, plus que le quotidien.
Le bruit de la pluie contre les carreaux, c'est mon quotidien de parisien, le café trop amer, c'est mon quotidien de parisien, les bousculades dans le métro, c'est mon quotidien de parisien, la mauvaise station, c'est mon quotidien de parisien, les cigarettes qui brûlent la gorge, c'est mon quotidien de parisien. Parfois j'aimerais être un peu moins parisien et un peu plus humain.

Cette nuit-là, je pense trop.
Envie de tout, de rien, d'entre-deux, d'à peu près. Puis j'repense aux choses anodines qui me sont arrivés y'a des années ; si j'avais tenu la porte à cette fille à la boulangerie, on serait ensemble ? Si j'avais révisé pour le bac, j'serai informaticien maintenant ? Si je m'étais fait renversé, je serai en paix ?
Parfois la seule chose qu'on voudrait faire, c'est hurler. Moi, j'rigole bien quand je vois ces lycéens, ces pseudos-dépressifs qui se donnent un genre en écrivant des « écrire, c'est hurler en silence ». T'sais pas ce que c'est que d'hurler en silence.
C'est quand t'es dans le métro, l'matin à sept heures du mat' et que t'as envie de te fracasser le crâne contre la barre en fer. C'est quand, dans la foule, la seule chose que t'aimerais faire, c'est t'allonger par terre et te laisser piétiner jusqu'à en crever. C'est surfer sur des sites internet pour trouver la manière la plus rapide de te suicider. Hurler en silence, bordel de merde, c'est voir son corps se détériorer sous ses yeux et toujours réussir à se regarder dans le miroir. Hurler en silence, c'est prier pour tomber gravement malade. Hurler en silence, c'est vouloir que les gens te remarquent, pas que les gens t'oublient, c'est vouloir que les gens te voient crever et que toi tu jubiles en sachant qu'ils ne pourront rien faire.
Hurler en silence, ce n'est pas appeler à l'aide. C'est attirer l'attention sur tes pulsions macabres, sur tes envies de tourner les gaz, d'te faire sauter la cervelle. C'est malsain, c'est pervers, c'est vouloir être regardé dans ta forme la plus laide, c'est avoir envie que les gens découvrent le mauvais côté de l'être humain, putain, c'est ça.

T'sais pas ce que c'est, toi, de vivre en crevant. De se détester à un tel point que t'enlèves tous les miroirs de ton appart'. De même plus regarder ton image dans le reflet des vitrines. De garder la tête baissée, partout où tu vas, peu importe ce que tu fais.
Tu crois savoir, c'est ça la nuance. T'as beau dire que tu t'aimes pas, tu prends des milliers de selfies, tu passes ton temps à embrasser ton reflet, t'es toujours en train de demander « c'est bon mes cheveux, là ? »
Ouais, c'est bon, là, t'as l'air clean, tout beau, tout propre, tout bien sur toi.
Tu sais ce que ça fait la fumée de la clope qui te brûle la gorge, parce que, putain, c'est ton deuxième paquet de la journée ! Tu sais ce que ça fait de se sentir tellement mal à l'aise que t'as ber-gé. Non, tu sais pas ça toi. Mais tes cheveux sont biens là, je t'assure.

Regarde les miens.

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