Depuis plus d'une semaine, un petit sapin de la célèbre fête de Noël trône au milieu du salon. Quelques guirlandes s'accrochaient tant bien que mal à ses petites branches, laissant peu de place aux boules enneigées. Ethan avait accroché quelques stickers en forme de magnifiques flocons de neige. L'appartement était plongé dans la magie de l'hiver.

  Mon colocataire désirait préparer un fabuleux repas alors nous étions en train de cuisiner. Nos mains s'effleuraient sans cesse, nos regards se croisaient et nos mouvements étaient rythmés par la musique que nous avions enclenchée. Pumped Up Kicks de Foster The People tournait calmement sur le tourne-disque. Une ambiance très chaleureuse régnait dans l'habitat, souvent accompagnée de rires joyeux.

  Soudain, Ethan renversa de manière involontaire d'infimes gouttes d'eau sur moi. Mais, prise d'une idée folle, je pris le verre d'eau à côté de moi et en lançait des dizaines de grosses gouttes sur mon colocataire. Je savais bien que son geste n'avait pas été intentionnel mais je souhaitais m'amuser un peu.

  - Eh !s'exclama-t-il en faisant mine d'être outré. Tu vas payer pour ce que tu viens de faire !

  Accompagnant le geste à la parole, il prit une bouteille pleine et m'en jeta l'équivalent de trois verres bien remplis. Alors débuta une incroyable bataille d'eau qui ne s'acheva qu'une demi-heure plus tard. Nos vêtements étaient trempés mais nos rires ne cessèrent de fuser.

  Tout à coup, Ethan fondit sur moi et me prit dans ses bras, sachant pertinemment que je n'avais aucune envie qu'il m'enlace avec son corps mouillé, même si le mien l'était également.

  - Ethan, non ! S'il te plaît, ne fais pas ça !tentai-je de le menacer.

  En vain. Il me faisait de plus en plus reculer puis je fus coincée dos au mur. Le sourire de mon ami était gigantesque et la jubilation se lisait sur son visage d'ordinaire si doux.

  - Je t'avais dit que j'allais te faire payer ce que tu m'as fait, tu ne peux prétendre que je ne t'ai pas prévenue.

  Alors son corps s'approcha plus et se colla au mien. Je fus soulevée de terre. Le rire d'Ethan ne dépassait guère mes cris mais était si bienveillant que je l'entendais malgré tout.

  Subitement une sonnerie stridente retentit. Le minuteur. Ethan me déposa au sol et se dirigea vers le four. Il en sortit le poulet rôti que nous avions préparé ensemble, accompagné de riz et d'une sauce onctueuse. Nous nous mettons alors à table.

  Le repas se déroula sans encombre, dans une harmonie quasiment parfaite. Le dessert terminé, Ethan se précipita pour ramener les couverts sales vers la cuisine. Que lui arrive-t-il ?

  Deux minutes plus tard, il revint avec un large sourire aux lèvres, les yeux pétillants d'excitation. J'avais compris. L'impatience d'ouvrir les cadeaux le démangeait. Alors j'allais exaucer ses vœux.

  - On va ouvrir les cadeaux ? proposai-je innocemment.

  - Oui !s'écria-t-il vraiment heureux.

  Le visage d'un enfant émerveillé par les fêtes de fin d'année avait pris place sur le faciès d'ordinaire sérieux mais souriant d'Ethan. Il se dirigea alors à toute vitesse vers le petit arbuste posté dans le salon et les quelques cadeaux déposés dessous discrètement.

  - Ouvre ton cadeau en premier, cela me fait plaisir, assurai-je à mon ami.

  - C'est vrai ? Merci !

  Il prit alors le paquet qui lui était destiné et l'ouvrit délicatement afin de ne pas l'abîmer. Lorsque ses yeux découvrirent son contenu, ils s'écarquillèrent de surprise et de joie. Une pochette de vinyle se trouvait dans l'emballage rouge écarlate. Le disque est un album des Daft Punk, les rois de l'électro, il se nomme Homework, l'un des premiers et probablement l'un des meilleurs malgré le fait que presque la totalité de leurs albums soient géniaux.

  - Oh Laura, c'est tellement gentil. J'adore ce cadeau !déclara-t-il en me baisant la joue en guise de remerciement. J'ai deux cadeaux pour toi, ouvre-les.

  Je pris alors le premier paquet qui me tomba sous la main et le déballai doucement. Dix années se sont écoulées sans que je ne reçoive de cadeaux à Noël. J'appréhendais ce moment qui est si magique.

  Peu à peu, le cadeau se délivra de son emballage et me dévoila son identité. Ibanez. Je n'en croyais pas mes yeux, Ethan m'avait offert une guitare électrique Ibanez ! C'était incroyable ! Jamais on ne m'avait offert de si beau cadeau de toute ma vie.

  Je revenais soudain à la réalité et m'imaginais la somme que cet instrument avait dû faire dépenser. Je ne méritais pas un cadeau si sublime. Mais le plaisir dépassa ma conscience et me poussa à me jeter dans les bras d'Ethan. Il fut d'abord surpris mais me rattrapa au dernier moment. Un nouveau rire s'échappa de ses lèvres. Je lui murmurai un faible remerciement, gênée par ce gigantesque don.

  Je me souvins alors qu'il voulait m'offrir un second cadeau. Mais lorsque je n'aperçus plus rien sous le sapin, je ne compris pas.

  - Si tu cherches ton deuxième cadeau, le voici...

  Tout à coup, son visage se rapprocha du mien et ses lèvres effleurèrent doucement les miennes. Surprise, je restais paralysée. Mais lorsqu'il tente d'approfondir ce baiser, je me décidais à y répondre. Je lui rendis plusieurs fois ses tendres baisers. Ses mains descendirent sur mes reins et collèrent son corps au mien. Nous ne pouvions plus cesser de dévorer les lèvres de l'autre, bien trop amoureux de leur goût.

  Néanmoins, ce fabuleux baiser fut interrompu par notre besoin d'oxygène. Nos respirations étaient saccadées et se rencontraient maintes et maintes fois. Nos fronts ne désiraient point se séparer. Mes mains s'étaient glissées autour de son cou et se promenaient dans sa chevelure brune.

  À nouveau, ses lèvres déposèrent un tendre baiser sur les miennes puis se retirèrent pour prononcer des paroles auxquelles je ne m'attendais aucunement.

  - Je t'aime, Laura.

  Mon premier instinct fut de murmurer des mots que je n'avais jamais annoncés auparavant.

  - Je t'aime, Ethan.

  Alors, sa bouche se scella de nouveau à la mienne. Ces baisers furent échangés durant deux minutes avant qu'Ethan ne me fit reculer pour me basculer sur le canapé. Son corps se positionna au-dessus du mien et nos lèvres se rencontrèrent. Mes doigts se promenaient sous son tee-shirt jusqu'au moment où je décidais de le lui ôter. Son torse se dévoila alors sous mes yeux.

  Mais lorsque sa main entra en contact de ma peau sous mon haut, je me raidis. Je venais de vivre mon premier baiser ainsi que le meilleur Noël de toute ma vie en seulement une soirée. Mes émotions n'étaient jamais arrivées à un point si haut sur l'échelle du bonheur. Étais-je prête à vivre également ma première fois avec un homme ?

  Ce soir est le moment des premières fois. Qu'avais-je à perdre ? Rien. Seulement tout à y gagner. J'étais amoureuse d'Ethan, lui l'était de moi. Où pouvait être le problème ? Nulle part, aucun problème n'existait.

  Aujourd'hui, en ce 24 décembre 2016, je me livrais à l'homme dont je suis tombée amoureuse à peine quelques semaines plus tôt. Autrefois, je ne connaissais point la signification du mot « amour », ou même « bonheur »; seulement « chagrin » et « solitude » m'étaient familiers. Seule ma musique me permettait de garder légèrement la tête hors de l'eau.

  Quelques semaines plus tôt, j'appréhendais chaque jour de sombrer au fond du gouffre. La survie dans ce monde sans pitié est si rude que tenter de vivre n'était qu'une vague idée cachée dans un coin sombre de mon esprit. Se contenter de vivre plutôt que de survivre m'était inconnu jusqu'alors.

  Jamais au grand jamais, mon cœur n'aurait prévu qu'il rencontrerait sa moitié. Il pensait errer seul jusqu'au moment où ses battements cesseront et que mon corps se videra de toutes formes de vie.

  Un être a su rallumer la flamme qui s'éteignait au fond de moi. Un être a su redonner des couleurs à une vie si obscure et si fade. Un être a su donner l'amour à une créature perdue au milieu de sa tristesse. Cet être a eu le don de vivre et non d'exister sur ce pauvre monde, et de se servir de son âme pour créer à nouveau des étincelles au plus profond d'un cœur chagriné. Cet être semblait inexistant,inaccessible mais paraissait tout de même régner sur cette Terre si vaste. Et cet être, je pus apercevoir le miracle de le rencontrer. Cet être n'était autre que l'homme dont mon cœur ne savait se séparer, l'homme dont mes yeux étaient attirés, l'homme dont le nom n'était autre qu'Ethan Villiers.